Texte intégral
J.-M. Dhuez - Avant d'aborder l'actualité économique et politique, si vous voulez bien, cette affaire des 351 ftus et corps d'enfants mort-nés qui ont été découverts à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris ; êtes-vous choqué par cette découverte ?
R - Oui, elle inspire un profond malaise. Comment des ftus ont-ils pu être ainsi gardé, à l'insu des responsables administratifs, peut-être même des médecins ? Une enquête, je crois, est diligentée, elle est absolument indispensable. Des fautes ont visiblement été commises et il faut tout savoir, tout connaître de ce qui est aujourd'hui une affaire dans un hôpital - peut-être que dans d'autres [hôpitaux], des phénomènes identiques peuvent être observés ? Nous devons tout savoir. Je crois que quand les Français apprennent des affaires comme celle-là, ne comprennent pas comment des procédures ne puissent pas être respectées.
Q - P. Pelloux, le patron des urgentistes, dit qu'il faut que des têtes tombent. C'est aussi votre avis ? Il faut faire le ménage au sein de l'administration ?
R - Il faut savoir - il y a une enquête dans cet hôpital - qui a décidé de maintenir ces ftus alors que la loi - nous ne sommes pas devant un vide juridique, des textes ont été votés...
Q - Notamment la loi sur la bioéthique en 1994...
R - La loi sur la bioéthique, il y a aussi une loi de 1993, justement sur les ftus. Donc, il y a, non pas un vide juridique, il y a un cadre juridique. Donc, il faut savoir pourquoi ce cadre juridique n'a pas été respecté dans cet hôpital. J'espère que cela restera dans ce strict lieu de l'hôpital, qu'il n'y aura pas d'autres phénomènes qui pourront être observés ailleurs. Donc, il faut absolument que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur et sa vigueur.
Q - Mais c'est peut-être un cadre juridique qu'il faut revoir, parce qu'apparemment, les médecins, les professeurs interrogés sur cette affaire ne semblent pas particulièrement surpris. C'est vrai que l'on garde toujours des organes, des foetus à des fins de recherche par exemple. Est-ce qu'il ne faut pas mieux encadrer cela et revoir un peu les textes qui existent ?
R - Il faut se méfier. A chaque fois qu'il y a une affaire, on veut changer la loi. Ce qu'il faut se poser comme question, c'est pourquoi la loi n'a pas été appliquée. Donc avant de dire qu'il y a des incertitudes, des imprécisions, il faut respecter strictement les textes de la République, puisqu'ils sont justement faits pour traiter cette situation. Donc, je crois qu'il y a peut-être des corrections à opérer - l'enquête le dira -, mais il faut surtout, que l'on applique les textes.
Q - Pas de grand ménage, donc... Les ordonnances du plan d'urgence pour l'emploi ont été adoptées hier en Conseil des ministres, essentiellement, le contrat "nouvelles embauches", pour les entreprises de moins de vingt salariés. D. de Villepin, le Premier ministre, affirme que les outils sont en place pour déclencher une dynamique nouvelle sur le marché du travail ; est-ce votre avis ?
R - Les outils sont en place pour déclencher une précarité nouvelle...
Q - Pourquoi ?
R - Parce que nous avons maintenant, hélas, un nouveau contrat de travail qui permet à l'employeur de moins de vingt salariés, de licencier sans motif et pendant deux ans son salarié.
Q - Il y a quand même un préavis d'un mois, il y a des indemnités...
R - Un préavis, des indemnités, c'est bien le moins ! Mais il n'y a plus de motif au licenciement et il peut intervenir dans le délai de deux ans. A partir de là, des employeurs, et c'est d'ailleurs bien normal, vont, au lieu de recruter avec des contrats à durée indéterminée ou des CDD, utiliser ces formules. Est-ce qu'il y aura, première question, des embauches nouvelles ? Non ! Il y a aura l'utilisation de formules nouvelles. Deuxièmement, est-ce que ces employeurs, parce qu'il y a plus de flexibilité, recruteront davantage ? Non, ce qu'ils feraient, s'il y avait plus d'activité, ce serait effectivement de recruter davantage. Mais dès lors que nous sommes dans un contexte de croissance ralenti...
Q - Que faudrait-il faire pour les inciter à recruter ?
R - La première chose qu'il y a faire, c'est de relancer la croissance. Le Gouvernement - c'était N. Sarkozy qui était ministre de l'Economie et des Finances à cette époque, ce n'est pas si loin, c'était il y a exactement six mois - avait prévu un taux de croissance de 2,5 % ; nous sommes à 1,5 % pour l'année 2005...
Q - D. de Villepin espère peut-être 2 %, il l'a dit hier matin sur Europe 1.
R - Il "espère" ! On ne demande pas à un Premier ministre d'espérer, on lui demande d'agir. Que fait-il pour relancer la croissance ? Rien sur le pouvoir d'achat ! Or c'est bien la consommation qui fait problème ! Rien sur l'investissement, or c'est bien l'investissement productif qui ne redémarre pas. Nous avons aussi un déficit de la balance commerciale, pour la première fois depuis quinze ans à ce niveau. Là aussi, nos exportations sont fragilisées. A partir de là, nous avons un gouvernement qui, parce qu'il ne peut pas relancer la croissance, parce qu'il ne veut pas relancer la croissance, utilise des formules qui vont accroître la précarité sans relancer l'embauche.
Q - Selon vous, cela ne créera pas de nouveaux emplois. Les syndicats sont évidemment sur la même ligne que vous. Ils annoncent une rentrée avec manifestations et peut-être des grèves. Allez-vous les soutenir ? Est-ce que la rentrée sera chaude ?
R - C'est aux salariés eux-mêmes d'en décider et aux syndicats de trouver les bonnes façons de marquer, effectivement, le mécontentement. Parce qu'il y a de quoi ! Il y a un mécontentement sur la méthode : les syndicats - rendez-vous compte ! - n'ont même pas été concertés sur un dispositif qui change le droit du travail ! Une loi avait même été votée par le précédent gouvernement Raffarin sur le dialogue social, et cette fois, elle n'a même pas été mise en uvre pour avancer de nouvelles propositions en matière de droit du travail. Deuxièmement, il y a un mécontentement par rapport à la situation sociale : le chômage reste à un niveau élevé, le pouvoir d'achat est en berne, il y a effectivement des inquiétudes qui s'expriment aussi sur les services publics...
Q - Mais est-ce que vous soutiendrez s'il y a des appels à la grève ?
R - Bien sûr que nous ne voulons pas qu'il y ait des conflits sociaux. Aucun responsable politique ne souhaite, pour son pays, qu'il y ait des contestations, des grèves et des manifestations. Mais en même temps, lorsqu'il y a un gouvernement qui n'écoute pas le Parlement - puisque le Parlement a été dessaisi, ce sont des ordonnances qui ont été prises -, qui n'écoute pas les partenaires sociaux, puisque les syndicats n'ont pas été consultés, il faut bien qu'à un moment s'exprime aussi l'opinion des Français. J'espère qu'elle s'exprimera au moment des élections, en 2007. Avant, effectivement, le Gouvernement a pris un grave risque - et je crois qu'il faut le mettre en garde -, c'est d'ouvrir des conflits sociaux à la rentrée.
Q - Et vous ne serez pas absents ?
R - Nous serons, nous, dans notre rôle. Ce n'est pas nous qui organisons les conflits sociaux. Nous, nous serons dans l'opposition, en responsabilité, c'est-à-dire en demandant au Gouvernement d'écouter et, deuxièmement, en faisant des propositions.
Q - Autre grand dossier du moment, ce sont les privatisations des sociétés d'exploitation des autoroutes. Apparemment, D. de Villepin, T. Breton également, se sont voulus rassurants et sont beaucoup intervenus pour expliquer. Et même le Premier ministre serait prêt maintenant à rendre compte, à l'automne, devant le Parlement. Est-ce que cela vous rassure effectivement ?
R - Mais il est temps ! S'il n'y avait pas eu, pas simplement de la part de l'opposition, mais aussi d'une partie de la majorité...
Q - F. Bayrou, par exemple...
R - Oui, mais pas seulement, y compris à l'UMP. Donc, c'est vous dire combien l'émotion était grande, puisque le Gouvernement avait prévu de privatiser les autoroutes, là encore sans saisir le Parlement, en manquant à toutes les règles de transparence et en faisant en sorte - et c'est quand même le pire pour les Français qui nous écoutent - de brader le patrimoine public, puisque les procédures de marché ne sont même pas respectées, c'est-à-dire que l'on n'ouvre même pas à l'ensemble des épargnants. A partir de là, c'est une mauvaise décision - je ne suis pas favorable à la privatisation des autoroutes -, c'est une mauvaise méthode - on prive le Parlement de toute information et de toute transparence - et enfin, c'est une mauvaise procédure, puisqu'il y a une vente uniquement aux grandes entreprises et pas une ouverture à l'ensemble du marché, ce qui veut dire que le patrimoine public sera bradé. A partir de là, il était normal qu'il y ait cette mobilisation. Le Gouvernement vient enfin de dire que le Parlement serait informé, mais cela ne suffit pas ! Il faut remettre en cause, et cette décision et cette procédure, et le Parlement doit être effectivement saisi à la rentrée.
Q - Dans trois mois et demi, il y aura un grand rendez-vous pour le Parti socialiste, le 18 novembre au Mans : le congrès du PS. Vous voulez construire un "nouvel âge du socialisme". Qu'est-ce que c'est exactement ? Est-ce, par exemple, moins de résignation face au libéralisme, comme vous en accuse L. Fabius ?
R - Je crois que quand on a une situation comme celle que l'on vient de décrire, c'est-à-dire un pays qui va mal, qui s'interroge, qui se pose des problèmes par rapport à son avenir...
Q - Le PS non plus ne va pas très bien depuis le référendum...
R - ...Et on l'a vu encore justement à l'occasion du référendum, où il y a eu des expressions qui étaient celles d'un grand malaise. A partir de là, les socialistes, dans toute leur diversité, doivent faire preuve, à mon sens, d'une grande responsabilité, d'une grande exigence, parce que c'est à eux que revient la tâche de préparer l'alternance. Je leur ai donc fixé trois principes : il faut être épris de volonté, parce qu'il faut effectivement montrer que par rapport au libéralisme, il y a une autre voie possible et donner priorité à l'éducation, à la formation, à la recherche, à la protection de l'environnement, bref à tout ce qui a trait à la préparation de l'avenir. Il faut aussi faire preuve de vérité, il faut dire la vérité aux Français, il ne faut pas les payer de mots, il ne faut pas les illusionner sur ce que l'on pourrait faire en quelques mois ou en quelques jours. Cela relève de la pire façon de faire de la politique. Et enfin, il faut que les socialistes soient capables de montrer leur unité. Et si on n'est pas capables d'unité, on ne peut pas rassembler son pays.
Q - Et vous faites l'unanimité au sein du PS ?
R - Nous le verrons bien ! Nous sommes dans un parti démocratique, ce sont les militants qui décident, qui votent et ce sont eux qui s'expriment.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 9 août 2005)
R - Oui, elle inspire un profond malaise. Comment des ftus ont-ils pu être ainsi gardé, à l'insu des responsables administratifs, peut-être même des médecins ? Une enquête, je crois, est diligentée, elle est absolument indispensable. Des fautes ont visiblement été commises et il faut tout savoir, tout connaître de ce qui est aujourd'hui une affaire dans un hôpital - peut-être que dans d'autres [hôpitaux], des phénomènes identiques peuvent être observés ? Nous devons tout savoir. Je crois que quand les Français apprennent des affaires comme celle-là, ne comprennent pas comment des procédures ne puissent pas être respectées.
Q - P. Pelloux, le patron des urgentistes, dit qu'il faut que des têtes tombent. C'est aussi votre avis ? Il faut faire le ménage au sein de l'administration ?
R - Il faut savoir - il y a une enquête dans cet hôpital - qui a décidé de maintenir ces ftus alors que la loi - nous ne sommes pas devant un vide juridique, des textes ont été votés...
Q - Notamment la loi sur la bioéthique en 1994...
R - La loi sur la bioéthique, il y a aussi une loi de 1993, justement sur les ftus. Donc, il y a, non pas un vide juridique, il y a un cadre juridique. Donc, il faut savoir pourquoi ce cadre juridique n'a pas été respecté dans cet hôpital. J'espère que cela restera dans ce strict lieu de l'hôpital, qu'il n'y aura pas d'autres phénomènes qui pourront être observés ailleurs. Donc, il faut absolument que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur et sa vigueur.
Q - Mais c'est peut-être un cadre juridique qu'il faut revoir, parce qu'apparemment, les médecins, les professeurs interrogés sur cette affaire ne semblent pas particulièrement surpris. C'est vrai que l'on garde toujours des organes, des foetus à des fins de recherche par exemple. Est-ce qu'il ne faut pas mieux encadrer cela et revoir un peu les textes qui existent ?
R - Il faut se méfier. A chaque fois qu'il y a une affaire, on veut changer la loi. Ce qu'il faut se poser comme question, c'est pourquoi la loi n'a pas été appliquée. Donc avant de dire qu'il y a des incertitudes, des imprécisions, il faut respecter strictement les textes de la République, puisqu'ils sont justement faits pour traiter cette situation. Donc, je crois qu'il y a peut-être des corrections à opérer - l'enquête le dira -, mais il faut surtout, que l'on applique les textes.
Q - Pas de grand ménage, donc... Les ordonnances du plan d'urgence pour l'emploi ont été adoptées hier en Conseil des ministres, essentiellement, le contrat "nouvelles embauches", pour les entreprises de moins de vingt salariés. D. de Villepin, le Premier ministre, affirme que les outils sont en place pour déclencher une dynamique nouvelle sur le marché du travail ; est-ce votre avis ?
R - Les outils sont en place pour déclencher une précarité nouvelle...
Q - Pourquoi ?
R - Parce que nous avons maintenant, hélas, un nouveau contrat de travail qui permet à l'employeur de moins de vingt salariés, de licencier sans motif et pendant deux ans son salarié.
Q - Il y a quand même un préavis d'un mois, il y a des indemnités...
R - Un préavis, des indemnités, c'est bien le moins ! Mais il n'y a plus de motif au licenciement et il peut intervenir dans le délai de deux ans. A partir de là, des employeurs, et c'est d'ailleurs bien normal, vont, au lieu de recruter avec des contrats à durée indéterminée ou des CDD, utiliser ces formules. Est-ce qu'il y aura, première question, des embauches nouvelles ? Non ! Il y a aura l'utilisation de formules nouvelles. Deuxièmement, est-ce que ces employeurs, parce qu'il y a plus de flexibilité, recruteront davantage ? Non, ce qu'ils feraient, s'il y avait plus d'activité, ce serait effectivement de recruter davantage. Mais dès lors que nous sommes dans un contexte de croissance ralenti...
Q - Que faudrait-il faire pour les inciter à recruter ?
R - La première chose qu'il y a faire, c'est de relancer la croissance. Le Gouvernement - c'était N. Sarkozy qui était ministre de l'Economie et des Finances à cette époque, ce n'est pas si loin, c'était il y a exactement six mois - avait prévu un taux de croissance de 2,5 % ; nous sommes à 1,5 % pour l'année 2005...
Q - D. de Villepin espère peut-être 2 %, il l'a dit hier matin sur Europe 1.
R - Il "espère" ! On ne demande pas à un Premier ministre d'espérer, on lui demande d'agir. Que fait-il pour relancer la croissance ? Rien sur le pouvoir d'achat ! Or c'est bien la consommation qui fait problème ! Rien sur l'investissement, or c'est bien l'investissement productif qui ne redémarre pas. Nous avons aussi un déficit de la balance commerciale, pour la première fois depuis quinze ans à ce niveau. Là aussi, nos exportations sont fragilisées. A partir de là, nous avons un gouvernement qui, parce qu'il ne peut pas relancer la croissance, parce qu'il ne veut pas relancer la croissance, utilise des formules qui vont accroître la précarité sans relancer l'embauche.
Q - Selon vous, cela ne créera pas de nouveaux emplois. Les syndicats sont évidemment sur la même ligne que vous. Ils annoncent une rentrée avec manifestations et peut-être des grèves. Allez-vous les soutenir ? Est-ce que la rentrée sera chaude ?
R - C'est aux salariés eux-mêmes d'en décider et aux syndicats de trouver les bonnes façons de marquer, effectivement, le mécontentement. Parce qu'il y a de quoi ! Il y a un mécontentement sur la méthode : les syndicats - rendez-vous compte ! - n'ont même pas été concertés sur un dispositif qui change le droit du travail ! Une loi avait même été votée par le précédent gouvernement Raffarin sur le dialogue social, et cette fois, elle n'a même pas été mise en uvre pour avancer de nouvelles propositions en matière de droit du travail. Deuxièmement, il y a un mécontentement par rapport à la situation sociale : le chômage reste à un niveau élevé, le pouvoir d'achat est en berne, il y a effectivement des inquiétudes qui s'expriment aussi sur les services publics...
Q - Mais est-ce que vous soutiendrez s'il y a des appels à la grève ?
R - Bien sûr que nous ne voulons pas qu'il y ait des conflits sociaux. Aucun responsable politique ne souhaite, pour son pays, qu'il y ait des contestations, des grèves et des manifestations. Mais en même temps, lorsqu'il y a un gouvernement qui n'écoute pas le Parlement - puisque le Parlement a été dessaisi, ce sont des ordonnances qui ont été prises -, qui n'écoute pas les partenaires sociaux, puisque les syndicats n'ont pas été consultés, il faut bien qu'à un moment s'exprime aussi l'opinion des Français. J'espère qu'elle s'exprimera au moment des élections, en 2007. Avant, effectivement, le Gouvernement a pris un grave risque - et je crois qu'il faut le mettre en garde -, c'est d'ouvrir des conflits sociaux à la rentrée.
Q - Et vous ne serez pas absents ?
R - Nous serons, nous, dans notre rôle. Ce n'est pas nous qui organisons les conflits sociaux. Nous, nous serons dans l'opposition, en responsabilité, c'est-à-dire en demandant au Gouvernement d'écouter et, deuxièmement, en faisant des propositions.
Q - Autre grand dossier du moment, ce sont les privatisations des sociétés d'exploitation des autoroutes. Apparemment, D. de Villepin, T. Breton également, se sont voulus rassurants et sont beaucoup intervenus pour expliquer. Et même le Premier ministre serait prêt maintenant à rendre compte, à l'automne, devant le Parlement. Est-ce que cela vous rassure effectivement ?
R - Mais il est temps ! S'il n'y avait pas eu, pas simplement de la part de l'opposition, mais aussi d'une partie de la majorité...
Q - F. Bayrou, par exemple...
R - Oui, mais pas seulement, y compris à l'UMP. Donc, c'est vous dire combien l'émotion était grande, puisque le Gouvernement avait prévu de privatiser les autoroutes, là encore sans saisir le Parlement, en manquant à toutes les règles de transparence et en faisant en sorte - et c'est quand même le pire pour les Français qui nous écoutent - de brader le patrimoine public, puisque les procédures de marché ne sont même pas respectées, c'est-à-dire que l'on n'ouvre même pas à l'ensemble des épargnants. A partir de là, c'est une mauvaise décision - je ne suis pas favorable à la privatisation des autoroutes -, c'est une mauvaise méthode - on prive le Parlement de toute information et de toute transparence - et enfin, c'est une mauvaise procédure, puisqu'il y a une vente uniquement aux grandes entreprises et pas une ouverture à l'ensemble du marché, ce qui veut dire que le patrimoine public sera bradé. A partir de là, il était normal qu'il y ait cette mobilisation. Le Gouvernement vient enfin de dire que le Parlement serait informé, mais cela ne suffit pas ! Il faut remettre en cause, et cette décision et cette procédure, et le Parlement doit être effectivement saisi à la rentrée.
Q - Dans trois mois et demi, il y aura un grand rendez-vous pour le Parti socialiste, le 18 novembre au Mans : le congrès du PS. Vous voulez construire un "nouvel âge du socialisme". Qu'est-ce que c'est exactement ? Est-ce, par exemple, moins de résignation face au libéralisme, comme vous en accuse L. Fabius ?
R - Je crois que quand on a une situation comme celle que l'on vient de décrire, c'est-à-dire un pays qui va mal, qui s'interroge, qui se pose des problèmes par rapport à son avenir...
Q - Le PS non plus ne va pas très bien depuis le référendum...
R - ...Et on l'a vu encore justement à l'occasion du référendum, où il y a eu des expressions qui étaient celles d'un grand malaise. A partir de là, les socialistes, dans toute leur diversité, doivent faire preuve, à mon sens, d'une grande responsabilité, d'une grande exigence, parce que c'est à eux que revient la tâche de préparer l'alternance. Je leur ai donc fixé trois principes : il faut être épris de volonté, parce qu'il faut effectivement montrer que par rapport au libéralisme, il y a une autre voie possible et donner priorité à l'éducation, à la formation, à la recherche, à la protection de l'environnement, bref à tout ce qui a trait à la préparation de l'avenir. Il faut aussi faire preuve de vérité, il faut dire la vérité aux Français, il ne faut pas les payer de mots, il ne faut pas les illusionner sur ce que l'on pourrait faire en quelques mois ou en quelques jours. Cela relève de la pire façon de faire de la politique. Et enfin, il faut que les socialistes soient capables de montrer leur unité. Et si on n'est pas capables d'unité, on ne peut pas rassembler son pays.
Q - Et vous faites l'unanimité au sein du PS ?
R - Nous le verrons bien ! Nous sommes dans un parti démocratique, ce sont les militants qui décident, qui votent et ce sont eux qui s'expriment.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 9 août 2005)