Texte intégral
Q - François Bayrou, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Pendant tout cet été vous avez critiqué la plupart des décisions du Gouvernement : la privatisation des autoroutes, la suppression de lignes SNCF, les contrats " Nouvelle embauche ", Si l'on vous dit ce soir que vous êtes le premier opposant du gouvernement, cela vous flatte ou cela vous agace ?
R - Il faut bien que quelqu'un ose dire non quand les décisions ne vont pas dans le bon sens. Et quand j'affirme que les décisions ne vont pas dans le bon sens, je le fais dans la pleine ligne de vote et de décisions qui ont été prises il y a à peine quelques mois. Je pense par exemple à la privatisation des autoroutes. Pendant l'été on a voulu faire cela, naturellement, en catimini, sans que personne ne s'en aperçoive. Or, il y a à peine six mois, la majorité, l'Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement - les ministres actuels étaient membres de ce Gouvernement - ont décidé tous ensemble qu'il ne serait pas bien de privatiser les autoroutes et qu'au contraire on allait se servir des rentrées très importantes - 30 milliards d'Euros - que les autoroutes nous préparent pour les années qui viennent quand elles seront amorties, pour financer l'ensemble des équipements de transport public de France. On a décidé cela il y a à peine quelques mois. Le Gouvernement change d'avis sans en avertir personne,
Q - Il en a informé le Parlement
R - Monsieur Hugues, le Parlement n'est pas un lieu qu'on informe. Ce sont les représentants des Français qui les ont élus pour porter leurs attentes et leurs exigences et ces sociétés d'autoroutes appartiennent aux Français. C'est eux qui les ont payées et donc je dis que le Gouvernement n'a pas le droit, par la loi et dans une démocratie normale, de décider cela tout seul, au creux de l'été. Et si nous n'étions pas là pour le dire, qui l'aurait dit ?
Q - Peut-être le Parti socialiste ?
R - Vous avez entendu le silence du Parti socialiste
Q - Donc vous recherchez cette posture de l'opposant
R - Non, je cherche la cohérence.
Q - Mais elle ne fait pas l'unanimité dans votre propre parti. Gilles de Robien, seul ministre UDF du Gouvernement, est très critique avec vous. Il vous reproche de " servir la soupe à l'opposition" (interview dans les Échos du 26.08.05). Que lui répondez-vous ?
R - C'est formidable ! C'est exactement la preuve de ce que je vous dis. Cette politique de refus de privatisation des autoroutes, qui en a été à l'origine ? Qui l'a portée ? C'est Gilles de Robien. Il était ministre de l'Équipement. Il est venu devant l'Assemblée nationale et le Sénat et il a dit " je vous demande de ne pas privatiser les autoroutes pour que la France puisse avoir des équipements de transport public ".
Q - Aujourd'hui, c'est peut-être une fidélité gouvernementale ? C'est aussi une qualité.
R - Moi je préfère la fidélité à ses idées. Il y a une cohérence dans la vie politique dont les Français voient bien qu'elle a presque totalement disparu et qu'ils attendent. Je prends un autre exemple : on a décidé aujourd'hui de recréer " les emplois jeunes ". On les a supprimés il y a quelques mois.
Q - C'est d'ailleurs Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, qui l'a annoncé.
R - Ce n'est pas une affaire de personnes. On avait expliqué aux Français qu'il fallait changer d'orientation. Qui est venu leur dire aujourd'hui que ce n'était pas le cas ? On fait et on défait. Il importe qu'il y ait, pour représenter les Français, des élus et des mouvements qui aient une cohérence et une ligne et qui sachent dire " non " quand il faut dire " non ".
Q - C'est votre position, votre opposition au Gouvernement. Mais c'est une posture assez facile
R - Pas au Gouvernement, à ses actes.
Q - C'est une posture assez facile, la posture de l'opposant. Que proposez-vous ? Par exemple, on a parlé de la hausse du prix du pétrole, 68 dollars le baril aujourd'hui. Concrètement, vous êtes aux affaires, que proposez-vous ?
R - Je tiens les engagements qui ont été pris à l'automne, à la demande de l'UDF d'ailleurs, et je rends aux Français les recettes fiscales supplémentaires. On l'a promis. Il y a des débats, il y a des votes. Pourquoi ne respecte-t-on pas la parole que l'on donne ? Qu'est-ce que c'est ces gouvernements qui passent leur temps à revenir sur la parole qu'ils donnent ? Et vous dites facile. Moi, je ne le crois pas. Je crois qu'il faut un projet de rupture. Je vais vous citer un exemple des ruptures auxquelles je pense et auxquelles il faut que l'on réfléchisse. Si l'on prend les maux principaux de la société française : chômage, délocalisation, pouvoir d'achat en berne, alors on se dit qu'il y a une cause, centrale, unique qui est l'excès, l'incroyable accumulation des charges sociales qui pèsent sur le travail qui fait qu'on ne peut pas créer d'emploi, qu'on ne peut pas le payer au prix qui devrait être le sien. Je crois que sur ce sujet, il faut une rupture et qu'on cherche autre chose pour asseoir la solidarité nationale, que le travail qui n'en peut plus et qui s'enfuit.
Q - Une dernière question un peu plus politique. Vous êtes en ce moment, même si vous êtes assez critique sur Gilles de Robien seul ministre UDF, à la fois dedans et dehors. Vous êtes dans l'opposition lorsque vous critiquez, dans la majorité puisque l'UDF est présente dans la majorité
R - je suis libre.
Q - Hier Bernard Kouchner évoquait une possible alliance, c'est un appel du pied. Que répondez-vous à cela ? Vous pourriez faire alliance avec le parti socialiste ?
R - Avec le Parti socialiste, sûrement pas. Mettez-vous à la place des Français qui nous écoutent en ce moment. Ils regardent la gauche, c'est en capilotade. C'est en décomposition absolue. Ils voient bien que l'espoir ne viendra pas de ce côté-là. Ils regardent la majorité, ils voient les résultats, hélas ! 0 croissance, 0 emploi. Ils se disent qu'il va bien falloir qu'il y ait un autre projet, d'autres équipes et d'autres rassemblements. Alors est-ce que des gens hier différents, dans des camps opposés, peuvent demain travailler ensemble pour sortir le pays du drame où il se trouve ? Alors oui, je le crois, je l'espère
Q - Donc vous ne fermez pas la porte à une alliance avec certains socialistes ?
R - et je ferai tout ce que je pourrai pour que se constitue un rassemblement alternatif, un rassemblement qui offre une vraie chance différente à un pays qui ne croit plus en rien.
Q - Merci François Bayou d'être venu sur ce plateau.
(Source http://www.udf.org, le 26 août 2005)
R - Bonsoir.
Q - Pendant tout cet été vous avez critiqué la plupart des décisions du Gouvernement : la privatisation des autoroutes, la suppression de lignes SNCF, les contrats " Nouvelle embauche ", Si l'on vous dit ce soir que vous êtes le premier opposant du gouvernement, cela vous flatte ou cela vous agace ?
R - Il faut bien que quelqu'un ose dire non quand les décisions ne vont pas dans le bon sens. Et quand j'affirme que les décisions ne vont pas dans le bon sens, je le fais dans la pleine ligne de vote et de décisions qui ont été prises il y a à peine quelques mois. Je pense par exemple à la privatisation des autoroutes. Pendant l'été on a voulu faire cela, naturellement, en catimini, sans que personne ne s'en aperçoive. Or, il y a à peine six mois, la majorité, l'Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement - les ministres actuels étaient membres de ce Gouvernement - ont décidé tous ensemble qu'il ne serait pas bien de privatiser les autoroutes et qu'au contraire on allait se servir des rentrées très importantes - 30 milliards d'Euros - que les autoroutes nous préparent pour les années qui viennent quand elles seront amorties, pour financer l'ensemble des équipements de transport public de France. On a décidé cela il y a à peine quelques mois. Le Gouvernement change d'avis sans en avertir personne,
Q - Il en a informé le Parlement
R - Monsieur Hugues, le Parlement n'est pas un lieu qu'on informe. Ce sont les représentants des Français qui les ont élus pour porter leurs attentes et leurs exigences et ces sociétés d'autoroutes appartiennent aux Français. C'est eux qui les ont payées et donc je dis que le Gouvernement n'a pas le droit, par la loi et dans une démocratie normale, de décider cela tout seul, au creux de l'été. Et si nous n'étions pas là pour le dire, qui l'aurait dit ?
Q - Peut-être le Parti socialiste ?
R - Vous avez entendu le silence du Parti socialiste
Q - Donc vous recherchez cette posture de l'opposant
R - Non, je cherche la cohérence.
Q - Mais elle ne fait pas l'unanimité dans votre propre parti. Gilles de Robien, seul ministre UDF du Gouvernement, est très critique avec vous. Il vous reproche de " servir la soupe à l'opposition" (interview dans les Échos du 26.08.05). Que lui répondez-vous ?
R - C'est formidable ! C'est exactement la preuve de ce que je vous dis. Cette politique de refus de privatisation des autoroutes, qui en a été à l'origine ? Qui l'a portée ? C'est Gilles de Robien. Il était ministre de l'Équipement. Il est venu devant l'Assemblée nationale et le Sénat et il a dit " je vous demande de ne pas privatiser les autoroutes pour que la France puisse avoir des équipements de transport public ".
Q - Aujourd'hui, c'est peut-être une fidélité gouvernementale ? C'est aussi une qualité.
R - Moi je préfère la fidélité à ses idées. Il y a une cohérence dans la vie politique dont les Français voient bien qu'elle a presque totalement disparu et qu'ils attendent. Je prends un autre exemple : on a décidé aujourd'hui de recréer " les emplois jeunes ". On les a supprimés il y a quelques mois.
Q - C'est d'ailleurs Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, qui l'a annoncé.
R - Ce n'est pas une affaire de personnes. On avait expliqué aux Français qu'il fallait changer d'orientation. Qui est venu leur dire aujourd'hui que ce n'était pas le cas ? On fait et on défait. Il importe qu'il y ait, pour représenter les Français, des élus et des mouvements qui aient une cohérence et une ligne et qui sachent dire " non " quand il faut dire " non ".
Q - C'est votre position, votre opposition au Gouvernement. Mais c'est une posture assez facile
R - Pas au Gouvernement, à ses actes.
Q - C'est une posture assez facile, la posture de l'opposant. Que proposez-vous ? Par exemple, on a parlé de la hausse du prix du pétrole, 68 dollars le baril aujourd'hui. Concrètement, vous êtes aux affaires, que proposez-vous ?
R - Je tiens les engagements qui ont été pris à l'automne, à la demande de l'UDF d'ailleurs, et je rends aux Français les recettes fiscales supplémentaires. On l'a promis. Il y a des débats, il y a des votes. Pourquoi ne respecte-t-on pas la parole que l'on donne ? Qu'est-ce que c'est ces gouvernements qui passent leur temps à revenir sur la parole qu'ils donnent ? Et vous dites facile. Moi, je ne le crois pas. Je crois qu'il faut un projet de rupture. Je vais vous citer un exemple des ruptures auxquelles je pense et auxquelles il faut que l'on réfléchisse. Si l'on prend les maux principaux de la société française : chômage, délocalisation, pouvoir d'achat en berne, alors on se dit qu'il y a une cause, centrale, unique qui est l'excès, l'incroyable accumulation des charges sociales qui pèsent sur le travail qui fait qu'on ne peut pas créer d'emploi, qu'on ne peut pas le payer au prix qui devrait être le sien. Je crois que sur ce sujet, il faut une rupture et qu'on cherche autre chose pour asseoir la solidarité nationale, que le travail qui n'en peut plus et qui s'enfuit.
Q - Une dernière question un peu plus politique. Vous êtes en ce moment, même si vous êtes assez critique sur Gilles de Robien seul ministre UDF, à la fois dedans et dehors. Vous êtes dans l'opposition lorsque vous critiquez, dans la majorité puisque l'UDF est présente dans la majorité
R - je suis libre.
Q - Hier Bernard Kouchner évoquait une possible alliance, c'est un appel du pied. Que répondez-vous à cela ? Vous pourriez faire alliance avec le parti socialiste ?
R - Avec le Parti socialiste, sûrement pas. Mettez-vous à la place des Français qui nous écoutent en ce moment. Ils regardent la gauche, c'est en capilotade. C'est en décomposition absolue. Ils voient bien que l'espoir ne viendra pas de ce côté-là. Ils regardent la majorité, ils voient les résultats, hélas ! 0 croissance, 0 emploi. Ils se disent qu'il va bien falloir qu'il y ait un autre projet, d'autres équipes et d'autres rassemblements. Alors est-ce que des gens hier différents, dans des camps opposés, peuvent demain travailler ensemble pour sortir le pays du drame où il se trouve ? Alors oui, je le crois, je l'espère
Q - Donc vous ne fermez pas la porte à une alliance avec certains socialistes ?
R - et je ferai tout ce que je pourrai pour que se constitue un rassemblement alternatif, un rassemblement qui offre une vraie chance différente à un pays qui ne croit plus en rien.
Q - Merci François Bayou d'être venu sur ce plateau.
(Source http://www.udf.org, le 26 août 2005)