Texte intégral
Je voudrais d'abord remercier la ville de Lille de nous accueillir aujourd'hui.
Le sport européen est à un carrefour.
Ce sport qui, chaque semaine, mobilise des dizaines de milliers de bénévoles, qui rassemble des millions de volontaires, qui fait rêver des nations tout entières est confronté à des enjeux considérables. Enjeux liés à son développement, à la diversification des pratiques, mais aussi à sa médiatisation, à sa professionnalisation, à l'arrivée massive d'argent dans certaines disciplines.
En accueillant le 9ème Forum européen du sport à Lille, la présidence française de l'Union européenne souhaite prolonger et renforcer le dialogue entre les acteurs gouvernementaux, européens et sportifs.
Nous croyons en effet que pour préserver les acquis du sport européen, sauvegarder les structures qui sont les siennes, assurer le développement des pratiques, leur accessibilité à toutes et à tous, les autorités publiques et les acteurs du mouvement sportif doivent agir de façon responsable et complémentaire.
C'est le sens du projet de déclaration que la Présidence française a soumis à la discussion des Etats membres, et qui -je l'espère- pourra être adoptée au Conseil européen de Nice en décembre prochain.
Ce projet porte sur les sujets qui sont à l'ordre du jour de ce Forum : les spécificités du sport et le rôle des fédérations, la protection des jeunes sportifs mineurs, la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage.
Je souhaite donc que les conclusions de vos débats, qui reflèteront les points de convergences entre mouvement sportif, gouvernements et commission européenne, éclairent les négociations en cours sur ce texte.
J'y serais, pour ma part, particulièrement attentive.
Il y a à peine un mois, les jeux olympiques de Sydney ont émerveillé le monde et réveillé des émotions que seul le sport est capable de générer à l'échelle planétaire.
En ce moment même, les jeux paralympiques, où j'ai également tenu à me rendre pour soutenir les athlètes, prolongent cette fête, et témoignent que la pratique sportive est vraiment le bien de tous et toutes, valides ou touchés par un handicapé, et peut être source de plaisir pour tous et toutes, au même degré.
L'Europe, et singulièrement les pays de l'Union européenne, ont fort bien tenu leur rang durant ces jeux.
Les champions et les championnes qui nous ont fait rêver ont chacun leur propre histoire. Elle témoigne de la richesse des pratiques sportives en Europe. Certains, certaines appartiennent au sport professionnel, d'autres vivent plus ou moins difficilement leur situation d'amateurs. Mais, vous le savez, toutes et tous ont partagé au moins deux choses :
Leur sélection était l'aboutissement de plusieurs années d'entraînements et d'efforts minutieux. Autour d'eux des bénévoles, des éducateurs, des moyens publics et privés, se sont mobilisés.
Mais surtout, ils ou elles ont tous et toutes commencé leur pratique sportive dans un club associatif.
Voilà pourquoi pour défendre le sport, il faut défendre dans le même temps, dans la même démarche, le club amateur local et le sport de haut niveau. Dans sa dimension amateur et professionnelle.
C'est parce que le sport de haut niveau fait rêver, qu'il contribue au développement d'un sport de masse avec son rôle social et éducatif.
C'est en grande partie parce que le sport de haut niveau, amateur ou professionnel, fait aujourd'hui l'objet d'une médiatisation planétaire, que de plus en plus d'hommes et de femmes pratiquent un sport, quels que soient leur âge et leur situation.
Le sport a acquis une dimension sociétale, à la fois de proximité, mais également planétaire.
Personne ici n'est donc surpris que cette activité humaine suscite des appétits.
Loin de moi la volonté de diaboliser l'argent dans le sport. Le sport a besoin de moyens et ces moyens ne peuvent pas être uniquement publics.
La question n'est pas de délimiter un sport sans argent qui serait " pur " et un sport bénéficiant d'argent qui serait " perdu ".
Non, la vraie question est autre ; elle s'exprime de la façon suivante : le mouvement sportif dispose-t-il des moyens des espaces, des bases légales pour préserver le sens, les valeurs du sport en maîtrisant l'argent qui lui arrive et ainsi éviter que cet argent dicte sa loi au sport.
Soyons lucides : ce problème ne se pose pas pour dans vingt ans, il se pose aujourd'hui.
Le spectacle sportif est devenu si attractif que des intérêts financiers veulent s'en servir dans un but uniquement de rentabilité, quitte à sacrifier son éthique et à considérer les sportifs comme des marchandises.
Mes propos s'appuient sur des réalités : Chacun, chacune, a été témoin de " l'achat ", de " la vente " de sportifs, parfois très jeunes.
Chacun, chacune, nous avons été heurtés par le montant de certains contrats audiovisuels, ou de certains transferts. Chacun, chacune a été alerté sur les calendriers sportifs surchargés. Chacun, chacune a pu découvrir le projet de certains groupes privés de créer, en dehors des fédérations sportives nationales et internationales, des compétitions privées où le seul critère est le budget des clubs.
Quel sport voulons-nous pour le XXIe siècle ? La réponse à cette question globale, fondamentale, découle des réponses que nous pouvons, États et mouvement sportif, apporter au quotidien.
Deux choix sont possibles. Soit à partir du constat de ces dérives, nous considérons que le sport ne dépend plus que du marché, les sportifs de leur valeur ajoutée ; alors, il faut leur appliquer les règles de la concurrence, et ajouter de la déréglementation aux folies actuelles.
Soit, à partir de ce que fut la construction du sport moderne en Europe, avec ses valeurs humanistes, ses structures associatives, nous décidons, dans le contexte actuel, de redonner en Europe aux mouvements sportifs les moyens juridiques et institutionnels de protéger les pratiques sportives dans leur diversité au sein des structures fédératives.
Cette dernière option, qui est celle de la présidence française, ne signifie pas le statu quo mais au contraire appelle des propositions innovantes et alternatives du mouvement sportif - et je souhaite profondément que ce soit le cas sur la question des transferts et que la famille du football se mette d'accord sur des propositions précises - et des Etats pour ce qui est de leur responsabilité.
Car chacun à un rôle à jouer, sans mélanger les genres. Les organisations sportives reposent en Europe, sur le droit de libre association. Les seuls qui y ont et doivent y avoir le pouvoir sont leurs membres : les licenciés, les athlètes, les entraîneurs, les bénévoles, les éducateurs, les clubs
Mais il est du devoir des pouvoirs publics de créer les conditions pour que ces associations puissent mener à bien leurs missions. Oui, il faut que le mouvement sportif puisse remplir pleinement ces missions sans voir son rôle remis en cause par des groupes extérieurs au monde associatif et dont les objectifs sont d'utiliser le sport à des fins d'intérêts privés.
De ce point de vue, je voudrais dire sans ambage que la création, cette saison, d'une ligue européenne privée de basket constitue un précédent inquiétant.
Certains penseront que c'est peut-être le prix à payer par le mouvement sportif pour son évolution dans un monde concurrentiel.
Je considère au contraire que soumettre le sport à cette concurrence, c'est compromettre son éthique, ses finalités sociales et éducatives, son indépendance et qu'il faut s'y opposer.
Répondant à l'esprit qui a présidé au rapport d'Helsinki sur le sport, et après
les conclusions du Conseil européen de Feira, qui appelait à prendre en compte les caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes, la présidence française souhaite que nous parvenions à cerner concrètement ce que sont les spécificités sportives, et ce que leur reconnaissance implique.
Il convient ainsi, de manière très précise, de reconnaître que le sport renvoie d'abord à la pratique quotidienne de millions d'hommes et de femmes, de jeunes, à l'engagement de centaines de milliers de bénévoles. Que c'est un outil irremplaçable d'éducation informelle, d'insertion, d'accès à la citoyenneté. Que le sport constitue donc, avant toute chose, un plaisir, un moyen d'épanouissement individuel, de rencontres dans le respect des autres.
C'est au nom de cette approche, qu'avec mes collègues des Quinze, nous sommes en train de travailler en lien étroit avec Madame la Commissaire Viviane Reding, pour préparer la réunion des ministres des sports du 6 novembre. À partir de travail voici quelques uns des objectifs qui me paraissent les plus largement partagés au sein du Conseil.
1 - La première question concerne la protection des jeunes sportifs mineurs.
Il faut parvenir à mettre fin aux transactions commerciales sur les sportifs mineurs. Des actions spécifiques devraient être prises pour protéger la santé des jeunes athlètes, notamment pour prévenir le recours aux produits dopants et assurer leur scolarisation et leur formation professionnelle.
J'attends beaucoup de vos conclusions sur ce point. D'autant que la question de la protection des jeunes sportifs a été mise à l'ordre du jour du Conseil des ministres de la Jeunesse, qui se réunira le 9 novembre 2000, et que je souhaite que nous dégagions des recommandations précises sur ce point.
2 - Je souhaite également que des dispositions soient prises afin de préserver les politiques de formation des clubs sportifs.
Les fédérations sportives, et les Etats s'ils le souhaitent, doivent pouvoir prendre les mesures adaptées à la protection des capacités de formation des clubs ou des institutions spécialisées, dans des conditions conformes aux nécessités éducatives des jeunes.
3 - D'une façon plus générale, il me semble qu'un consensus se dessine à propos de la nécessité de reconnaître aux fédérations sportives un rôle central, dans l'organisation des compétitions sportives, dans l'établissement des règles sportives des sélections et dans la délivrance des titres.
Chacun comprendra que la reconnaissance de ce rôle central leur confère des responsabilités en matière de solidarité vers toutes les pratiques.
La reconnaissance des spécificités sportives est un chantier très vaste. Il est urgent qu'il débouche sur des avancées significatives. Une course contre la montre est engagée. La France a décidé d'en faire une priorité de sa présidence, et votre contribution est à mes yeux essentielle sur ce point.
J'en viens maintenant à la lutte contre le dopage, lutte longue et difficile, qui doit être menée sans relâche, au nom de la santé publique et de la préservation de l'esprit sportif.
Des affaires récentes, et un procès qui se déroule dans cette même ville en ce moment montrent la gravité de ce fléau et nous indique que nous ne sommes pas au bout de nos efforts.
Pour autant, je refuse le discours fataliste du " tous dopés " qui vise à nous faire renoncer à toute action.
Nous avons besoin de la mobilisation du mouvement sportif, -elle existe-, mais aussi, en complémentarité, de celle des Etats.
L'Agence Mondiale Antidopage doit son existence à la volonté de l'Union européenne, qui a plaidé pour une Agence indépendante, fondée sur la parité entre mouvement sportif et Etats. Cette Agence existe à présent. Elle commence son travail. Et nous serons, j'espère, bientôt en mesure d'évaluer le résultat de son action à Sydney où elle avait un rôle d'observateur !
Même mesurés, ces premiers résultats doivent beaucoup à l'Union Européenne.
Pour autant, vous le savez, un débat traverse les Etats membres sur l'opportunité d'une participation directe de l'Union européenne aux instances de l'AMA. Et, par corollaire, à son financement.
Je crois pour ma part que les bases légales d'une telle participation existent, le dopage est en effet une affaire de santé publique, pensons aux jeunes sportifs.
C'est aussi une affaire de lutte contre les trafics, de coopération policière et douanière : elle appelle également à une coopération dans la recherche, si l'on veut développer les moyens de détection des nouvelles substances.
L'objectif à poursuivre est donc que l'Union européenne parvienne à parler d'une seule voix, de façon offensive, pour garantir l'efficacité de l'Agence.
J'espère que d'ici quelques jours, un consensus aura été atteint sur ce point. En attendant, un comité de liaison a été mis en place de façon provisoire par les pays de la Troïka et la Commission pour organiser la concertation entre les Etats membres, et favoriser l'élaboration collective de propositions, en concertation avec Mme Suvi Linden, ministre finlandaise qui représente le Conseil de l'Europe au sein du Comité exécutif.
Il s'agit notamment de faire évoluer le statut de l'Agence, pour qu'elle ait les moyens d'agir dans tous les pays.
L'opinion publique, les sportives et les sportifs, tous ceux qui s'intéressent à la compétition attendent ces décisions. Il y va de la crédibilité de l'action contre le dopage.
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite que le sport européen continue à nous donner du rêve, tout comme je souhaite qu'il continue à offrir aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin, qu'il demeure pour nos enfants, en somme, une école de la vie.
Mais il faut prendre au sérieux les périls qui le menacent.
Je suis convaincue que les conclusions que vous adopterez seront d'un grand apport dans ce débat.
Je veux vous en remercier, et vous dire combien je souhaite que nous continuions à dialoguer et à travailler ensemble.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 3 novembre 2000)
Le sport européen est à un carrefour.
Ce sport qui, chaque semaine, mobilise des dizaines de milliers de bénévoles, qui rassemble des millions de volontaires, qui fait rêver des nations tout entières est confronté à des enjeux considérables. Enjeux liés à son développement, à la diversification des pratiques, mais aussi à sa médiatisation, à sa professionnalisation, à l'arrivée massive d'argent dans certaines disciplines.
En accueillant le 9ème Forum européen du sport à Lille, la présidence française de l'Union européenne souhaite prolonger et renforcer le dialogue entre les acteurs gouvernementaux, européens et sportifs.
Nous croyons en effet que pour préserver les acquis du sport européen, sauvegarder les structures qui sont les siennes, assurer le développement des pratiques, leur accessibilité à toutes et à tous, les autorités publiques et les acteurs du mouvement sportif doivent agir de façon responsable et complémentaire.
C'est le sens du projet de déclaration que la Présidence française a soumis à la discussion des Etats membres, et qui -je l'espère- pourra être adoptée au Conseil européen de Nice en décembre prochain.
Ce projet porte sur les sujets qui sont à l'ordre du jour de ce Forum : les spécificités du sport et le rôle des fédérations, la protection des jeunes sportifs mineurs, la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage.
Je souhaite donc que les conclusions de vos débats, qui reflèteront les points de convergences entre mouvement sportif, gouvernements et commission européenne, éclairent les négociations en cours sur ce texte.
J'y serais, pour ma part, particulièrement attentive.
Il y a à peine un mois, les jeux olympiques de Sydney ont émerveillé le monde et réveillé des émotions que seul le sport est capable de générer à l'échelle planétaire.
En ce moment même, les jeux paralympiques, où j'ai également tenu à me rendre pour soutenir les athlètes, prolongent cette fête, et témoignent que la pratique sportive est vraiment le bien de tous et toutes, valides ou touchés par un handicapé, et peut être source de plaisir pour tous et toutes, au même degré.
L'Europe, et singulièrement les pays de l'Union européenne, ont fort bien tenu leur rang durant ces jeux.
Les champions et les championnes qui nous ont fait rêver ont chacun leur propre histoire. Elle témoigne de la richesse des pratiques sportives en Europe. Certains, certaines appartiennent au sport professionnel, d'autres vivent plus ou moins difficilement leur situation d'amateurs. Mais, vous le savez, toutes et tous ont partagé au moins deux choses :
Leur sélection était l'aboutissement de plusieurs années d'entraînements et d'efforts minutieux. Autour d'eux des bénévoles, des éducateurs, des moyens publics et privés, se sont mobilisés.
Mais surtout, ils ou elles ont tous et toutes commencé leur pratique sportive dans un club associatif.
Voilà pourquoi pour défendre le sport, il faut défendre dans le même temps, dans la même démarche, le club amateur local et le sport de haut niveau. Dans sa dimension amateur et professionnelle.
C'est parce que le sport de haut niveau fait rêver, qu'il contribue au développement d'un sport de masse avec son rôle social et éducatif.
C'est en grande partie parce que le sport de haut niveau, amateur ou professionnel, fait aujourd'hui l'objet d'une médiatisation planétaire, que de plus en plus d'hommes et de femmes pratiquent un sport, quels que soient leur âge et leur situation.
Le sport a acquis une dimension sociétale, à la fois de proximité, mais également planétaire.
Personne ici n'est donc surpris que cette activité humaine suscite des appétits.
Loin de moi la volonté de diaboliser l'argent dans le sport. Le sport a besoin de moyens et ces moyens ne peuvent pas être uniquement publics.
La question n'est pas de délimiter un sport sans argent qui serait " pur " et un sport bénéficiant d'argent qui serait " perdu ".
Non, la vraie question est autre ; elle s'exprime de la façon suivante : le mouvement sportif dispose-t-il des moyens des espaces, des bases légales pour préserver le sens, les valeurs du sport en maîtrisant l'argent qui lui arrive et ainsi éviter que cet argent dicte sa loi au sport.
Soyons lucides : ce problème ne se pose pas pour dans vingt ans, il se pose aujourd'hui.
Le spectacle sportif est devenu si attractif que des intérêts financiers veulent s'en servir dans un but uniquement de rentabilité, quitte à sacrifier son éthique et à considérer les sportifs comme des marchandises.
Mes propos s'appuient sur des réalités : Chacun, chacune, a été témoin de " l'achat ", de " la vente " de sportifs, parfois très jeunes.
Chacun, chacune, nous avons été heurtés par le montant de certains contrats audiovisuels, ou de certains transferts. Chacun, chacune a été alerté sur les calendriers sportifs surchargés. Chacun, chacune a pu découvrir le projet de certains groupes privés de créer, en dehors des fédérations sportives nationales et internationales, des compétitions privées où le seul critère est le budget des clubs.
Quel sport voulons-nous pour le XXIe siècle ? La réponse à cette question globale, fondamentale, découle des réponses que nous pouvons, États et mouvement sportif, apporter au quotidien.
Deux choix sont possibles. Soit à partir du constat de ces dérives, nous considérons que le sport ne dépend plus que du marché, les sportifs de leur valeur ajoutée ; alors, il faut leur appliquer les règles de la concurrence, et ajouter de la déréglementation aux folies actuelles.
Soit, à partir de ce que fut la construction du sport moderne en Europe, avec ses valeurs humanistes, ses structures associatives, nous décidons, dans le contexte actuel, de redonner en Europe aux mouvements sportifs les moyens juridiques et institutionnels de protéger les pratiques sportives dans leur diversité au sein des structures fédératives.
Cette dernière option, qui est celle de la présidence française, ne signifie pas le statu quo mais au contraire appelle des propositions innovantes et alternatives du mouvement sportif - et je souhaite profondément que ce soit le cas sur la question des transferts et que la famille du football se mette d'accord sur des propositions précises - et des Etats pour ce qui est de leur responsabilité.
Car chacun à un rôle à jouer, sans mélanger les genres. Les organisations sportives reposent en Europe, sur le droit de libre association. Les seuls qui y ont et doivent y avoir le pouvoir sont leurs membres : les licenciés, les athlètes, les entraîneurs, les bénévoles, les éducateurs, les clubs
Mais il est du devoir des pouvoirs publics de créer les conditions pour que ces associations puissent mener à bien leurs missions. Oui, il faut que le mouvement sportif puisse remplir pleinement ces missions sans voir son rôle remis en cause par des groupes extérieurs au monde associatif et dont les objectifs sont d'utiliser le sport à des fins d'intérêts privés.
De ce point de vue, je voudrais dire sans ambage que la création, cette saison, d'une ligue européenne privée de basket constitue un précédent inquiétant.
Certains penseront que c'est peut-être le prix à payer par le mouvement sportif pour son évolution dans un monde concurrentiel.
Je considère au contraire que soumettre le sport à cette concurrence, c'est compromettre son éthique, ses finalités sociales et éducatives, son indépendance et qu'il faut s'y opposer.
Répondant à l'esprit qui a présidé au rapport d'Helsinki sur le sport, et après
les conclusions du Conseil européen de Feira, qui appelait à prendre en compte les caractéristiques spécifiques du sport dans la mise en uvre des politiques communes, la présidence française souhaite que nous parvenions à cerner concrètement ce que sont les spécificités sportives, et ce que leur reconnaissance implique.
Il convient ainsi, de manière très précise, de reconnaître que le sport renvoie d'abord à la pratique quotidienne de millions d'hommes et de femmes, de jeunes, à l'engagement de centaines de milliers de bénévoles. Que c'est un outil irremplaçable d'éducation informelle, d'insertion, d'accès à la citoyenneté. Que le sport constitue donc, avant toute chose, un plaisir, un moyen d'épanouissement individuel, de rencontres dans le respect des autres.
C'est au nom de cette approche, qu'avec mes collègues des Quinze, nous sommes en train de travailler en lien étroit avec Madame la Commissaire Viviane Reding, pour préparer la réunion des ministres des sports du 6 novembre. À partir de travail voici quelques uns des objectifs qui me paraissent les plus largement partagés au sein du Conseil.
1 - La première question concerne la protection des jeunes sportifs mineurs.
Il faut parvenir à mettre fin aux transactions commerciales sur les sportifs mineurs. Des actions spécifiques devraient être prises pour protéger la santé des jeunes athlètes, notamment pour prévenir le recours aux produits dopants et assurer leur scolarisation et leur formation professionnelle.
J'attends beaucoup de vos conclusions sur ce point. D'autant que la question de la protection des jeunes sportifs a été mise à l'ordre du jour du Conseil des ministres de la Jeunesse, qui se réunira le 9 novembre 2000, et que je souhaite que nous dégagions des recommandations précises sur ce point.
2 - Je souhaite également que des dispositions soient prises afin de préserver les politiques de formation des clubs sportifs.
Les fédérations sportives, et les Etats s'ils le souhaitent, doivent pouvoir prendre les mesures adaptées à la protection des capacités de formation des clubs ou des institutions spécialisées, dans des conditions conformes aux nécessités éducatives des jeunes.
3 - D'une façon plus générale, il me semble qu'un consensus se dessine à propos de la nécessité de reconnaître aux fédérations sportives un rôle central, dans l'organisation des compétitions sportives, dans l'établissement des règles sportives des sélections et dans la délivrance des titres.
Chacun comprendra que la reconnaissance de ce rôle central leur confère des responsabilités en matière de solidarité vers toutes les pratiques.
La reconnaissance des spécificités sportives est un chantier très vaste. Il est urgent qu'il débouche sur des avancées significatives. Une course contre la montre est engagée. La France a décidé d'en faire une priorité de sa présidence, et votre contribution est à mes yeux essentielle sur ce point.
J'en viens maintenant à la lutte contre le dopage, lutte longue et difficile, qui doit être menée sans relâche, au nom de la santé publique et de la préservation de l'esprit sportif.
Des affaires récentes, et un procès qui se déroule dans cette même ville en ce moment montrent la gravité de ce fléau et nous indique que nous ne sommes pas au bout de nos efforts.
Pour autant, je refuse le discours fataliste du " tous dopés " qui vise à nous faire renoncer à toute action.
Nous avons besoin de la mobilisation du mouvement sportif, -elle existe-, mais aussi, en complémentarité, de celle des Etats.
L'Agence Mondiale Antidopage doit son existence à la volonté de l'Union européenne, qui a plaidé pour une Agence indépendante, fondée sur la parité entre mouvement sportif et Etats. Cette Agence existe à présent. Elle commence son travail. Et nous serons, j'espère, bientôt en mesure d'évaluer le résultat de son action à Sydney où elle avait un rôle d'observateur !
Même mesurés, ces premiers résultats doivent beaucoup à l'Union Européenne.
Pour autant, vous le savez, un débat traverse les Etats membres sur l'opportunité d'une participation directe de l'Union européenne aux instances de l'AMA. Et, par corollaire, à son financement.
Je crois pour ma part que les bases légales d'une telle participation existent, le dopage est en effet une affaire de santé publique, pensons aux jeunes sportifs.
C'est aussi une affaire de lutte contre les trafics, de coopération policière et douanière : elle appelle également à une coopération dans la recherche, si l'on veut développer les moyens de détection des nouvelles substances.
L'objectif à poursuivre est donc que l'Union européenne parvienne à parler d'une seule voix, de façon offensive, pour garantir l'efficacité de l'Agence.
J'espère que d'ici quelques jours, un consensus aura été atteint sur ce point. En attendant, un comité de liaison a été mis en place de façon provisoire par les pays de la Troïka et la Commission pour organiser la concertation entre les Etats membres, et favoriser l'élaboration collective de propositions, en concertation avec Mme Suvi Linden, ministre finlandaise qui représente le Conseil de l'Europe au sein du Comité exécutif.
Il s'agit notamment de faire évoluer le statut de l'Agence, pour qu'elle ait les moyens d'agir dans tous les pays.
L'opinion publique, les sportives et les sportifs, tous ceux qui s'intéressent à la compétition attendent ces décisions. Il y va de la crédibilité de l'action contre le dopage.
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite que le sport européen continue à nous donner du rêve, tout comme je souhaite qu'il continue à offrir aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin, qu'il demeure pour nos enfants, en somme, une école de la vie.
Mais il faut prendre au sérieux les périls qui le menacent.
Je suis convaincue que les conclusions que vous adopterez seront d'un grand apport dans ce débat.
Je veux vous en remercier, et vous dire combien je souhaite que nous continuions à dialoguer et à travailler ensemble.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 3 novembre 2000)