Texte intégral
Madame et Messieurs les ministres,
Monsieur le maire,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil général,
Mesdames et messieurs les hauts magistrats,
Monsieur le directeur,
Mesdames et messieurs les membres de l'administration pénitentiaire,
Mesdames et messieurs nos hôtes étrangers ;
Mesdames et messieurs les professeurs et les élèves de cette école,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous ici, à Agen, pour inaugurer les nouveaux locaux de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire. Je le fais aux côtés de la ministre de la Justice et garde des Sceaux, Marylise LEBRANCHU. Je veux rendre un nouvel hommage à l'action de celle qui l'a précédée à cette fonction exigeante : Elisabeth GUIGOU a en effet engagé avec dynamisme, résolution et talent un profond mouvement de réformes que Marylise LEBRANCHU saura poursuivre. C'est toujours pour moi un grand plaisir de me rendre dans un lieu dont la vocation est la formation, a fortiori lorsque celle-ci prépare à des métiers du service public. C'est le cas dans cette école, où l'on se prépare à faire vivre un service public essentiel de la Justice.
Cette nouvelle école marque le soutien de l'Etat à l'ensemble de l'administration pénitentiaire.
Votre école assure en effet la formation de toutes les catégories professionnelles pénitentiaires. Des surveillants aux directeurs d'établissement, en passant par les conseillers d'insertion et de probation, les personnels administratifs et techniques, votre école permet l'émergence d'une culture -faite d'abord de professionnalisme- commune à tous ces métiers. L'ENAP dispose pour cela de conditions optimales : la qualité de l'équipe pédagogique, ouverte à des praticiens venus de différents horizons professionnels, le dynamisme de la direction de l'Ecole, l'importance des moyens pédagogiques et la qualité de vos locaux, dont j'ai pu apprécier l'agencement inventif et l'architecture élancée.
Cette école est un exemple réussi de délocalisation. C'est en 1994 qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire a retenu la proposition du ministère de la Justice, à la tête duquel se trouvait alors M. Pierre MEHAIGNERIE, d'installer l'ENAP à Agen. Ce transfert, principalement financé par l'Etat, a été facilité par le concours du Conseil régional d'Aquitaine, du Conseil général du Lot-et-Garonne, de la ville et de l'Office d'HLM d'Agen. En outre, un autre comité interministériel d'aménagement du territoire a prévu, en 1999, l'installation au sein de l'Ecole d'un pôle de compétence en matière de prévention de la délinquance -en particulier chez les jeunes. Ce projet permettra de mettre en commun le savoir-faire de plusieurs institutions : l'Ecole nationale de la magistrature, les écoles de police et de gendarmerie au plan national, les universités de Bordeaux, de Pau et bientôt de Toulouse. La qualité des travaux qui ont déjà été menés à l'ENAP me conduit à souhaiter que cette collaboration se poursuive. Une réunion interministérielle avec la DATAR et la Délégation interministérielle à la ville sera prochainement organisée pour confirmer la poursuite de ce projet à Agen. Les conditions juridiques et financières de sa pérennité y seront examinées.
En inaugurant l'ENAP, je veux souligner que l'administration pénitentiaire est au cur des préoccupations du Gouvernement. La mission des personnels pénitentiaires, trop souvent méconnue, voire parfois décriée, est, à mes yeux, essentielle à la République. Elle est partie intégrante de la Justice, dont elle assure l'exécution des décisions. Elle contribue à garantir le droit à la sécurité des citoyens, dont le Gouvernement a fait une des priorités de son action. Les personnels pénitentiaires sont en effet les garants de l'effectivité de la peine, principe fondamental de la Justice. Ils sont responsables de cette effectivité en milieu ouvert -en assurant le respect des obligations imposées dans le cadre de la mise à l'épreuve ou l'accomplissement des travaux d'intérêt général- et en milieu fermé -en veillant à l'exécution des peines mais aussi en préparant la sortie de la prison.
Cette mission est menée à bien dans des conditions de travail souvent ingrates. J'en suis conscient. Je suis aussi informé des violences et des agressions dont sont victimes les personnels -parfois même en dehors des établissements, ou à leur domicile. Ces agressions sont inacceptables. Le Gouvernement se tient aux côtés des victimes de ces actes intolérables. La ministre de la Justice a récemment décidé de renforcer l'autorité des personnels pénitentiaires, d'améliorer leur protection juridique et l'aide aux agents victimes de violences graves. De même, des avancées statutaires et indemnitaires ont pris en compte les transformations que connaissent les tâches des personnels pénitentiaires. Ces réformes sont conséquentes. Elles sont la traduction de la reconnaissance que doit la société à celles et ceux qui assurent le fonctionnement des prisons françaises.
A travers vous, Mesdames et Messieurs, je rends ici un hommage aux femmes aux hommes qui, quel que soit leur rôle au sein de l'administration pénitentiaire, accomplissent ensemble un service essentiel pour la collectivité nationale.
C'est avec eux que nous préparons la prison de demain.
Il nous faut achever le cheminement historique qui a substitué à la conception vengeresse du châtiment une conception humaniste de la peine, alliant la nécessaire sanction des actes illégaux et l'objectif de la réinsertion. C'est avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les principaux châtiments corporels ont été supprimés. Avec le code pénal de 1791, l'enfermement s'est trouvé placé au centre du dispositif judiciaire. Les dernières étapes marquantes de cette évolution progressiste ont été la suppression des quartiers de haute sécurité et l'abrogation de la peine de mort sous l'impulsion de Robert BADINTER.
Aujourd'hui, la prison demeure une réponse incontournable aux actes de délinquance les plus graves. Mais la prison n'est pas hors de la société. Elle est en son sein même. C'est une partie d'elle-même que la société met en prison. Les valeurs qui fondent notre démocratie ne sauraient donc s'arrêter au seuil de la prison. C'est cette conviction qui vous a certainement conduits à retenir comme thème du colloque inaugural de cette école : " le sens de la peine et les droits de l'homme : pourquoi, qui et comment punir ? ".
La prison ne doit pas aggraver l'exclusion et les inégalités. Elle voit arriver dans ses murs ceux de nos concitoyens dont la délinquance justifie certes une réponse pénale, mais qui sont aussi les plus en difficulté -cumulant les problèmes économiques, sociaux, médicaux ou psychologiques. C'est pourquoi l'accès aux soins et à la couverture sociale, au savoir et à la culture, doit être au centre de la politique pénitentiaire. La vie carcérale ne doit pas être dominée par des rapports de force. Les violences entre détenus, les trafics et les rackets dont les victimes sont toujours les plus démunis -au point d'être parfois poussés au suicide- sont intolérables.
En outre, les détenus doivent conserver des droits de citoyens, même si la vie en prison connaît des contraintes et des règles dont le non-respect doit être sanctionné, mais d'une façon claire, garantissant les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure. Cette considération a conduit le législateur à ne pas exclure les détenus des garanties prévues par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ainsi, les décisions disciplinaires interviendront après que le détenu aura été mis à même de présenter des observations en pouvant se faire assister d'un conseil.
Enfin, l'insertion sociale lors du retour à la liberté doit être la préoccupation majeure. Dans la très grande majorité des cas, le temps de l'enfermement n'est qu'un passage. Tout doit être fait pour préparer la sortie et la réintégration des détenus. C'est pourquoi, aussi, il faut préserver les liens familiaux des détenus.
Cette conception inspire l'action du Gouvernement. Le 8 avril 1998, la ministre de la Justice a présenté en Conseil des ministres les orientations de la politique pénitentiaire. Celle-ci comporte quatre objectifs : le développement des alternatives à l'incarcération, l'amélioration de la prise en charge des détenus, la prise en compte de l'évolution des missions des personnels et la mobilisation de moyens nouveaux pour moderniser l'institution.
Pour mettre ces objectifs en uvre, deux commissions ont été créées. L'une, le 28 juillet 1999, sous la présidence de Guy CANIVET, Premier président de la Cour de cassation, -dont je salue la présence- pour faire des propositions en vue de l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. L'autre, le 21 septembre de la même année, sous la direction de Daniel FARGE, conseiller à la Cour de cassation, président du Conseil supérieur de la libération conditionnelle, pour réfléchir à la question des libérations conditionnelles. Les deux rapports de ces commissions ont été unanimement salués. Certaines de leurs recommandations ont inspiré les amendements sur la juridictionnalisation de l'application des peines -réforme souhaitée depuis plusieurs années- à la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence ; ils ont été déposés conjointement par Christine LAZERGES, alors rapporteure à la commission des lois de l'Assemblée nationale, et par le Gouvernement.
Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ont été le sujet de deux commissions d'enquête, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je me réjouis que les parlementaires, unanimes, se soient saisis d'une telle question, alors qu'un débat passionné s'engageait après la publication du livre d'un médecin de La Santé. Je tiens à saluer le travail accompli par les députés et les sénateurs, qui ont procédé à de nombreuses auditions et visité la quasi-totalité des établissements pénitentiaires. Ils ont ainsi contribué à sensibiliser l'opinion publique, qui d'ordinaire ne les place pas aux premiers rangs de ses préoccupations, aux conditions de vie et de travail au sein des prisons. Dans ce débat, je perçois une réflexion bienvenue sur le sens de la peine et un geste de reconnaissance à l'égard de l'administration pénitentiaire.
Les parlementaires ont ainsi dressé un constat accablant de l'état de nos prisons, soulignant la surpopulation, la vétusté et l'inadaptation des locaux. Ce constat est pris en compte. Le Gouvernement apportera des réponses à la hauteur des enjeux. Des efforts ont déjà été entrepris, qui permettront l'ouverture de dix établissements neufs sur les cinq prochaines années et la rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt. Il faut maintenant passer la vitesse supérieure. Comme l'ont proposé Elisabeth GUIGOU puis Marylise LEBRANCHU, dix milliards de francs seront dégagés dans le cadre des lois de finances. Ils assureront le lancement, sur six années, de la mise aux normes de l'encellulement individuel et de la rénovation de l'ensemble des petits et moyens établissements pénitentiaires. Avec l'accord du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS, qui s'était intéressé à ces questions quand il était président de l'Assemblée nationale, un amendement à la loi de finances pour 2001 va être déposé afin de prévoir un supplément d'autorisations de programme d'un milliard de francs. Un établissement public sera mis en place pour assurer la réalisation de ce vaste plan de rénovation, qui améliorera naturellement les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Parallèlement à ce programme ambitieux, une politique résolue en faveur du développement effectif des mesures alternatives à l'incarcération -dont les travaux d'intérêt général et le placement sous bracelet électronique- sera impulsée par la Chancellerie.
Par-delà cette réhabilitation, la fonction même des prisons sera l'objet d'une grande loi pénitentiaire. Celle-ci sera préparée avec tous les personnels concernés. Elle définira le sens de la peine, les missions de l'administration pénitentiaire, les règles fondamentales du régime carcéral en encadrant les nécessaires restrictions aux libertés individuelles, les conditions générales de détention. Elle permettra en outre de regrouper et d'harmoniser toute une série de textes aujourd'hui épars. Cette grande loi suivra ainsi les préconisations du Premier président CANIVET et des députés de la commission d'enquête sur les prisons. J'ai demandé à Marylise LEBRANCHU de préparer ce texte afin qu'il puisse être présenté en Conseil des ministres avant l'été. Il devrait être soumis au débat parlementaire à l'automne prochain.
Cet effort en faveur de l'administration pénitentiaire s'inscrit dans la réforme d'ensemble de la Justice.
La réforme de la Justice est en effet globale. Tel était l'esprit, déjà, de la communication en Conseil des ministres du 29 octobre 1997, qui affirmait, je cite, que " les changements qu'implique la réforme de la Justice ne pourront être mis en oeuvre qu'avec le concours de tous les personnels de la Justice. Tous les métiers de la justice sont concernés ". Cette réforme d'ensemble poursuit trois objectifs : une justice plus proche des citoyens, c'est-à-dire plus accessible à tous et plus rapide ; une justice au service des libertés ; une justice indépendante. Tels sont les grands axes qui ont inspiré le Gouvernement, qui ont marqué l'action d'Elisabeth GUIGOU à la tête du ministère de la Justice durant plus de trois ans et qui guident déjà celle de Marylise LEBRANCHU.
Nous avons commencé de traduire dans les faits cette ambition de réforme. Pour une justice plus proche des citoyens, d'importantes modifications législatives ont été menées à bien, comme la loi du 18 décembre 1998 sur l'accès au droit et la résolution amiable des conflits, la loi du 23 juin 1999 sur l'efficacité de la procédure pénale ou la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. De même, les Conseils de sécurité intérieure ont fait une priorité de la rapidité et de la systématisation de la réponse judiciaire aux actes de délinquance.
Pour une justice au service des libertés, de grandes réformes de société ont été adoptées, comme celle rénovant les conditions d'acquisition de la nationalité ou celle instaurant le pacte civil de solidarité.
Enfin, pour une justice indépendante, la réforme engagée par le Gouvernement est encore inachevée en raison du refus de l'opposition de voir aboutir, par la réunion du Congrès, la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature. Nous mènerons à bien ce projet lorsque les conditions politiques pour le faire seront réunies. Je tiens cependant à rappeler que depuis le mois de juin 1997, rompant avec des pratiques antérieures, et conformément avec l'engagement pris dans ma déclaration de politique générale, la ministre de la Justice s'abstient de toute instruction au Parquet dans les affaires individuelles dont la Justice est saisie. De même, aucune nomination d'un membre du Parquet n'est intervenue depuis trois ans et demi contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Ces réformes sont servies par un effort sans précédent sur le plan budgétaire. En trois ans, les crédits globaux dont dispose la Justice ont progressé de 14 %, passant de 23,9 à 27,3 milliards de francs. La priorité pour la Justice sera confirmée en 2001, avec une nouvelle progression de 3,1 %. En trois ans, 2.930 postes ont été créés ; 1.550 emplois nouveaux sont inscrits pour la Justice dans la prochaine loi de finances. Les services pénitentiaires, en particulier, ont ainsi bénéficié de 1.030 emplois sur les trois dernières années ; 530 emplois nouveaux figurent au budget 2001, et 15 autres vont accompagner la transformation de l'ENAP en établissement public, venant s'ajouter aux 171 emplois affectés à cet établissement.
Mesdames et Messieurs,
La confiance en la Justice est indispensable à la cohésion nationale. Quand le peuple doute de sa justice, le pacte républicain se fissure. Pour donner à la Justice les moyens de mieux assurer ses missions, en toute indépendance, un mouvement considérable de réformes -certaines déjà adoptées, d'autres en préparation- a été engagé depuis le mois de juin 1997. Il est en train de transformer la Justice en France.
Ces réformes importantes, qui expriment l'évolution des aspirations de la société à l'égard de la Justice, doivent s'inscrire dans la réalité. Elles y parviendront grâce à l'action de toutes les professions de la Justice auxquelles, je le sais, de grands efforts sont demandés. Je suis certain que grâce au concours de tous et à l'impulsion que saura donner Marylise LEBRANCHU, les réformes seront menées à bien, en particulier dans les juridictions, mais aussi dans les établissements pénitentiaires. Au fond, ce mouvement de transformation de la Justice est à l'image du bâtiment principal de l'ENAP : une force qui avance tout en étant ouverte à ce qui l'environne. C'est bien en répondant aux attentes de transparence, de rapidité et d'indépendance exprimées par nos concitoyens que la Justice pourra continuer d'assumer la mission essentielle que lui confie la République.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 novembre 2000)
Monsieur le maire,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil général,
Mesdames et messieurs les hauts magistrats,
Monsieur le directeur,
Mesdames et messieurs les membres de l'administration pénitentiaire,
Mesdames et messieurs nos hôtes étrangers ;
Mesdames et messieurs les professeurs et les élèves de cette école,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous ici, à Agen, pour inaugurer les nouveaux locaux de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire. Je le fais aux côtés de la ministre de la Justice et garde des Sceaux, Marylise LEBRANCHU. Je veux rendre un nouvel hommage à l'action de celle qui l'a précédée à cette fonction exigeante : Elisabeth GUIGOU a en effet engagé avec dynamisme, résolution et talent un profond mouvement de réformes que Marylise LEBRANCHU saura poursuivre. C'est toujours pour moi un grand plaisir de me rendre dans un lieu dont la vocation est la formation, a fortiori lorsque celle-ci prépare à des métiers du service public. C'est le cas dans cette école, où l'on se prépare à faire vivre un service public essentiel de la Justice.
Cette nouvelle école marque le soutien de l'Etat à l'ensemble de l'administration pénitentiaire.
Votre école assure en effet la formation de toutes les catégories professionnelles pénitentiaires. Des surveillants aux directeurs d'établissement, en passant par les conseillers d'insertion et de probation, les personnels administratifs et techniques, votre école permet l'émergence d'une culture -faite d'abord de professionnalisme- commune à tous ces métiers. L'ENAP dispose pour cela de conditions optimales : la qualité de l'équipe pédagogique, ouverte à des praticiens venus de différents horizons professionnels, le dynamisme de la direction de l'Ecole, l'importance des moyens pédagogiques et la qualité de vos locaux, dont j'ai pu apprécier l'agencement inventif et l'architecture élancée.
Cette école est un exemple réussi de délocalisation. C'est en 1994 qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire a retenu la proposition du ministère de la Justice, à la tête duquel se trouvait alors M. Pierre MEHAIGNERIE, d'installer l'ENAP à Agen. Ce transfert, principalement financé par l'Etat, a été facilité par le concours du Conseil régional d'Aquitaine, du Conseil général du Lot-et-Garonne, de la ville et de l'Office d'HLM d'Agen. En outre, un autre comité interministériel d'aménagement du territoire a prévu, en 1999, l'installation au sein de l'Ecole d'un pôle de compétence en matière de prévention de la délinquance -en particulier chez les jeunes. Ce projet permettra de mettre en commun le savoir-faire de plusieurs institutions : l'Ecole nationale de la magistrature, les écoles de police et de gendarmerie au plan national, les universités de Bordeaux, de Pau et bientôt de Toulouse. La qualité des travaux qui ont déjà été menés à l'ENAP me conduit à souhaiter que cette collaboration se poursuive. Une réunion interministérielle avec la DATAR et la Délégation interministérielle à la ville sera prochainement organisée pour confirmer la poursuite de ce projet à Agen. Les conditions juridiques et financières de sa pérennité y seront examinées.
En inaugurant l'ENAP, je veux souligner que l'administration pénitentiaire est au cur des préoccupations du Gouvernement. La mission des personnels pénitentiaires, trop souvent méconnue, voire parfois décriée, est, à mes yeux, essentielle à la République. Elle est partie intégrante de la Justice, dont elle assure l'exécution des décisions. Elle contribue à garantir le droit à la sécurité des citoyens, dont le Gouvernement a fait une des priorités de son action. Les personnels pénitentiaires sont en effet les garants de l'effectivité de la peine, principe fondamental de la Justice. Ils sont responsables de cette effectivité en milieu ouvert -en assurant le respect des obligations imposées dans le cadre de la mise à l'épreuve ou l'accomplissement des travaux d'intérêt général- et en milieu fermé -en veillant à l'exécution des peines mais aussi en préparant la sortie de la prison.
Cette mission est menée à bien dans des conditions de travail souvent ingrates. J'en suis conscient. Je suis aussi informé des violences et des agressions dont sont victimes les personnels -parfois même en dehors des établissements, ou à leur domicile. Ces agressions sont inacceptables. Le Gouvernement se tient aux côtés des victimes de ces actes intolérables. La ministre de la Justice a récemment décidé de renforcer l'autorité des personnels pénitentiaires, d'améliorer leur protection juridique et l'aide aux agents victimes de violences graves. De même, des avancées statutaires et indemnitaires ont pris en compte les transformations que connaissent les tâches des personnels pénitentiaires. Ces réformes sont conséquentes. Elles sont la traduction de la reconnaissance que doit la société à celles et ceux qui assurent le fonctionnement des prisons françaises.
A travers vous, Mesdames et Messieurs, je rends ici un hommage aux femmes aux hommes qui, quel que soit leur rôle au sein de l'administration pénitentiaire, accomplissent ensemble un service essentiel pour la collectivité nationale.
C'est avec eux que nous préparons la prison de demain.
Il nous faut achever le cheminement historique qui a substitué à la conception vengeresse du châtiment une conception humaniste de la peine, alliant la nécessaire sanction des actes illégaux et l'objectif de la réinsertion. C'est avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les principaux châtiments corporels ont été supprimés. Avec le code pénal de 1791, l'enfermement s'est trouvé placé au centre du dispositif judiciaire. Les dernières étapes marquantes de cette évolution progressiste ont été la suppression des quartiers de haute sécurité et l'abrogation de la peine de mort sous l'impulsion de Robert BADINTER.
Aujourd'hui, la prison demeure une réponse incontournable aux actes de délinquance les plus graves. Mais la prison n'est pas hors de la société. Elle est en son sein même. C'est une partie d'elle-même que la société met en prison. Les valeurs qui fondent notre démocratie ne sauraient donc s'arrêter au seuil de la prison. C'est cette conviction qui vous a certainement conduits à retenir comme thème du colloque inaugural de cette école : " le sens de la peine et les droits de l'homme : pourquoi, qui et comment punir ? ".
La prison ne doit pas aggraver l'exclusion et les inégalités. Elle voit arriver dans ses murs ceux de nos concitoyens dont la délinquance justifie certes une réponse pénale, mais qui sont aussi les plus en difficulté -cumulant les problèmes économiques, sociaux, médicaux ou psychologiques. C'est pourquoi l'accès aux soins et à la couverture sociale, au savoir et à la culture, doit être au centre de la politique pénitentiaire. La vie carcérale ne doit pas être dominée par des rapports de force. Les violences entre détenus, les trafics et les rackets dont les victimes sont toujours les plus démunis -au point d'être parfois poussés au suicide- sont intolérables.
En outre, les détenus doivent conserver des droits de citoyens, même si la vie en prison connaît des contraintes et des règles dont le non-respect doit être sanctionné, mais d'une façon claire, garantissant les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure. Cette considération a conduit le législateur à ne pas exclure les détenus des garanties prévues par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ainsi, les décisions disciplinaires interviendront après que le détenu aura été mis à même de présenter des observations en pouvant se faire assister d'un conseil.
Enfin, l'insertion sociale lors du retour à la liberté doit être la préoccupation majeure. Dans la très grande majorité des cas, le temps de l'enfermement n'est qu'un passage. Tout doit être fait pour préparer la sortie et la réintégration des détenus. C'est pourquoi, aussi, il faut préserver les liens familiaux des détenus.
Cette conception inspire l'action du Gouvernement. Le 8 avril 1998, la ministre de la Justice a présenté en Conseil des ministres les orientations de la politique pénitentiaire. Celle-ci comporte quatre objectifs : le développement des alternatives à l'incarcération, l'amélioration de la prise en charge des détenus, la prise en compte de l'évolution des missions des personnels et la mobilisation de moyens nouveaux pour moderniser l'institution.
Pour mettre ces objectifs en uvre, deux commissions ont été créées. L'une, le 28 juillet 1999, sous la présidence de Guy CANIVET, Premier président de la Cour de cassation, -dont je salue la présence- pour faire des propositions en vue de l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. L'autre, le 21 septembre de la même année, sous la direction de Daniel FARGE, conseiller à la Cour de cassation, président du Conseil supérieur de la libération conditionnelle, pour réfléchir à la question des libérations conditionnelles. Les deux rapports de ces commissions ont été unanimement salués. Certaines de leurs recommandations ont inspiré les amendements sur la juridictionnalisation de l'application des peines -réforme souhaitée depuis plusieurs années- à la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence ; ils ont été déposés conjointement par Christine LAZERGES, alors rapporteure à la commission des lois de l'Assemblée nationale, et par le Gouvernement.
Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ont été le sujet de deux commissions d'enquête, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je me réjouis que les parlementaires, unanimes, se soient saisis d'une telle question, alors qu'un débat passionné s'engageait après la publication du livre d'un médecin de La Santé. Je tiens à saluer le travail accompli par les députés et les sénateurs, qui ont procédé à de nombreuses auditions et visité la quasi-totalité des établissements pénitentiaires. Ils ont ainsi contribué à sensibiliser l'opinion publique, qui d'ordinaire ne les place pas aux premiers rangs de ses préoccupations, aux conditions de vie et de travail au sein des prisons. Dans ce débat, je perçois une réflexion bienvenue sur le sens de la peine et un geste de reconnaissance à l'égard de l'administration pénitentiaire.
Les parlementaires ont ainsi dressé un constat accablant de l'état de nos prisons, soulignant la surpopulation, la vétusté et l'inadaptation des locaux. Ce constat est pris en compte. Le Gouvernement apportera des réponses à la hauteur des enjeux. Des efforts ont déjà été entrepris, qui permettront l'ouverture de dix établissements neufs sur les cinq prochaines années et la rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt. Il faut maintenant passer la vitesse supérieure. Comme l'ont proposé Elisabeth GUIGOU puis Marylise LEBRANCHU, dix milliards de francs seront dégagés dans le cadre des lois de finances. Ils assureront le lancement, sur six années, de la mise aux normes de l'encellulement individuel et de la rénovation de l'ensemble des petits et moyens établissements pénitentiaires. Avec l'accord du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS, qui s'était intéressé à ces questions quand il était président de l'Assemblée nationale, un amendement à la loi de finances pour 2001 va être déposé afin de prévoir un supplément d'autorisations de programme d'un milliard de francs. Un établissement public sera mis en place pour assurer la réalisation de ce vaste plan de rénovation, qui améliorera naturellement les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Parallèlement à ce programme ambitieux, une politique résolue en faveur du développement effectif des mesures alternatives à l'incarcération -dont les travaux d'intérêt général et le placement sous bracelet électronique- sera impulsée par la Chancellerie.
Par-delà cette réhabilitation, la fonction même des prisons sera l'objet d'une grande loi pénitentiaire. Celle-ci sera préparée avec tous les personnels concernés. Elle définira le sens de la peine, les missions de l'administration pénitentiaire, les règles fondamentales du régime carcéral en encadrant les nécessaires restrictions aux libertés individuelles, les conditions générales de détention. Elle permettra en outre de regrouper et d'harmoniser toute une série de textes aujourd'hui épars. Cette grande loi suivra ainsi les préconisations du Premier président CANIVET et des députés de la commission d'enquête sur les prisons. J'ai demandé à Marylise LEBRANCHU de préparer ce texte afin qu'il puisse être présenté en Conseil des ministres avant l'été. Il devrait être soumis au débat parlementaire à l'automne prochain.
Cet effort en faveur de l'administration pénitentiaire s'inscrit dans la réforme d'ensemble de la Justice.
La réforme de la Justice est en effet globale. Tel était l'esprit, déjà, de la communication en Conseil des ministres du 29 octobre 1997, qui affirmait, je cite, que " les changements qu'implique la réforme de la Justice ne pourront être mis en oeuvre qu'avec le concours de tous les personnels de la Justice. Tous les métiers de la justice sont concernés ". Cette réforme d'ensemble poursuit trois objectifs : une justice plus proche des citoyens, c'est-à-dire plus accessible à tous et plus rapide ; une justice au service des libertés ; une justice indépendante. Tels sont les grands axes qui ont inspiré le Gouvernement, qui ont marqué l'action d'Elisabeth GUIGOU à la tête du ministère de la Justice durant plus de trois ans et qui guident déjà celle de Marylise LEBRANCHU.
Nous avons commencé de traduire dans les faits cette ambition de réforme. Pour une justice plus proche des citoyens, d'importantes modifications législatives ont été menées à bien, comme la loi du 18 décembre 1998 sur l'accès au droit et la résolution amiable des conflits, la loi du 23 juin 1999 sur l'efficacité de la procédure pénale ou la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. De même, les Conseils de sécurité intérieure ont fait une priorité de la rapidité et de la systématisation de la réponse judiciaire aux actes de délinquance.
Pour une justice au service des libertés, de grandes réformes de société ont été adoptées, comme celle rénovant les conditions d'acquisition de la nationalité ou celle instaurant le pacte civil de solidarité.
Enfin, pour une justice indépendante, la réforme engagée par le Gouvernement est encore inachevée en raison du refus de l'opposition de voir aboutir, par la réunion du Congrès, la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature. Nous mènerons à bien ce projet lorsque les conditions politiques pour le faire seront réunies. Je tiens cependant à rappeler que depuis le mois de juin 1997, rompant avec des pratiques antérieures, et conformément avec l'engagement pris dans ma déclaration de politique générale, la ministre de la Justice s'abstient de toute instruction au Parquet dans les affaires individuelles dont la Justice est saisie. De même, aucune nomination d'un membre du Parquet n'est intervenue depuis trois ans et demi contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Ces réformes sont servies par un effort sans précédent sur le plan budgétaire. En trois ans, les crédits globaux dont dispose la Justice ont progressé de 14 %, passant de 23,9 à 27,3 milliards de francs. La priorité pour la Justice sera confirmée en 2001, avec une nouvelle progression de 3,1 %. En trois ans, 2.930 postes ont été créés ; 1.550 emplois nouveaux sont inscrits pour la Justice dans la prochaine loi de finances. Les services pénitentiaires, en particulier, ont ainsi bénéficié de 1.030 emplois sur les trois dernières années ; 530 emplois nouveaux figurent au budget 2001, et 15 autres vont accompagner la transformation de l'ENAP en établissement public, venant s'ajouter aux 171 emplois affectés à cet établissement.
Mesdames et Messieurs,
La confiance en la Justice est indispensable à la cohésion nationale. Quand le peuple doute de sa justice, le pacte républicain se fissure. Pour donner à la Justice les moyens de mieux assurer ses missions, en toute indépendance, un mouvement considérable de réformes -certaines déjà adoptées, d'autres en préparation- a été engagé depuis le mois de juin 1997. Il est en train de transformer la Justice en France.
Ces réformes importantes, qui expriment l'évolution des aspirations de la société à l'égard de la Justice, doivent s'inscrire dans la réalité. Elles y parviendront grâce à l'action de toutes les professions de la Justice auxquelles, je le sais, de grands efforts sont demandés. Je suis certain que grâce au concours de tous et à l'impulsion que saura donner Marylise LEBRANCHU, les réformes seront menées à bien, en particulier dans les juridictions, mais aussi dans les établissements pénitentiaires. Au fond, ce mouvement de transformation de la Justice est à l'image du bâtiment principal de l'ENAP : une force qui avance tout en étant ouverte à ce qui l'environne. C'est bien en répondant aux attentes de transparence, de rapidité et d'indépendance exprimées par nos concitoyens que la Justice pourra continuer d'assumer la mission essentielle que lui confie la République.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 novembre 2000)