Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et notamment la politique de réduction des déficits, à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2005.

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Circonstance : Débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 le 25 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales,
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Deux ans après la réforme des retraites, un an après la réforme de l'assurance maladie, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale s 'inscrit dans la continuité d'une action qui témoigne de l'attachement du Gouvernement à notre Sécurité sociale, au moment où nous célébrons son soixantième anniversaire.
C'est avant tout l'occasion pour nous tous de dire notre fierté devant les réalisations de notre système de Sécurité sociale, auquel chacun a apporté sa pierre. C'est l'occasion aussi de souligner la réussite du pacte social conclu à la Libération sous l'autorité du Général de Gaulle avec la participation de toutes les forces politiques. Ce pacte exprime la solidarité des Françaises et des Français face aux risques de la vie. Il leur apporte des garanties qui assurent notre cohésion sociale, notre confiance face à l 'avenir, et donc aussi notre dynamisme économique. C'est pourquoi, tous, nous y sommes si profondément attachés.
Notre politique pour la Sécurité sociale, c'est d'abord la réduction des déficits, mais ce n'est pas seulement cela. Il s'en faut de beaucoup. C'est aussi la reconnaissance des performances d'un système de solidarité qui compte parmi les plus efficaces au monde. Et c'est encore l'exigence constante de nouveaux progrès que seule la maîtrise des coûts rend possibles. Je reviendrai dans un instant sur ces progrès. Mais regardons d'abord les acquis de 60 ans qu'il s'agit aujourd'hui de fortifier.
La famille, d'abord !
La natalité française est la plus élevée d'Europe continentale. Elle n'est pas loin d'assurer le renouvellement des générations.
Tous les démographes expliquent cette grande différence par rapport à nos voisins, qu'ils soient allemands, anglais, espagnols ou italiens, par notre politique familiale et par les prestations familiales de la Sécurité sociale. Le projet que nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui vient encore renforcer cette politique en favorisant le choix le plus fréquent de nos compatriotes, celui d'avoir deux revenus dans le couple. Car c'est le moyen d'élever ses enfants dans les meilleures conditions et c'est le choix de 80 % des Françaises. Nous l'avons démontré depuis longtemps en France : le travail des femmes n'est pas l'ennemi de la natalité. Au contraire, il la favorise, à condition que nous sachions donner aux couples les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle.
Les retraites, ensuite !
Nous avons pris nos responsabilités en faisant une réforme nécessaire et juste, trop longtemps différée. Grâce à elle, l'avenir de notre système de solidarité entre les générations est garanti. Souvenons-nous qu'au moment de la création de la Sécurité sociale, plus de 50 % des Français âgés de 65 à 70 ans étaient encore obligés de travailler faute de retraites décentes. Aujourd'hui, grâce à la solidarité entre les générations, le revenu moyen des retraités atteint 90 % de celui des actifs. Cela aussi, c'est l'uvre de la Sécurité sociale !
La santé, enfin !
L'OMS a salué les performances de la France en nous classant au premier rang mondial. Notre système n'est certes pas parfait. Il faut continuer à l'adapter. Mais il ne craint la comparaison avec aucun autre. Il est parmi les plus efficaces du point de vue de la qualité des soins. Et il est bien plus juste que tous ceux qui laissent de côté une part croissante de la population, y compris, on ne le dit pas assez, les classes moyennes elles-mêmes, au profit d'une protection sociale réservée à ceux-là seuls qui ont la chance de pouvoir y accéder. De récentes décisions annoncées par une grande entreprise automobile américaine montrent à quel point la précarité des systèmes privés de protection sociale peut affecter les couches de la population qui se croyaient les mieux protégées, tandis que, dans le même pays, 40 millions de personnes de toute condition se trouvent écartées d'une bonne couverture.
A l'inverse, le système français garantit l'accès de tous aux meilleurs soins. C'est le choix de la solidarité. Et c'est aussi celui de l'efficacité économique car les dépenses de santé atteignent aux Etats-Unis près de 14 % du produit intérieur brut, contre à peine plus de 8 % en France.
Notre système ignore également les exclusions, notamment en fonction de l'âge. Il ignore les files d'attente et les refus de prises en charge qui sont le lot commun des systèmes étatisés, lesquels subsistent même parmi les pays les plus libéraux d'Europe.
La confrontation entre systèmes montre à l'évidence combien notre assurance-maladie mérite les efforts consentis par nos compatriotes pour la défendre.
Loin des idées reçues, notre système est moderne et efficace et il faut sans relâche continuer à le moderniser. A cet égard, je tiens à saluer le travail remarquable accompli par votre Mission d'évaluation des comptes de la Sécurité Sociale.
- La modernisation des services s'est accélérée au cours des années récentes : le succès de la carte vitale en est un bon exemple. En 2000, la moitié des feuilles de soins était dématérialisée ; aujourd'hui c'est 80 % d'entre elles qui le sont.
- Il faut souligner aussi les progrès constants de la Sécurité sociale dans la maîtrise des coûts de gestion : les gains de productivité sont actuellement de l'ordre de 2 à 3 % par an. Les coûts de gestion des caisses sont aujourd'hui d'environ 4 %, ce qui est très en dessous des coûts du marché.
Et puisqu'une loi de financement de la Sécurité sociale, ce sont des chiffres au service d'une politique, laissez-moi vous dire en quelques chiffres ce qui exprime à mes yeux l'ambition de ce projet.
-25 % !
-25 %, c'est le niveau de réduction des déficits de la Sécurité sociale que nous avons l'ambition de réaliser grâce à l'application de l'ensemble des mesures figurant dans ce projet de loi. Le déficit du régime général passera ainsi de 11,9 milliards fin 2005 à 8,9 Mds fin 2006. Dans aucun autre secteur de l'action publique de tels efforts de réduction des déficits ne seront réalisés l'an prochain. Et je redis ici, comme vient de le faire Xavier Bertrand, que cet objectif va consolider et prolonger les résultats très importants déjà constatés pour l'assurance maladie depuis le vote de la loi du 13 août 2004 : un déficit de 8,3 milliards en 2005, certes beaucoup trop lourd encore, mais qui doit se comparer aux 16 milliards prévus avant la réforme.
+196 !
+196, c'est le nombre de nouveaux médicaments admis au remboursement en 2004 et effectivement pris en charge en 2005. Car la force de notre assurance-maladie depuis 60 ans, c'est d'avoir su rendre le progrès médical accessible à tous, et c'est notre exigence et notre honneur de continuer à le faire. Quand la Grande-Bretagne refuse la prise en charge d'un médicament contre le cancer parce qu'il est trop cher, nous le rendons au contraire accessible aussitôt à tous nos malades. Et si nous déremboursons 156 autres médicaments ou si nous diminuons le remboursement de 62 médicaments de la classe des veinotoniques, sur les recommandations scientifiques de la Haute Autorité de Santé, c'est aussi parce qu'il faut savoir faire des choix responsables en faveur des médicaments dont l'intérêt thérapeutique est le plus élevé. Il est normal que la liste des médicaments remboursables évolue au rythme des progrès de la médecine. Il est normal qu'il y ait des entrées et des sorties. Nous nous donnons ainsi les moyens de diffuser l'innovation médicale à tous les malades.
+9 % !
+9 %, c'est l'augmentation des crédits d'assurance-maladie prévue par le projet pour les maisons de retraite et pour les services médico-sociaux destinés aux personnes âgées dépendantes. Et c'est même presque 14 % en comptant l'apport de la journée de solidarité à la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie. Cela représente par rapport à 2005 un effort supplémentaire de 586 millions d'euros. Grâce à une très forte mobilisation en faveur des personnes âgées, le plan vieillissement et solidarité 2004-2007 aura été financé en deux ans au lieu de quatre. Nous vous proposons donc aujourd'hui son doublement : 20 000 places supplémentaires en maisons médicalisées au lieu des 10 000 prévues sur la durée de ce plan! Dès 2006, le projet propose donc de créer 5 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Mais la prise en charge de la dépendance, c'est aussi aider les personnes qui le souhaitent et qui le peuvent à rester dans leur foyer. L'an prochain, 4 250 nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile seront financées. Et pour soulager les familles qui s'occupent quotidiennement de leurs proches, le projet permet aussi en 2006 la création de 2 125 places en accueil de jour et de 1 125 places en hébergement temporaire. C'est la meilleure façon d'aider l'entourage familial des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Nous avons voulu aussi avoir la possibilité d'aider les maisons de retraite à se rénover et à se moderniser. C'est une question de sécurité, de confort et aussi de dignité pour les personnes âgées qui y sont accueillies. Le projet que nous vous présentons contient des dispositions en ce sens.
+5 % !
+5 %, c'est l'augmentation des moyens consacrés aux dépenses médico-sociales en faveur des personnes handicapées. Elle atteindra + 6,16 % en comptant l'apport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. L'augmentation sera de 400 millions d'euros.
Répondant aux priorités données par le Président de la République et voulue par toutes les associations de personnes handicapées, la loi du 11 février dernier se traduira en 2006 par une forte augmentation des crédits de l'Etat au titre de l'allocation pour adultes handicapés et par une nouvelle augmentation de 2 500 places en centres d'aide par le travail.
Elle se traduira également par la mise en oeuvre au début de l'an prochain de la prestation de compensation du handicap. Grâce au travail des Français, les crédits que les départements consacraient jusqu'alors aux aides compensatrices vont aussi pouvoir être doublés.
+7,5 % !
+7,5 % par an, c'est l'augmentation annuelle garantie par l'Etat pour les quatre prochaines années des fonds sociaux des caisses d'allocations familiales afin d'ouvrir de nouvelles places de crèche. En tout, ce sont 72 000 places de crèche qui auront ainsi été créées entre 2002 et 2008, augmentant notre équipement national de 30 %. C'est un effort sans précédent en France : un total de 2,4 milliards d'euros en quatre ans !
Pour l'exercice 2006, le déficit de la branche famille sera stabilisé à 1,1 milliard d'euros. C'est un déficit conjoncturel et non structurel. Il décroîtra dans les années à venir. La branche reviendra à l'équilibre en 2009, tout en assurant la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, que vous avez créée au 1er janvier 2004. Cette prestation connaît aujourd'hui un grand succès. 250 000 familles supplémentaires vont en bénéficier, au lieu des 200.000 initialement prévues.
Par ailleurs, conformément aux décisions prises par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille du 21 septembre 2005, le projet prévoit la création d'un congé d'un an, le complément optionnel de libre choix d'activité : ce dispositif ne se substituera pas au congé actuel de 3 ans, mais il le complètera. Il permettra aux parents qui le souhaitent de bénéficier à partir du 3ème enfant d'un congé plus court, mais beaucoup mieux rémunéré : 750 euros par mois, soit près de 50 % de plus.
En élevant le niveau de la rémunération et en évitant un éloignement trop long de l'activité professionnelle, nous favorisons la prise du congé par les pères. Nous facilitons aussi le retour à l'emploi des bénéficiaires de ces congés.
La même ambition prévaut pour l'allocation de parent isolé. Nous allons vous proposer dans un autre texte une priorité d'accès aux modes de garde permettant aux bénéficiaires de cette allocation de recevoir une formation pour qu'elles puissent retrouver le chemin de l'emploi.
Par ailleurs, parce qu'il faut aussi soutenir les familles dans les épreuves de la vie, le projet de loi assouplit les règles du congé et de l'allocation de présence parentale, qui ont été créés pour permettre aux parents d'être au chevet d'un enfant hospitalisé. Les parents disposeront désormais d'un " compte crédit jours " de 310 jours, à prendre sur une période de trois ans. Un complément de 100 euros mensuels leur sera versé lorsque la maladie de l'enfant exige des déplacements importants.
300 000 !
300 000, c'est le nombre de personnes qui auront bénéficié à la fin de l'an prochain d'un départ anticipé à la retraite parce qu'elles ont commencé à travailler très jeunes dans des conditions souvent très dures.
Refusée pendant des années, cette mesure de justice a enfin été rendue possible par la réforme des retraites de 2003. Certes, ces départs anticipés pèsent fortement cette année sur le déficit de l'assurance vieillesse. Mais la hausse des cotisations salariales et patronales de 0,2 point, décidée dans le cadre de la réforme de 2003, permettra de ramener ce déficit de 2 milliards à 1,4 milliard d'euros en 2006. La répartition de cette cotisation entre employeurs et salariés sera décidée dans un partage équitable après concertation avec les partenaires sociaux.
Le projet prévoit également d'aligner le régime du minimum vieillesse sur celui des autres minima sociaux en le réservant pour l'avenir aux personnes, françaises ou étrangères, qui résident sur le territoire national. Le service des minima sociaux est en effet lié à la résidence sur le territoire français, à la fois parce qu'ils sont financés par la solidarité nationale et parce que leur montant est établi au vu du coût de la vie en France. Il ne serait pas acceptable de prolonger une situation d'aubaine issue des lacunes de notre législation, et qui permet à d'anciens travailleurs saisonniers venus temporairement en France de bénéficier à l'étranger d'une pension à vie après l'âge de 65 ans.
Circonstance aggravante, cette pension est d'autant plus importante que la durée de séjour en France a été faible. Il était temps d'appliquer pour l'avenir à cette prestation les mêmes règles qu'aux autres minima sociaux.
Enfin, il faut dire un mot de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans l'attente des négociations demandées depuis plus d'un an aux partenaires sociaux pour réformer la branche, une hausse temporaire de cotisation de 0,1 % est prévue par le projet.
Le dernier point que je veux aborder concerne le financement de la Sécurité sociale. Ses recettes ont moins progressé que prévu en 2005 en raison d'une croissance ralentie de l'économie. La Sécurité sociale a ainsi perdu un milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales.
Aujourd'hui, quand le gouvernement de Dominique de Villepin travaille pour une croissance sociale, quand il travaille pour l'emploi et le pouvoir d'achat, il travaille aussi pour la Sécurité sociale. Car c'est d'abord en augmentant la masse salariale nationale que l'on dégage les ressources nécessaires au financement de notre protection sociale.
A partir de 2006, le Gouvernement vous propose aussi d'affecter directement à la Sécurité sociale des recettes fiscales pour financer les 18,9 milliards d'allègements généraux de cotisations par des ressources permanentes, dynamiques et diversifiées, notamment grâce à l'attribution de 5 milliards d'euros de Taxe sur la Valeur Ajoutée. Cette innovation rejoint, je crois, la préoccupation de beaucoup de nos partenaires sociaux. Comme Xavier Bertrand, je suis disponible pour continuer à faire progresser notre réflexion commune dans cette voie.
La variété des nouvelles recettes, leur dynamisme et les garanties entourant leur évolution permettront d'apporter à la sécurité sociale des ressources qui ne pèsent pas seulement sur le coût du travail.
Une clause de révision permettra de s'assurer que le montant transféré en 2006 correspond à l'euro près au montant des allègements généraux et que le panier de recettes évolue par la suite de manière conforme aux allègements de cotisations sociales.
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales,
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La réussite de notre Sécurité sociale, c'est d'avoir apporté à tous les Français un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé et l'accès pour tous au progrès médical. Au même titre que l'école gratuite et obligatoire, qui assure l'égalité des chances, la Sécurité sociale qui garantit l'égalité des Français devant la santé et devant les risques de la vie, est l'un des principaux piliers de notre République.
Tout l'enjeu de l'adaptation de notre Sécurité sociale, c'est de préserver ce haut niveau de prestations auxquelles nous sommes tous, légitimement, attachés. Sans augmenter les prélèvements obligatoires. En maîtrisant les dépenses. Et en réduisant fortement les déficits.
C'est bien le sens de ce que nous avons entrepris. Avec une méthode : le changement des comportements.
Avec un principe : la responsabilité. Celle de tous les Françaises et les Français comme celle des acteurs de notre système de soins.
Je vous remercie.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 octobre 2005)