Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le dialogue entre les hommes d'entreprises et les législateurs, Paris le 2 février 2000.

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Circonstance : Rencontres sénatoriales de l'entreprise au Sénat, Paris le 2 février 2000

Texte intégral

Mes chers collègues,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Je suis très heureux de vous avoir accueilli aujourd'hui pour ces premières rencontres sénatoriales de l'entreprise qui marquent tout à la fois l'attachement du Sénat à la promotion des valeurs entrepreneuriales et sa volonté de légiférer autrement.
La promotion de l'entreprise privée et de l'esprit d'entreprise est un combat culturel de long terme auquel j'attache la plus grande importance car en définitive ce sont bien les entreprises qui font vivre tous les Français qu'il s'agisse des fonctionnaires, des retraités et même des hommes politiques. C'est sans doute une évidence, mais à un moment où il est de bon ton de critiquer l'économie de marché et de réclamer sans cesse de nouvelles régulations, cette évidence est bonne à rappeler. N'oublions pas que si la France se porte bien aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout grâce à ses entreprises qui ont su profiter de la croissance mondiale et s'insérer efficacement dans la " nouvelle économie ".
C'est pourquoi, depuis mon élection à la présidence du Sénat, j'ai souhaité prendre plusieurs initiatives, dont celle qui nous réunit aujourd'hui, afin de montrer l'importance que le Sénat de la République accordait aux entreprises et la place qu'il entend réserver aux entrepreneurs. L'entrepreneur est un personnage clé de notre société. Il est le gage de sa vitalité pour tous les risques qu'il assume, pour toutes les innovations qu'il ose et pour toute la richesse qu'il crée. Si chacun, l'Etat en premier lieu, avait réellement conscience que la réussite des nations repose sur la liberté de ses citoyens à entreprendre, la France se porterait beaucoup mieux et le nombre des chômeurs serait sans doute moins important. Malheureusement, les choses n'en sont pas encore là et on ne peut que s'inquiéter de la faiblesse des créations d'entreprises, dont le nombre n'a cessé de décroître depuis 1994.
C'est pourquoi il est indispensable que le législateur, chaque fois qu'il élabore des règles, pense concrètement à la façon dont elles seront appliquées et veille à ne pas alourdir cet impôt invisible que constitue la sur réglementation, c'est-à-dire " l'impôt papier ". C'est en tous cas ce que j'ai souhaité faire au travers des rencontres sénatoriales de l'entreprise, afin que mes collègues aient une vision, actualisée, des réalités quotidiennes sur les quelles ils légifèrent, en particulier dans le domaine économique où les choses évoluent avec une extraordinaire rapidité. De ce point de vue, les stages d'immersion ne constituent pas seulement un exercice d'humilité, mais également un antidote au dogmatisme et à l'esprit de système. Le Sénat se donne ainsi les moyens de jouer pleinement le rôle de contre pouvoir qui est le sien. Ne disposant pas du dernier mot, il ne peut influencer l'élaboration des lois que si ses arguments sont justes. Or pour pouvoir disposer d'arguments qui portent, il faut parfois faire taire les a priori partisans, être à l'écoute des autres et accepter de faire remonter les idées du terrain. C'est précisément ce qu'ont fait trente deux sénateurs, de toutes les sensibilités politiques, que je tiens ici à remercier publiquement, ainsi que les chefs d'entreprise qui les ont reçu, pour avoir été en quelques sorte les pionniers de cette nouvelle façon de légiférer, empreinte de pragmatisme et d'expériences vécues.
J'ai moi-même beaucoup appris ce matin en vous écoutant. J'ai, notamment, été renforcé dans ma conviction de l'importance croissante de l'investissement humain. De toutes les sortes d'investissement que l'on peut faire, l'investissement dans la formation et dans l'éducation des hommes me semble en effet le plus important. Le temps n'est plus où l'on pouvait dissocier la vie humaine en trois âges : la jeunesse où l'on se forme, l'âge adulte où l'on travaille et la retraite où l'on se repose. Ce triangle des certitudes sur lequel nous avons vécu est en train d'éclater et il faudra bien en tirer toutes les conséquences. C'est du reste un peu ce que nous avons fait, les uns et les autres, sénateurs et chefs d'entreprise au travers des stages d'immersion. C'est pourquoi, je souhaite que cette opération se poursuive et qu'elle touche un plus grand nombre de participants.
Mais peut être faut-il aller au-delà et faciliter l'accès des hommes d'entreprise aux fonctions électives. Mes collègues Jean-Paul Delevoye et Michel Mercier, dans le cadre de la mission d'information chargée de dresser les bilan de la décentralisation ont avancé des propositions destinées à faciliter l'exercice à temps plein du mandat local. Mais ces propositions ne concernent que les élus locaux et peut être serait-il bon, s'il y a lieu, de les étendre aux mandats nationaux et européens.
Par ailleurs, il serait souhaitable que le dialogue entre les hommes d'entreprise et le législateur n'ait pas lieu uniquement une fois par an, mais de façon permanente au travers de forums internet. Nous avons déjà procédé à une expérience de la sorte, en offrant la possibilité aux internautes de dialoguer sur des projets ou des propositions de loi. Le succès du forum organisé sur la proposition de loi relative à l'utilisation des " logiciels libres " de mes collègues Pierre Laffitte et René Trégouët a permis une réelle amélioration du texte initial. Ce type de consultation, dans le respect des rôles de chacun, mérite d'être étendu à de nouveaux textes, chaque fois que cela sera possible et en particulier sur les textes concernant les entreprises.
Voilà, ce que je tenais à vous dire. Je remercie une nouvelle fois Messieurs Bertrand Piccard et Philippe Manière de leur témoignage fort intéressant, ainsi que tous les journalistes et associations partenaires qui ont rendu possible les débats d'aujourd'hui. Je vous remercie de l'attention que vous m'avez accordée.
(source http://www.senat.fr, le 27 novembre 2000)