Texte intégral
Cher(e)s camarades
Heureux de vous retrouver, après une période, plus longue qu'à l'accoutumée au cours de laquelle je n'ai pas eu l'occasion de vous retrouver dans cette formation. Même si je mesure le prix de votre présence, chaque semaine.
Je salue François Hollande, le premier secrétaire, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, dont l'action est précieuse.
Je salue, plus encore aujourd'hui, votre président, Jean-Marc Ayrault. Depuis 3 ans, je mesure à chaque choix, à chaque difficulté, combien j'ai pu m'appuyer sur sa connaissance du groupe, sur ses analyses politiques, sur son expérience d'élu. Jean-Marc est un responsable politique de premier plan dans le dispositif que nous animons ensemble. Je souhaite devant vous lui rendre ce témoignage d'estime et d'amitié.
Je salue aussi le nouveau président de l'Assemble nationale. Après Louis Mermaz, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, puis à nouveau Laurent, Raymond Forni accède aujourd'hui au "perchoir". Vous l'avez collectivement désigné pour assurer ces hautes responsabilités. Je connais ses qualités, je sais ce qu'il a apporté au cours des dernières années à la vie du Parlement, au travail avec le Gouvernement. Je l'assure de mon amitié et de mon soutien. Son élection fait honneur à votre assemblée et à nos institutions. Et j'ai été ému par la lecture de son texte de remerciement, si personnel, si évocateur d'un parcours, si symbolique de ce qu'est notre république.
Je veux également féliciter Christine Lazerges, première vice présidente, ainsi que vos nouveaux présidents de commission, François Loncle et Bernard Roman.
Je félicite à nouveau Jean-Claude Leroy, qui a conquis une circonscription et gagné un siège laissé vacant par le départ de son prédécesseur. Il est parfois hasardeux de remettre avant terme son mandat entre les mains des électeurs qui vous ont fait confiance, surtout lorsque l'on a contre soi un candidat efficace, bien enraciné. D'autres en ont fait l'expérience....Nous devons nous fixer une règle : pas de partielle décidée par nous.
Enfin, je veux dire ici à Henri Emmanuelli le plaisir qui est le mien de revenir devant un groupe socialiste au sein duquel il a retrouvé toute sa place.
Je souhaite introduire notre discussion
I - En vous disant tout d'abord l'état d'esprit dans lequel nous devons aborder la période qui s'ouvre
* Après plus de 34 mois, j'ai procédé, il y a une semaine, à plusieurs changements significatifs au sein du Gouvernement. Je l'ai fait avec le souci premier :
- de renforcer notre dispositif gouvernemental - fait pour le long cours - en quelques points qui étaient devenus plus fragiles. Ce n'était pas facile à faire humainement, je pense aux partants. Mais à mes yeux, et peut-être aux vôtres, nécessaire. Je l'ai fait.
- de poursuivre et d'élargir notre rassemblement. Celui des socialistes, celui de la majorité plurielle.
- d'inscrire ces choix d'hommes et de femmes dans la continuité de l'action réformatrice engagée depuis 3 ans. Nos orientations politiques, nos grandes priorités restent les mêmes. Nous maintiendrons la politique de réforme, car elle est au cur du contrat de confiance noué avec les français. C'est sur cette volonté réformatrice - et aussi réformiste - mais également sur notre capacité à traiter et à régler les problèmes, par l'écoute, la concertation que nous serons jugés.
- C'est pourquoi j'ai souhaité, à cette étape de notre action, associer au Gouvernement des personnalités, des responsables dont je savais que l'expérience antérieure, les parcours personnels, la compétence, les qualifiaient pour prendre le relais en y imprimant leurs convictions, leur enthousiasme ou leur savoir faire.
J'ai lu, ici ou là : " gouvernement de combat ", " machine de guerre ", comme si les élections à venir constituaient le déterminant de toute décision. Ce remaniement répond à une ambition : rassembler nos forces pour gouverner et continuer à transformer la société. Si nous remplissons au mieux cette mission, alors, le moment venu, nous serons effectivement mieux prêts à solliciter la confiance des français et à assumer le jugement du peuple. Mais c'est dans ce sens et non dans l'autre que les choses doivent se lire.
* Ce gouvernement continuera d'oeuvrer dans un dispositif politique, la majorité plurielle, qui a fait preuve depuis 3 ans de sa force et de sa cohérence et auquel je suis, politiquement et humainement, profondément attaché.
Nous avons, au Parlement, toujours privilégié le choix de la cohérence majoritaire, sans jamais forcer la main de nos alliés, sans jamais chercher à les contourner, ni à les éviter. Chaque composante de la majorité s'inscrit, me semble-t-il, dans cette dynamique, tout en recherchant les voies de son adaptation, de sa modernisation ou de sa mutation.
Ce renforcement dans l'action - et peut être grâce à l'action - d'un dispositif et d'une dynamique politiques que le temps n'a pas affaiblis est peut-être sans précédent à gauche. Raison de plus pour continuer à le faire vivre.
* L'action que nous avons conduite, nous allons la prolonger et, à certains égards l'amplifier. Elle est marquée par la durée, derrière nous mais aussi devant nous. Cette durée, dans laquelle certains voudraient voir un poids, j'y vois un atout, même si elle porte en elle les difficultés inhérentes à toute action longue. Il ne dépend que de nous de le valoriser en l'utilisant pleinement et intelligemment. C'est pourquoi nous devons être capable de rythmer politiquement par nos décisions, nos actes, nos réformes, le temps qui nous sépare de la fin de la législature. Les projets recensés sont nombreux et significatifs et le temps parlementaire utile limité, compte tenu des délais normaux d'examen. Le Gouvernement ne manque pas de projets mais nous devons en parler ensemble. Qu'est ce qui vous apparaît prioritaire? Quels sont les manques, les insuffisances, les blocages ? Comment scander le temps ? J'ai besoin de votre perception, de vos analyses. Je les solliciterai.
* J'ai parlé de la majorité, je veux évoquer l'opposition :
- elle est dans l'incapacité de développer un projet. Elle assume difficilement certains de ses choix idéologiques - on le voit sur les retraites. Elle est spontanément rétractée et réactionnaire sur les sujets de société -pacs- avant de devenir parfois suiviste lorsqu'elle constate que nos approches trouvent de l'écho chez les français. Elle reste conservatrice et capable d'empêcher les évolutions significatives lorsqu'elle en a le pouvoir : cumul, réforme de la justice. Ceci doit être dit aux français et rappelé en permanence à ceux qui - n'ayant pas bougé depuis 3 ans - instruisent avec aplomb à notre encontre un procès en immobilisme.
- en même temps, et même si le résultat des partielles a montré que si le rapport de force entre la majorité et l'opposition demeure, 3 ans après, le même qu'en 1997- ce qui est un acquis dont nous devons être fiers- la droite reste sociologiquement et donc électoralement forte. Aucune victoire n'est et ne sera mécanique, aucun succès ne doit être a priori considéré comme acquis. C'est en nous mobilisant, en nous rassemblant, en valorisant nos réalisations et nos atouts que nous pourrons convaincre.
* Dernier constat : nous vivons un moment économique et social de transition
Nous avons contribué à remettre en mouvement l'économie et la société françaises. La croissance est forte, le chômage diminue fortement - j'y reviendrai - l'industrie française marque des points, la société française bouge, grâce aux acteurs de la société mais aussi à nous. La confiance semble revenue.
En même temps, ce changement économique et social donne vie à un moment politique particulier, celui ou des attentes, des aspirations, des revendications s'expriment plus facilement.
Cette réalité, ces réalités composent en France une " nouvelle donne " qui nécessite une capacité d'analyse, d'écoute et de discernement particulier, si nous voulons être capable de bien jouer nos cartes. C'est une partie du défi des deux années qui nous séparent de la fin de la législature.
II - C'est pourquoi je souhaite évoquer quelques uns des principaux chantiers qui marqueront notre action et votre activité de législateur. Je le ferai autour de quelques objectifs centraux
- la consolidation et le partage de la croissance
- la transformation et la modernisation de notre société par la réforme
1 - Premier objectif : la croissance retrouvée doit être partagée et profiter à ceux qui en ont le plus besoin
Nous devons viser une croissance généreuse, une croissance pour tous. Par la priorité maintenue à la lutte contre le chômage, par l'extension des mesures sociales, par la baisse de la fiscalité
1- 1 La baisse du chômage.
A l'horizon de la décennie, le grand projet pour la société française dont la gauche est porteuse, c'est la reconquête du plein emploi.
J'ai ouvert pour la première fois cette perspective devant l'université d'été du parti socialiste à La Rochelle, en septembre 1999. Rien ne nous conduit aujourd'hui à infirmer ce cap.
Depuis juillet 1997, nous avons ramené le taux de chômage à son plus bas niveau depuis sept ans (10,2 %) ; le nombre des chômeurs a reculé de près de 640.000. Les derniers chiffres ont confirmé cette baisse puissamment; elle profite à tous en particulier à nos " priorités " : les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées de plus de 50 ans.
Nous le faisons naturellement grâce à la croissance - que nous avons contribué à restaurer - mais aussi grâce à l'effet d'accélération de nos politiques de l'emploi : les emplois jeunes, les 35 heures. Nous avons, vous avez, à l'assemblée mené une bataille politique sous l'ironie et les accusations de l'opposition. Soyons fiers de ce que nous avons initié. Non le processus des 35h ne brident pas la croissance, la réduction du travail n'est pas un frein au dynamisme. Ils sont créateurs d'emplois, facteurs de progrès social. Chaque jour en apporte la démonstration.
A court terme, dans l'année 2000, nous voulons faire reculer le chômage sous le seuil des 10 % de la population active. D'ici la fin de la législature, nous devrons nous battre pour que le nombre des chômeurs repasse sous le seuil lui aussi symbolique des 2 millions, franchi il y a presque 20 ans. Puis, si on nous fait confiance, aller plus loin encore.
Cette bataille est bien engagée mais elle n'est pas gagnée. Elle restera le guide de toutes nos décisions. C'est sur ses résultats que nous serons, le moment venu, jugés par les français.
1- 2 Partager la croissance, c'est aussi, par des mesures sociales, agir pour qu'il n'y ait pas d'exclus de la croissance, ou du moins que la réalité de cette exclusion puisse être atténuée
- J'avais annoncé aux journées parlementaires de Strasbourg l'annulation des dettes fiscales au profit des chômeurs et ménages surendettés. 180 000 ménages en ont bénéficié pour un montant moyen de 1500 à 2300 F.
- Le projet de loi de modernisation sociale, prochainement examiné, permettra de nouveaux progrès dans plusieurs domaines. Je voudrais en évoquer devant vous quelques uns :
- en matière de lutte contre la précarité, il importe de mettre fin à certains abus. Les partenaires sociaux ont engagé des discussions sur ce sujet, vous le savez. Je le leur ai dit que je me réjouissais de ce dialogue renoué, que le Gouvernement d'ailleurs n'a cessé d'appeler de ses voeux depuis 2 ans. Il leur appartient désormais de prendre leurs responsabilités, pour que ces discussions débouchent si cela est possible sur un accord. Le Gouvernement prendra -en toute hypothèse- les siennes. D'ores et déjà, certaines améliorations en matière de garanties accordées aux salariés en CDD ou intérim, qui relèvent de l'ordre public social et donc du législateur, peuvent être apportées dans ce projet de loi.
- J'ajoute, au passage, que les français approuveraient sûrement que les partenaires sociaux mettent à profit la bonne santé financière de l'UNEDIC pour améliorer la couverture d'assurance-chômage des salariés précaires, que tous s'accordent à considérer comme insuffisante. Je souhaite que l'accord qui devra intervenir au plus tard en juin intègre cette exigence et prenne des mesures concrètes d'amélioration.
- En matière de licenciements économiques, l'évolution favorable de l'emploi et leur forte tendance à la baisse ne dispensent pas de l'examen de mesures nouvelles. Le projet de loi de modernisation sociale devra en particulier reprendre ce que l'on a appelé " l'amendement Michelin ", cependant que le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques prévoit d'améliorer les procédures d'information des salariés en cas d'OPA, et que la proposition de loi communiste sur les aides publiques aux entreprises va introduire une transparence nécessaire sur ces aides.
1- 3 Partager la croissance, c'est en répartir justement les fruits, par une baisse des impôts significative et durable
C'est, vous le savez, le choix prioritaire qui guidera l'utilisation du surplus de recettes escompté en 2000 et dont vous discuterez lors de l'examen du collectif.
Le groupe socialiste a débattu, le parti s'est exprimé, j'ai réuni comme à l'accoutumée les responsables parlementaires les plus concernés. Nous avons entendu votre message : privilégier le renforcement des dépenses publiques d'urgence (hôpitaux, ouragans, politique de la ville, éducation nationale), mais surtout accentuer une baisse des impôts au bénéfice de tous les français et prioritairement des plus modestes. C'est ce qui sera fait dès 2000, la baisse des prélèvements obligatoires devant être prolongées en 2001 et 2002. A cette date, je souhaite que les impôts reviennent au niveau atteint en 1995 avant les hausses du plan Juppé. Le ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius, nous fera des propositions à cet égard.
La baisse des impôts n'est pas pour moi l'alpha et l'oméga de la pensée socialiste. Mais nos prélèvements sont trop élevés ; ils doivent baisser. Je souhaite que nous soyons collectivement capable de resituer cette évolution dans notre projet politique, qui conjugue tout à la fois :
- la préservation et le développement de nos services publics,
- la priorité donnée à ceux qui ont le plus de mal à vivre, à ceux dont les salaires sont les plus faibles,
- mais aussi le soutien aux couches salariés nouvelles qui contribuent à la modernisation, à l'innovation, à la création, dans les PME ou dans d'autres secteurs de l'économie.
Je crois profondément que nous sommes les seuls à pouvoir établir cette cohérence. Assumons la pleinement.
En ce qui concerne le débat ouvert sur la " cagnotte ", je n'y reviens pas. Mais je pense que nous devrons, Gouvernement et Parlement, tirer de cette séquence quelques enseignements pour l'avenir. Le Gouvernement examinera avec attention les conclusions que la commission des finances, notamment sous l'impulsion de Didier Migaud, rendra prochainement sur la réforme de l'ordonnance de 1959.
2 - Deuxième objectif : nous allons continuer de transformer la société par la réforme.
Des réformes, nous en avons réalisé et engagé beaucoup depuis 3 ans car le changement, la transformation, le mouvement sont constitutifs de notre identité et structurent le projet du gouvernement. La gauche, par essence, ne peut céder à l'immobilisme sans altérer son identité. Nous avons fondé notre action sur un mariage de volontarisme et de réalisme qui implique le mouvement et que les Français attendent de nous, depuis que nous l'avons noué dans le contrat de juin 1997. Ce qui était vrai hier le reste aujourd'hui.
Alors oui, la réforme, les réformes se poursuivront. Mais il ne suffit pas de les vouloir, de les décider et même de les voter pour les réussir toutes. Les résistances existent, les conservatismes ne sont pas le monopole d'une famille politique ou d'un groupe social, la crainte du changement peut constituer un frein. Etre convaincu de la pertinence et de la nécessité d'un projet de réforme est une condition nécessaire mais pas suffisante pour mener à bien celui-ci. Il faut aussi pouvoir proposer et écouter, entraîner et convaincre, associer les syndicats mais aussi les élus, les usagers. Je crois autant à la nécessité des réformes qu'à l'exigence d'une pédagogie et d'une méthode de la réforme.
Comme parlementaires, comme élus, vous avez une responsabilité particulière dans ce processus de réforme. Certaines sont simples à valoriser - les emplois jeunes, la CMU, la baisse des impôts.... ; d'autres peuvent déranger, bousculer, modifier des habitudes, nécessiter des évolutions. Elles méritent aussi et d'autant plus votre appui. C'est la responsabilité du gouvernement que de créer les conditions de dialogue et d'écoute. Mais rien ne se fera vraiment si vous n'êtes pas vous mêmes des militants de la réforme, car nous avons besoin de vous pour convaincre et entraîner.
J'évoquerai, à cet égard, quelques uns des grands chantiers qui sont devant nous.
2-1 Nous allons poursuivre le chantier de la modernisation de l'Etat et du service public
Elle est nécessaire, elle est souhaitée, voire exigée.... et elle est souvent difficile à réussir. J'en évoquerai deux aspects qui sont parfois très liés : l'éducation nationale, le service public en milieu rural.
Dans l'éducation, des réformes importantes ont été conduites par Cl. Allègre et S. Royal. Fondées sur la qualité du service public, elles contribueront à une réelle égalité des chances notamment au bénéfice des moins favorisés. Par la concertation et le dialogue, elles pourront être pleinement mises en oeuvre.
Les mouvements qui ont eu lieu ces dernières semaines dans le secteur éducatif ont affirmé que ces réformes nécessitaient des moyens supplémentaires.
J'ai indiqué le 16 mars dernier que dans l'immédiat un milliard serait dégagé pour l'école dans le cadre du collectif budgétaire.
Au-delà de cet effort immédiat, un plan pluriannuel adaptant les moyens aux besoins sera mis en uvre à compter du PLF 2001. Il sera élaboré en concertation avec les diverses parties prenantes.
La mise en uvre ordonnée, raisonnée, solidaire des mesures qui seront prévues impliquera de la part de tous les acteurs un dialogue responsable. Cela nous conduira à redéfinir nos priorités et à les assortir d'objectifs précis. Tout cela se fera par la négociation.
S'agissant de la présence des services publics en milieu rural, j'entend bien chacun affirmer que l'État doit se moderniser. Mais l'idée que cette modernisation puisse également concerner son organisation territoriale suscite le plus souvent une véritable inquiétude. Nous devons y répondre, notre approche est la suivante :
- Nous voulons répondre aux besoins des usagers, leur proposer des services publics toujours plus accessibles, qui soient adaptés à l'évolution de leurs besoins. La question des moyens doit être abordée dans ce cadre. Je ne considère pas comme un dogme l'intangibilité ou le gel des effectifs de la fonction publique. Je ne parle pas, bien sûr, de leur réduction. Partons tout à la fois des besoins, des déséquilibres existants; parlons des missions, de l'adaptation du travail aux nouvelles technologies et aussi de nos contraintes de maîtrise des dépenses publiques, dans une discussion qui doit être la plus large
- Cette modernisation de l'administration ne peut se faire sans l'adhésion des agents, des usagers, des élus. Cela suppose un débat transparent et démocratique. C'est pourquoi le Gouvernement et ses représentants doivent veiller à l'information préalable des élus sur les projets. Ils doivent être concertés et discutés dans chaque département, dans chaque commune.
La méthode est clairement établie. Nous allons veiller à ce que les textes soient désormais scrupuleusement appliqués. Je le dis clairement, aucune réforme ne doit être engagée sans cette concertation qui est l'essence du débat démocratique.
2 - 2 Nous allons fixer des règles du jeu claires et justes entre les acteurs économiques. C'est l'enjeu du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques dont vous avez commencé à débattre avant mon arrivée.
Ces mesures ont une apparence technique, mais une portée et une signification fortes : mettre plus de transparence, de contrôle et de démocratie dans les opérations financières, dans les pratiques commerciales, entre distributeurs et fournisseurs. Nous devrons veiller ensemble, comme nous l'avons fait pour le projet de loi solidarité et renouvellement urbains, à en montrer le caractère novateur et volontariste.
2 - 3 Nous allons ouvrir de nouveaux droits pour les français en matière économique et sociale
- La formation professionnelle est pour nous un enjeu absolument majeur, d'autant que la forte croissance de l'emploi commence à provoquer, dans certains métiers ou certains territoires, des difficultés de recrutement. Nous nous attaquons à ce phénomène dès à présent, comme en témoigne l'initiative prise il y a quelques semaines par Martine AUBRY et Marylise LEBRANCHU avec les professionnels de l'artisanat.
Au-delà, c'est notre système de formation professionnelle qui doit être réformé, pour répondre plus efficacement et de façon plus égalitaire à ces nouveaux défis. Le projet de loi de modernisation sociale fournira l'occasion d'une première étape, sur l'apprentissage et surtout la validation des acquis de l'expérience professionnelle.
Les partenaires sociaux négocient également sur ce thème de la formation professionnelle. Là encore, nous espérons des résultats à la fin de cette année, pour alimenter le projet de loi de réforme de la formation professionnelle qui sera l'un des grands textes de l'année 2001.
- Le projet de loi sur l'épargne salariale sera déposé au Parlement avant la fin du semestre. Nous aurons ensemble à en définir le périmètre et la philosophie, le travail de JP Balligand nous y aidera. Par méthode, je ne ferme aucune perspective mais j'ai une conviction. Si ce projet doit être utile économiquement et socialement adapté à l'évolution actuelle, il doit être en même temps porteur d'une vraie conception de gauche. Ceci doit viser une ambition : améliorer la situation des millions de salariés dans les entreprises en leur ouvrant des droits nouveaux en matière d'épargne.
- La réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées constituera l'une des grandes avancées sociales de cette deuxième partie de législature.
La prestation spécifique dépendance, créée par le précédent Gouvernement, n'est clairement pas à la hauteur des enjeux. Nous déposerons un projet de loi avant la fin de l'année, fondé sur trois principes : passer d'une logique d'assistance à la création d'un droit reconnu aux personnes en fonction de leurs revenus et de leur niveau de dépendance ; passer d'une situation d'inégalité selon les départements à une égalité de droit sur tout le territoire; passer d'une prestation qui ne couvre qu'une faible partie des personnes concernées à une aide ouverte à toutes les personnes âgées qui en ont besoin.
- Enfin, lors de la dernière conférence de la famille, j'avais annoncé l'ouverture de deux chantiers, sur les dispositifs d'aide à la petite enfance et sur les aides personnelles au logement. A l'occasion de la prochaine conférence de la famille, qui se tiendra d'ici l'été et que préparera Ségolène Royal, nous engagerons des réformes ambitieuses dans ces deux secteurs. Notre souci est d'aider les hommes et les femmes dans leur quotidien à mieux articuler vie familiale et vie professionnelle et d'éviter en particulier que des femmes ne s'écartent du marché du travail en raison des multiples contraintes qu'elles rencontrent.
3 - Nous ouvrons le grand chantier de la réforme des retraites
En annonçant le 21 mars les orientations du Gouvernement sur les retraites, j'ai voulu engager une démarche qui permette d'assurer la pérennité de notre système par répartition. J'en rappelle les principes : concertation et progressivité; respect de la diversité et de l'identité des différents régimes de retraite; recherche d'une plus grande équité; anticipation des déséquilibres pour assurer la solidarité entre les générations; souplesse accrue pour mieux respecter les choix individuels.
Cette démarche, nous l'engageons dès à présent :
- Je souhaite que les négociations régime par régime puissent être ouvertes rapidement notamment pour ce qui concerne la fonction publique. Michel SAPIN fera part prochainement des enseignements qu'il tire des premières discussions qu'il va avoir avec les organisations syndicales.
- Nous proposerons au Parlement d'augmenter très sensiblement le montant du fonds de réserve, qui disposera déjà d'un peu plus de 20 MdsF à la fin de l'année 2000. Des dispositions seront prévues en ce sens dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. L'objectif, vous le savez, est de dépasser les 1.000 milliards à l'horizon 2.020.
- Le conseil d'orientation des retraites sera créé dans les deux mois. Nous sommes en train de préciser, en lien avec les partenaires sociaux, son rôle et sa composition.
Chers camarades, nous devons être convaincus que ne pas traiter ce dossier serait condamner ou menacer à terme les retraites des Français et en particulier celles des fonctionnaires. Si le déséquilibre du régime des fonctionnaires devrait représenter 175 milliards par an en 2020, cela ne pourrait être assumé par le budget de l'Etat, même si celui-ci prendra sa part des déséquilibres. Il faut donc que les fonctionnaires assurent leur future retraite en acceptant de consentir progressivement des évolutions. Soyez porteurs de ce message, j'ai l'impression que non seulement la majorité des français le veulent, mais aussi les intéressés eux même en sont conscients.
Je n'évoquerai pas tous les projets qui sont devant nous et dont vous aurez à discuter dans les prochaines semaines et les prochains mois : loi d'orientation sur la forêt, loi d'orientation sur l'outre mer, projet de loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé, projet de loi sur la bioéthique, projet de loi sur les nouvelles technologies de l'information...Nous en reparlerons.
Un mot sur un rendez vous très proche : le vote du projet de loi sur la chasse. Le débat a été maîtrisé, la plupart d'entre vous y ont contribué et je remercie tout particulièrement François Patriat, bien sûr mais aussi, Christian Bataille. Vous avez été entendus, vous nous avez entendu. Nous avons essayé de trouver le meilleur équilibre et nous n'allons pas fournir à la droite l'occasion de nous mettre en échec. A 16 heures, il vous faudra être rassemblés et très mobilisés pour faire franchir à cette question sensible une étape déterminante.
Avant de conclure, je souhaite vous redire l'importance que j'attache à la bonne qualité des relations entre les ministres, leur cabinet et les parlementaires. On me dit que ça se relâche ! Je crois que cette qualité de relation peut être parfois déterminante pour la réussite de notre uvre commune.
Ce souci concerne autant le fonctionnement quotidien (information, courrier, déplacements...) que votre association, politique et intellectuelle, en amont de tous les projets qui vous concernent, comme législateur ou comme élu local. Le temps peut éroder certains réflexes! J'y suis, avec mon cabinet, avec Daniel Vaillant, extrêmement attentif. J'ai rappelé cette exigence à tous les membres du Gouvernement, anciens ou nouveaux, que j'ai réunis jeudi dernier.
Cher(e)s camarades, je conclus.
Je lisais dans un éditorial récent du Wall Street Journal que la France " est de plus en plus isolée en Europe comme le dernier bastion de la gauche ". Mais c'est la même presse anglo-saxonne qui doit reconnaître que la France est économiquement la " locomotive " de l'Europe. Il y a des critiques et des constats qui résonnent comme des compliments !
Je ne sais pas si la France est un " bastion " mais je sais que la politique que nous menons est conforme à nos valeurs, à notre identité de gauche. Elle part des besoins des français, elle est profondément tournée vers la préparation de l'avenir, elle sert l'intérêt de notre pays, elle ne nous isole pas mais intéresse nos voisins et beaucoup de pays amis.
Je suis fier de ce que nous avons entrepris ensemble depuis prés de 3 ans. Je suis conscient de l'importance des réformes qu'il nous reste à engager et à poursuivre. Je suis confiant dans notre capacité à les mener à bien. Avec la majorité plurielle et donc d'abord avec vous et grâce à vous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 5 avril 2000)
Heureux de vous retrouver, après une période, plus longue qu'à l'accoutumée au cours de laquelle je n'ai pas eu l'occasion de vous retrouver dans cette formation. Même si je mesure le prix de votre présence, chaque semaine.
Je salue François Hollande, le premier secrétaire, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, dont l'action est précieuse.
Je salue, plus encore aujourd'hui, votre président, Jean-Marc Ayrault. Depuis 3 ans, je mesure à chaque choix, à chaque difficulté, combien j'ai pu m'appuyer sur sa connaissance du groupe, sur ses analyses politiques, sur son expérience d'élu. Jean-Marc est un responsable politique de premier plan dans le dispositif que nous animons ensemble. Je souhaite devant vous lui rendre ce témoignage d'estime et d'amitié.
Je salue aussi le nouveau président de l'Assemble nationale. Après Louis Mermaz, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, puis à nouveau Laurent, Raymond Forni accède aujourd'hui au "perchoir". Vous l'avez collectivement désigné pour assurer ces hautes responsabilités. Je connais ses qualités, je sais ce qu'il a apporté au cours des dernières années à la vie du Parlement, au travail avec le Gouvernement. Je l'assure de mon amitié et de mon soutien. Son élection fait honneur à votre assemblée et à nos institutions. Et j'ai été ému par la lecture de son texte de remerciement, si personnel, si évocateur d'un parcours, si symbolique de ce qu'est notre république.
Je veux également féliciter Christine Lazerges, première vice présidente, ainsi que vos nouveaux présidents de commission, François Loncle et Bernard Roman.
Je félicite à nouveau Jean-Claude Leroy, qui a conquis une circonscription et gagné un siège laissé vacant par le départ de son prédécesseur. Il est parfois hasardeux de remettre avant terme son mandat entre les mains des électeurs qui vous ont fait confiance, surtout lorsque l'on a contre soi un candidat efficace, bien enraciné. D'autres en ont fait l'expérience....Nous devons nous fixer une règle : pas de partielle décidée par nous.
Enfin, je veux dire ici à Henri Emmanuelli le plaisir qui est le mien de revenir devant un groupe socialiste au sein duquel il a retrouvé toute sa place.
Je souhaite introduire notre discussion
I - En vous disant tout d'abord l'état d'esprit dans lequel nous devons aborder la période qui s'ouvre
* Après plus de 34 mois, j'ai procédé, il y a une semaine, à plusieurs changements significatifs au sein du Gouvernement. Je l'ai fait avec le souci premier :
- de renforcer notre dispositif gouvernemental - fait pour le long cours - en quelques points qui étaient devenus plus fragiles. Ce n'était pas facile à faire humainement, je pense aux partants. Mais à mes yeux, et peut-être aux vôtres, nécessaire. Je l'ai fait.
- de poursuivre et d'élargir notre rassemblement. Celui des socialistes, celui de la majorité plurielle.
- d'inscrire ces choix d'hommes et de femmes dans la continuité de l'action réformatrice engagée depuis 3 ans. Nos orientations politiques, nos grandes priorités restent les mêmes. Nous maintiendrons la politique de réforme, car elle est au cur du contrat de confiance noué avec les français. C'est sur cette volonté réformatrice - et aussi réformiste - mais également sur notre capacité à traiter et à régler les problèmes, par l'écoute, la concertation que nous serons jugés.
- C'est pourquoi j'ai souhaité, à cette étape de notre action, associer au Gouvernement des personnalités, des responsables dont je savais que l'expérience antérieure, les parcours personnels, la compétence, les qualifiaient pour prendre le relais en y imprimant leurs convictions, leur enthousiasme ou leur savoir faire.
J'ai lu, ici ou là : " gouvernement de combat ", " machine de guerre ", comme si les élections à venir constituaient le déterminant de toute décision. Ce remaniement répond à une ambition : rassembler nos forces pour gouverner et continuer à transformer la société. Si nous remplissons au mieux cette mission, alors, le moment venu, nous serons effectivement mieux prêts à solliciter la confiance des français et à assumer le jugement du peuple. Mais c'est dans ce sens et non dans l'autre que les choses doivent se lire.
* Ce gouvernement continuera d'oeuvrer dans un dispositif politique, la majorité plurielle, qui a fait preuve depuis 3 ans de sa force et de sa cohérence et auquel je suis, politiquement et humainement, profondément attaché.
Nous avons, au Parlement, toujours privilégié le choix de la cohérence majoritaire, sans jamais forcer la main de nos alliés, sans jamais chercher à les contourner, ni à les éviter. Chaque composante de la majorité s'inscrit, me semble-t-il, dans cette dynamique, tout en recherchant les voies de son adaptation, de sa modernisation ou de sa mutation.
Ce renforcement dans l'action - et peut être grâce à l'action - d'un dispositif et d'une dynamique politiques que le temps n'a pas affaiblis est peut-être sans précédent à gauche. Raison de plus pour continuer à le faire vivre.
* L'action que nous avons conduite, nous allons la prolonger et, à certains égards l'amplifier. Elle est marquée par la durée, derrière nous mais aussi devant nous. Cette durée, dans laquelle certains voudraient voir un poids, j'y vois un atout, même si elle porte en elle les difficultés inhérentes à toute action longue. Il ne dépend que de nous de le valoriser en l'utilisant pleinement et intelligemment. C'est pourquoi nous devons être capable de rythmer politiquement par nos décisions, nos actes, nos réformes, le temps qui nous sépare de la fin de la législature. Les projets recensés sont nombreux et significatifs et le temps parlementaire utile limité, compte tenu des délais normaux d'examen. Le Gouvernement ne manque pas de projets mais nous devons en parler ensemble. Qu'est ce qui vous apparaît prioritaire? Quels sont les manques, les insuffisances, les blocages ? Comment scander le temps ? J'ai besoin de votre perception, de vos analyses. Je les solliciterai.
* J'ai parlé de la majorité, je veux évoquer l'opposition :
- elle est dans l'incapacité de développer un projet. Elle assume difficilement certains de ses choix idéologiques - on le voit sur les retraites. Elle est spontanément rétractée et réactionnaire sur les sujets de société -pacs- avant de devenir parfois suiviste lorsqu'elle constate que nos approches trouvent de l'écho chez les français. Elle reste conservatrice et capable d'empêcher les évolutions significatives lorsqu'elle en a le pouvoir : cumul, réforme de la justice. Ceci doit être dit aux français et rappelé en permanence à ceux qui - n'ayant pas bougé depuis 3 ans - instruisent avec aplomb à notre encontre un procès en immobilisme.
- en même temps, et même si le résultat des partielles a montré que si le rapport de force entre la majorité et l'opposition demeure, 3 ans après, le même qu'en 1997- ce qui est un acquis dont nous devons être fiers- la droite reste sociologiquement et donc électoralement forte. Aucune victoire n'est et ne sera mécanique, aucun succès ne doit être a priori considéré comme acquis. C'est en nous mobilisant, en nous rassemblant, en valorisant nos réalisations et nos atouts que nous pourrons convaincre.
* Dernier constat : nous vivons un moment économique et social de transition
Nous avons contribué à remettre en mouvement l'économie et la société françaises. La croissance est forte, le chômage diminue fortement - j'y reviendrai - l'industrie française marque des points, la société française bouge, grâce aux acteurs de la société mais aussi à nous. La confiance semble revenue.
En même temps, ce changement économique et social donne vie à un moment politique particulier, celui ou des attentes, des aspirations, des revendications s'expriment plus facilement.
Cette réalité, ces réalités composent en France une " nouvelle donne " qui nécessite une capacité d'analyse, d'écoute et de discernement particulier, si nous voulons être capable de bien jouer nos cartes. C'est une partie du défi des deux années qui nous séparent de la fin de la législature.
II - C'est pourquoi je souhaite évoquer quelques uns des principaux chantiers qui marqueront notre action et votre activité de législateur. Je le ferai autour de quelques objectifs centraux
- la consolidation et le partage de la croissance
- la transformation et la modernisation de notre société par la réforme
1 - Premier objectif : la croissance retrouvée doit être partagée et profiter à ceux qui en ont le plus besoin
Nous devons viser une croissance généreuse, une croissance pour tous. Par la priorité maintenue à la lutte contre le chômage, par l'extension des mesures sociales, par la baisse de la fiscalité
1- 1 La baisse du chômage.
A l'horizon de la décennie, le grand projet pour la société française dont la gauche est porteuse, c'est la reconquête du plein emploi.
J'ai ouvert pour la première fois cette perspective devant l'université d'été du parti socialiste à La Rochelle, en septembre 1999. Rien ne nous conduit aujourd'hui à infirmer ce cap.
Depuis juillet 1997, nous avons ramené le taux de chômage à son plus bas niveau depuis sept ans (10,2 %) ; le nombre des chômeurs a reculé de près de 640.000. Les derniers chiffres ont confirmé cette baisse puissamment; elle profite à tous en particulier à nos " priorités " : les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées de plus de 50 ans.
Nous le faisons naturellement grâce à la croissance - que nous avons contribué à restaurer - mais aussi grâce à l'effet d'accélération de nos politiques de l'emploi : les emplois jeunes, les 35 heures. Nous avons, vous avez, à l'assemblée mené une bataille politique sous l'ironie et les accusations de l'opposition. Soyons fiers de ce que nous avons initié. Non le processus des 35h ne brident pas la croissance, la réduction du travail n'est pas un frein au dynamisme. Ils sont créateurs d'emplois, facteurs de progrès social. Chaque jour en apporte la démonstration.
A court terme, dans l'année 2000, nous voulons faire reculer le chômage sous le seuil des 10 % de la population active. D'ici la fin de la législature, nous devrons nous battre pour que le nombre des chômeurs repasse sous le seuil lui aussi symbolique des 2 millions, franchi il y a presque 20 ans. Puis, si on nous fait confiance, aller plus loin encore.
Cette bataille est bien engagée mais elle n'est pas gagnée. Elle restera le guide de toutes nos décisions. C'est sur ses résultats que nous serons, le moment venu, jugés par les français.
1- 2 Partager la croissance, c'est aussi, par des mesures sociales, agir pour qu'il n'y ait pas d'exclus de la croissance, ou du moins que la réalité de cette exclusion puisse être atténuée
- J'avais annoncé aux journées parlementaires de Strasbourg l'annulation des dettes fiscales au profit des chômeurs et ménages surendettés. 180 000 ménages en ont bénéficié pour un montant moyen de 1500 à 2300 F.
- Le projet de loi de modernisation sociale, prochainement examiné, permettra de nouveaux progrès dans plusieurs domaines. Je voudrais en évoquer devant vous quelques uns :
- en matière de lutte contre la précarité, il importe de mettre fin à certains abus. Les partenaires sociaux ont engagé des discussions sur ce sujet, vous le savez. Je le leur ai dit que je me réjouissais de ce dialogue renoué, que le Gouvernement d'ailleurs n'a cessé d'appeler de ses voeux depuis 2 ans. Il leur appartient désormais de prendre leurs responsabilités, pour que ces discussions débouchent si cela est possible sur un accord. Le Gouvernement prendra -en toute hypothèse- les siennes. D'ores et déjà, certaines améliorations en matière de garanties accordées aux salariés en CDD ou intérim, qui relèvent de l'ordre public social et donc du législateur, peuvent être apportées dans ce projet de loi.
- J'ajoute, au passage, que les français approuveraient sûrement que les partenaires sociaux mettent à profit la bonne santé financière de l'UNEDIC pour améliorer la couverture d'assurance-chômage des salariés précaires, que tous s'accordent à considérer comme insuffisante. Je souhaite que l'accord qui devra intervenir au plus tard en juin intègre cette exigence et prenne des mesures concrètes d'amélioration.
- En matière de licenciements économiques, l'évolution favorable de l'emploi et leur forte tendance à la baisse ne dispensent pas de l'examen de mesures nouvelles. Le projet de loi de modernisation sociale devra en particulier reprendre ce que l'on a appelé " l'amendement Michelin ", cependant que le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques prévoit d'améliorer les procédures d'information des salariés en cas d'OPA, et que la proposition de loi communiste sur les aides publiques aux entreprises va introduire une transparence nécessaire sur ces aides.
1- 3 Partager la croissance, c'est en répartir justement les fruits, par une baisse des impôts significative et durable
C'est, vous le savez, le choix prioritaire qui guidera l'utilisation du surplus de recettes escompté en 2000 et dont vous discuterez lors de l'examen du collectif.
Le groupe socialiste a débattu, le parti s'est exprimé, j'ai réuni comme à l'accoutumée les responsables parlementaires les plus concernés. Nous avons entendu votre message : privilégier le renforcement des dépenses publiques d'urgence (hôpitaux, ouragans, politique de la ville, éducation nationale), mais surtout accentuer une baisse des impôts au bénéfice de tous les français et prioritairement des plus modestes. C'est ce qui sera fait dès 2000, la baisse des prélèvements obligatoires devant être prolongées en 2001 et 2002. A cette date, je souhaite que les impôts reviennent au niveau atteint en 1995 avant les hausses du plan Juppé. Le ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius, nous fera des propositions à cet égard.
La baisse des impôts n'est pas pour moi l'alpha et l'oméga de la pensée socialiste. Mais nos prélèvements sont trop élevés ; ils doivent baisser. Je souhaite que nous soyons collectivement capable de resituer cette évolution dans notre projet politique, qui conjugue tout à la fois :
- la préservation et le développement de nos services publics,
- la priorité donnée à ceux qui ont le plus de mal à vivre, à ceux dont les salaires sont les plus faibles,
- mais aussi le soutien aux couches salariés nouvelles qui contribuent à la modernisation, à l'innovation, à la création, dans les PME ou dans d'autres secteurs de l'économie.
Je crois profondément que nous sommes les seuls à pouvoir établir cette cohérence. Assumons la pleinement.
En ce qui concerne le débat ouvert sur la " cagnotte ", je n'y reviens pas. Mais je pense que nous devrons, Gouvernement et Parlement, tirer de cette séquence quelques enseignements pour l'avenir. Le Gouvernement examinera avec attention les conclusions que la commission des finances, notamment sous l'impulsion de Didier Migaud, rendra prochainement sur la réforme de l'ordonnance de 1959.
2 - Deuxième objectif : nous allons continuer de transformer la société par la réforme.
Des réformes, nous en avons réalisé et engagé beaucoup depuis 3 ans car le changement, la transformation, le mouvement sont constitutifs de notre identité et structurent le projet du gouvernement. La gauche, par essence, ne peut céder à l'immobilisme sans altérer son identité. Nous avons fondé notre action sur un mariage de volontarisme et de réalisme qui implique le mouvement et que les Français attendent de nous, depuis que nous l'avons noué dans le contrat de juin 1997. Ce qui était vrai hier le reste aujourd'hui.
Alors oui, la réforme, les réformes se poursuivront. Mais il ne suffit pas de les vouloir, de les décider et même de les voter pour les réussir toutes. Les résistances existent, les conservatismes ne sont pas le monopole d'une famille politique ou d'un groupe social, la crainte du changement peut constituer un frein. Etre convaincu de la pertinence et de la nécessité d'un projet de réforme est une condition nécessaire mais pas suffisante pour mener à bien celui-ci. Il faut aussi pouvoir proposer et écouter, entraîner et convaincre, associer les syndicats mais aussi les élus, les usagers. Je crois autant à la nécessité des réformes qu'à l'exigence d'une pédagogie et d'une méthode de la réforme.
Comme parlementaires, comme élus, vous avez une responsabilité particulière dans ce processus de réforme. Certaines sont simples à valoriser - les emplois jeunes, la CMU, la baisse des impôts.... ; d'autres peuvent déranger, bousculer, modifier des habitudes, nécessiter des évolutions. Elles méritent aussi et d'autant plus votre appui. C'est la responsabilité du gouvernement que de créer les conditions de dialogue et d'écoute. Mais rien ne se fera vraiment si vous n'êtes pas vous mêmes des militants de la réforme, car nous avons besoin de vous pour convaincre et entraîner.
J'évoquerai, à cet égard, quelques uns des grands chantiers qui sont devant nous.
2-1 Nous allons poursuivre le chantier de la modernisation de l'Etat et du service public
Elle est nécessaire, elle est souhaitée, voire exigée.... et elle est souvent difficile à réussir. J'en évoquerai deux aspects qui sont parfois très liés : l'éducation nationale, le service public en milieu rural.
Dans l'éducation, des réformes importantes ont été conduites par Cl. Allègre et S. Royal. Fondées sur la qualité du service public, elles contribueront à une réelle égalité des chances notamment au bénéfice des moins favorisés. Par la concertation et le dialogue, elles pourront être pleinement mises en oeuvre.
Les mouvements qui ont eu lieu ces dernières semaines dans le secteur éducatif ont affirmé que ces réformes nécessitaient des moyens supplémentaires.
J'ai indiqué le 16 mars dernier que dans l'immédiat un milliard serait dégagé pour l'école dans le cadre du collectif budgétaire.
Au-delà de cet effort immédiat, un plan pluriannuel adaptant les moyens aux besoins sera mis en uvre à compter du PLF 2001. Il sera élaboré en concertation avec les diverses parties prenantes.
La mise en uvre ordonnée, raisonnée, solidaire des mesures qui seront prévues impliquera de la part de tous les acteurs un dialogue responsable. Cela nous conduira à redéfinir nos priorités et à les assortir d'objectifs précis. Tout cela se fera par la négociation.
S'agissant de la présence des services publics en milieu rural, j'entend bien chacun affirmer que l'État doit se moderniser. Mais l'idée que cette modernisation puisse également concerner son organisation territoriale suscite le plus souvent une véritable inquiétude. Nous devons y répondre, notre approche est la suivante :
- Nous voulons répondre aux besoins des usagers, leur proposer des services publics toujours plus accessibles, qui soient adaptés à l'évolution de leurs besoins. La question des moyens doit être abordée dans ce cadre. Je ne considère pas comme un dogme l'intangibilité ou le gel des effectifs de la fonction publique. Je ne parle pas, bien sûr, de leur réduction. Partons tout à la fois des besoins, des déséquilibres existants; parlons des missions, de l'adaptation du travail aux nouvelles technologies et aussi de nos contraintes de maîtrise des dépenses publiques, dans une discussion qui doit être la plus large
- Cette modernisation de l'administration ne peut se faire sans l'adhésion des agents, des usagers, des élus. Cela suppose un débat transparent et démocratique. C'est pourquoi le Gouvernement et ses représentants doivent veiller à l'information préalable des élus sur les projets. Ils doivent être concertés et discutés dans chaque département, dans chaque commune.
La méthode est clairement établie. Nous allons veiller à ce que les textes soient désormais scrupuleusement appliqués. Je le dis clairement, aucune réforme ne doit être engagée sans cette concertation qui est l'essence du débat démocratique.
2 - 2 Nous allons fixer des règles du jeu claires et justes entre les acteurs économiques. C'est l'enjeu du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques dont vous avez commencé à débattre avant mon arrivée.
Ces mesures ont une apparence technique, mais une portée et une signification fortes : mettre plus de transparence, de contrôle et de démocratie dans les opérations financières, dans les pratiques commerciales, entre distributeurs et fournisseurs. Nous devrons veiller ensemble, comme nous l'avons fait pour le projet de loi solidarité et renouvellement urbains, à en montrer le caractère novateur et volontariste.
2 - 3 Nous allons ouvrir de nouveaux droits pour les français en matière économique et sociale
- La formation professionnelle est pour nous un enjeu absolument majeur, d'autant que la forte croissance de l'emploi commence à provoquer, dans certains métiers ou certains territoires, des difficultés de recrutement. Nous nous attaquons à ce phénomène dès à présent, comme en témoigne l'initiative prise il y a quelques semaines par Martine AUBRY et Marylise LEBRANCHU avec les professionnels de l'artisanat.
Au-delà, c'est notre système de formation professionnelle qui doit être réformé, pour répondre plus efficacement et de façon plus égalitaire à ces nouveaux défis. Le projet de loi de modernisation sociale fournira l'occasion d'une première étape, sur l'apprentissage et surtout la validation des acquis de l'expérience professionnelle.
Les partenaires sociaux négocient également sur ce thème de la formation professionnelle. Là encore, nous espérons des résultats à la fin de cette année, pour alimenter le projet de loi de réforme de la formation professionnelle qui sera l'un des grands textes de l'année 2001.
- Le projet de loi sur l'épargne salariale sera déposé au Parlement avant la fin du semestre. Nous aurons ensemble à en définir le périmètre et la philosophie, le travail de JP Balligand nous y aidera. Par méthode, je ne ferme aucune perspective mais j'ai une conviction. Si ce projet doit être utile économiquement et socialement adapté à l'évolution actuelle, il doit être en même temps porteur d'une vraie conception de gauche. Ceci doit viser une ambition : améliorer la situation des millions de salariés dans les entreprises en leur ouvrant des droits nouveaux en matière d'épargne.
- La réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées constituera l'une des grandes avancées sociales de cette deuxième partie de législature.
La prestation spécifique dépendance, créée par le précédent Gouvernement, n'est clairement pas à la hauteur des enjeux. Nous déposerons un projet de loi avant la fin de l'année, fondé sur trois principes : passer d'une logique d'assistance à la création d'un droit reconnu aux personnes en fonction de leurs revenus et de leur niveau de dépendance ; passer d'une situation d'inégalité selon les départements à une égalité de droit sur tout le territoire; passer d'une prestation qui ne couvre qu'une faible partie des personnes concernées à une aide ouverte à toutes les personnes âgées qui en ont besoin.
- Enfin, lors de la dernière conférence de la famille, j'avais annoncé l'ouverture de deux chantiers, sur les dispositifs d'aide à la petite enfance et sur les aides personnelles au logement. A l'occasion de la prochaine conférence de la famille, qui se tiendra d'ici l'été et que préparera Ségolène Royal, nous engagerons des réformes ambitieuses dans ces deux secteurs. Notre souci est d'aider les hommes et les femmes dans leur quotidien à mieux articuler vie familiale et vie professionnelle et d'éviter en particulier que des femmes ne s'écartent du marché du travail en raison des multiples contraintes qu'elles rencontrent.
3 - Nous ouvrons le grand chantier de la réforme des retraites
En annonçant le 21 mars les orientations du Gouvernement sur les retraites, j'ai voulu engager une démarche qui permette d'assurer la pérennité de notre système par répartition. J'en rappelle les principes : concertation et progressivité; respect de la diversité et de l'identité des différents régimes de retraite; recherche d'une plus grande équité; anticipation des déséquilibres pour assurer la solidarité entre les générations; souplesse accrue pour mieux respecter les choix individuels.
Cette démarche, nous l'engageons dès à présent :
- Je souhaite que les négociations régime par régime puissent être ouvertes rapidement notamment pour ce qui concerne la fonction publique. Michel SAPIN fera part prochainement des enseignements qu'il tire des premières discussions qu'il va avoir avec les organisations syndicales.
- Nous proposerons au Parlement d'augmenter très sensiblement le montant du fonds de réserve, qui disposera déjà d'un peu plus de 20 MdsF à la fin de l'année 2000. Des dispositions seront prévues en ce sens dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. L'objectif, vous le savez, est de dépasser les 1.000 milliards à l'horizon 2.020.
- Le conseil d'orientation des retraites sera créé dans les deux mois. Nous sommes en train de préciser, en lien avec les partenaires sociaux, son rôle et sa composition.
Chers camarades, nous devons être convaincus que ne pas traiter ce dossier serait condamner ou menacer à terme les retraites des Français et en particulier celles des fonctionnaires. Si le déséquilibre du régime des fonctionnaires devrait représenter 175 milliards par an en 2020, cela ne pourrait être assumé par le budget de l'Etat, même si celui-ci prendra sa part des déséquilibres. Il faut donc que les fonctionnaires assurent leur future retraite en acceptant de consentir progressivement des évolutions. Soyez porteurs de ce message, j'ai l'impression que non seulement la majorité des français le veulent, mais aussi les intéressés eux même en sont conscients.
Je n'évoquerai pas tous les projets qui sont devant nous et dont vous aurez à discuter dans les prochaines semaines et les prochains mois : loi d'orientation sur la forêt, loi d'orientation sur l'outre mer, projet de loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé, projet de loi sur la bioéthique, projet de loi sur les nouvelles technologies de l'information...Nous en reparlerons.
Un mot sur un rendez vous très proche : le vote du projet de loi sur la chasse. Le débat a été maîtrisé, la plupart d'entre vous y ont contribué et je remercie tout particulièrement François Patriat, bien sûr mais aussi, Christian Bataille. Vous avez été entendus, vous nous avez entendu. Nous avons essayé de trouver le meilleur équilibre et nous n'allons pas fournir à la droite l'occasion de nous mettre en échec. A 16 heures, il vous faudra être rassemblés et très mobilisés pour faire franchir à cette question sensible une étape déterminante.
Avant de conclure, je souhaite vous redire l'importance que j'attache à la bonne qualité des relations entre les ministres, leur cabinet et les parlementaires. On me dit que ça se relâche ! Je crois que cette qualité de relation peut être parfois déterminante pour la réussite de notre uvre commune.
Ce souci concerne autant le fonctionnement quotidien (information, courrier, déplacements...) que votre association, politique et intellectuelle, en amont de tous les projets qui vous concernent, comme législateur ou comme élu local. Le temps peut éroder certains réflexes! J'y suis, avec mon cabinet, avec Daniel Vaillant, extrêmement attentif. J'ai rappelé cette exigence à tous les membres du Gouvernement, anciens ou nouveaux, que j'ai réunis jeudi dernier.
Cher(e)s camarades, je conclus.
Je lisais dans un éditorial récent du Wall Street Journal que la France " est de plus en plus isolée en Europe comme le dernier bastion de la gauche ". Mais c'est la même presse anglo-saxonne qui doit reconnaître que la France est économiquement la " locomotive " de l'Europe. Il y a des critiques et des constats qui résonnent comme des compliments !
Je ne sais pas si la France est un " bastion " mais je sais que la politique que nous menons est conforme à nos valeurs, à notre identité de gauche. Elle part des besoins des français, elle est profondément tournée vers la préparation de l'avenir, elle sert l'intérêt de notre pays, elle ne nous isole pas mais intéresse nos voisins et beaucoup de pays amis.
Je suis fier de ce que nous avons entrepris ensemble depuis prés de 3 ans. Je suis conscient de l'importance des réformes qu'il nous reste à engager et à poursuivre. Je suis confiant dans notre capacité à les mener à bien. Avec la majorité plurielle et donc d'abord avec vous et grâce à vous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 5 avril 2000)