Texte intégral
Madame la Présidente,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour aborder une cause essentielle, celle de la lutte contre l'un des fléaux les plus cruels que les guerres modernes aient engendrés : les mines anti-personnel. Fléau d'autant plus odieux qu'il frappe sans discrimination les victimes les plus innocentes : les travailleurs dans leurs champs, les femmes, les enfants aussi et surtout.
Un élan vigoureux s'est manifesté pour cette cause, il y a de cela sept ans maintenant. Il a donné naissance à la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines anti-personnel et sur leur destruction, dite "Convention d'Ottawa", dont nous venons de célébrer il y a quelques jours, le 1er mars exactement, le cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur.
Je voudrais saisir l'occasion de saluer l'action de nos amis canadiens dans l'élaboration et l'adoption de cette Convention signée dans leur capitale fédérale qui lui a donné son nom. Il se trouve que j'ai pu participer à l'époque à la mobilisation internationale qui a rendu possible la signature et la ratification rapides de cette Convention par un nombre très important d'Etats.
J'étais alors membre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et président de la Commission politique de cette assemblée qui regroupe tous les parlements des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie. J'avais proposé à mes collègues que nous fassions de la mise en vigueur de la Convention d'Ottawa sur les mines anti-personnel une de nos priorités. Nous avons engagé alors une campagne très active auprès de tous les Parlements des pays francophones pour qu'ils obtiennent de leurs gouvernements respectifs la signature la plus rapide possible du Traité, puis la mise en oeuvre, elle aussi très rapide, des procédures de ratification par les Parlements.
C'est une satisfaction d'avoir constaté que ces démarches avaient eu un effet positif puisque les pays francophones ont massivement signé et ratifié la Convention, ce qui a permis d'accélérer son délai de mise en oeuvre.
Ce résultat a pu être atteint malgré les résistances opposées à ce processus par plusieurs gouvernements, et en particulier, malheureusement, par celui des Etats-Unis d'Amérique.
J'ai exprimé à l'époque, au nom de mes collègues parlementaires de la Francophonie, nos regrets devant l'attitude de nos amis américains sur ce sujet, dont l'aspect moral et humanitaire est pourtant essentiel. A titre personnel, je n'ai pas changé d'avis sur ce point. J'espère que les Etats-Unis, dans la fidélité à leurs valeurs de solidarité, se joindront au vaste mouvement qui s'est manifesté dans le monde pour l'élimination d'un type d'armement qui fait chaque jour tant de victimes civiles dans les pays affectés par des conflits.
A cet égard, le programme de réalisation de nouveaux types de mines anti-personnel dites "à durée de vie limitée", annoncé par les autorités américaines le 27 février dernier, ne paraît pas être la réponse appropriée qu'attend la communauté internationale dans ce domaine.
Prévue par la Convention après cinq ans d'existence, une Conférence d'examen se tiendra à la fin de l'année, à Nairobi, au Kenya, sur l'un des continents les plus affectés par les mines anti-personnel. Elle sera l'occasion de faire le bilan de l'oeuvre, déjà importante, réalisée au cours de ces cinq années, mais également de mieux cerner le travail qui reste à faire et les moyens de le réaliser.
La France, pour sa part, attache la plus grande importance au bon fonctionnement de la Convention d'Ottawa qu'elle a adoptée le 3 décembre 1997, c'est-à-dire le premier jour de l'ouverture à la signature. Quelques mois plus tard, le 23 juillet 1998, elle a été parmi les premiers pays à l'avoir ratifiée.
La France s'est ensuite conformée de façon stricte à toutes les obligations découlant de cet engagement solennel : arrêt de toute production et de toute exportation, déminage, destruction de stocks, aide aux Etats membres qui en font la demande, assistance aux victimes... Avec les gouvernements qui se sont engagés comme elle dans cette démarche, elle travaille en outre avec détermination à l'universalisation de cette Convention, qui compte aujourd'hui 141 Etats-parties.
L'an dernier, la France a co-présidé avec la Colombie l'un des 4 comités permanents issus de la Convention d'Ottawa, celui consacré à l'assistance aux victimes des mines anti-personnel et à leur réintégration socio-économique. En se fondant sur le travail des années précédentes, cette co-présidence a mis en route un travail de recensement systématique des besoins des victimes, en définissant pour chaque pays des priorités.
Ce processus qui se poursuit avec les nouveaux co-présidents australien et croate - dont je suis heureux de saluer la présence ici aujourd'hui -, devrait aboutir à la rédaction d'un plan d'action qui pourrait être examiné à Nairobi.
Dans le cadre de ses relations bilatérales, la France a consacré depuis 1995, c'est-à-dire avant même le processus d'Ottawa, quelque 15 millions d'euros à l'action contre les mines, sur tous les continents (Afrique, Asie, Europe, Amérique), auxquels il faut ajouter notre participation très significative aux programmes de la Commission européenne - où notre quote-part varie de 17 à 25% selon les instruments financiers, programmes européens, qui, pour la seule année 2002 par exemple, ont atteint près de 42 millions d'euros.
Nous avions lancé en 1995 et 1996 quatre grands projets de déminage humanitaire au profit du Cambodge, de l'Angola, du Tchad et du Honduras. J'étais moi-même il y a trois semaines sur le site d'Angkor où j'ai pu apprécier la qualité et l'importance des efforts du déminage anti-personnel sans lequel le programme global de restauration archéologique mais aussi de développement durable de la région de Siam Reap ne pouvait être envisagé.
Après la signature de la Convention d'Ottawa, notre action a connu une dimension nouvelle :
- dans notre Zone de Solidarité prioritaire qui comprend 54 pays avec lesquels nous menons notre politique de coopération, nous sommes en mesure, depuis cette date, de mettre en oeuvre un fonds particulier, le Fonds de solidarité prioritaire, qui permet de financer des programmes pluri-annuels ;
- en dehors de cette zone, comme par exemple dans les Balkans - Bosnie, Croatie, Kosovo - ou en Amérique centrale - Nicaragua -, notre effort se traduit par des financements conventionnels.
Dans la Zone de solidarité prioritaire, les principaux bénéficiaires des projets de coopération français en matière de déminage ont été le Cambodge, le Mozambique, le Sénégal et le Bénin.
En 2004, nous lancerons deux nouveaux projets de coopération portant sur le déminage anti-personnel :
- l'un, de 1,17 millions d'euros au Mozambique ;
- et l'autre, de 3 millions d'euros, en Angola, conformément à la promesse qu'avait faite M. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, lors de son voyage à Luanda à l'été 2002.
Nous poursuivrons également des projets déjà engagés en Bosnie, en Croatie, au Tadjikistan et au Cambodge.
Notre action porte sur les domaines les plus divers : la sensibilisation, l'assistance aux victimes, le déminage proprement dit et plus particulièrement la formation des démineurs. A cet égard, il faut signaler la contribution essentielle fournie par l'Ecole supérieure et d'application du génie d'Angers, qui accueille chaque année des dizaines de stagiaires étrangers, ainsi que le centre régional de Ouidah, au Bénin, ouvert l'an dernier, et qui a déjà accueilli plus de 80 futurs formateurs venus de tous les pays d'Afrique.
Mais l'une des contributions les plus originales de la France est d'avoir intégré dans son cadre juridique national la Convention d'Ottawa, par l'adoption de la loi du 8 juillet 1998 "tendant à l'élimination des mines anti-personnel".
Cette loi prévoyait, en son article 9, la création d'une Commission nationale pour l'élimination des mines anti-personnel (CNEMA) rassemblant, à côté des représentants de l'administration et d'élus de la Nation, des représentants de toutes les composantes de la société. C'est ainsi que la CNEMA a vu le jour.
Et c'est grâce à la CNEMA et à sa présidente, Mme Brigitte Stern, que nous sommes réunis ici aujourd'hui.
De quoi s'agit-il, en effet ? Dans le cadre de la préparation à la Conférence d'examen de Nairobi se tiennent à travers le monde diverses réunions, régionales ou thématiques, pour aborder et approfondir tel ou tel problème. Compte tenu de l'expérience particulière de la France il nous a paru, pour notre part, intéressant de proposer une réflexion sur les moyens d'associer l'ensemble de la société d'un pays à la lutte contre les mines anti-personnel.
Si la France a choisi de créer une commission portant sur le déminage, il existe cependant beaucoup d'autres solutions. Vous vous trouvez donc ici, aujourd'hui et demain, pour présenter et comparer vos expériences, échanger vos informations et vous entraider dans un esprit de concertation et de bonne volonté, tel qu'il sied aux discussions qui portent sur des questions humanitaires et de désarmement.
Je tenais donc, au nom du gouvernement français, à vous remercier de votre présence, à vous en féliciter et à vous souhaiter des travaux riches et fructueux, pour le bénéfice de la cause généreuse qui nous anime tous.
Nous sommes impatients de connaître les conclusions auxquelles vous parviendrez au terme de vos travaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2004)
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour aborder une cause essentielle, celle de la lutte contre l'un des fléaux les plus cruels que les guerres modernes aient engendrés : les mines anti-personnel. Fléau d'autant plus odieux qu'il frappe sans discrimination les victimes les plus innocentes : les travailleurs dans leurs champs, les femmes, les enfants aussi et surtout.
Un élan vigoureux s'est manifesté pour cette cause, il y a de cela sept ans maintenant. Il a donné naissance à la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines anti-personnel et sur leur destruction, dite "Convention d'Ottawa", dont nous venons de célébrer il y a quelques jours, le 1er mars exactement, le cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur.
Je voudrais saisir l'occasion de saluer l'action de nos amis canadiens dans l'élaboration et l'adoption de cette Convention signée dans leur capitale fédérale qui lui a donné son nom. Il se trouve que j'ai pu participer à l'époque à la mobilisation internationale qui a rendu possible la signature et la ratification rapides de cette Convention par un nombre très important d'Etats.
J'étais alors membre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et président de la Commission politique de cette assemblée qui regroupe tous les parlements des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie. J'avais proposé à mes collègues que nous fassions de la mise en vigueur de la Convention d'Ottawa sur les mines anti-personnel une de nos priorités. Nous avons engagé alors une campagne très active auprès de tous les Parlements des pays francophones pour qu'ils obtiennent de leurs gouvernements respectifs la signature la plus rapide possible du Traité, puis la mise en oeuvre, elle aussi très rapide, des procédures de ratification par les Parlements.
C'est une satisfaction d'avoir constaté que ces démarches avaient eu un effet positif puisque les pays francophones ont massivement signé et ratifié la Convention, ce qui a permis d'accélérer son délai de mise en oeuvre.
Ce résultat a pu être atteint malgré les résistances opposées à ce processus par plusieurs gouvernements, et en particulier, malheureusement, par celui des Etats-Unis d'Amérique.
J'ai exprimé à l'époque, au nom de mes collègues parlementaires de la Francophonie, nos regrets devant l'attitude de nos amis américains sur ce sujet, dont l'aspect moral et humanitaire est pourtant essentiel. A titre personnel, je n'ai pas changé d'avis sur ce point. J'espère que les Etats-Unis, dans la fidélité à leurs valeurs de solidarité, se joindront au vaste mouvement qui s'est manifesté dans le monde pour l'élimination d'un type d'armement qui fait chaque jour tant de victimes civiles dans les pays affectés par des conflits.
A cet égard, le programme de réalisation de nouveaux types de mines anti-personnel dites "à durée de vie limitée", annoncé par les autorités américaines le 27 février dernier, ne paraît pas être la réponse appropriée qu'attend la communauté internationale dans ce domaine.
Prévue par la Convention après cinq ans d'existence, une Conférence d'examen se tiendra à la fin de l'année, à Nairobi, au Kenya, sur l'un des continents les plus affectés par les mines anti-personnel. Elle sera l'occasion de faire le bilan de l'oeuvre, déjà importante, réalisée au cours de ces cinq années, mais également de mieux cerner le travail qui reste à faire et les moyens de le réaliser.
La France, pour sa part, attache la plus grande importance au bon fonctionnement de la Convention d'Ottawa qu'elle a adoptée le 3 décembre 1997, c'est-à-dire le premier jour de l'ouverture à la signature. Quelques mois plus tard, le 23 juillet 1998, elle a été parmi les premiers pays à l'avoir ratifiée.
La France s'est ensuite conformée de façon stricte à toutes les obligations découlant de cet engagement solennel : arrêt de toute production et de toute exportation, déminage, destruction de stocks, aide aux Etats membres qui en font la demande, assistance aux victimes... Avec les gouvernements qui se sont engagés comme elle dans cette démarche, elle travaille en outre avec détermination à l'universalisation de cette Convention, qui compte aujourd'hui 141 Etats-parties.
L'an dernier, la France a co-présidé avec la Colombie l'un des 4 comités permanents issus de la Convention d'Ottawa, celui consacré à l'assistance aux victimes des mines anti-personnel et à leur réintégration socio-économique. En se fondant sur le travail des années précédentes, cette co-présidence a mis en route un travail de recensement systématique des besoins des victimes, en définissant pour chaque pays des priorités.
Ce processus qui se poursuit avec les nouveaux co-présidents australien et croate - dont je suis heureux de saluer la présence ici aujourd'hui -, devrait aboutir à la rédaction d'un plan d'action qui pourrait être examiné à Nairobi.
Dans le cadre de ses relations bilatérales, la France a consacré depuis 1995, c'est-à-dire avant même le processus d'Ottawa, quelque 15 millions d'euros à l'action contre les mines, sur tous les continents (Afrique, Asie, Europe, Amérique), auxquels il faut ajouter notre participation très significative aux programmes de la Commission européenne - où notre quote-part varie de 17 à 25% selon les instruments financiers, programmes européens, qui, pour la seule année 2002 par exemple, ont atteint près de 42 millions d'euros.
Nous avions lancé en 1995 et 1996 quatre grands projets de déminage humanitaire au profit du Cambodge, de l'Angola, du Tchad et du Honduras. J'étais moi-même il y a trois semaines sur le site d'Angkor où j'ai pu apprécier la qualité et l'importance des efforts du déminage anti-personnel sans lequel le programme global de restauration archéologique mais aussi de développement durable de la région de Siam Reap ne pouvait être envisagé.
Après la signature de la Convention d'Ottawa, notre action a connu une dimension nouvelle :
- dans notre Zone de Solidarité prioritaire qui comprend 54 pays avec lesquels nous menons notre politique de coopération, nous sommes en mesure, depuis cette date, de mettre en oeuvre un fonds particulier, le Fonds de solidarité prioritaire, qui permet de financer des programmes pluri-annuels ;
- en dehors de cette zone, comme par exemple dans les Balkans - Bosnie, Croatie, Kosovo - ou en Amérique centrale - Nicaragua -, notre effort se traduit par des financements conventionnels.
Dans la Zone de solidarité prioritaire, les principaux bénéficiaires des projets de coopération français en matière de déminage ont été le Cambodge, le Mozambique, le Sénégal et le Bénin.
En 2004, nous lancerons deux nouveaux projets de coopération portant sur le déminage anti-personnel :
- l'un, de 1,17 millions d'euros au Mozambique ;
- et l'autre, de 3 millions d'euros, en Angola, conformément à la promesse qu'avait faite M. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, lors de son voyage à Luanda à l'été 2002.
Nous poursuivrons également des projets déjà engagés en Bosnie, en Croatie, au Tadjikistan et au Cambodge.
Notre action porte sur les domaines les plus divers : la sensibilisation, l'assistance aux victimes, le déminage proprement dit et plus particulièrement la formation des démineurs. A cet égard, il faut signaler la contribution essentielle fournie par l'Ecole supérieure et d'application du génie d'Angers, qui accueille chaque année des dizaines de stagiaires étrangers, ainsi que le centre régional de Ouidah, au Bénin, ouvert l'an dernier, et qui a déjà accueilli plus de 80 futurs formateurs venus de tous les pays d'Afrique.
Mais l'une des contributions les plus originales de la France est d'avoir intégré dans son cadre juridique national la Convention d'Ottawa, par l'adoption de la loi du 8 juillet 1998 "tendant à l'élimination des mines anti-personnel".
Cette loi prévoyait, en son article 9, la création d'une Commission nationale pour l'élimination des mines anti-personnel (CNEMA) rassemblant, à côté des représentants de l'administration et d'élus de la Nation, des représentants de toutes les composantes de la société. C'est ainsi que la CNEMA a vu le jour.
Et c'est grâce à la CNEMA et à sa présidente, Mme Brigitte Stern, que nous sommes réunis ici aujourd'hui.
De quoi s'agit-il, en effet ? Dans le cadre de la préparation à la Conférence d'examen de Nairobi se tiennent à travers le monde diverses réunions, régionales ou thématiques, pour aborder et approfondir tel ou tel problème. Compte tenu de l'expérience particulière de la France il nous a paru, pour notre part, intéressant de proposer une réflexion sur les moyens d'associer l'ensemble de la société d'un pays à la lutte contre les mines anti-personnel.
Si la France a choisi de créer une commission portant sur le déminage, il existe cependant beaucoup d'autres solutions. Vous vous trouvez donc ici, aujourd'hui et demain, pour présenter et comparer vos expériences, échanger vos informations et vous entraider dans un esprit de concertation et de bonne volonté, tel qu'il sied aux discussions qui portent sur des questions humanitaires et de désarmement.
Je tenais donc, au nom du gouvernement français, à vous remercier de votre présence, à vous en féliciter et à vous souhaiter des travaux riches et fructueux, pour le bénéfice de la cause généreuse qui nous anime tous.
Nous sommes impatients de connaître les conclusions auxquelles vous parviendrez au terme de vos travaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2004)