Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dans les "Echos" le 10 mai 2005, sur le sort réservé aux services publics dans le Traité constitutionnel européen.

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Texte intégral

Q - Quel sort la Constitution européenne réserve-t-elle aux services publics ?
R - Pour la première fois, un traité européen les reconnaît officiellement. L'article III-122 leur donne une base juridique pour adopter une loi européenne sur les services d'intérêt économique général (SIEG). C'est l'aboutissement d'une revendication unanime des sociaux-démocrates européens. Et c'est une victoire. De plus, le traité (art. II-96) consacre le droit d'accès des citoyens aux SIEG au nom de leur contribution à la cohésion sociale et territoriale et autorise les subventions publiques (art. III-238). La Constitution européenne nous offre un levier d'action pour protéger et pour promouvoir les services publics. Saisissons-le !
Q - Les tenants du " non " expliquent que les services publics sont menacés par le principe de " concurrence libre et non faussée " et par le fait que les subventions sont soumises à l'approbation de la Commission...
R - Le traité distingue la concurrence marchande et les obligations de service public. Prenons un exemple. L'Etat ne peut financer EDF pour racheter Edison. En revanche, les subventions sont libres dès lors qu'il s'agit de moderniser le réseau d'approvisionnement électrique ou de protéger l'égalité tarifaire entre les régions. Les partisans du " non " se trompent de moment et de combat. En demandant le rejet du traité, ils laissent les services publics sans protection juridique et politique. Je ne dit pas que, en votant " oui ", le combat s'arrête. Il faudra obtenir l'adoption de la loi-cadre sur les services publics. On dispose pour cela de moyens de pression : les parlementaires socialistes européens sont unis sur le sujet et peuvent s'accorder avec des élus d'autres familles politiques, notamment les Allemands. Enfin la Confédération européenne des syndicats (qui rassemble 60 millions de syndiqués) peut se saisir du droit de pétition pour faire pression sur la Commission.
Q - L'inquiétude des Français ne se nourrit-elle pas des récentes ouvertures de capital d'entreprises publiques ?
R - Une confusion s'est installée dans les esprits. L'article III-425 du traité précise que l'Europe reste neutre à l'égard du régime de propriété des entreprises. Ce n'est pas l'Europe qui force à privatiser, mais les Etats qui font des choix.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 1er juin 2005)