Interview de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, à RTL le 6 septembre 2005, sur la transparence de l'information concernant l'hospitalisation de Jacques Chirac, président de la République, et les polémiques au niveau des médias.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J. M. Apathie - Bonjour, Jean-Louis Debré.
R - Bonjour.
Q - On connaît votre proximité, hospitalisé au Val-de-Grâce depuis vendredi soir. Un accident cardio-vasculaire. Comment va-t-il Jean-Louis Debré ?
R - Il va bien. Il va très bien.
Q - Vous avez des nouvelles directes ?
R - Non. Je voudrais appeler tous ceux qui font des commentaires, tous ces "Rintintin" de la politique qui, chaque fois qu'ils voient un micro, se précipitent même s'ils n'ont rien à dire. Je voudrais appeler tous ces "Rintintin" à un peu à la décence et à la dignité. Et, en réalité, il y a 3 questions qui se posent.
Q - Merci de vous les poser, Jean-Louis Debré.
R - Y a-t-il vacance du pouvoir ? Y a-t-il continuité de l'Etat ? Et y a-t-il eu transparence ? Ce sont ces 3 questions qui sont essentielles : le reste n'est qu'agitation ridicule.
Q - Puis-je vous soumettre, Jean-Louis Debré - on va revenir à vos questions - on va y revenir puisque c'étaient 3 questions que j'avais dans mon questionnaire. "Le Parisien" écrit ceci, ce matin : "Selon un de ses proches, le chef de l'Etat est sujet - c'est au présent - à de fortes migraines et souffre - c'est au présent - d'une gêne importante à l'oeil". Le confirmez-vous, Jean-Louis Debré ?
R - Non, je ne sais pas.
Q - Vous ne le savez pas : question de transparence.
R - Il va très bien. Non mais, attendez, pourquoi cette source anonyme. Un proche : qui est-ce ? On dit n'importe quoi ! Faites une dépêche en disant qu'un autre proche dit qu'il danse sur son lit le matin, à 5 heures du matin. Soyons sérieux ! Nous avons, dans cette affaire, la médecin-chef de l'hôpital des Armées qui a fait un communiqué que j'ai sous les yeux et qui est très clair. Alors, est-ce qu'on conteste ce communiqué ? Je constate simplement, pour l'instant. Il n'y a pas eu, à aucun moment, vacance du pouvoir. Que, pour ce qui concerne la continuité de l'Etat, le président de la république reçoit le premier ministre, lui donne ses instructions, a signé des décrets, a signé l'ordre du jour du conseil des ministres, reçoit ses collaborateurs, a continué à assumer sa mission : c'est ça l'important ! Et, en ce qui concerne la transparence.
Q - Ce n'est pas terrible en ce qui concerne la transparence.
R - Mais c'est vous qui le dites.
Q - Oui, c'est moi.
R - Alors, vous contestez !
Q - Je ne permets pas de contester.
R - Vous contestez !
Q - Pas du tout ! Je ne me permettrai pas.
R - Vous contestez la déclaration du médecin-chef, Anne Robert qui, elle, est médecin. Jusqu'à présent, vous n'êtes pas médecin.
Q - Non. Journaliste.
R - Non, vous n'êtes pas médecin. Vous êtes journaliste.
Q - "Rintintin" de base du journalisme !
R - Quand je parle du "Rintintin", ce n'est pas de vous. Ce n'est pas à vous que je pense. Mais je constate simplement qu'il y a le médecin-chef des Armées qui a fait un communiqué, qui a expliqué ce qu'il avait et, sauf si vous avez des éléments autres que ceux, anonymes, dits très simplement. J'ajoute que je vais très bien. Moi aussi j'ai souvent des migraines. Mais ce n'est pas depuis que je vous vois.
Q - C'est ce que j'allais vous poser comme question. Vous y avez répondu par avance. C'est bien. L'hospitalisation du chef de l'Etat a eu lieu vendredi soir. Vous êtes le quatrième personnage de l'Etat, Jean-Louis Debré. Vous avez été prévenu quand ?
R - J'ai été prévenu par la presse et par la radio et par un coup de téléphone.
Q - De ?
R - Du secrétaire général de l'Élysée.
Q - Trouvez-vous normal que le chef du gouvernement ait été tenu dans l'ignorance de l'hospitalisation du chef de l'Etat pendant au moins une dizaine d'heures et peut-être une douzaine d'heures.
R - Je trouve normal dans la mesure où il n'y avait rien d'inquiétant.

Q - Tout a bien fonctionné dans l'appareil de l'Etat.
R - Tout a bien fonctionné.
Q - Le ministre de l'Intérieur a été prévenu à 13 heures le samedi. Normal.
R - Il n'a qu'à être à l'écoute de ce qui se passe en France.
Q - C'est assez drôle comme réponse. Un troisième mandat de Jacques Chirac. Vous avez été parmi les premiers...
R - Non, non, attendez.
Q - Excusez-moi. Je peux poser ma question ?
R - Oui, vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez. Je ne vous répondrai pas.
Q - Ah, bon !
R - Pour l'instant, le problème ne se pose pas. Je reviens de ma circonscription - je suis revenu plus tôt à cause de vous - Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a d'autres sujets de préoccupation de savoir qui va être candidat dans 20 mois.
Q - C'est quand on est embêté qu'on répond comme vous répondez ?
R - Pas du tout !
Q - C'est le conflit quand je pose la question ?
R - Mais non, je ne fuis aucune question. Je pense qu'à force d'aborder les faux sujets et de s'agiter, et bien on passe auprès des vraies questions. Alain Duhamel - je savais très bien qu'il allait parler de la rupture.
Q - Vous vous êtes concertés tous les deux ?
R - J'ai lu, cette nuit, le "Barodet". Le "Barodet", c'est le recueil qui retrace toutes les professions de foi des candidats depuis que les élections existent. Et bien, le thème de la rupture et du changement : à chaque élection, ce sont les mêmes. Et ceux qui sont au pouvoir parlent de continuité.
Q - Pas tous. Nicolas Sarkozy est au pouvoir et il a dit dimanche. Voilà pourquoi il a proposé dimanche : "une stratégie de rupture avec les 30 dernières années".
R - Les 30 dernières années où il était au pouvoir lui-même !
Q - Oui.
R - Ah, bon. Il faudra m'expliquer toutes ces logiques.

Q - Ça ne me séduit pas ce discours.
R - C'est un slogan qui est récurrent : le thème du changement, de la fracture, le thème de la rupture. C'est, lorsque souvent, un certain nombre de responsables politiques n'ont pas grand chose à dire, ils cherchent des slogans. Et ce slogan de la rupture, on le connaît depuis le cartel des gauches ou bien avant.
Q - Nicolas Sarkozy n'a pas grand chose à dire ?
R - Non, mais ce n'est pas ça le problème. Nous sommes confrontés, aujourd'hui, dans nos villes, dans nos circonscriptions, face aux français, à des problèmes essentiels. Et les politiques répondent à côté. Moi, je voudrais qu'on réponde : continuons à faire en sorte que l'emploi s'améliore : le gouvernement a pris des mesures. Soyons positifs sur ces mesures. Essayons de mobiliser les villes. Faisons en sorte qu'on puisse compléter un certain nombre d'emplois aidés et donner la possibilité aux collectivités locales d'employer plus de jeunes. Revenons un peu aux emplois- jeunes, même si c'était absurde de les supprimer - on les a supprimés. Mais c'était absurde : je l'ai dit à l'époque. Je m'en fous, moi !Deuxièmement, on a un vrai problème qui est le problème de la réforme de la fiscalité et notamment, aujourd'hui, de savoir quelle va être la fiscalité écologique. On le voit bien, on est confronté à des phénomènes : à l'augmentation du prix de l'essence, à un certain nombre de choses, et on ne répond pas. Ce qu'attendent nos concitoyens, ce n'est pas de savoir quel "Rintintin" va s'agiter sur les ondes pour dire n'importe quoi. C'est de savoir comment on va essayer de régler ses problèmes.
Q - Deux mots. Jean-Pierre Raffarin disait dans le "Journal du Dimanche" : "Dominique de Villepin se démerde franchement bien. C'est une formule qui vous va, Jean-Louis Debré ?
R - Oui. Je lui laisse la responsabilité. Dominique de Villepin surprend et Dominique de Villepin essaie de rassembler les français au lieu de les diviser : c'est ça l'important.
Q - Ça fera un bon candidat à l'Élysée ?
R - Je ne sais pas. Pour l'instant, on n'est pas encore là.
Q - Vous me laissez le dernier mot, Jean-Louis Debré ?
R - Je ne sais pas quel sera votre dernier mot.
Q - Jean-Louis Debré, en pleine forme, était l'invité de RTL, ce matin.
R - Alors là, je vous laisse. Et je vais faire un communiqué pour dire que je suis en pleine forme.
Q - Merci, Jean-Louis Debré.


(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 7 septembre 2005)