Texte intégral
Comme vient de le dire Thierry Breton, les chantiers ouverts pour renforcer la confiance et stimuler notre économie sont nombreux. Pour ma part, j'évoquerai plus précisément trois points :
- nous poursuivons notre effort sur les dépenses publiques, qui est la clé de l'assainissement de nos finances publiques (1),
- nous passons à la mise en uvre opérationnelle du plan emploi (2),
- et nous faisons entrer les chantiers de la réforme de l'État dans une nouvelle phase (3).
I La situation des finances publiques : poursuite des efforts de maîtrise de la dépense pour consolider nos finances publiques
L'assainissement de nos finances publiques est une condition essentielle de la confiance, sans laquelle il n'y a pas de croissance. Cet assainissement passe par la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses, sachant que les recettes, elles, sont toujours soumises à aléa.
1-1- sur les dépenses : 3 messages.
- l'État tient ses engagements,
- les dépenses d'assurance maladie s'infléchissent, même si les déficits sociaux ne diminuent pas aussi vite que prévu,
- les comptes des collectivités locales sont un sujet de préoccupation.
a/ L'État tient ses engagements : le budget de l'État pour 2006 est aujourd'hui quasiment bouclé. Les lettres-plafond par missions seront envoyées d'ici la fin de la semaine. Lors du débat d'orientation budgétaire qui se tiendra début juillet, la ventilation des crédits par missions sera portée à la connaissance du Parlement. Jamais un budget n'aura été rendu public aussi tôt.
Je vous le confirme aujourd'hui : les dépenses de l'État en 2006 n'augmenteront pas plus vite que l'inflation. Le respect de la norme " zéro volume " pour la troisième année consécutive, cela signifie que depuis 2003 le pouvoir d'achat de l'État n'a pas augmenté. Et si l'État n'accroît pas son pouvoir d'achat, c'est qu'il dégage des marges de manuvre pour que celui des Français puisse augmenter.
Le travail n'est cependant pas totalement achevé. Il reviendra à chaque ministre de proposer une ventilation précise de ses crédits, par programmes et par actions. Je vous le rappelle : avec la LOLF, chaque ministre devient son propre ministre des finances.
b/ Concernant les dépenses sociales maintenant, on peut dire que la réforme de l'assurance maladie porte ses fruits, même si les déficits tardent à diminuer. Deux exemples : alors que les dépenses d'indemnités journalières augmentaient de près de 10 % par an, elles reculent de près de 5 % sur les premiers mois de l'année ; l'ONDAM, pour sa part, demeure globalement en ligne avec les objectifs fixés par la loi de financement de la sécurité sociale sur la même période.
c/ Il reste en revanche un sujet de préoccupation : les comptes des collectivités territoriales, qui sont passés dans le rouge en 2004, avec un déficit de 0,1 point de PIB. Cette situation n'est pas la conséquence de la décentralisation, mais des choix opérés par les exécutifs locaux.
Je suis profondément attaché aux principes de l'autonomie et de la libre administration des collectivités territoriales. Mais je considère qu'il est de mon devoir d'adresser un message d'alerte : les dépenses locales augmentent, hors incidence des transferts de compétence, de plus de 3 % en volume depuis 2002, là où l'État est à zéro volume.
C'est pourquoi je suggère que l'on réfléchisse à mieux associer les collectivités à la réalisation de nos grands objectifs de finances publiques.
On peut ainsi envisager l'instauration d'une conférence annuelle des finances publiques, qui regrouperait l'État, les représentants des organismes sociaux et des collectivités territoriales. Cette conférence aurait pour rôle de débattre du schéma pluriannuel de finances publiques sur lequel la France s'engage. Chaque acteur pourrait ainsi identifier les mesures à prendre pour tenir nos engagements en matière de solde budgétaire, dans le cadre d'une norme indicative de dépenses consensuellement arrêtée.
En second lieu, je propose pour les collectivités locales, la même démarche que celle adoptée pour l'État avec la LOLF ou en matière sociale avec la LOLFSS.
A partir d'indicateurs simples, le contribuable local doit pouvoir évaluer la qualité de la gestion locale et comprendre à quoi servent ses impôts : est-ce qu'ils servent à financer des compétences obligatoires des collectivités locales ou des compétences facultatives, résultant du choix des exécutifs locaux ? Quelle est la qualité des services publics locaux pour un niveau de fiscalité donné ? Quels sont les éléments pertinents de comparaison entre collectivités sur le potentiel financier et la pression fiscale ?
1-2- S'agissant des recettes, nous sommes, comme chaque année, confrontés à des aléas.
Comme Thierry Breton vous l'a indiqué, les hypothèses de croissance, cette année, pourraient être en léger retrait par rapport à nos prévisions initiales. Cette croissance moins forte que prévue peut avoir des conséquences sur nos recettes.
a/ Les recettes de TVA devraient toutefois rester dynamiques, car la consommation se tient bien, grâce aux mesures que nous avons prises depuis le début de l'année (donations, intéressement). S'agissant de l'impôt sur le revenu, la prévision de début d'année reste valide : cet impôt est presque toujours correctement anticipé en loi de finances.
b/ Les recettes d'IS pourraient en revanche être en retrait par rapport aux prévisions : il ne s'agit pas à ce stade d'une certitude, puisque le mode de versement de cette impôt ne nous permet pas d'avoir les idées très claires sur son évolution à ce stade de l'année.
c/ Enfin, un mot sur la masse salariale, qui constitue l'assiette des prélèvements sociaux. L'évolution est à ce stade moins dynamique que prévu, vous avez tous à l'esprit à cet égard les conclusions de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Mais les mesures du plan d'urgence pour l'emploi permettront de la redynamiser, ce qui me conduit à évoquer la mise en uvre de ce plan.
II La mobilisation de la politique budgétaire et fiscale au service du plan pour l'emploi du Premier ministre
Le premier message important du budget 2006, vous l'avez compris, c'est " les dépenses sont tenues ". Le deuxième message, c'est évidemment : " toutes les marges de manuvre sont consacrées à l'emploi ".
Cela passe avant tout par les mesures annoncées par le Premier ministre : nous sommes à pied d'uvre pour les mettre en uvre le plus rapidement possible. Et je suis en mesure de vous donner quelques informations supplémentaires :
- la prime de 1 000 pour les jeunes qui prendront un emploi dans les secteurs rencontrant des difficultés de recrutement concernera les embauches à partir du 1er juillet. Elle sera versée à partir du 1er octobre, soit trois mois après l'embauche. Elle concernera également, avec les adaptations nécessaires, les emplois à temps partiels. Nous avons identifié les secteurs potentiellement concernés : ils représentent environ 80 métiers que nous détaillerons par décret dès que les ordonnances seront adoptées. Le paiement sera opéré par les services du Trésor, par virement bancaire ou par chèque. C'est une mesure facile à comprendre, simple à mettre en uvre, qui aura un impact majeur sur l'emploi des jeunes.
- la prime de 1 000 pour les chômeurs de longue durée titulaires de minima sociaux qui reprennent un emploi dans une entreprise s'ajoutera au dispositif existant de l'intéressement, qui permet de cumuler les minima sociaux et les premiers salaires. Cette prime sera versée par l'État pour les titulaires de l'ASS et par la CNAF pour les titulaires du RMI.
- les mesures du plan Villepin pour l'emploi ne concernent pas que l'emploi non qualifié. Avec le crédit d'impôt permettant aux étudiants de déduire de leurs premiers revenus professionnels lesintérêts d'emprunts contractés pour financer leurs études, nous souhaitons favoriser l'égal accès aux formations supérieures et donc à l'emploi qualifié. Les emprunts contractés à partir du 1er janvier 2006 seront éligibles à ce crédit d'impôt.
Sur toutes les nouvelles mesures fiscales annoncées, je souhaite que nous soyons exemplaires, non seulement dans la mise en uvre, mais aussi dans l'évaluation. D'ailleurs ces mesures ne seront pas valables indéfiniment. A l'image de la nouvelle gouvernance fiscale que j'entends promouvoir, elles auront une durée de vie limitée de trois ans. Leur efficacité sera évaluée à l'issue de cette période et c'est seulement si elle est prouvée qu'une reconduction de ces mesures pourra être envisagée.
Favoriser l'emploi, c'est aussi mener deux chantiers :
- le premier, c'est la levée des obstacles matériels accompagnant la reprise d'un emploi : il faut pour cela améliorer nos outils pour, par exemple, faciliter la garde d'enfants, ou encore encourager à la mobilité professionnelle des actifs, comme l'a expliqué Thierry Breton. Je proposerai, dans le cadre du PLF 2006, des mesures pour faciliter la vie quotidienne des Français qui reprennent un emploi.
- le second chantier, c'est d'examiner, en liaison avec tous les ministres concernés, l'impact de notre système de prélèvements et de transferts sur la reprise d'un emploi. Nous devons nous atteler à ce sujet si l'on veut vraiment faire progresser l'emploi dans notre pays. Je souhaite que le prochain rapport sur les prélèvements obligatoires puisse formuler un diagnostic et des propositions d'améliorations sur ce sujet à l'automne.
Au-delà de ces mesures qui auront un impact immédiat sur l'emploi, il faut évidemment promouvoir des mesures plus générales, favorables au dynamisme de notre économie. Je voudrais, à cet égard, évoquer la taxe professionnelle.
Trois options sont possibles en ce domaine :
- première option : poursuivre de manière illimitée le dégrèvement des investissements nouveaux engagé depuis 2004. C'est une mesure favorable à l'investissement, mais qui pose un double problème : un problème budgétaire (1,4 Md de plus chaque année) ; un problème pour l'autonomie financière des collectivités ;
- deuxième option : dans l'esprit du rapport Fouquet, faire une réforme radicale de l'assiette de l'impôt, en passant à la valeur ajoutée ou, pourquoi pas, à l'excédent brut d'exploitation ; cette option a un très grand avantage, celui de rétablir l'équité dans cet impôt, elle a un inconvénient, celui d'engendrer des transferts de charges très importants. Au total, une telle réforme est parfaitement possible, mais il y faut, au choix, soit une très longue période d'entrée en vigueur progressive, soit une très forte injection d'argent par l'État, soit une très bonne conjoncture économique. Il faut, enfin, un consensus politique total.
- troisième et dernière option possible : corriger les deux dysfonctionnements majeurs de la TP.
Premier dysfonctionnement : le poids de cet impôt est en apparence plafonné à 3,5 % de la valeur ajoutée ; en réalité, compte tenu du fait que ce plafonnement est calculé sur la base des taux de 1995, le poids est supérieur pour 54 000 entreprises et dépasse 10 % de la VA pour quelques centaines d'entre elles. On peut donc imaginer deux correctifs très puissants :
1. revenir à un plafonnement qui soit réellement de 3,5 %, l'écart étant pris en charge par l'État
2. neutraliser, pour l'avenir, toute possibilité d'augmentation du poids de la taxe pour les entreprises qui sont à ce plafond de 3,5 %.
Second dysfonctionnement : la TP taxe l'investissement dès sa mise en service, avant même qu'il soit devenu rentable. On peut, là aussi, imaginer un correctif simple et efficace ; il consiste à pérenniser la neutralisation, pendant deux ans, de l'imposition des investissements nouveaux. De cette manière, les entreprises qui augmentent régulièrement leurs investissements bénéficieraient d'une aide sans cesse croissante.
Comme il l'a indiqué, le Premier ministre tranchera entre ces différentes options dans les toutes prochaines semaines.
III Une dynamique incarnée par la réforme de l'État.
La mobilisation en faveur de l'emploi et de la croissance, cela signifie aussi réexaminer les procédures administratives, notre fonctionnement interne, pour mobiliser toutes les énergies : on ne réussira pas sans une implication de l'État dans son ensemble, et ceci m'amène à quelques mots sur la réforme de l'État.
Tout d'abord, je souhaitais vous confirmer que le calendrier de la LOLF sera tenu. La LOLF, c'est dans moins de 200 jours, et tous les outils sont en place. Lors du débat d'orientation budgétaire, je présenterai par exemple la liste précise des objectifs et des indicateurs. Je précise ici que la quasi intégralité des observations formulées par le Parlement et la Cour des comptes sera satisfaite. Autre point notable sur la LOLF : l'Assemblée nationale a adopté hier le projet de loi organique modifiant la LOLF et a accepté, à cette occasion, l'amendement que j'ai présenté sur la régulation budgétaire. Désormais, en lieux et place des gels brutaux et mal vécus, nous aurons un dispositif de précaution transparent, efficace et connu avant le vote du budget.
Outre une vigilance constante sur la LOLF, il est désormais nécessaire d'entrer dans une nouvelle phase de la réforme de l'État, selon une double logique : mesurer / inciter. Avec trois ambitions : un État moins complexe. Un État plus performant. Un État qui dépense mieux.
1er axe : Lutter contre la complexité
Moins de textes, des démarches plus simples, tout ministre en charge de la réforme de l'État en rêve. Pour y arriver, j'ai décidé de mettre en place un indicateur de complexité, qui mesure pour chaque procédure l'évolution du volume des textes juridiques, et la durée des démarches que doit effectuer l'usager. Pour que cet indicateur ne reste pas lettre morte, j'ai décidé de créer un intéressement budgétaire pour les ministères qui font un effort de simplicité, avec un barème précis.
2e axe : Promouvoir la culture de la performance
Je souhaite à cet effet prévoir des contrats de performance avec chaque administration qui le souhaite. Un contrat, c'est d'un côté, une administration qui s'engage sur des réformes structurelles (organisation, effectifs, objectifs), d'un autre côté le Budget qui s'engage sur les moyens, sur une visibilité pluriannuelle et sur des mécanismes d'intéressement des personnels.
Ces contrats, nous les avons expérimentés à Bercy (DGI, DGCP, DREE). Je peux vous annoncer qu'en 2006, le Quai d'Orsay et les douanes entreront dans cette démarche.
3e axe : un État qui dépense mieux.
Je souhaite rendre plus concrète une formule qui parait aujourd'hui éculée. Je ne prendrai qu'un exemple : comment dépenser mieux en matière d'immobilier public ? La mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale formule à cet égard un certain nombre de critiques, auxquelles j'ai répondu point par point la semaine dernière.
Il faut tout d'abord se fixer des objectifs. Les miens sont très simples :
1/ la qualité de service doit être l'objectif premier
2/ cette qualité doit être obtenue au moindre coût. Pour cela, j'ai décidé la mise en uvre de trois séries d'orientation.
- première orientation : il y aura, dorénavant, un schéma pluriannuel immobilier pour chaque ministère ; il sera élaboré contradictoirement et, le cas échéant, arbitré par le Premier ministre. Ces questions sont depuis trop longtemps gérées dans la confidentialité et l'opacité. Dorénavant, il s'agira d'affaires politiques.
- deuxième orientation : le mécanisme des loyers budgétaires pour les bâtiments domaniaux sera expérimenté puis généralisé. Lorsqu'on a conscience que l'espace n'est pas " gratuit ", c'est une incitation forte à rationaliser l'utilisation des locaux, à procéder à des ventes et des regroupements géographiques. Les ministères qui procèderont à des cessions récupéreront en effet le montant du loyer et seront ainsi intéressés à 100 %.
- troisième et dernière orientation : l'administration des domaines va devenir un pôle d'excellence pour la gestion de l'immobilier public : je souhaite à cet effet la doter de tous les moyens et des compétences permettant de remplir cette mission. Il ne s'agit pas de multiplier les structures nouvelles, mais de dynamiser celles qui existent.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 22 juin 2005)