Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, sur les grandes orientations de la modernisation de la fonction publique territoriale, Paris le 6 juillet 2005.

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Circonstance : Réunion du Conseil supérieur d ela fonction publique territoriale, à Paris le 6 juillet 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs les représentants du personnel,
Permettez-moi avant tout de remercier le Président DEROSIER de son invitation. Depuis ma prise de fonctions il y a un mois, M. DEROSIER est l'un de mes interlocuteurs privilégiés. Nous nous sommes entretenus deux jours après mon arrivée au ministère, je l'ai revu lors du Congrès des Maires du Nord et je viens m'adresser aujourd'hui devant l'instance qu'il préside. Je suis très attentif à ses préoccupations et à ses inquiétudes.
M'exprimer devant vous aujourd'hui me réjouit à double titre. D'abord, bien entendu, comme Ministre délégué aux Collectivités territoriales, mais aussi à titre plus personnel, puisque j'ai commencé ma carrière professionnelle dans deux collectivités territoriales : un département d'abord, une commune ensuite.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'acte 2 de la décentralisation dont je suis chargé, il m'appartient de moderniser davantage la fonction publique territoriale.
Les collectivités locales sont aujourd'hui dotées d'un budget de 150 milliards d'euros et ont ainsi acquis leur autonomie financière. Elles emploient au total 1,6 million d'agents, sans compter les 130 000 agents de l'Etat qui viendront s'ajouter aux effectifs du fait de nouveaux transferts de compétence.
Il est nécessaire de bien gérer ces transferts, ce qui suppose parallèlement de moderniser la fonction publique territoriale et de la rendre plus attractive pour les nouvelles générations par rapport au secteur privé.
Cette modernisation est essentielle car, si elle est bien menée, elle pourra constituer un modèle pour la réforme de l'Etat.
Le premier mois d'exercice des mes fonctions m'a permis de mieux évaluer les besoins qui s'imposent. J'ai déjà reçu diverses organisations syndicales de la fonction publique territoriale. Soyez bien certains que ma volonté politique est forte : je souhaite qu'un projet de loi puisse être présenté au Conseil des ministres avant la fin de l'année 2005. Cette modernisation que nous souhaitons tous ne sera, cependant, possible que si nous y travaillions ensemble, dans un climat de dialogue.
Je n'ai pas d'inquiétude à ce sujet dans la mesure où le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale revêt à mes yeux une fonction majeure qui est celle de la concertation dans un univers territorial très différent de celui de l'Etat.
Permettez-moi donc de vous livrer, ce matin, mes premières réflexions sur ce grand chantier. Après un constat valorisant, nous nous arrêterons quelques instants sur les défis qui nous attendent et les principes qui guideront mon action.
Un constat valorisant qui ne doit pas encourager à l'immobilisme
Une instance qui éclaire le gouvernement
50 000 employeurs publics territoriaux employant environ 1,6 million d'agents régis, pour la grande majorité d'entre eux, par les principes et les statuts de la fonction publique, il est nécessaire qu'un "forum" permette des échanges et émette des avis pour le gouvernement.
La composition du Conseil, fondée sur la parité, permet une représentation fidèle de cette diversité des acteurs territoriaux, avec 20 représentants des collectivités et 20 représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux.
De cette composition dépend la qualité des avis que le Ministre chargé des collectivités reçoit sur tous les projets de textes.
Ce rôle consultatif se double d'un rôle de proposition et d'étude, qui se manifeste notamment par des rapports de grande qualité.
J'ai déjà pris connaissance de plusieurs d'entre eux, comme celui sur "la modernisation de la fonction publique territoriale 20 ans après sa création" qui comporte de nombreuses propositions sur la reconnaissance de l'expérience professionnelle et dont nous nous sommes d'ores et déjà largement inspirés.
Les nombreux travaux du Conseil contribuent ainsi grandement à élaborer un corpus doctrinal qui éclaire les décideurs que nous sommes.
La fonction publique territoriale aujourd'hui
Ce rôle d'aiguillon du gouvernement se conçoit dans une fonction publique territoriale devenue majeure et dont l'attractivité est déjà servie par de nombreuses originalités.
Vingt et un ans après les lois de 1984, la fonction publique territoriale est reconnue pour sa construction originale, pour la souplesse qu'elle offre certes aux collectivités, grandes et petites, mais aussi aux agents, en leur apportant les garanties fondamentales inscrites dans le droit de la fonction publique.
La constitution de la fonction publique territoriale en filières et en cadres d'emplois permet à de nombreux talents de connaître une mobilité professionnelle incomparable avec celles en cours dans les deux autres fonctions publiques. Elle compte ainsi seulement une soixantaine de cadres d'emplois qui donnent accès à plus de 250 métiers! Les cadres d'emplois ne sont donc pas des "ghettos" statutaires! Cette mobilité fonctionnelle et parfois géographique est, bien entendu, susceptible d'attirer les jeunes générations.
Un récent sondage de l'IFOP, diffusé à l'occasion du 2ème salon de l'emploi public en avril dernier, soulignait que si la fonction publique continue d'attirer les jeunes de 25 à 30 ans, c'est bien la fonction publique territoriale qui se détache devant les deux autres fonctions publiques.
Les valeurs du service public de proximité et de l'engagement personnel auprès de ses concitoyens sont mises en avant par les personnes sondées. Il est important pour ces jeunes de savoir qui ils servent, cela ne peut que les stimuler.
Ce constat très valorisant ne doit pas encourager à l'immobilisme. Je sais que vos esprits sont tournés vers l'avenir proche ou un peu plus lointain. Le Président DEROSIER m'en a fait part lors de notre dernier entretien.
L'état d'avancement des transferts de services et de personnels de l'Etat vers les collectivités
Comme vous le savez, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré aux collectivités territoriales un certain nombre de compétences à compter du 1er janvier 2005.
Pour l'exercice de ces nouvelles compétences principalement dévolues aux régions et aux départements, l'Etat transférera des services et environ 130 000 agents dont 93 000 TOS. L'Etat assurera aussi une compensation financière intégrale aux collectivités pour leur permettre d'exercer dans les mêmes conditions que lui ces missions.
Les modalités de transfert sont bien engagées et se décomposent en deux temps : la mise à disposition provisoire et la partition définitive des services qui permettra aux agents de l'Etat d'opter pendant deux ans entre l'intégration dans la FPT et la position de détachement sans limitation de durée.
Des conventions de mise à disposition provisoire ont été signées dans une moitié environ des départements et dans une région entre le début janvier et début avril. Il reste maintenant à prendre les arrêtés ministériels de mise à disposition pour les collectivités qui n'ont pas signé ces conventions.
La loi du 13 août 2004 a créé principalement trois commissions pour accompagner dans la transparence et la concertation le processus de transfert des services et des personnels.
La Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) présidée par Jean-Pierre Fourcade. Sa mission est d'expertiser les enjeux pour les collectivités et de donner des avis au gouvernement sur les questions de compensation financière des transferts de compétences. Elle s'est réunie sept fois depuis mars 2005 et ses travaux sont unanimement appréciés. Nous avons là une instance neutre d'évaluation des charges à la disposition des exécutifs locaux.
La Commission commune de suivi des questions de transfert des personnels, qui est une émanation des Conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique territoriale.
Elle n'a en rien diminué le rôle éminent de votre instance sur toutes les questions statutaires et de personnels mais elle apporte une approche synthétique des problématiques étatique et territoriale à l'égard de ce processus original de décentralisation. Vous avez ainsi été amenés aujourd'hui, après elle, à vous prononcer sur les projets de décrets créant les cadres d'emplois spécifiques qui accueilleront les 93 000 TOS dans les départements et les régions.
La troisième est, bien entendu, la Commission nationale de conciliation que je viens tout juste d'installer.
Elle aura pour objet de donner un avis motivé au Ministre chargé des Collectivités territoriales sur les projets d'arrêtés ministériels de mise à disposition.
A la demande des représentants de l'Association des Régions de France (ARF), j'ai décidé de reporter à septembre l'examen des premiers projets d'arrêtés de mise à disposition qui concernent les TOS afin de donner les délais suffisants à la préparation de cet avis.
Je n'ai accepté de report de quelques semaines que dans la mesure où l'ARF m'a garanti qu'il n'y avait aucune volonté d'obstruction de sa part.
J'ai, par ailleurs, accepté la constitution éventuelle de groupes de travaux ad hoc à la demande des élus de l'ARF qui viendraient s'ajouter aux travaux déjà significatifs entrepris par ces trois commissions et les deux Conseils supérieurs.
Vous le voyez, il y a une volonté de pragmatisme, de dialogue et d'ouverture de ma part sur les méthodes mais pas de changement de cap sur le calendrier. L'objectif est d'arriver à la fin 2005 ou au début 2006 à la publication du premier décret de partition définitive des services de l'Education nationale.
L'Etat, comme les collectivités bénéficiaires, ont un devoir de cohérence et de transparence à l'égard de 130 000 agents de l'Etat des services concernés qui savent depuis le 13 août 2004 que leurs postes seront transférés.
Je suis aussi entièrement convaincu que dès lors que la faculté d'option leur sera ouverte, ces agents feront massivement le choix de l'intégration dans un cadre d'emplois de la FPT à l'instar de ce que l'on a constaté lors de la 1ère vague de décentralisation durant les années 1980.
Les défis qui nous attendent et les principes qui guideront notre action
Les défis qui nous attendent
La nécessité de proposer aux 50 000 employeurs territoriaux et aux 1,6 million d'agents un nouveau cadre législatif qui modernisera certains aspects de la fonction publique territoriale m'apparaît flagrante. Elle est justifiée par trois défis majeurs.
Le premier est celui de l'impératif d'une efficacité accrue des services publics.
Il est encore très souvent reproché aux deux fonctions publiques de s'exonérer de cet impératif, même si je distingue la fonction publique territoriale, plus au contact des citoyens, que la fonction publique d'Etat. La capacité concurrentielle de la France est directement liée à la performance des services publics et à la maîtrise des dépenses publiques.
Le second défi est d'ordre démographique. Les besoins de renouvellement vont se manifester dans les années à venir dans un contexte de plus grande rareté des ressources humaines. Le nombre de départs qui s'élevait à 16 500 par an jusqu'en 2005 va quasiment doubler pour atteindre 31 à 32 000 par an entre 2006 et 2012.
D'ici à 2012, au moins 35 % des fonctionnaires territoriaux atteindront l'âge de 60 ans. Ce sont les cadres d'emplois relevant de la catégorie A qui paieront le plus lourd tribut à ce "papy-boom" avec 50 % de départs d'ici à 2012. Il est donc urgent de rendre la fonction publique territoriale plus attractive pour les nouvelles générations.
S'agissant des concours qui constituent la procédure de droit commun pour accéder à la fonction publique territoriale, il importe de développer la lisibilité et l'efficacité des dispositifs de sélection.
Le dernier défi tient à la nécessité pour la fonction publique territoriale d'adapter ses règles aux exigences de la gestion des ressources humaines. La gestion des agents territoriaux est encore trop souvent inspirée par des approches normatives et bureaucratiques qui étouffent les approches personnalisées et la valorisation des compétences. Par ailleurs, les différents blocages dans les déroulements de carrière des fonctionnaires territoriaux nuisent à l'efficacité de la mécanique statutaire et in fine à l'attractivité de la fonction publique territoriale.
Les grands principes qui vont guider notre action
L'avant-projet de loi s'inspirera d'un certain nombre de recommandations inscrites dans votre rapport sur les mutations de la fonction publique territoriale 20 ans après sa création.
Il visera trois objectifs pour répondre aux défis évoqués. J'en resterai, si vous le voulez bien, aux grands principes car le texte n'est pas encore validé au niveau interministériel.
Le premier sera celui de la formation et de la valorisation de l'expérience professionnelle des agents nouveaux ou anciens.
La clé de la réussite de nos collectivités passe par l'adaptation régulière des agents aux évolutions très rapides des métiers territoriaux. Cette formation doit être adaptée aux profils des fonctionnaires, ne pas être redondante avec la formation initiale pour qu'elle soit utile aux uns et aux autres sans constituer une lourdeur pour le fonctionnement des services.
Le second objectif sera celui de la plus grande autonomie de gestion pour les collectivités avec des dispositions législatives à la clé mais aussi beaucoup de chantiers réglementaires menés en parallèle.
Enfin, il sera nécessaire de clarifier les compétences entre le CNFPT et les différents centres de gestion. De telles dispositions doivent être formulées dans un futur texte de loi sur la modernisation de la FPT sans justifier de nouvelles cotisations obligatoires pour les collectivités.
Je sais que vous avez auditionné le 11 mai dernier les principaux protagonistes de ce volet du projet de loi. Ils vous ont rappelé les missions de leurs réseaux sans forcément se placer dans une perspective dynamique qui ferait évoluer les positions respectives des uns et des autres. Des solutions équilibrées pourraient se dessiner.
Vous le voyez, notre volonté est d'avancer dans l'élaboration d'une réforme avec une présentation du texte devant le Conseil supérieur qui pourrait intervenir à la rentrée prochaine. Notre souhait serait d'aboutir à une communication du texte en Conseil des ministres à la fin de l'année 2005.
Le rôle de conseil et de proposition de votre instance devra s'exprimer pleinement à l'occasion de ce rendez-vous très important pour l'ensemble des collectivités et de leurs agents.
Je compte, en compagnie du Ministre de la fonction publique Christian Jacob, obtenir une validation du Premier ministre dans les semaines à venir.
Permettez-moi, pour conclure, de vous redire à quel point je veillerai, sous l'autorité du Ministre d'Etat Nicolas Sarkozy, à faire de la fonction publique territoriale une ressource humaine la plus moderne et la plus attractive possible.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 juillet 2005)