Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les aspects du projet de loi d'orientation agricole concernant le dispositif de valorisation et les signes de qualité des produits agricoles ainsi que sur l'avenir de l'INAO, Paris, le 18 octobre2005.

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Circonstance : Congrès de l'INAO organisé au Sénat le 18 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Président de l'INAO,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec plaisir que j'ai répondu à votre invitation pour clore le congrès 2005 de l'INAO. Cette année est exceptionnelle, après l'inauguration de vos nouveaux locaux en janvier dernier ; elle est aussi emblématique, puisque nous célébrons un double anniversaire ayant marqué la politique de promotion et de défense des appellations d'origine :
- le centenaire de la loi du 1er août 1905, qui a notamment précisé les zones pour lesquelles les productions agricoles peuvent bénéficier d'une appellation d'origine ;
- le 70ème anniversaire de l'INAO et de la reconnaissance des appellations d'origine contrôlée par le décret-loi du 30 juillet 1935.
L'occasion m'est ainsi donnée de m'associer à l'hommage rendu ce matin à l'un de mes prédécesseurs, Joseph CAPUS, ancien Sénateur de la Gironde. Nous lui devons la publication en 1947 d'un ouvrage, encore ô combien d'actualité, sur les fondements de l'appellation d'origine des vins fins. Je saisis cet instant pour diriger mes pensées les plus sincères et amicales, et adresser mes vux de prompt rétablissement à René RENOU, qui n'a pu se joindre à nous.
Le rappel de ces dates et de grandes figures qui, hier ou aujourd'hui, oeuvrent pour le renforcement des appellations d'origine, témoigne de l'intérêt renouvelé de ce concept d'origine : il joue un rôle essentiel pour la préservation des terroirs et des savoir-faire des hommes. Pour l'avenir, ce concept d'appellation d'origine est également au cur des négociations internationales sur l'Organisation mondiale du commerce. Il conditionne le développement équilibré de nos territoires et répond aux attentes tant des producteurs que des consommateurs. Il apporte un sérieux de qualité et de traçabilité des produits. C'est pourquoi la loi d'orientation agricole propose des mesures nouvelles pour rendre plus lisible et plus simple le dispositif existant. Je salue d'ailleurs la présence dans cette assemblée de Monsieur Gérard CESAR, rapporteur du projet de loi devant le Sénat.
J'aborderai successivement :
- les enjeux liés à la clarification des signes de qualité dans le cadre de la loi d'orientation agricole ;
- puis, l'avenir de l'INAO et de ses missions ;
- enfin, les perspectives tant du point de vue de l'alimentation que des négociations internationales.
I - Pour aider le consommateur comme le producteur, la clarification et la simplification des signes de qualité sont devenues des enjeux essentiels
I - A Le projet de loi d'orientation agricole en réformant le dispositif de valorisation des produits agricoles et alimentaires doit satisfaire à cette attente.
Bien entendu, il ne s'agit pas de faire table rase du passé mais d'impulser, en particulier à partir de l'INAO, un nouvel élan.
La loi d'orientation agricole propose de regrouper les démarches de valorisation prévues en trois grandes catégories : les signes d'identification de la qualité et de l'origine (appellation d'origine contrôlée, indication géographique protégée, spécialité traditionnelle garantie, Label Rouge et agriculture biologique), les mentions valorisantes (montagne, fermier, pays) et la démarche de certification de produits.
Le dispositif de contrôles et de sanctions devrait être également renforcé : en l'adaptant à la réglementation communautaire, nous en accroîtrons la crédibilité vis-à-vis des consommateurs. Nous pouvons là-dessus progresser ensemble et valoriser cet aspect dans le cadre des échanges internationaux.
Par ailleurs, le statut des organismes de défense et de gestion des signes sera adapté tant pour les modalités de leur financement que pour les règles relatives à leur reconnaissance pour l'autorité administrative.
I - B La politique des signes de qualité répond ainsi à une triple orientation :
- une vocation patrimoniale,
- un souci économique,
- la protection des consommateurs.
o Les appellations sont d'abord un patrimoine à protéger
En accordant une valeur patrimoniale à celles-ci, l'Etat affirme son engagement pour des productions, des pratiques qui sont autant de points de repère culturels pour les Français comme pour l'étranger. Ces appellations et indications représentent la France tant sur notre territoire qu'à l'étranger.
Au-delà de ces aspects de protection, l'appellation d'origine constitue un véritable outil de développement économique et social. Ce système permet en effet de préserver, dans des conditions de concurrence loyale, certaines productions qui, en l'absence d'encadrement et d'identification, ne trouveraient plus leur place sur le marché. Je suis convaincu que les appellations permettent de maintenir des productions, qui seraient abandonnées, sur des territoires dont l'exploitation est difficile.
o Les appellations d'origine répondent aussi à un souci économique
Pourquoi s'en cacher ? Nous avons raison de nous réjouir et d'être fiers de nos atouts et de notre histoire. Les productions protégées représentent 19 milliards d'euros de chiffre d'affaires et constituent un avantage indéniable dans un marché souvent banalisé.
La qualité des produits, leur spécificité sont des signes que le marché valorise. Dans le domaine de la distribution, la notoriété des produits qui portent une appellation ou une indication géographique constitue également un atout pour accroître les revenus. Le quart des exploitants est concerné, soit 140 000 producteurs. Les conséquences directes ou indirectes en terme d'emplois sont donc importantes. Enfin, les appellations contribuent au prestige de la France et, ainsi, à son excédent commercial. Bien souvent, pour un produit protégé, la part de la production exportée est déterminante.
o Enfin, notre action vise à protéger les consommateurs.
Les produits mis sur le marché doivent respecter un double critère : être sains et de qualité. Lorsqu'ils bénéficient de la reconnaissance conférée par une appellation ou une indication géographique, ils peuvent, à juste titre, être plus onéreux. En retour, le consommateur attend une qualité supérieure. J'ajoute que l'exemplarité des productions d'origine exerce un effet d'entraînement positif sur la qualité de l'ensemble des productions agricoles françaises.
Les attentes du citoyen et du consommateur s'enracinent dans la tradition culturelle française de qualité gastronomique des produits alimentaires et de diversité des terroirs ; elles traduisent également les grands mouvements de fond qui traversent la société aujourd'hui. Elles conduisent à des exigences croissantes concernant le goût et la relation au terroir, la traçabilité et la sécurité sanitaire, la protection de l'environnement et les considérations éthiques comme le bien être animal.
II - La loi d'orientation agricole crée un nouvel institut de la qualité et de l'origine
II - A Ce sera une structure unique chargée de l'instruction et du contrôle des dossiers sous signes officiels et regroupant l'Institut national des appellations d'origine (INAO) et la Commission nationale des labels et certifications (CLNC).
En matière d'organisation de l'institut de la qualité, l'enjeu de cette réforme, est d'arriver à tirer parti des atouts de chaque structure ayant fait le succès du dispositif de la qualité.
o Son organisation sera structurée en comités compétents pour les signes d'identification de la qualité et de l'origine.
Cette modification ne sera effective que lorsque le texte de l'ordonnance d'application de ces dispositions aura été publié. L'objectif est de garantir, le moment venu, un transfert des activités, des biens et du personnel de l'INAO au nouvel établissement.
o La matière très complexe et technique de ce texte a justifié le choix d'une habilitation à légiférer par ordonnance.
Pour autant, des échanges actifs ont été engagés avec l'INAO et la commission des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires (CNLC). Je tiens d'ailleurs à saluer, Monsieur le Président, votre investissement et celui des Présidents des comités nationaux et des services administratifs de l'INAO. Vous avez su créer avec le Président Jean LAURENS une véritable synergie, gage du succès de cette réflexion. Celle-ci devra également faire l'objet d'échanges avec l'ensemble des familles professionnelles concernées.
L'ordonnance portera sur les règles d'organisation et de fonctionnement de l'Institut de la qualité et de l'origine. Il s'agit aussi d'organiser les conditions de transfert des activités, des biens et du personnel de l'INAO à cet établissement.

II - B Dans ce contexte, la structure d'établissement public de l'INAO et les missions spécifiques qui lui sont confiées sont confortées.
Le nouveau mode d'organisation devra répondre aux grands principes suivants :
- lisibilité et transparence vis à vis de l'environnement extérieur de l'institut (consommateurs, opérateurs, organisations professionnelles agricoles, ...) ;
- conservation de l'esprit et de la culture propre à chaque signe ainsi que du savoir-faire des agents qui instruisent les dossiers de reconnaissance. C'est le gage de la mise en oeuvre d'une segmentation de marché efficace et d'un positionnement clair de chaque signe par rapport aux autres ;
- crédibilité des modalités de contrôles et de leur organisation : clarification et homogénéisation.
Je me réjouis d'ailleurs que vous ayez déjà envisagé de manière encore informelle la structuration du nouvel institut en comités ou conseils, dont un consacré aux contrôles. Je partage votre approche consistant à garantir la professionnalisation de ces comités ou conseils. Une telle orientation me paraît la plus à même de garantir à la fois l'implication et la responsabilisation des acteurs des filières dans la politique de qualité mais aussi l'analyse pertinente des dossiers.
II - C Les moyens de la politique d'origine
L'existence du nouvel institut ne prendra effet qu'au 1er janvier 2007. Pour 2006, dans un contexte budgétaire contraint, la dotation de l'INAO doit couvrir les charges de personnel.
Les délais ne permettent pas d'envisager, pour l'instant, un contrat d'objectif pour 2006. En revanche, il faut poursuivre les travaux amorcés pour que 2007 s'inscrive dans le cadre d'un contrat d'objectif pluriannuel. Il est nécessaire d'éviter les financements erratiques car liés pour partie au niveau de la production d'une année. Ces travaux pourraient servir de base pour la négociation budgétaire 2007, qui concernera le fonctionnement du futur institut. Les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions avaient été chiffrés dans une première estimation à 540 000 euros.
III - Les perspectives de la notion d'origine en terme de politique d'alimentation et du point de vue des négociations internationales
III - 1 Votre souhait en matière de communication, correspond à l'un des programme d'actions que je souhaite conduire dans le cadre de la politique de l'alimentation.
Elle s'inscrit aussi parfaitement dans le cadre du thème " qualité alimentaire " du prochain salon international de l'agriculture.
L'alimentation est une préoccupation majeure et constante des pouvoirs publics ; j'ai pour attributions de préparer et mettre en uvre la politique de l'alimentation en liaison avec les Ministres chargés de la consommation et de la santé. Et je souhaite renforcer l'action du Ministère dans ce domaine.
Il va sans dire que dans le cadre de cette politique, l'action menée par l'INAO aujourd'hui et par le futur institut demain aura toute sa place.
III - 2 Enfin, la reconnaissance des indications géographiques est un défi crucial dans le cadre du commerce international. Les négociations en cours nous le rappellent vivement.
Monsieur le Président, vous avez évoqué l'accord du 15 septembre dernier sur le commerce des vins entre les Etats-Unis et l'Union européenne ; vous avez également abordé les difficultés des négociations à l'OMC et les inquiétudes des professionnels relatives à l'avenir des indications géographiques.
L'accord du 15 septembre est le résultat de 20 ans de négociation. Ce texte présente un équilibre entre les intérêts des deux parties. Il couvre un champ très large et prévoit une deuxième phase de négociations à laquelle la France sera particulièrement attentive, je vous l'assure. En particulier, nous veillerons au respect des engagements pris par les Etats-Unis et à l'extension jusqu'à une protection complète des indications géographiques européennes sur leur territoire.
Plus généralement, dans le cadre des négociations OMC, la France est attachée à la défense par l'Union européenne d'une protection mondiale harmonisée des indications géographiques. Notre objectif est d'obtenir des avancées en matière d'acceptation d'un registre de ces indications avec une protection étendue concernant tous les secteurs agricoles et alimentaires. Je renouvelle, ici, en présence de Monsieur le Directeur du développement rural de la Direction générale de l'Agriculture de la Commission cette orientation dont je ne doute pas qu'il partage les mêmes préoccupations.
CONCLUSION
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Le travail accompli par l'INAO au cours des années récentes est remarquable. Il s'agit maintenant de franchir une nouvelle étape grâce à un cadre législatif nouveau. Il est actuellement en cours d'élaboration au Parlement. Nous aurons pour tâche de l'achever avec le travail de rédaction des ordonnances. Et, bien entendu, de défendre notre vision d'une agriculture de terroir et de qualité dans le cadre de la reconnaissance de notre politique de l'origine au sein des négociations à l'OMC.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.inao.gouv.fr, le 27 octobre 2005)