Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'esprit et sur les priorités du projet de loi d'orientation agricole, au Sénat le 2 novembre 2005.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre examen le projet de loi d'orientation agricole. Le texte qui vous est présenté est le résultat d'un travail approfondi engagé depuis plus d'un an. Mon prédécesseur, Hervé GAYMARD, avait organisé une large consultation dans chacune des régions métropolitaines et d'outre-mer. Riches et denses, ces débats ont révélé les attentes et le besoin de tracer de nouvelles perspectives à l'agriculture.
Le projet de loi a ensuite été élaboré en concertation avec les représentants professionnels grâce aux pistes tracées par la Commission nationale d'orientation qui m'a remis son rapport le 20 décembre 2004. Le projet, progressivement élaboré, apporte des réponses à l'évolution de l'agriculture et aux préoccupations des exploitants. Mais, cette loi s'adresse naturellement à l'ensemble de la communauté nationale. C'est pourquoi j'ai voulu la présenter au Conseil économique et social, instance représentant les diverses composantes des professions et de la société civile de notre pays. Le Conseil National du Développement Durable a également examiné le texte du projet de loi. Depuis le 18 mai dernier, date de son adoption par le Conseil des Ministres, les discussions se sont poursuivies : les propositions formulées par de nombreux parlementaires en mission, dont Jacques LE GUEN, Député du Finistère, ont permis de renforcer, sur l'emploi, le projet initialement transmis. Sur le foncier également, le texte présenté bénéficie d'avancées issues du rapport BOISSON.
Enfin, le travail très approfondi et constructif réalisé par l'Assemblée Nationale puis par la Commission des Affaires Economiques et du Plan présidée par Jean-Paul EMORINE, l'engagement personnel du rapporteur de ce projet de loi, Gérard CESAR et son apport particulièrement efficace et pertinent ont contribué à intégrer de très utiles améliorations. Vous ne manquerez certainement pas de l'enrichir encore.
Au cours du débat à l'Assemblée nationale, du 5 au 17 octobre dernier, plus de 1000 amendements ont été déposés. L'examen par l'Assemblée nationale s'est conclu par :
- l'adoption sans modification majeure de 14 articles,
- la suppression de l'article 30 relatif à l'organisation du Ministère qui sera repris dans le cadre d'une loi d'habilitation à la simplification,
- la modification de 19 articles.
La discussion au Palais-Bourbon s'est traduite par un ajout conséquent d'articles ; ils pourront être réorganisés avec la création d'articles thématiques accueillant par alinéas les articles nouveaux. Nous conserverons ainsi, si vous le voulez bien, à la loi son format de quelques dizaines d'articles quoique légèrement étoffé. Je sais que vous êtes attachés à ce travail de présentation des textes législatifs.
Le champ général des ordonnances a été fortement restreint à l'initiative du Gouvernement dès le début de la discussion, afin de répondre aux demandes exprimées par les Parlementaires. Les ordonnances proposées n'ont d'autre but que de simplifier en supprimant certaines dispositions obsolètes ou techniques. Je veillerai à ce que les Parlementaires puissent disposer d'un descriptif complet du contenu des mesures de chaque ordonnance durant le débat. Au total :
- une ordonnance est supprimée
- quatre sont intégrées totalement ou partiellement dans le texte qui vous est soumis
- pour deux d'entre elles, le champ d'habilitation est précisé
- trois articles habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance restent en l'état.
Ces précisions font ressortir l'intérêt porté au texte soumis à votre adoption. Elles témoignent non seulement du travail fourni par les Députés mais aussi de l'écoute attentive par le Gouvernement des suggestions du Parlement. Pour autant, je tiens à souligner que l'économie générale de ce texte n'a pas varié, la structure - chapitres et titres - n'ayant pas été globalement modifiée.
I - Quelle est la genèse de ce texte ? L'agriculture française a besoin de perspectives, d'une orientation.
Cette loi d'orientation, le monde agricole l'attend. Pour répondre aux changements de leur environnement international, aux évolutions récentes de la Politique Agricole Commune, aux défis sociaux qui leur sont posés, les agriculteurs français ont besoin d'un cadre législatif et de perspectives claires. Ils ont besoin d'un statut modernisé favorisant leur capacité à entreprendre ; ils attendent des relations mieux structurées entre la production agricole, sa transformation et sa mise en marché ; ils souhaitent davantage de simplification administrative, de confiance, de légitime reconnaissance pour ce qu'ils apportent à nos concitoyens. L'agriculture parfois désorientée a besoin d'orientations.
Mais la loi d'orientation ne répond pas aux seules attentes du monde agricole. Elle renouvelle le lien profond qui, depuis tant d'années, unit les Français à leur agriculture. Elle reconnaît les nouvelles missions et enjeux de l'activité agricole dans une société moderne : enjeux de production et de développement d'une filière agroalimentaire compétitive mais aussi défis énergétiques, environnementaux et de sécurité sanitaire des aliments.
Nous devons affirmer pour l'agriculture française ces nouvelles perspectives. C'est notre devoir parce qu'il existe une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Qui douterait d'ailleurs que l'agriculture porte bien plus loin que le monde des exploitants ? Nos espaces, nos paysages, nos aliments façonnent notre identité. La France jouit d'atouts naturels ; mais c'est aussi le fruit du travail des hommes et des femmes. Ce sont nos champs de blé, nos vignes, les vergers, les prairies, les forêts. Que seraient nos arts de la table sans la qualité des produits de notre agriculture ? Que serait même notre indépendance politique sans l'autosuffisance acquise au cours des années de forte croissance ?
En quarante ans, l'agriculture française a opéré une mutation sans précédent, sans doute beaucoup plus marquée que dans la plupart des autres secteurs professionnels. Nous avons l'immense atout d'une agriculture qui évolue, innove, s'adapte. Le progrès technique permet pleinement de répondre aux défis d'une agriculture propre. C'est aussi ce contrat entre agriculture et recherche qu'il faut renouveler.
Pour répondre à ce défi, le Président de la République a fixé un cap à Murat, le 21 octobre 2004, " celui d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, une agriculture fidèle à ses traditions, confiante dans sa capacité à se moderniser et à se renouveler ".
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, voilà pourquoi le Gouvernement vous soumet une loi d'orientation. Parce que nous savons quel avenir nous voulons pour la France en matière agricole, pour les exploitants et nos concitoyens : nous voulons une agriculture économiquement forte qui assure des conditions de vie et de travail satisfaisantes aux exploitants ; une agriculture qui maintienne le haut niveau de confiance de nos compatriotes dans la qualité de ses aliments et respecte la nature. Parce que c'est notre cadre de vie commun. La nature cultivée, c'est une nature respectée.
I - 2 Ces orientations, nous pouvons les envisager en toute confiance. Notre agriculture et notre industrie alimentaire françaises disposent d'atouts incontestables que le Premier Ministre a rappelés le 13 septembre dernier à Rennes.
C'est d'abord un secteur essentiel pour notre pays :
Le monde agricole et agroalimentaire, ce sont 2,5 millions d'emplois en France. Il faut les conforter parce qu'ils représentent près d'un actif sur dix. Mais aussi parce qu'ils couvrent l'ensemble du territoire, y compris dans les zones les plus difficiles comme en montagne. De ce fait, ils créent d'autres activités et d'autres emplois, partout en France. Ainsi l'agriculture contribue-t-elle à la cohésion de notre nation.
Le secteur agricole et alimentaire, c'est aussi un moteur essentiel de notre dynamisme économique. C'est le deuxième secteur industriel en termes de chiffres d'affaires : il génère un excédent commercial de plus de 8 milliards d' et constitue à ce titre le deuxième poste de notre la balance commerciale. Nous le savons, notre industrie agroalimentaire est puissante et dynamique parce qu'elle s'appuie en grande partie sur un approvisionnement en productions nationales, à la fois stables et de qualité.
L'agriculture, c'est aussi un secteur stratégique :
Les besoins alimentaires sont croissants du fait de l'évolution de la démographie mondiale. Notre pays entend assumer sa responsabilité envers le monde, y compris pour aider le décollage agricole des pays en développement.
Deuxième enjeu stratégique, l'autosuffisance alimentaire garantit notre capacité à fixer nos propres normes sanitaires et à contrôler la traçabilité des biens alimentaires. En périodes de crises sanitaires, toujours plus fréquentes, cette exigence de sécurité constitue un enjeu essentiel pour l'avenir. A cet égard, notre modèle agricole correspond sans ambiguïté à un choix de société : le produit agricole n'est un pas un produit comme les autres.
C'est enfin un secteur d'avenir :
Parmi les pôles de compétitivité retenus par le Gouvernement, quinze sont d'origine agricole et agroalimentaire. La nouvelle Agence Nationale pour la Recherche (ANR) a retenu en première sélection des projets touchant l'agriculture. Dans le domaine des sciences du vivant, l'Institut National de la Recherche Agronomique se positionne comme un des établissements de recherche leader dans le monde.
L'avenir est aussi dans la diversité des sources d'énergie. Et l'agriculture, à travers les bioénergies, offre une alternative aux énergies fossiles. Première productrice de cette " énergie verte ", l'agriculture française doit valoriser fortement ces perspectives. Les mesures gouvernementales en faveur de l'incorporation de biocarburants concrétisent déjà cette alternative mais celle-ci va constituer une orientation de plus en plus marquée du fait du renchérissement et de l'épuisement des énergies fossiles dans le monde.
Au-delà de l'énergie, la chimie verte, la thérapie génique sont autant de domaines ouverts qui apporteront des réponses sur des enjeux essentiels pour l'avenir de notre société.
II - Quel est l'esprit du projet de loi : dans un contexte international et communautaire en évolution, l'Etat accompagne l'agriculture française. Il complète ainsi au niveau national grâce à la loi d'orientation agricole l'action engagée hors de nos frontières.
II - 1 Le projet de loi marque une nouvelle étape de l'action des pouvoirs publics.
Les lois fondatrices de 1960 accompagnaient la construction communautaire en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole ; elles ont organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles intervenaient dans une Europe à six en construction, dans une France encore très rurale en voie d'industrialisation rapide.
Le projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité de cette action mais il prend en compte un nouveau contexte international et la réforme de la PAC intervenue en 2003.
Il reconnaît la diversification accrue des formes d'exploitations depuis 40 ans, ainsi que l'émergence des exigences nouvelles de nos concitoyens vis-à-vis des activités agricoles, notamment au cours des 15 dernières années.
Son ambition est de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de notre société et concourant à la richesse de notre économie. Agir pour l'agriculture bien sûr, c'est aussi agir pour la croissance et l'emploi. C'est agir, au-delà du monde agricole et rural, pour l'avenir de notre pays, de son dynamisme économique et de l'attrait de ses régions.
II - 2 La loi s'inscrit en cohérence avec nos actions pour l'agriculture sur le plan international ou de la politique agricole commune.
Notre action vise d'abord à réaffirmer le contenu du mandat qui a été assigné à la Commission dans le cadre des négociations à l'OMC.
Comme le Président de la République l'a indiqué lors du Sommet de Hampton Court : " nous avons une position simple et claire qui est le respect intégral de la Politique agricole commune telle qu'elle a été modifiée en 2003 ". C'est la ligne rouge absolue qui figure explicitement dans le mandat de la Commission. Elle signifie en particulier que l'enjeu prioritaire de ces négociations, sur le volet agricole, est le maintien de la préférence européenne. Si cette ligne rouge était franchie, alors, comme le Président de la République l'a indiqué, la France mettrait son veto à l'accord final. A cet égard, nous étudions actuellement d'un point de vue technique la dernière proposition formulée vendredi 28 octobre par la Commission européenne.
Mais un accord acceptable exige aussi un rééquilibrage des négociations :
- au sein du dossier agricole d'abord : nos partenaires, notamment les Etats-Unis, doivent faire les mêmes efforts que nous, en réformant réellement leur loi agricole (le Farm Bill) et accepter des disciplines sur leurs subventions indirectes aux exportations ;
- un rééquilibrage également entre des concessions équitables sur le dossier agricole et celles, significatives, que nous attendons de grands pays émergents dans les secteurs des biens et des services.
En vérité, ce cycle ne saurait être un cycle exclusivement agricole et doit être un cycle au service du développement des pays les plus pauvres. C'est à tout cela que la France est très attentive dans les semaines qui nous mèneront à la conférence de Hong Kong.
La France a fait il y quarante ans un choix stratégique, le choix de la PAC.
Nous devons le conforter parce que la PAC s'est construite sur des principes qui restent d'actualité : la création d'un grand marché intérieur unifié, la préférence européenne et la solidarité financière.
Ce choix a entraîné une modernisation remarquable de notre agriculture. Elle ne serait pas là où elle est aujourd'hui sans la PAC. Elle doit continuer à appuyer son développement sur les avantages d'une politique agricole commune désormais à 25 :
- l'agriculture française bénéficie de l'existence d'un marché intérieur de plus de 450 millions d'habitants ;
- le retour annuel de la PAC pour l'agriculture française s'élève à près de 10 Mds. La pérennité des financements est assurée jusqu'en 2013, grâce à l'accord obtenu par le Président de la République en 2002. Cet accord a été possible car la France a accepté la réforme de la PAC en 2003.
- La PAC est un choix d'avenir pour notre société. Elle a été le ciment de la construction communautaire, et a su continuellement s'adapter pour répondre aux nouvelles attentes de la société. Elle est en phase, aujourd'hui, avec les préoccupations environnementales et de sécurité sanitaire des aliments.
Ce cadre reste pertinent et nous voulons le consolider dans la négociation sur les perspectives financières. La France défend avec détermination le budget tel qu'il résulte de l'accord de 2002.
Pour autant, nous devons développer une stratégie d'initiative pour préparer l'après 2013. Je présenterai, avant la fin de l'année, un mémorandum à la Commission comme me l'a demandé le Premier Ministre le 13 septembre dernier. Il soulignera les enjeux pour la profession agricole d'une meilleure régulation des marchés et avancera des propositions : la régulation des marchés doit passer par des voies nouvelles s'appuyant davantage sur les interprofessions, la contractualisation, des systèmes de péréquation. Elle requiert un examen approfondi, y compris en terme de droit de la concurrence. Cette initiative aura également pour but de conforter notre vision de l'agriculture en gagnant l'adhésion de nos partenaires les plus proches de notre position.
III - Dans cet objectif, le projet de loi d'orientation fait le choix d'accompagner l'effort nécessaire d'adaptation et de modernisation de l'agriculture française.
Le projet de loi d'orientation agricole vient compléter l'action menée sur le plan international et communautaire en offrant à l'agriculture les moyens d'être plus performante et plus efficace et de mieux répondre à la demande.
Nous baliserons, ainsi, dans un monde en évolution rapide un chemin pour les exploitants, en particulier les jeunes. Ils disposent, par ailleurs, de l'assurance qu'apporte jusqu'en 2013 le double accord européen de 2002 et 2003 pour préparer l'avenir.
Ce projet affiche avec conviction son dessein de consolider l'activité économique agricole et conforte la vision positive de la fonction productive de l'agriculture.
Il dépasse le principe d'un modèle unique de l'agriculture fondée sur l'exploitation familiale à deux Unités de Travail Homme - deux UTH - et propose, au contraire, différentes voies pour l'agriculture. Dans ce cadre, il souligne la multifonctionnalité de l'agriculture et sa contribution à des services non marchands en termes d'occupation des espaces et de préservation de l'environnement. Enfin, il prend en compte les attentes de la société en matière de sécurité sanitaire et d'environnement et de qualité des produits.
Redonner des marges de manuvre à l'agriculture pour lui permettre de conserver son efficacité économique, c'est le meilleur moyen pour qu'elle reste présente sur nos territoires et continue à créer des emplois.
La loi d'orientation agricole est fondée sur un triple impératif : économique, environnemental et sanitaire.
Elle prolonge l'action engagée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs au cours des derniers mois, notamment pour sécuriser leurs revenus. Nous sommes déterminés à aller plus loin grâce à la loi d'orientation agricole.
III - 1 Premier impératif, un impératif économique : la défense de notre modèle agricole, de nos industries agro-alimentaires et de notre indépendance alimentaire nécessite un secteur et des entreprises efficaces et performantes.
Nous voulons des entreprises puissantes fondées sur la valorisation de la démarche d'entreprise.
De plus en plus, les formes d'exploitation se sont diversifiées en faisant place, en particulier, aux formes sociétaires.
La nécessité se fait sentir par ailleurs d'appréhender globalement l'ensemble des facteurs de production, en tant qu'entité économique capable de dégager un revenu. Le projet de loi vise à encourager la formation d'exploitations organisées autour d'une démarche d'entreprise, en conservant la responsabilité personnelle.
C'est pourquoi il crée le fonds agricole et introduit la cessibilité du bail rural. Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors cadre familial. Cette possibilité supposera le libre choix entre les parties ; elle ne se substitue pas au bail rural classique.
Le fonds agricole permettra, quant à lui, de mieux reconnaître la valeur du travail agricole, et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole. Il ne renchérit pas le coût des cessions : il ne crée, en effet, aucune valeur nouvelle mais identifie les éléments de la valeur économique de l'exploitation existant aujourd'hui sans reconnaissance juridique, tout spécialement dans les exploitations individuelles. Il est devenu optionnel à l'Assemblée nationale et, à l'initiative des Commissions des Finances, bénéficie d'une fiscalité favorable : les cessions seront soumises à un droit forfaitaire.
Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi permet aux associés d'EARL de conserver leur statut fiscal de type personnel en dehors du cadre familial. Le Premier Ministre a annoncé le 13 septembre la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants.
Tenant compte de l'évolution des structures d'exploitation, le projet de loi introduit deux dispositions que je mentionne ici :
- le contrôle des structures est simplifié. Nous avons trouvé un point d'équilibre entre les différentes parties, en permettant d'exonérer du contrôle les opérations portant sur des liens de familles et en relevant les seuils d'opérations soumises à contrôle.
- un mécanisme fiscal d'incitation à la transmission progressive est instauré pour faciliter l'installation.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis de répondre à certains défis relatifs au foncier et soulevés, au cours de l'année écoulée, par le rapport BOISSON. Les conflits d'usage entre culture et d'autres activités ou objectifs sont vifs. Le débat parlementaire est l'occasion, comme je m'y étais engagé devant le Comité Economique et Social, de renforcer la prise en compte de l'agriculture dans les documents d'urbanisme.
Enfin, le projet de loi apporte une réponse aux difficultés réelles d'exercice de ce métier : il favorise par un crédit d'impôt le remplacement pour congé des agriculteurs dans le cas où leur activité nécessite une présence quotidienne sur l'exploitation.
Des marchés efficaces sur lesquels l'équilibre entre producteurs et aval est assuré.
Cette orientation doit manifester en premier lieu notre objectif de sécuriser les revenus des exploitants. C'est une nécessité absolue à un moment où les instruments communautaires de régulation sont profondément modifiés pour répondre aux nouvelles règles du commerce international. A l'intérieur des marges de manoeuvre autorisées par le cadre communautaire, le Gouvernement privilégie notamment le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.
Sécuriser les revenus, c'est souvent renforcer l'organisation économique des filières :
- les missions des interprofessions seront étendues de manière à leur permettre d'intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés, ou la gestion des crises ;
- la contractualisation sera encouragée, dans la mesure où elle permet une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval ;
- la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre des filières, bénéficiera d'un statut modernisé. Les relations financières avec les adhérents coopérateurs sont améliorées et des responsabilités nouvelles - agrément des sociétés coopératives agricoles et de leurs unions, par exemple - seront confiées à un Haut Conseil de la Coopération, conformément à l'amendement déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Sécuriser les revenus, c'est encore développer les outils de gestion des risques, qu'ils soient climatiques ou conjoncturels. Le projet de loi favorise le développement de l'assurance récolte, et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.
C'est enfin baisser les charges. Conformément à la volonté du Président de la République exprimée dans son discours de Murat, le Premier ministre a décidé la diminution progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles. Cette baisse de 20% sera mise en uvre dès 2006 par la loi de finances ; elle représente 140 M euros intégralement compensés par l'Etat aux communes.
Un environnement administratif simplifié qui valorise l'acte de production.
Comme l'a rappelé le Premier ministre, il est nécessaire d'aller vers plus de simplification. C'est un axe prioritaire de ma politique. Simplifier, ce n'est pas déréglementer, mais faire en sorte que les exploitants se concentrent sur l'essentiel, produire.
Le projet de loi crée ainsi l'agence unique de paiement pour les aides du premier pilier ; celles du second pilier seront versées par le CNASEA. Le dispositif de développement agricole sera modernisé.
La performance économique renforcée concourra à créer des emplois pour lesquels des dispositions spécifiques sont également proposées. Nous poursuivons, à cet effet, un triple objectif : alléger le coût total de l'emploi, améliorer la rémunération et donc le pouvoir d'achat, mais aussi accroître la sécurité de l'emploi.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé la création d'un contrat jeune saisonnier agricole, la mise en place d'une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, enfin une mesure en faveur des groupements d'employeurs. Plusieurs de ces propositions sont inspirées du rapport de Jacques LE GUEN ; elles visent à mieux prendre en compte l'importance du travail saisonnier dans certaines productions agricoles.
III - 2 Un impératif sanitaire
L'agriculture doit répondre aux nouvelles exigences de la société en terme de sécurité sanitaire des aliments.
L'actualité de la grippe aviaire renforce notre volonté non seulement de sécuriser l'alimentation mais aussi de rassurer nos concitoyens par des dispositifs adaptés et performants. Le projet de loi complète le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phyto-sanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
La qualité des produits doit être valorisée en étant plus lisible sur le marché.
Il cherche également à améliorer la lisibilité des signes de qualité pour le consommateur et crée un institut unique de la qualité à partir de l'INAO. L'Assemblée nationale a également ajusté le dispositif initial assouplissant la distinction entre appellation montagne et AOC. Les débats ont fourni l'occasion d'enrichir le texte de loi par un volet montagne qui peut encore être complété.
Cette recherche de la qualité, nos compatriotes la demandent et veulent en être informés. Faut-il faire référence à Hippocrate pour rappeler ce que chacun sait aujourd'hui : " l'alimentation sera ta médecine " affirmait-il déjà. Car, une alimentation saine, sûre, équilibrée est le fondement de la santé.
III - 3 L'impératif environnemental : un impératif d'avenir
Nos compatriotes attendent des signes clairs du respect de l'environnement par les exploitants. Nous voulons répondre à leurs attentes et conforter la mutation des modes de production déjà engagée par la profession, notamment dans le cadre de la nouvelle Politique Agricole Commune.
L'agriculture biologique sera encouragée au travers d'un crédit d'impôt pour les agriculteurs ayant achevé leur conversion.
Le projet de loi instaure la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires à enjeux.
Le développement des bioénergies répond à notre préoccupation pour l'environnement tout en offrant des perspectives d'avenir pour la production agricole.
En effet, l'agriculture a une carte à jouer dans le développement de l'utilisation de la biomasse. Nous en sommes encore aux débuts mais ce sujet est sans doute l'enjeu stratégique majeur des prochaines années. Conscient de cet enjeu, le Gouvernement en a fait un axe fort du projet de loi.
Le Gouvernement ouvre la possibilité à la production agricole et forestière de participer aux bilans et mécanismes de marché destinés à mettre en uvre nos engagements internationaux en matière de lutte contre l'effet de serre.
Au cours de débats nourris avec les Députés, la promotion des huiles végétales brutes a atteint un point d'équilibre. L'article 12 prévoit une phase d'observation réservée aux producteurs de matière première puis une ouverture restreinte à l'ensemble des acteurs du monde agricole. Le carburant vert participe au lien unissant l'agriculture à notre société.
Au delà de l'impact attendu sur le plan environnemental, il s'agit aussi pour l'agriculture de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et donc de se créer des marchés.
Je mentionnerai également le volet spécifique consacré à la montagne qui enrichit la loi d'orientation au cours de ces débats parlementaires.
Un amendement de votre collègue Jacques BLANC permettra de rassembler les diverses mesures dans un seul article leur donnant plus de visibilité. Parmi celles-ci, citons notamment l'adoption du principe selon lequel un code de la montagne sera élaboré ainsi que la possibilité de cumuler la dénomination " Montagne " et une AOC.
L'agriculture doit miser sur l'innovation et la recherche.
Le projet de loi d'orientation agricole habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Les éleveurs ont été associés aux travaux relatifs à la révision de la loi sur l'élevage de 1966. Je souhaite, en effet, que, dans le cadre du nouveau contexte communautaire, nous répondions à leurs besoins. Il s'agit d'une grande ambition, car cette réforme doit simplifier et adapter le dispositif au droit communautaire, tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux. Nous devons à présent la finaliser, afin que l'ordonnance soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
CONCLUSION
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
En définitive, pour répondre aux évolutions actuelles et renforcer notre agriculture de demain, le texte présenté offre des outils importants afin d'accroître la compétitivité des secteurs agricole et agroalimentaire.
Nous accompagnerons l'agriculture dans la recherche de nouveaux débouchés, notamment non alimentaires, et soutiendrons le renouvellement des générations pour maintenir vivante notre tradition agricole et dynamiser l'ensemble de nos territoires. L'agriculture marquera ainsi notre engagement en faveur du développement équilibré, une croissance agricole soucieuse des équilibres écologiques, d'une répartition équitable des fruits de la richesse créée et de territoires intégrés.
Enfin, la simplification des procédures et de l'organisation administratives, ô combien nécessaire dans le monde agricole, participera à l'objectif de réforme de l'Etat voulu par le Premier Ministre.
En vous soumettant ce projet, le Gouvernement affirme donc sa confiance dans les atouts de notre agriculture et notre détermination commune à bâtir selon les vux du Président de la République une " agriculture économiquement efficace et écologiquement responsable ". C'est notre ambition, qui peut être partagée par tous, confiants et certains que les agriculteurs et la Nation tout entière seront fiers de leur agriculture.
Parce qu'elle est notre patrimoine et notre identité, je conclurai en citant " Le laboureur et ses enfants ", autre élément de notre patrimoine : " un trésor est caché dedans ". Ce sont bien entendu le travail des exploitants et ce que nous pouvons faire, ensemble, pour les aider. Je suis confiant dans la poursuite de nos débats qui, dans la continuité du travail remarquable d'enrichissement de l'Assemblée nationale, préciseront ou amélioreront ce texte qui accompagne une agriculture résolument tournée vers l'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 7 novembre 2005)