Texte intégral
Je vous remercie de m'accueillir au début de vos travaux. Catherine Trautmann avait souhaité vous rencontrer et échanger avec vous, nous étions alors aux prémisses de la réforme de l'archéologie préventive. Je suis parmi vous aujourd'hui pour poursuivre cette rencontre et pour mettre à profit l'occasion que vous me donnez afin de vous présenter les grandes lignes de nos préoccupations à Catherine Tasca comme à moi-même envers l'archéologie, comme discipline scientifique autant que comme ferment d'une approche raisonnée de la décentralisation culturelle.
Si vous le permettez je vais vous indiquer ici le point où nous en sommes du projet de loi sur l'archéologie préventive.
La troisième lecture se tiendra le 6 décembre prochain à l'Assemblée nationale. Non sans débats intéressants et vifs notamment au Sénat, le principe d'un monopole de l'Etat, confié à un établissement public à caractère administratif et doté de prérogatives de Puissance publique (exclusivité, perception d'une redevance pour diagnostic et d'une redevance pour fouilles) a été retenu par l'Assemblée. Les modalités d'assiette et de calcul de la redevance - à partir des prescriptions de l'Etat - ont fait l'objet d'un accord de cette même assemblée. Le principe de l'association des services archéologiques - agréés - des collectivités territoriales a été affirmé lorsque les collectivités territoriales réalisent elles-mêmes les fouilles. Enfin, la disponibilité pour étude du matériel issu des fouilles fait l'objet d'un article de loi disposant que la durée de ces études sera de cinq ans ce matériel documentaire étant reversé ensuite, sous contrôle de l'Etat, à tout service susceptible d'en assurer la valorisation.
Nous pouvons raisonnablement penser que l'ensemble des textes réglementaires destinés à traduire pratiquement la réforme législative pourra être présenté au Conseil d'Etat dans le 1er semestre 2001 et, notamment, permettre la création du nouvel Etablissement Public d'Archéologie Préventive au cours du second semestre 2001.
L'énoncé même de ces points, vous l'observerez, ouvre nécessairement sur une nouvelle donne de l'organisation de l'archéologie préventive et, partant, du regard - scientifique et public - que l'on doit y porter.
Tout d'abord, je veux affirmer ici que l'archéologie préventive ne sera plus, de mauvais procès en soupçons d'hégémonie faits à l'AFAN, soupçonnée d'être une activité de " pousseurs de brouettes " mais se trouve reconnue comme discipline scientifique à part entière, concourant au service public de la recherche.
Je l'affirme d'autant plus que se sont focalisées sur l'AFAN de nombreuses amertumes tenant à l'état du financement de la recherche en sciences humaines et au sentiment corollaire de l'insoutenable arrogance financière de ce qui, au fond, n'était " qu'une " association, même si, en fait plutôt qu'en droit, on pouvait démontrer que cette association était, à la demande de l'Etat, quasi délégataire d'un service public.
A ce stade du propos je souhaite dire ici que le statut disciplinaire de l'archéologie y gagnera, dès lors que sont enfin clarifiés le nature et le rôle de l'archéologie préventive tant aux côtés de l'archéologie programmée qu'à ceux de l'histoire de l'art. Nos collègues du Secrétariat d'Etat à la recherche - dont je tiens à saluer l'implication active dans l'élaboration de cette réforme législative et sa traduction au BCRD - ne me démentiront pas : l'effort d'affirmation scientifique est à poursuivre.
Je sais qu'une des préoccupations de votre Conseil est de mettre à profit le réforme législative pour contribuer à une nouvelle définition du paysage scientifique de la recherche archéologique préventive et de son articulation à l'archéologie programmée. Je ne veux bien sûr pas préjuger de ce que seront les conclusions et les propositions que votre Conseil sera amené à faire au ministre de la Culture et qu'il conviendra d'approfondir avec le Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur comme avec le Secrétariat d'Etat à la Recherche. Cela étant, vous travaillez actuellement à ce que pourrait être un réajustement ou plus exactement une actualisation du décret de 94 fondateur de votre Conseil.
Plusieurs points en effet me semblent devoir retenir vos réflexions :
la notion même " d'opérations d'intérêt national " dont, je crois, vous êtes nombreux à interroger la pertinence au regard d'une approche scientifique et raisonnée qui s'accommode en effet mal d'un " label " de cet ordre. Sans sombrer dans l'angélisme démagogique consistant à affirmer qu'il n'y a ni grand ni petit patrimoine et donc, ni grande ni petite recherche éligible à une évaluation, je crois cependant que le temps n'est plus à la distinction territoriale du " local " par opposition dépréciative au " national ", mais bel et bien à une mesure scientifique publique, contradictoire et par conséquent argumentée de l'intérêt scientifique de telle méthodologie d'approche d'un site ou de tels résultats de fouilles. Autrement dit, j'aime à penser que le CNRA pourra contribuer à l'évaluation des recherches qui sont conduites au titre de l'archéologie préventive en faisant bénéficier celle-ci de l'état de la recherche - pluri-disciplinaire - en archéologie. C'est aussi pourquoi, selon moi, il conviendra de veiller tout particulièrement à ce que sera la relation qui s'établira entre votre Conseil et le Conseil d'administration du futur établissement public comme avec son conseil scientifique.
Pour ma part, encore conviendra-t-il que la DAPA et, singulièrement la sous-direction de l'archéologie, procède à l'analyse de cette remarque si elle devait retenir votre attention et entreprenne les concertations correspondantes, je ne vois a priori que des avantages à une présence de droit d'un membre du CNRA au Conseil d'administration ainsi que d'un membre de droit au Conseil scientifique de l'établissement à venir.
Cette remarque qui, une fois encore ne préjuge pas de vos conclusions mais est à considérer comme une contribution, m'amène à aborder avec vous l'ancrage ministériel ou interministériel possible de votre Conseil. Ce faisant, je mesure parfaitement ce qu'une interministérialité peut avoir de lourd a priori.
- En procédure : un décret.
- En fonctionnement : réunir en même temps, sur des sujets communs - c'est à dire avec un accord sans faux-sens sur les objectifs et les missions - trois ministères de la Culture, de l'Education et de la Recherche.
Je mesure aussi le risque, si l'on n'y prend pas garde, de " dépossession " pour le ministère de la Culture par une interministérialité qui pourrait cantonner l'évaluation à une dimension exclusivement et - si je puis me permettre - étroitement scientifique, faisant appel à des critères et des moyens dont la recherche est coutumière et dont la Culture, par son histoire, s'est extraite de façon à ancrer solidement la restitution sociale et, par conséquent culturelle, dans ses fonctionnements comme dans le statut de ses personnels de recherche.
Pourtant, je suis certain que l'interministérialité est l'occasion à saisir pour faire entrer cette science humaine - l'archéologie préventive - dans la triple dimension de la recherche : formation, échanges et divulgation.
C'est pourquoi, je souhaite que nous puissions Catherine Tasca et moi être en mesure, au vu de vos propositions que la sous direction de l'archéologie suit et suivra avec la Mission à la Recherche et à la Technologie, de nous prononcer sur ce principe d'interministérialité moyennant l'éclairage donné aux questions suivantes : peut-on envisager que le nouveau CNRA tienne le rôle d'expert - à tout le moins - auprès du Conseil ministériel de la Recherche ? S'agissant de mettre en place une façon " d'interministérialité scientifique ", comment pourraient se traduire la reconnaissance mutuelle des compétences, compte tenu de la structure actuelle des emplois de recherche au BCRD du ministère de la Culture ? Michel Gras, s'est fait l'écho à plusieurs reprises de ce paradoxe apparent qui fait que ce sont les emplois de soutien à la recherche (ingénieurs d'études notamment) qui figurent pour la Culture au BCRD tandis que les corps scientifiques du Ministère non seulement n'y figurent pas et, dès lors, ne sont pas susceptibles de passer au filtre des procédures habituelles d'évaluation de la recherche.
J'ai tendance à penser que la seule différence de statut n'est pas en soi suffisante pour inclure ou exclure de la recherche telle ou telle catégorie de personnel. La reconnaissance de la contribution de ces personnels tant à la recherche qu'à sa diffusion doit être possible moyennant sûrement quelques ajustements des obligations statutaires des corps scientifiques du ministère ainsi que la précision des conditions scientifiques.
Entendez mon propos comme le souci de sortir d'une quasi impasse alors même que, par la loi sur l'archéologie préventive, le Gouvernement, et singulièrement le ministère de la Culture, entreprend de donner à cette discipline sa visibilité et des moyens.
Pour résumer ce propos, je demande instamment à votre Conseil de bien vouloir, en liaison avec la DAPA et dans une première approche des autres ministères, nous faire tenir les propositions qui permettraient en effet que soit assurée la dimension interministérielle équilibrée de votre Conseil et, partant, les termes d'une reconnaissance mutuelle des qualifications.
Pluri-disciplinaire, l'archéologie préventive est aussi multi-territoires. J'ai eu l'occasion au cours de mes nombreux voyages en région de prendre la mesure, à mon sens au plus près du pays culturel réel, de l'impact du patrimoine du sous-sol dans les collectivités territoriales et auprès de leurs concitoyens. Ceci m'amène à appeler votre attention sur ce qui semble désormais avoir valeur culturelle fondamentale : la dimension territoriale de l'archéologie préventive. Certes, il n'est pas de sous-sol sans territoire, pourtant cette apparente redondance m'importe. Il est clair que, fut-ce au prix de débats acharnés, la collaboration avec les collectivités territoriales est un élément constitutif de l'établissement public. Cette association n'est pas incantatoire : il la faut, ceci pour trois raisons majeures.
La première est que l'établissement doit répondre en tout temps et en tout lieu à la demande de levée de la contrainte archéologique dès lors que s'annonce un projet d'aménagement. Quels que soient les moyens dont sera doté l'établissement - et les services du ministère y ont veillé - il n'en demeure pas moins que le principe d'associer les aménageurs publics dès lors qu'ils disposent d'un service archéologique agréé par l'Etat représente une garantie supplémentaire pour l'établissement d'être en mesure de répondre à toutes ses obligations.
La deuxième raison, de fond, est que bien que peu nombreux encore, les services archéologiques de collectivités correspondent à des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale auxquels il est accédé par concours et par formations dont le moins qu'on en puisse dire est qu'elles sont universitaires ou supérieures et qu'il n'y a par conséquent aucune raison d'exclure ces services de toute association aux travaux scientifiques que constituent les fouilles et leur exploitation.
Par ailleurs et j'approche ainsi (sans les confondre) le sujet de la carte scientifique de la recherche archéologique, j'ai pu observer que ces services territoriaux disposaient d'une véritable connaissance pratique et raisonnée du terrain archéologique de la commune voire du département. Il est arrivé parfois que les services du ministère fassent les frais de ce sentiment de mise à l'écart des services territoriaux, à l'occasion de l'élaboration de la carte archéologique.
La troisième raison tient à ce que je ne cesse d'être frappé par la prégnance du besoin de connaissance de son territoire par l'élu engagé dans une double démarche d'aménagement urbain et, loin des préoccupations identitaires suspectes, d'appropriation de la mémoire. L'établissement public qui va être créé est au cur de cette démarche et il incombe à l'Etat de garantir - par ses prescriptions et les délais qu'il sera éventuellement amené à fixer faute d'accord entre l'aménageur et l'établissement public - que cet établissement sera effectivement le lieu de la conciliation entre développement social et préservation de la mémoire.
Ceci ne sera pas sans conséquence sur l'organisation territoriale du futur établissement :
- En termes d'organisation interne et de déconcentration de ses procédures comme de sa capacité à engager l'établissement dans une proposition scientifique et une prestation technique corollaire.
- En termes aussi de capacité de ce même établissement à organiser les relations de coopération avec les collectivités territoriales et contribuer ainsi à dessiner un nouveau visage de la coopération décentralisée.
Vous savez que c'est là un des sujets de mon secrétariat d'Etat que de trouver les termes expérimentaux de ce qui pourrait être une nouvelle donne de la décentralisation, non pas tant sur le seul fondement du transfert linéaire de compétences de l'Etat à une collectivité territoriale que sur la base de l'expérimentation d'une nouvelle répartition des responsabilités entre collectivités territoriales - avec la désignation de la collectivité " chef de file " à l'occasion de la mise en uvre de " protocoles de décentralisation culturelle " - entre ces dernières et l'Etat - je pense là aux réflexions que conduit actuellement le ministère sur l'Etablissement public de Coopération Culturelle.
Sans préjuger bien évidemment des discussions et négociations actuellement en cours avec l'ensemble de nos partenaires, il reste que je suis persuadé que le patrimoine et notamment sa mise à la connaissance pourrait faire avec les collectivités territoriales l'objet de protocoles de décentralisation. J'imagine même et je ne vous le cache pas que les dépôts de fouilles et leur ouverture au public pourraient, sur la base du rapport Papineau, constituer un des éléments pilote de cette nouvelle organisation, voire faire l'objet d'un établissement de coopération culturelle.
- En termes aussi d'organisation géographique. A cet égard, je suis très intéressé par la réflexion que vous conduisez avec la DAPA, l'AFAN et le Secrétariat d'Etat à la Recherche visant à dessiner les contours d'une carte scientifique ou de pôles scientifiques pertinents. Vous êtes en train d'achever, en liaison avec les services régionaux de l'archéologie et les CIRA, le bilan scientifique des opérations de fouilles et de publications post-fouilles des quatre dernières années. J'attends avec impatience ce que seront les conclusions et les perspectives collectives que ce bilan permettra sûrement de tracer, notamment dans les rapports à préciser ou à inventer entre les différentes instances scientifiques. Il n'en reste pas moins vrai que la définition de ces pôles auxquels le futur établissement pourra participer devra, me semble-t-il, prendre en considération non seulement la pertinence scientifique mais aussi la masse critique au plan économique assurant à l'établissement public et, partant, à ses modalités d'organisation du travail, la possibilité réaliste de fonctionner dans de bonnes conditions. Bonnes conditions d'emploi de ses personnels, bonnes conditions de réponse à la contrainte archéologique mais aussi bonnes conditions d'accueil des chercheurs et des étudiants formés à la recherche en archéologie.
Mon propos a été long et je vous prie de m'en excuser. J'ai, c'est vrai, souhaité mettre à profit notre première rencontre pour tracer les termes de nos préoccupations comme, à dire le vrai, de nos attentes envers votre Conseil.
Je souhaiterais, monsieur le Président, que nous puissions garder à l'esprit le principe de rencontres ultérieures.
En tout cas, sachez que c'est très volontiers que je me rendrai - ou à défaut, ma conseillère technique, Marie-Claude Vitoux - à une prochaine réunion.
Merci à vous, de vos travaux et merci de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 novembre 2000)
Si vous le permettez je vais vous indiquer ici le point où nous en sommes du projet de loi sur l'archéologie préventive.
La troisième lecture se tiendra le 6 décembre prochain à l'Assemblée nationale. Non sans débats intéressants et vifs notamment au Sénat, le principe d'un monopole de l'Etat, confié à un établissement public à caractère administratif et doté de prérogatives de Puissance publique (exclusivité, perception d'une redevance pour diagnostic et d'une redevance pour fouilles) a été retenu par l'Assemblée. Les modalités d'assiette et de calcul de la redevance - à partir des prescriptions de l'Etat - ont fait l'objet d'un accord de cette même assemblée. Le principe de l'association des services archéologiques - agréés - des collectivités territoriales a été affirmé lorsque les collectivités territoriales réalisent elles-mêmes les fouilles. Enfin, la disponibilité pour étude du matériel issu des fouilles fait l'objet d'un article de loi disposant que la durée de ces études sera de cinq ans ce matériel documentaire étant reversé ensuite, sous contrôle de l'Etat, à tout service susceptible d'en assurer la valorisation.
Nous pouvons raisonnablement penser que l'ensemble des textes réglementaires destinés à traduire pratiquement la réforme législative pourra être présenté au Conseil d'Etat dans le 1er semestre 2001 et, notamment, permettre la création du nouvel Etablissement Public d'Archéologie Préventive au cours du second semestre 2001.
L'énoncé même de ces points, vous l'observerez, ouvre nécessairement sur une nouvelle donne de l'organisation de l'archéologie préventive et, partant, du regard - scientifique et public - que l'on doit y porter.
Tout d'abord, je veux affirmer ici que l'archéologie préventive ne sera plus, de mauvais procès en soupçons d'hégémonie faits à l'AFAN, soupçonnée d'être une activité de " pousseurs de brouettes " mais se trouve reconnue comme discipline scientifique à part entière, concourant au service public de la recherche.
Je l'affirme d'autant plus que se sont focalisées sur l'AFAN de nombreuses amertumes tenant à l'état du financement de la recherche en sciences humaines et au sentiment corollaire de l'insoutenable arrogance financière de ce qui, au fond, n'était " qu'une " association, même si, en fait plutôt qu'en droit, on pouvait démontrer que cette association était, à la demande de l'Etat, quasi délégataire d'un service public.
A ce stade du propos je souhaite dire ici que le statut disciplinaire de l'archéologie y gagnera, dès lors que sont enfin clarifiés le nature et le rôle de l'archéologie préventive tant aux côtés de l'archéologie programmée qu'à ceux de l'histoire de l'art. Nos collègues du Secrétariat d'Etat à la recherche - dont je tiens à saluer l'implication active dans l'élaboration de cette réforme législative et sa traduction au BCRD - ne me démentiront pas : l'effort d'affirmation scientifique est à poursuivre.
Je sais qu'une des préoccupations de votre Conseil est de mettre à profit le réforme législative pour contribuer à une nouvelle définition du paysage scientifique de la recherche archéologique préventive et de son articulation à l'archéologie programmée. Je ne veux bien sûr pas préjuger de ce que seront les conclusions et les propositions que votre Conseil sera amené à faire au ministre de la Culture et qu'il conviendra d'approfondir avec le Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur comme avec le Secrétariat d'Etat à la Recherche. Cela étant, vous travaillez actuellement à ce que pourrait être un réajustement ou plus exactement une actualisation du décret de 94 fondateur de votre Conseil.
Plusieurs points en effet me semblent devoir retenir vos réflexions :
la notion même " d'opérations d'intérêt national " dont, je crois, vous êtes nombreux à interroger la pertinence au regard d'une approche scientifique et raisonnée qui s'accommode en effet mal d'un " label " de cet ordre. Sans sombrer dans l'angélisme démagogique consistant à affirmer qu'il n'y a ni grand ni petit patrimoine et donc, ni grande ni petite recherche éligible à une évaluation, je crois cependant que le temps n'est plus à la distinction territoriale du " local " par opposition dépréciative au " national ", mais bel et bien à une mesure scientifique publique, contradictoire et par conséquent argumentée de l'intérêt scientifique de telle méthodologie d'approche d'un site ou de tels résultats de fouilles. Autrement dit, j'aime à penser que le CNRA pourra contribuer à l'évaluation des recherches qui sont conduites au titre de l'archéologie préventive en faisant bénéficier celle-ci de l'état de la recherche - pluri-disciplinaire - en archéologie. C'est aussi pourquoi, selon moi, il conviendra de veiller tout particulièrement à ce que sera la relation qui s'établira entre votre Conseil et le Conseil d'administration du futur établissement public comme avec son conseil scientifique.
Pour ma part, encore conviendra-t-il que la DAPA et, singulièrement la sous-direction de l'archéologie, procède à l'analyse de cette remarque si elle devait retenir votre attention et entreprenne les concertations correspondantes, je ne vois a priori que des avantages à une présence de droit d'un membre du CNRA au Conseil d'administration ainsi que d'un membre de droit au Conseil scientifique de l'établissement à venir.
Cette remarque qui, une fois encore ne préjuge pas de vos conclusions mais est à considérer comme une contribution, m'amène à aborder avec vous l'ancrage ministériel ou interministériel possible de votre Conseil. Ce faisant, je mesure parfaitement ce qu'une interministérialité peut avoir de lourd a priori.
- En procédure : un décret.
- En fonctionnement : réunir en même temps, sur des sujets communs - c'est à dire avec un accord sans faux-sens sur les objectifs et les missions - trois ministères de la Culture, de l'Education et de la Recherche.
Je mesure aussi le risque, si l'on n'y prend pas garde, de " dépossession " pour le ministère de la Culture par une interministérialité qui pourrait cantonner l'évaluation à une dimension exclusivement et - si je puis me permettre - étroitement scientifique, faisant appel à des critères et des moyens dont la recherche est coutumière et dont la Culture, par son histoire, s'est extraite de façon à ancrer solidement la restitution sociale et, par conséquent culturelle, dans ses fonctionnements comme dans le statut de ses personnels de recherche.
Pourtant, je suis certain que l'interministérialité est l'occasion à saisir pour faire entrer cette science humaine - l'archéologie préventive - dans la triple dimension de la recherche : formation, échanges et divulgation.
C'est pourquoi, je souhaite que nous puissions Catherine Tasca et moi être en mesure, au vu de vos propositions que la sous direction de l'archéologie suit et suivra avec la Mission à la Recherche et à la Technologie, de nous prononcer sur ce principe d'interministérialité moyennant l'éclairage donné aux questions suivantes : peut-on envisager que le nouveau CNRA tienne le rôle d'expert - à tout le moins - auprès du Conseil ministériel de la Recherche ? S'agissant de mettre en place une façon " d'interministérialité scientifique ", comment pourraient se traduire la reconnaissance mutuelle des compétences, compte tenu de la structure actuelle des emplois de recherche au BCRD du ministère de la Culture ? Michel Gras, s'est fait l'écho à plusieurs reprises de ce paradoxe apparent qui fait que ce sont les emplois de soutien à la recherche (ingénieurs d'études notamment) qui figurent pour la Culture au BCRD tandis que les corps scientifiques du Ministère non seulement n'y figurent pas et, dès lors, ne sont pas susceptibles de passer au filtre des procédures habituelles d'évaluation de la recherche.
J'ai tendance à penser que la seule différence de statut n'est pas en soi suffisante pour inclure ou exclure de la recherche telle ou telle catégorie de personnel. La reconnaissance de la contribution de ces personnels tant à la recherche qu'à sa diffusion doit être possible moyennant sûrement quelques ajustements des obligations statutaires des corps scientifiques du ministère ainsi que la précision des conditions scientifiques.
Entendez mon propos comme le souci de sortir d'une quasi impasse alors même que, par la loi sur l'archéologie préventive, le Gouvernement, et singulièrement le ministère de la Culture, entreprend de donner à cette discipline sa visibilité et des moyens.
Pour résumer ce propos, je demande instamment à votre Conseil de bien vouloir, en liaison avec la DAPA et dans une première approche des autres ministères, nous faire tenir les propositions qui permettraient en effet que soit assurée la dimension interministérielle équilibrée de votre Conseil et, partant, les termes d'une reconnaissance mutuelle des qualifications.
Pluri-disciplinaire, l'archéologie préventive est aussi multi-territoires. J'ai eu l'occasion au cours de mes nombreux voyages en région de prendre la mesure, à mon sens au plus près du pays culturel réel, de l'impact du patrimoine du sous-sol dans les collectivités territoriales et auprès de leurs concitoyens. Ceci m'amène à appeler votre attention sur ce qui semble désormais avoir valeur culturelle fondamentale : la dimension territoriale de l'archéologie préventive. Certes, il n'est pas de sous-sol sans territoire, pourtant cette apparente redondance m'importe. Il est clair que, fut-ce au prix de débats acharnés, la collaboration avec les collectivités territoriales est un élément constitutif de l'établissement public. Cette association n'est pas incantatoire : il la faut, ceci pour trois raisons majeures.
La première est que l'établissement doit répondre en tout temps et en tout lieu à la demande de levée de la contrainte archéologique dès lors que s'annonce un projet d'aménagement. Quels que soient les moyens dont sera doté l'établissement - et les services du ministère y ont veillé - il n'en demeure pas moins que le principe d'associer les aménageurs publics dès lors qu'ils disposent d'un service archéologique agréé par l'Etat représente une garantie supplémentaire pour l'établissement d'être en mesure de répondre à toutes ses obligations.
La deuxième raison, de fond, est que bien que peu nombreux encore, les services archéologiques de collectivités correspondent à des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale auxquels il est accédé par concours et par formations dont le moins qu'on en puisse dire est qu'elles sont universitaires ou supérieures et qu'il n'y a par conséquent aucune raison d'exclure ces services de toute association aux travaux scientifiques que constituent les fouilles et leur exploitation.
Par ailleurs et j'approche ainsi (sans les confondre) le sujet de la carte scientifique de la recherche archéologique, j'ai pu observer que ces services territoriaux disposaient d'une véritable connaissance pratique et raisonnée du terrain archéologique de la commune voire du département. Il est arrivé parfois que les services du ministère fassent les frais de ce sentiment de mise à l'écart des services territoriaux, à l'occasion de l'élaboration de la carte archéologique.
La troisième raison tient à ce que je ne cesse d'être frappé par la prégnance du besoin de connaissance de son territoire par l'élu engagé dans une double démarche d'aménagement urbain et, loin des préoccupations identitaires suspectes, d'appropriation de la mémoire. L'établissement public qui va être créé est au cur de cette démarche et il incombe à l'Etat de garantir - par ses prescriptions et les délais qu'il sera éventuellement amené à fixer faute d'accord entre l'aménageur et l'établissement public - que cet établissement sera effectivement le lieu de la conciliation entre développement social et préservation de la mémoire.
Ceci ne sera pas sans conséquence sur l'organisation territoriale du futur établissement :
- En termes d'organisation interne et de déconcentration de ses procédures comme de sa capacité à engager l'établissement dans une proposition scientifique et une prestation technique corollaire.
- En termes aussi de capacité de ce même établissement à organiser les relations de coopération avec les collectivités territoriales et contribuer ainsi à dessiner un nouveau visage de la coopération décentralisée.
Vous savez que c'est là un des sujets de mon secrétariat d'Etat que de trouver les termes expérimentaux de ce qui pourrait être une nouvelle donne de la décentralisation, non pas tant sur le seul fondement du transfert linéaire de compétences de l'Etat à une collectivité territoriale que sur la base de l'expérimentation d'une nouvelle répartition des responsabilités entre collectivités territoriales - avec la désignation de la collectivité " chef de file " à l'occasion de la mise en uvre de " protocoles de décentralisation culturelle " - entre ces dernières et l'Etat - je pense là aux réflexions que conduit actuellement le ministère sur l'Etablissement public de Coopération Culturelle.
Sans préjuger bien évidemment des discussions et négociations actuellement en cours avec l'ensemble de nos partenaires, il reste que je suis persuadé que le patrimoine et notamment sa mise à la connaissance pourrait faire avec les collectivités territoriales l'objet de protocoles de décentralisation. J'imagine même et je ne vous le cache pas que les dépôts de fouilles et leur ouverture au public pourraient, sur la base du rapport Papineau, constituer un des éléments pilote de cette nouvelle organisation, voire faire l'objet d'un établissement de coopération culturelle.
- En termes aussi d'organisation géographique. A cet égard, je suis très intéressé par la réflexion que vous conduisez avec la DAPA, l'AFAN et le Secrétariat d'Etat à la Recherche visant à dessiner les contours d'une carte scientifique ou de pôles scientifiques pertinents. Vous êtes en train d'achever, en liaison avec les services régionaux de l'archéologie et les CIRA, le bilan scientifique des opérations de fouilles et de publications post-fouilles des quatre dernières années. J'attends avec impatience ce que seront les conclusions et les perspectives collectives que ce bilan permettra sûrement de tracer, notamment dans les rapports à préciser ou à inventer entre les différentes instances scientifiques. Il n'en reste pas moins vrai que la définition de ces pôles auxquels le futur établissement pourra participer devra, me semble-t-il, prendre en considération non seulement la pertinence scientifique mais aussi la masse critique au plan économique assurant à l'établissement public et, partant, à ses modalités d'organisation du travail, la possibilité réaliste de fonctionner dans de bonnes conditions. Bonnes conditions d'emploi de ses personnels, bonnes conditions de réponse à la contrainte archéologique mais aussi bonnes conditions d'accueil des chercheurs et des étudiants formés à la recherche en archéologie.
Mon propos a été long et je vous prie de m'en excuser. J'ai, c'est vrai, souhaité mettre à profit notre première rencontre pour tracer les termes de nos préoccupations comme, à dire le vrai, de nos attentes envers votre Conseil.
Je souhaiterais, monsieur le Président, que nous puissions garder à l'esprit le principe de rencontres ultérieures.
En tout cas, sachez que c'est très volontiers que je me rendrai - ou à défaut, ma conseillère technique, Marie-Claude Vitoux - à une prochaine réunion.
Merci à vous, de vos travaux et merci de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 30 novembre 2000)