Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur l'histoire et le rôle du Corps de contrôle des assurance et sur son évolution, Paris, le 19 octobre 2000.

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  • Laurent Fabius - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Centenaire du corps de contrôle des assurances, à Paris, le 19 octobre 2000

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
C'est un plaisir pour moi de partager avec vous cette fin de journée. Elle vient marquer une étape historique - le mot, cette fois, n'est pas galvaudé -pour le Corps de contrôle des assurances. Votre institution a vu le jour en mai 1899, sous le signe du Taureau et à la veille d'une exposition universelle. Autant de signes de force et de longévité.
C'étaient alors les prémisses aussi de la législation moderne des assurances, que fonda la loi de 1898 sur les accidents du travail, laquelle allait avoir tant d'importance pour la protection des ouvriers et employés. Par delà les clameurs de l'affaire Dreyfus, entre incident de Fachoda et lois sociales, la IIIème République savait alors construire le socle juridique de notre pays. C'est rendre justice à ces grands républicains, au premier chef en ce qui vous concerne Waldeck-Rousseau, que de rappeler leur uvre. Il est légitime de vous y associer puisque, pratiquant le métier qu'ils ont initié, vous en êtes, à votre manière toute professionnelle, les héritiers spirituels.
Le Corps de contrôle des Assurances a donc un passé, fait à la fois d'expérience et de tradition, que nous saluons aujourd'hui. Mais il est également dans son temps et doit anticiper les défis. Ils ne manquent pas.
Le Corps de contrôle a fait de l'excellence et de l'indépendance sa tradition. L'indépendance, c'est avant tout, celle de vos analyses, votre mode d'organisation, votre réflexion. L'expertise, c'est le culte que vos prédécesseurs vous ont laissé et que vous remettrez à vos cadets. Longtemps, le Corps fut présenté comme une somme d'individus et non comme un véritable service. Dans notre ministère, cette réputation de club avait ses avantages et ses défauts, elle ne vous a d'ailleurs pas été réservée. Quoi qu'il en soit cette image a fait long feu. Aucune institution, administration, entreprise ne peut ignorer que la professionnalisation croissante des tâches signifie désormais travail en équipe, transversalité et activité en réseau. Très tôt, vous en avez été conscient.
Votre culture a su donc évoluer. Ce n'est pas toujours évident, songez à ce qui se passe en ce moment sur un plan économique plus général. La culture du toujours plus d'impôts recule heureusement. Mais nous avons besoin aussi de progrès par rapport à la culture du "toujours plus de dépenses". Et d'accomplir des progrès vers le "toujours plus d'efficacité". Cela exige de réformer : l'Etat pour préserver le service public et la cohésion de la Nation ; la gestion publique pour rendre les administrations plus libres de leur action, mais aussi plus responsables de l'utilisation de leurs crédits devant le Parlement ; l'éducation et la formation, qui, sont la clé du siècle qui vient. De même, la solidarité est indispensable ; mais ce doit être une solidarité durable, c'est-à-dire clairement financée et non pas en reportant la charge sur les générations futures. Sur tous ces points, je suis de ceux qui essaient de faire évoluer la culture des décideurs publics : ce n'est pas toujours facile, c'est pourtant indispensable.
Si votre mutation était nécessaire, vous aviez pour cela des atouts. L'excellence de votre formation est saluée en France comme à l'étranger. Grâce à elle, la minutie du contrôle sur place fait presque figure de " modèle français ". En dépit du caractère inégalement pratiqué de ce mode de supervision, vous êtes parvenus à l'imposer comme un principe universel au sein de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance.
Ce patrimoine de qualités a permis au Corps de contrôle d'étendre progressivement sa compétence à tous les secteurs de l'assurance. Nombreux sont ceux qui ont uvré à son rayonnement. Je veux penser particulièrement ce soir à Jean Fourastié dont chacun appréciait la droiture et le rôle décisif qu'il joua dans l'élaboration de la réglementation de 1938, pierre angulaire de notre code des assurances. L'identité moderne du " commissaire-contrôleur " se définit dans cette exigence de rigueur. Evidemment, la quiétude du Corps de contrôle des assurances est parfois malmenée. Le service de contrôle doit constamment rechercher un équilibre entre la solidité financière des entreprises et la protection des intérêts directs des assurés. Les dilemmes dans lesquels se trouve fréquemment plongée la Commission de contrôle au moment de trancher démontrent à quel point cet arbitrage est délicat. Vous vivez avec cette pression. Vous y résistez.
Mesdames et messieurs, le Corps de contrôle des assurances doit aujourd'hui franchir une nouvelle étape pour répondre aux défis d'un monde qui modifie en profondeur les attentes des assurés. Vous avez su anticiper cette donne en rajeunissant votre institution Le choix de la nouvelle Secrétaire générale de la Commission de contrôle des assurances, Florence Lustman, traduit cette volonté. Quelles ambitions avons-nous pour demain ? Ce Corps et ce service doivent disposer d'une meilleure organisation. D'importants progrès ont été réalisés avec la mise en place des brigades de contrôle en 1964. Il faut aller plus loin. Les fonctions centrales doivent se restructurer. La création d'un véritable service international y aidera. Sur le plan juridique, le Service doit être renforcé quant au contrôle des produits dérivés, à la supervision des systèmes internes de contrôle des entreprises ou à la réassurance. Autre défi, même s'il est parfois difficile de trouver des candidats au concours externe, un recrutement large doit être recherché. Cette volonté d'ouverture doit se traduire, plus généralement, par une diversification des profils au sein du Service de contrôle et s'effectuer notamment en direction du secteur bancaire.
Le directeur du Trésor, Jean-Pierre Jouyet, vient d'achever à ma demande une large concertation sur la manière dont un rapprochement entre CCA et Commission bancaire pourrait être mené. J'ai entendu votre volonté, réaffirmée, de conserver la spécificité du secteur de l'assurance et de le placer dans une perspective européenne. Il est effectivement nécessaire de disposer de spécialistes du contrôle de l'assurance. Il n'est donc pas question de toucher à l'indépendance du Corps. La solution que nous sommes en train d'élaborer, pragmatique, permettra de croiser les approches et de conjuguer les atouts entre les structures de contrôle et d'envisager des coopérations internationales rendues indispensables par la nature des entreprises européennes ou mondiales avec lesquelles vous êtes confrontés. Tout ceci doit être accompagné d'un accroissement des moyens matériels et d'une plus grande autonomie budgétaire du service de contrôle, ce qui ne signifie pas isolement ou repli sur soi. Le Corps de contrôle des assurances doit tenir toute sa place au sein du MINÉFI, lui apportant ses qualités, au sein du service de contrôle mais aussi dans d'autres directions. Le contrôle des assurances ne peut se limiter à votre Corps et, inversement, celui-ci doit rechercher son rayonnement au-delà du seul contrôle des assurances.
L'indépendance, on le sait, ne va pas sans la responsabilité. Je n'ignore pas combien certaines attaques ont pu vous blesser. L'effort de prévention doit être notre préoccupation quotidienne. Il nécessite la responsabilisation de tous les acteurs, y compris de la profession qui doit être associée le plus en amont possible. Celle-ci doit jouer son rôle d'alerte par le canal du président du fonds de garantie-vie et bientôt, je l'espère, de celui d'un fonds dommages. La participation de professionnels au collège d'agrément des entreprises qui sera créé dans le cadre de la réforme des Autorités de régulation relèvera de la même démarche. De ce point de vue, la présence ce soir de membres de la profession des assurances nous honore particulièrement. Je les salue. C'est une preuve supplémentaire de la confiance qui vous est accordée. Cette confiance, je tiens à affirmer au nom du Gouvernement de la République que vous la méritez. Je forme donc des vux de réussite pour vous tous, individuellement et collectivement. Longue vie et plein succès au Corps de contrôle des assurances !
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 23 octobre 2000)