Interview de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, à France 2 le 2 novembre 2000, sur son prochain déplacement en Corse pour présenter le projet de loi sur le statut de l'île et sur le budget du ministère de l'intérieur.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Vous partez en Corse pour un voyage important pour présenter le projet de loi du Gouvernement, pour en parler avec les Corses. Ce projet de loi pour la Corse est en préparation, dans quel état d'esprit partez-vous ?
- "D'abord je vais retourner en Corse car c'est une île que je connais bien pour y être allé plusieurs fois. J'ai donc du plaisir à retrouver les Corses et la Corse. J'y vais comme ministre de l'Intérieur, chargé d'élaborer un projet de loi portant sur le statut de la Corse et sur la politique du Gouvernement en Corse pour son développement, pour que la Corse, apaisée, soit dans une perspective de développement et soit bien dans la République française. Je vais là-bas d'abord avec une écoute, une disponibilité et en même temps j'ai travaillé avec mon ministère, je n'ai pas perdu de temps. Je suis là depuis deux mois et je peux vous dire que j'ai déjà la colonne vertébrale d'un texte qui permettrait au Parlement français de l'adopter pour que la Corse puisse se développer et avoir de l'espérance dans l'apaisement souhaité par tous."
Vous venez deux fois de prononcer le mot "apaisement." C'était une question préalable importante qui est posée. "Il faut que la situation soit apaisée pour qu'on puisse faire une réforme", disait L. Jospin. Vous considérez que cet apaisement existe et qu'il n'y a pas de violence actuellement ?
- "En tout cas, il y en a moins, c'est clair. Et par ailleurs, la police et la justice font leur travail normalement et avec célérité."
On a pas retrouvé les assassins ou l'assassin de C. Erignac, tout de même.
- "Je ne vais pas revenir sur ce sujet, simplement je vous précise quand même que six des assassins présumés du préfet Erignac sont en prison. Six sur sept."
Le septième ? On ne sait toujours pas ?
- "Toute personne recherchée doit être arrêtée et mise à disposition de la justice. C'est clair. En tout cas, je vais là-bas avec une démarche qui est de trouver les solutions. La République doit être indivisible et ce n'est pas pour cela qu'elle ne doit pas reconnaître les spécificités. L'unité oui, l'uniformité non. Il y a donc une démarche qui est que c'est dans la transparence que tout doit se faire. C'est dans la transparence, dans la collégialité des débats que demain je passerai la journée à l'écoute et dans le dialogue avec les élus. Et puis, il y a le projet dont je vous ai parlé. Voilà la finalité. Il faut comprendre que c'est une démarche politique que le Premier ministre a entreprise au nom du Gouvernement pour sortir la Corse de l'impasse dans laquelle elle était depuis 25 ans. D'ailleurs, il n'y a pas d'autre projet. Personne ne dit : " je propose un projet alternatif." Je vais donc là-bas pour affiner et écouter parce qu'il y a encore des options ouvertes. Ensuite, l'Assemblée de Corse sera saisie d'un texte. Elle doit se prononcer, ensuite le Conseil d'Etat et le Conseil des ministres et enfin, l'Assemblée nationale au printemps prochain."
Le journal Libération parle de "processus enlisé," ce matin. Est-ce que vous dites que le processus se poursuit normalement ?
- "Relevé de conclusions de Matignon fin juillet, acté par une très large majorité de l'Assemblée territoriale. Trois mois après, le ministre de l'Intérieur est en capacité d'aller en Corse présenter l'écriture législative, ou en tout cas, l'avant-projet de loi. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu de temps perdu. Bien évidemment, j'ai veillé à associer le Parlement. J'ai été devant la Commission des lois de l'Assemblée, la Commission des lois du Sénat et m'accompagnera le président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale en Corse pour montrer à quel point le Parlement français et le Gouvernement veulent travailler ensemble pour l'avenir de la Corse. Il faut, je crois, aimer la Corse, reconnaître sa spécificité pour essayer, encore une fois, de trouver les bonnes solutions."
Sans entrer dans le détail du projet de loi, mais simplement sur deux points : les nationalistes demandent notamment le rapprochement des prisonniers corses, qu'ils soient tous dans l'île de Beauté.
- "Le relevé de conclusions ne fait pas état de cette question. Cette question a été posée, et le Premier ministre a répondu sur ce sujet : par l'intermédiaire des avocats, il est toujours possible pour des détenus condamnés et pour que leurs familles puissent leur rendre visite - en réalité c'est ce qui est en cause - de pouvoir les mettre à des endroits qui facilitent la visite des familles."
Dans le Midi de la France, notamment ?
- "Par exemple. Concernant ceux qui sont prévenus, ils doivent être à Paris puisque là, ce sont les juges de la 14ème section qui doivent pouvoir instruire et les interroger."
Un deuxième point particulier : sur l'enseignement de la langue corse obligatoire, systématique ou pas ?
- "Généralisée. Actuellement, 80 % des enfants disposent de la capacité d'avoir accès à la langue corse. Là, l'Etat généralisera la capacité pour les enfants d'avoir accès à la langue corse, tout naturellement. Pour les parents que ne voudront pas, ils le feront savoir et le corse ne sera pas dispensé à ces enfants-là. Tout simplement."
Merci pour ses explications. Un mot sur votre budget, c'est important : vous allez plancher ce matin à l'Assemblée nationale sur le budget du ministère de l'Intérieur. Est-ce que vous avez les moyens de votre politique, pour faire des actes concrets et notamment pour plus de proximité, puisque la sécurité est le deuxième objectif du Gouvernement ?
"Oui, et d'ailleurs le Gouvernement l'a traduit dans ce choix budgétaire. Je vais à l'Assemblée passer la matinée avec les députés de la Commission des lois et des finances pour leur présenter le budget de l'Intérieur qui est, je crois, un bon budget dans le contexte où nous sommes. Rien que pour la partie Intérieur, hors collectivités locales - il y a plus 4,4 %. Cela veut dire que nous mettons le paquet sur la police de proximité, pour la sécurité de nos concitoyens, pour les conditions de travail des policiers, pour la reconnaissance de leur travail. C'est donc un budget dynamique, un budget en progression. On ne peut pas demander plus à la police, plus aux préfectures, plus aux sapeurs-pompiers, sans qu'il n'y ait de traduction budgétaire, comme quoi c'est bien une priorité. C'est le cas du budget de l'Intérieur. Malgré une augmentation limitée des dépenses de l'Etat de 0,3 %, c'est 4,4 % pour le budget de l'Intérieur hors collectivités locales."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 novembre 2000)