Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Vous avez entendu hier M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice, vous lire en mon nom la déclaration de politique générale que je prononçais au même moment à l'Assemblée nationale.
Je souhaite aujourd'hui rappeler devant le Sénat l'esprit qui m'anime au moment où je prends la responsabilité du Gouvernement.
Ma conviction est simple. Seule une action résolue en faveur de l'emploi, en faveur de la cohésion sociale, peut venir à bout des maux très graves qui frappent notre pays et obèrent son avenir : l'exclusion des uns, l'égoïsme des autres, la remise en cause des grands équilibres de notre économie et des acquis de notre protection sociale, la déshérence de certains principes auxquels nous sommes tous attachés, la tolérance, la fraternité, la responsabilité, le patriotisme.
C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Ce diagnostic, M. Jacques Chirac l'a posé très lucidement pendant la campagne électorale. Il a su, par les propositions qu'il a formulées, susciter une très grande espérance parmi les Françaises et les Français, et en particulier - nous l'avons vu sur tous nos écrans de télévision - parmi les plus jeunes d'entre eux. Rappelons-nous la joie qu'ils ont laissé éclater le 7 mai dernier. Ne les décevons pas !
En me confiant la charge de diriger le Gouvernement, le Président de la République ne m'a pas assigné d'autre mission que celle de mettre en uvre le changement tant attendu.
Je dois vous dire d'ailleurs que ce n'est pas sans sourire que j'ai lu, ici ou là, que ma déclaration de politique générale se situait dans le droit-fil des engagements de M. le Président de la République. C'est le contraire qui eût été étonnant !
Cet engagement consistait à inverser l'ordre de nos priorités habituelles, à considérer que la lutte contre le chômage et contre l'exclusion est la première urgence de l'action collective que nous avons à mener, et non pas le sous-produit d'autres politiques ou l'accessoire d'autres ambitions.
Cette inversion des priorités signifie que l'action menée par le Gouvernement dans tous les domaines de sa compétence sera guidée par un seul souci : la création d'emplois, la création d'activités nouvelles, et, si je n'ai pas donné à un ministère dans la composition de mon Gouvernement le titre de ministère de l'emploi, c'est à dessein, c'est bien pour souligner que l'emploi est partout, que cette question sera suivie directement par M. le Premier ministre, avec le concours de Mme le secrétaire d'État à l'emploi.
C'est sur notre capacité à créer en France un profond et durable mouvement de création d'emplois que nous serons jugés et, je vais même plus loin, que nous demandons à être jugés.
Pour y parvenir, j'estime d'abord indispensable de restaurer dans notre pays les ressorts de l'intégration sociale.
Certains, parfois, sont tentés de considérer que l'exclusion ne concerne que ceux qui en sont victimes. C'est une idée fausse. L'exclusion nous concerne tous, car la France ne réussira pas sans une partie des siens. Cinq millions de personnes aujourd'hui sont en marge du fonctionnement normal de la société.
C'est tous ensemble que nous retrouverons le chemin de la prospérité, sinon nous n'y parviendrons pas.
Le Gouvernement se battra donc sans relâche contre tous les facteurs d'exclusion, et d'abord contre le chômage de longue durée, qui frappe, vous le savez, plus de 1200000 personnes aujourd'hui en France. Ce sera l'objet du contrat initiative-emploi ; ce sera aussi le contrat d'accès à l'emploi pour les jeunes que j'ai demandé à M. le ministre du travail, du dialogue social et de la participation, de définir en liaison avec les organisations professionnelles et syndicales que j'ai commencé à recevoir aujourd'hui même.
La deuxième forme d'exclusion est l'absence de domicile fixe, ce scandale qui fait qu'aujourd'hui des dizaines de milliers de nos compatriotes n'ont pas de toit. La politique du logement suivie en France depuis des années a atteint ses limites. Beaucoup de ceux qui ont un logement aspirent à plus d'espace ou plus de confort mais n'ont pas la possibilité de déménager faute d'une offre locative suffisante, fautede moyens pour accéder à la propriété.
Il est donc temps, aujourd'hui, de concevoir une nouvelle politique du logement intégrant la diversité des besoins des Français et organisant leur mobilité entre les différentes catégories de logements.
C'est le sens du programme que le Gouvernement entend mener 10 000 logements d'urgence, plus 10 000 logements d'insertion supplémentaires dès cette année ; une nouvelle aide à l'accession à la propriété pour les ménages modestes ; un allégement de la fiscalité immobilière afin d'encourager l'investissement locatif privé.
La troisième forme d'exclusion tient aux conditions de vie dans les quartiers difficiles de nos villes et de nos banlieues.
Certains quartiers, du fait du chômage, de la délinquance, de l'échec scolaire, de bien d'autres difficultés encore, s'écartent peu à peu du reste de la communauté nationale et sortent même quasiment du territoire de la République.
Une telle dérive n'est pas acceptable. Ce sera l'honneur de notre pays que d'y mettre un terme, de trouver les gestes de solidarité qui réintégreront les habitants de ces zones au sein de la collectivité.
Au-delà de l'effort en faveur de l'emploi et du logement, cela passe, par exemple, par la réimplantation des services publics de proximité dont ces quartiers sont trop souvent dépourvus et par la mise en uvre d'un régime fiscal différencié. Le ministre de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion prépare un programme en ce sens.
Enfin, autre forme d'exclusion, la solitude et la pauvreté des personnes les plus âgées.
Nos aînés ont bâti la France dans laquelle nous vivons. Nous avons envers eux un devoir de reconnaissance. Or le grand âge signifie souvent la dépendance et, pour beaucoup, faute de ressources, de grandes difficultés dans la vie quotidienne.
L'allocation dépendance devra être mise en uvre au plus tôt, pour leur assurer l'aide dont ils ont besoin et il faudra de même revaloriser le minimum vieillesse.
Ces actions urgentes contre les formes les plus scandaleuses d'exclusion n'épuisent pas la question sociale qui nous est posée. C'est d'une politique plus globale encore d'intégration et de solidarité dont notre pays a besoin.
Elle reposera sur une politique de la famille plus ambitieuse, avec la mise en place d'une allocation parentale de libre choix qui sera ouverte à terme dès le premier enfant, le développement et la diversification des modes de garde et, au-delà, un véritable statut pour la mère au foyer.
Elle comprendra une politique de la santé publique, avec une réforme de la gestion de l'hôpital qui assure la qualité des soins, non pas par ce mécanisme qui a fait la preuve de ses limites - je veux parler du budget global - mais par des contrats d'objectifs négociés entre les organismes de sécurité sociale et les équipes hospitalières gestionnaires de l'hôpital ; une mobilisation nationale contre le sida et la toxicomanie ; un effort massif de recherche en matière de génétique humaine, car c'est la clé d'une médecine préventive renouvelée.
Une politique d'égalité sociale, enfin, pour nos compatriotes d'outre-mer, qui aspirent légitimement à la reconnaissance pleine et entière de leur appartenance à la République.
Le deuxième front sur lequel va se livrer notre " bataille pour l'emploi ", comme je l'ai appelée, c'est la libération des forces vives de notre pays.
Il s'agit d'abord des salariés - je les ai placés en numéro un, au risque de surprendre - des 20 millions de salariés français qui, par leur travail, produisent l'essentiel de la richesse nationale.
On les a beaucoup culpabilisés ces dernières années ; on leur a imputé en grande partie le manque de compétitivité de notre économie. Comme s'ils n'étaient pas, avant tout, les producteurs de la majeure partie de la richesse nationale.
Tout travail mérite récompense. Raisonner autrement n'a pas de sens. Comment ceux qui pensent ainsi peuvent-ils espérer motiver ceux qui travaillent et les inciter à l'effort ?
Dans cet esprit, le SMIC sera relevé, au 1er juillet prochain, dans les conditions que j'ai indiquées hier.
Au-delà, les partenaires sociaux détermineront, par la négociation, les augmentations de salaires qui pourront s'appliquer dans chaque branche, dans chaque entreprise.
Je veux à ce sujet saluer l'initiative récemment prise par le patronat et par les syndicats de relancer le dialogue social sur des thèmes prometteurs pour la création d'emplois. Je pense, bien sûr, à l'aménagement du travail. Je veux ici, de façon très solennelle, lancer aux partenaires sociaux un encouragement à poursuivre ce dialogue social.
Vous avez vu, mesdames et messieurs les sénateurs, que, dans la dénomination même du ministère du travail, j'ai tenu à introduire l'expression " dialogue social ". Il n'y a pas d'économie prospère ni de pays capable d'assurer sa cohésion nationale sans un dialogue social intense, moderne et renouvelé.
Le thème de l'aménagement du temps de travail et du travail en général sera au centre des négociations qui seront lancées dans la fonction publique. J'ai demandé au ministre compétent de réfléchir, avec les syndicats, aux moyens de développer le temps choisi dans un sens qui répond à la fois aux attentes des agents et aux besoins des usagers.
Le souci d'un juste partage des fruits de la croissance amènera aussi le Gouvernement à revaloriser les retraites dès le 1er juillet prochain. Rendez-vous avait été pris au 1er janvier, mais nous l'anticipons afin de tenir compte de l'évolution économique favorable des derniers mois.
Cela étant, il est clair que nous ne vaincrons le chômage qu'en rendant plus de liberté, plus de marge de manuvre à nos entrepreneurs. Ce sont les entreprises - veuillez pardonner cette vérité d'évidence - qui créent des emplois. Nous devons les y aider et, surtout, veiller à ne pas entraver leur dynamisme.
En disant cela, je pense, d'abord, à nos petites et moyennes entreprises. J'ai déjà parlé d'un véritable plan en faveur des PME. Il pourrait prendre quatre formes.
Il s'agit, d'abord, de l'allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail. Le Gouvernement préparera un nouveau dispositif fortement concentré sur les bas salaires.
Dans la mise en uvre de ce dispositif, je souhaite insister sur le caractère contractuel de la mesure. Si la collectivité publique fait un effort en faveur des PME en allégeant leurs charges, il est normal que les PME prennent pleinement en compte le besoin de création d'emplois, d'accueil des jeunes, d'insertion professionnelle et d'embauche. Il y a une sorte de dialogue à instaurer entre les différents partenaires.
Il s'agit, ensuite, de la réforme de la fiscalité, avec deux points d'application prioritaire : l'allégement des droits de transmission et la réforme de la taxe professionnelle à laquelle, je le sais, la Haute Assemblée est très attachée.
Je me souviens en avoir parlé dans cette enceinte, entre 1986 et 1988, en qualité de ministre du budget. Nous avions alors pris un certain nombre de mesures pour nous attaquer à ce problème difficile.
Il s'agit encore de l'amélioration des conditions de financement, avec des mécanismes de garantie pour développer l'offre de crédit aux PME et en abaisser le coût.
Il s'agit, enfin, de la simplification drastique des formalités administratives trop souvent infligées aux entreprises, qui commencera par l'institution d'un guichet unique pour l'emploi, dont les préfets, que j'ai réuni lundi, à Paris, auront la charge. Cela reviendrait à ouvrir une forme de secrétariat, dans un même lieu et dans chaque département, de façon que les entreprises ne soient pas contraintes à une sorte de parcours du combattant de la création d'emplois.
Pour aller plus loin encore, il nous faudra faire preuve d'imagination, trouver et exploiter les nouveaux gisements d'emplois qu'engendrent le progrès technique et, surtout, l'évolution des besoins et des modes de vie.
Le progrès, j'en suis convaincu, contrairement à une idée trop souvent répandue, n'est pas fatal à l'emploi, bien au contraire. Il rend possible de nouveaux projets donne naissance à de nouvelles possibilités. Sachons en tirer parti.
Je voudrais notamment insister sur le lien qu'il est indispensable de créer entre une mesure nouvelle comme l'allocation de dépendance et la création d'emplois de proximité pour favoriser le maintien à domicile, l'aide ménagère ou l'aide médicale aux personnes âgées. Cette allocation de dépendance doit être reliée à la création d'emplois.
Le troisième front de la bataille pour l'emploi, c'est l'éducation.
Loin de moi l'idée de réduire l'éducation de nos enfants à la seule préparation d'un métier. L'école a bien d'autres missions. Sa mission fondamentale, c'est d'abord de former le jugement et de faire de nos enfants des citoyens libres.
Loin de moi aussi l'idée de prétendre que la détention d'un diplôme est la garantie d'un emploi.
Mais, dans la situation économique et sociale de notre pays, il serait irresponsable de négliger la vocation de notre système éducatif à préparer l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle.
Le Gouvernement proposera trois axes principaux de réformes.
Il faut tout d'abord imaginer des pédagogies et des rythmes scolaires qui préservent au mieux l'équilibre de nos enfants. L'enjeu est d'offrir à chacun les chances de son épanouissement et d'éviter autant que faire se peut les situations d'échec qui s'aggravent souvent sans rémission. Cela passera par une plus grande autonomie des établissements et par l'aménagement des rythmes scolaires.
Il faut ensuite développer des formations technologiques et professionnelles de haut niveau. Cette ambition n'est pas nouvelle - je le reconnais bien volontiers - mais elle ne s'est jamais concrétisée. Il faut que ces formations cessent d'être considérées par l'ensemble de la communauté nationale - familles, corps enseignant, entreprises ou autres - comme des formations au rabais. Il faut leur donner la même dignité et la même importance dans le cursus scolaire qu'aux forma-tions de caractère général.
Le troisième axe fort de la rénovation du système éducatif sera la réforme des premiers cycles universitaires.
Ils sont aujourd'hui étouffés. L'État, seul, ne pourra pas trouver la solution. Il faut un partenariat plus étroit avec les collectivités régionales et passer du cofinancement actuel à ce que j'ai appelé une véritable " coresponsabilité ".
Cela suppose une véritable diversification et une régionalisation des filières de formation ainsi qu'une définition qui tienne mieux compte de la réalité de chaque bassin d'emploi ou de chaque région.
Tels sont les objectifs que nous nous assignons à propos de la réforme de l'éducation.
Quant à la méthode, elle ne saurait bien entendu se limiter à l'élaboration de textes législatifs ou réglementaires. Tous les Français doivent être impliqués dans la réforme de notre système éducatif. C'est la raison pour laquelle je compte procéder à une consultation aussi large que possible. Des états généraux déboucheront, le moment venu, sur des propositions soumises à référendum car un tel sujet appelle un consentement national à la réforme que nous élaborerons ensemble.
Alors que j'appelle à une mobilisation générale pour l'emploi, comment l'état pourra-t-il se dispenser d'y apporter sa propre contribution ? Il doit être en première ligne. Cela signifie, d'abord, une participation de tous les services publics à la lutte contre le chômage.
Comme vous le savez, un comité interministériel pour le développement de l'emploi sera installé dans les prochains jours. Il sera animé par le secrétaire d'état à l'emploi et relayé, car son rôle sera de faire " remonter " les expériences locales, par des comités départementaux et régionaux ainsi que, dans chaque département, par un commissaire pour l'emploi chargé de catalyser les énergies. Dès la fin du mois de juin, une évaluation des possibilités de création d'emplois, notamment dans le domaine des nouveaux métiers, devra être dressée dans chaque département. Les services publics concernés par les formalités de création d'emplois, je l'ai dit, seront réunis en un guichet unique pour l'emploi, afin de faciliter les démarches des employeurs.
L'État devra s'imposer de nouvelles et strictes disciplines, notamment en matière budgétaire et financière, afin de ne pas peser sur l'économie, de ne pas entraver les initiatives par la charge de ses prélèvements.
Ainsi, les finances publiques seront gérées avec le souci constant de respecter les engagements européens de la France. Nous devons être prêts à participer à la monnaie unique dès sa mise en oeuvre, au plus tard le 1er janvier 1999.
Cela suppose une gestion aussi économe que possible des dépenses budgétaires. Tel sera l'objet de l'évaluation souhaitée par le Président de la République, à laquelle le Gouvernement entend concourir en prenant toutes les initiatives de son ressort comme en répondant aux demandes du Parlement, qui a, je le sais, l'intention de se mobiliser sur cette tâche.
L'effort réalisé dans le domaine des dépenses ne dispense pas d'une démarche du même ordre dans celui des recettes de l'État. Nous devons rénover notre fiscalité afin qu'elle soit plus favorable à l'emploi, à l'investissement, et donc à la croissance. J'ai déjà mentionné certains aspects de cette réforme, notamment ceux qui concernent la taxe professionnelle, l'allégement des droits de succession sur les transmissions d'entreprise.
Il faut y ajouter la réforme de l'impôt sur le revenu, dont l'objet sera de mieux équilibrer la taxation des revenus du travail et de l'épargne investie dans les entreprises. Cette réforme sera menée en cohérence avec celle du financement de la protection sociale.
L'exigence d'assainissement financier vaut en effet aussi pour les comptes sociaux. La priorité sera ici d'opérer un partage clair, au sein de l'assurance maladie, entre les dépenses qui relèvent de la solidarité et doivent être financées par l'impôt et celles qui relèvent de l'assurance, dont le financement revient aux cotisations des assurés.
Efficacité et modernisation de l'État, disais-je, cela s'applique, en premier lieu, à ses fonctions régaliennes et, au premier chef, à sa fonction de sécurité et d'ordre républicain.
Le Gouvernement s'y appliquera en ne négligeant aucun secteur, de la police de proximité à la lutte contre les grands trafics internationaux. Il veillera à un emploi complémentaire de toutes les forces dont dispose le pays: police et gendarmerie nationales, polices municipales.
La recherche de l'efficacité se fera dans le cadre d'un État qui reviendra aux principes fondateurs de la Ve République : équilibre des pouvoirs et impartialité. Dans cet esprit, le Président de la République a annoncé sa volonté de soumettre au Parlement une réforme constitutionnelle visant tout à la fois à élargir le champ d'application du référendum et à instaurer une session unique du Parlement.
Le Gouvernement mettra un point d'honneur à respecter scrupuleusement l'indépendance des juges, à assurer une prompte exécution de leurs décisions et à donner à l'institution judiciaire les moyens matériels et humains de son fonctionnement.
L'État saura aussi être modeste et laisser leur place aux autres partenaires de la vie publique. La décentralisation recevra un nouvel élan avec une répartition plus claire des compétences entre les différents échelons d'administration territoriale, et - ce à quoi tiennent, je le sais, les collectivités locales - la stabilisation de leurs relations avec l'état dans le domaine des financements.
Les élus locaux assument une tâche difficile auprès de nos concitoyens. Je souhaite que ce cadre rénové leur permette de l'accomplir dans de meilleures conditions. Je veux ici leur rendre l'hommage qu'ils méritent en raison de leur dévouement sans faille au bien public.
De même, les associations se verront attribuer des moyens à la hauteur de leur rôle économique et social. Je n'en cite que quelques-uns : une aide à la création des associations, un statut pour leurs cadres bénévoles, un relèvement de la déductibilité fiscale des dons qui leur sont faits.
Face à ces nouveaux partenaires, face aux attentes désormais plus vives des usagers, l'état réformera enfin son propre fonctionnement pour mieux assumer ses missions. Déconcentration administrative et délocalisations de services seront poursuivies avec ambition. Le Gouvernement s'attachera à motiver davantage les fonctionnaires, à les rendre plus polyvalents, à assouplir l'organisation des services, à établir de nouvelles relations entre l'administration et les usagers. Ceux-ci se verront reconnaître de nouveaux droits consacrés, ainsi que l'a annoncé le Président de la République, par une charte du citoyen.
Enfin, pour le bien de tous, fonctionnaires et usagers, il faudra endiguer le flot réglementaire, alléger les procédures et relancer la codification du droit, mission à laquelle le Parlement peut apporter une contribution tout à fait importante.
Dans notre bataille pour l'emploi, nous devons aussi nous appuyer davantage sur l'Union européenne.
De manière tout à fait légitime, les Français n'adhéreront pleinement à la construction communautaire que s'ils sentent leurs préoccupations partagées par l'Union, s'ils sentent ses responsables animés de la détermination nécessaire pour y porter remède. Ils expriment envers l'Union la même exigence qu'envers le Gouvernement, cette exigence qui inspire le programme que je vous propose.
En réalité, malgré ce qu'on entend ici ou là, l'Europe a déjà beaucoup fait pour le développement des échanges, pour la croissance et donc pour l'emploi.
Mais, devant l'inexorable persistance du chômage, nos concitoyens se prennent à douter. A ce propos, j'entends rétablir des idées claires. Le Conseil européen de Cannes, dans cet esprit, devra marquer un nouvel élan.
Il devra, en premier lieu, donner une impulsion décisive aux grands projets que vous connaissez et dont le principe et la liste ont été arrêtés en 1994 à Essen et à Corfou. Ces infrastructures, en facilitant la circulation des biens et des personnes au sein de l'Union, renforceront la compétitivité économique européenne. Elles contribueront ainsi à la croissance et à l'emploi.
Le Conseil de Cannes doit aussi permettre d'avancer vers la monnaie unique. L'Union monétaire sera gage de croissance pour la France comme pour ses partenaires, car elle mettra notre monnaie à l'abri des assauts spéculatifs et supprimera la nécessité de défendre sa valeur par des taux d'intérêts prohibitifs.
D'ores et déjà, notre pays respecte la plupart des critères posés par le traité sur l'Union européenne pour le passage à la troisième phase. Le Gouvernement, je l'ai dit, poursuivra sans concession l'assainissement des finances publiques afin que toutes les conditions soient dûment remplies pour une participation à la monnaie unique dès sa création, le 1er janvier 1999.
Chaque État membre devra, de même, se doter d'une stratégie crédible de convergence économique. Le Gouvernement y sera attentif, notamment lors des exercices de surveillance multilatérale qui seront prochainement conduits sous sa présidence.
Le Conseil de Cannes doit enfin donner le coup d'envoi de la préparation de la Conférence intergouvernementale de 1996, c'est-à-dire des négociations pour la réforme de l'Union.
Au centre des discussions se trouvera la question de l'efficacité des institutions d'une Europe élargie et destinée à s'élargir encore. La France, vous le savez, a déjà fait des propositions pour renforcer le Conseil et sa présidence, rationaliser les procédures de décision, clarifier les relations avec la Commission et, enfin, comme nous avons commencé à le faire avec la réforme constitutionnelle qui a permis de mettre en place la procédure de l'article 88-4, impliquer davantage les parlements nationaux.
D'autres questions devront aussi être posées à l'occasion de cette conférence : l'articulation entre l'Union économique et monétaire, avec sa monnaie unique, et les autres États membres du grand marché intérieur - comment pourront-ils coexister ? - les relations entre la Banque centrale indépendante, responsable de la conduite de la politique monétaire, et le Conseil des ministres, qui, dans toute institution démocratique, reste responsable de la conduite de la politique économique. Ces questions, qui n'ont pas reçu de réponse dans le traité sur l'Union européenne, devront en recevoir d'ici à 1999.
Plus fondamentalement, nous devons nous interroger et interroger nos voisins sur le type d'Europe économique et politique que nous voulons bâtir à l'échéance des dix prochaines années.
Sur ce point, vous connaissez ma réponse : elle est sans équivoque. Je souhaite une Europe qui affirme sa personnalité, défende ses intérêts dans la compétition mondiale, se dote des moyens d'assurer son identité et sa sécurité.
Je souhaite aussi une Europe qui respecte les valeurs auxquelles les Français sont attachés : je pense en particulier à la notion de service public, qui occupe chez nous une place tout à fait singulière. Je pense aussi à un certain nombre de normes sociales et environnementales, dont l'Europe devra se faire l'avocat au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
La bataille pour l'emploi se livre enfin sur le front international.
Notre pays a de nombreux atouts, qu'il méconnaît souvent. N'ayons pas de fausse pudeur à les mettre en valeur. N'ayons pas d'hésitation à retrouver ce que le Président de la République a appelé l'esprit de conquête, la confiance et l'audace qui permettront à la France de mieux défendre ses intérêts dans le monde.
Sans prétention à l'exhaustivité, je veux souligner ici certaines de nos forces dont nous devrions tirer un plus grand parti.
Il s'agit d'abord de la filière agroalimentaire. Nous devrons préserver la vitalité de notre agriculture en en confortant les principes internationaux, tout spécialement la politique agricole commune, que ni l'élargissement de l'union ni l'approfondissement des autres politiques communes ne devront remettre en cause.
Nous devrons aussi en assurer la modernisation par la réforme de la fiscalité agricole, l'allégement des charges des exploitations et le maintien à haut niveau de la masse des crédits bonifiés. La juste reconnaissance du travail des agriculteurs et de leurs proches justifiera aussi que l'on améliore les droits des conjoints d'exploitant.
La mer est un deuxième atout de la France, trop longtemps négligé.
Conformément à la volonté du Président de la République, le Gouvernement s'attachera à en faire une grande vocation pour notre pays, en matière de pêche comme de marine marchande, d'activités portuaires ou de construction navale.
Comme je l'ai indiqué dans la déclaration de politique générale que j'ai faite devant l'Assemblée nationale et qui vous a été lue, hier, j'ai l'intention de charger une personnalité particulièrement compétente dans ce domaine de vous faire des propositions sur la meilleure organisation souhaitable pour que la France réponde pleinement à sa vocation maritime.
Le tourisme aussi doit prendre une nouvelle dimension. Mettre en valeur notre patrimoine, naturel ou bâti, offrir aux visiteurs un meilleur accueil, bien des initiatives pourront être prises en ce sens pour peu que nous nous dotions d'une véritable stratégie, comme c'est notre intention.
A ces atouts hérités de la géographie s'ajoute celui que l'histoire nous a légué, je veux parler du rayonnement culturel et linguistique de la France. A nous de le réactiver. A nous surtout, pour que cela ait un sens, de nourrir cette aura internationale par un dynamisme culturel renouvelé à l'intérieur de nos frontières. Ce n'est pas simplement une question de moyens, mais il est vrai qu'un budget accru et intelligemment alloué sera une contribution évidente de la part de l'État.
Je voudrais dire enfin un mot de la recherche qui, à mes yeux, est la condition de la puissance de notre pays dans le monde de demain. Ce sera une priorité du Gouvernement que d'encourager son développement dans un double souci de partenariat avec les entreprises et de coopération internationale, au premier chef européen. On le voit, la France dispose d'un potentiel qu'il est de notre devoir de valoriser. Mais la responsabilité du Gouvernement, avant tout, est de veiller à ce que notre pays puisse défendre sa souveraineté et sauvegarder son indépendance. C'est l'affaire de notre défense, c'est l'Affaire de notre diplomatie. Chacun comprendra que mes fonctions antérieures m'amènent à considérer avec une attention redoublée cet aspect des choses.
La défense de la France, demain comme hier, restera fondée sur la dissuasion nucléaire. Sa crédibilité et son efficacité seront préservées, sans préjudice de l'engagement actif que nous avons pris au service de la non-prolifération nucléaire.
Permettez-moi d'ailleurs à cet égard de souligner le succès que représente pour la diplomatie française et pour la diplomatie européenne la reconduction inconditionnelle et indéfinie du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui vient d'être décidée par la communauté internationale.
Au-delà, la nouvelle donne internationale requiert une plus grande professionnalisation et une plus grande disponibilité opérationnelle de nos unités : les décisions à prendre sur ce point d'ici à 1996 s'inspireront d'un audit des missions et moyens de nos forces.
Pour le reste, les mots d'ordre qui nous guideront, dans la ligne des orientations posées par la récente loi de programmation militaire élaborée par le précédent gouvernement, auquel je tiens à rendre hommage pour l'uvre qu'il a accompli, sur ce point comme sur tous les autres points sur lesquels la continuité s'imposera, ces mots d'ordre sont clairs.
Il s'agit de la poursuite de l'effort d'équipement de nos armées, avec toutefois le souci constant de respecter l'exigence de maîtrise de nos finances publiques, du maintien de nos industries d'armement, avec l'objectif de constituer des pôles européens puissants, de l'implication pleine et entière dans la construction de l'Europe de la défense.
Mais ne nous méprenons pas. Faire l'Europe de la défense ne signifie pas défaire l'Alliance atlantique. C'est ensemble que l'Europe et les États-Unis doivent uvrer pour la stabilité du monde. J'ai déjà suggéré en ce sens à nos alliés l'établissement d'un nouveau partenariat euro-atlantique.
Quant à notre outil diplomatique, je me suis attaché en tant que ministre des affaires étrangères à le moderniser, à le réorganiser et à le mobiliser autour d'objectifs précis. Les préoccupations de la France sont inchangées : la solution du conflit dans l'ex-Yougoslavie, avec l'éventualité pour notre pays, si les initiatives de paix se révélaient vaines, de retirer nos Casques bleus d'une FORPRONU devenue inutile ; la construction de partenariats avec nos deux grands espaces de voisinage, la Russie à l'Est et la Méditerranée au Sud ; la fidélité à notre engagement africain ; l'affirmation de notre présence dans les régions d'avenir que sont l'Asie et l'Amérique latine ; enfin, une contribution sans faille à la rénovation des Nations Unies.
Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les principaux éléments du programme que le Gouvernement se propose d'appliquer pour rendre l'espoir et la prospérité à la France. Leur mise en uvre se fera en trois temps : des mesures d'urgence d'ici à l'été qui seront proposées à l'Assemblée nationale et au Sénat, des actions plus lourdes au cours de la prochaine session parlementaire, qui, si vous en décidez ainsi, nous conduira jusqu'à l'été 1996, et, enfin, à moyen terme, des réformes qui requièrent une réflexion préalable plus approfondie, je pense par exemple à la réforme du système éducatif ou encore à celle de la taxe professionnelle ou de la décentralisation.
Je veux insister ici sur une exigence dont chacun doit prendre la pleine mesure, cette exigence, c'est celle de l'assainissement de nos comptes publics. En d'autres termes, toutes les mesures nouvelles inscrites dans le programme que je viens de brosser à grands traits devront trouver leur contrepartie ; le cap de la réduction des déficits devra être tenu résolument.
Cela veut dire d'abord que seront recherchées dans les budgets actuels les possibilités d'économie et de redéploiement des crédits. Cela veut dire aussi, si nécessaire, que des ressources supplémentaires seront dégagées.
Tel sera l'objet du projet de loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumis, puis, à l'automne, du projet de loi de finances pour 1996.
La tâche qui nous attend est, j'en ai bien conscience, -redoutable, mais elle est, en même temps, passionnante. Nous avons besoin pour réussir du plein soutien de la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai voulu que la Haute Assemblée puisse se prononcer, et j'ai donc l'honneur de vous demander de bien vouloir approuver la déclaration de politique générale que je viens de faire en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Vous avez entendu hier M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice, vous lire en mon nom la déclaration de politique générale que je prononçais au même moment à l'Assemblée nationale.
Je souhaite aujourd'hui rappeler devant le Sénat l'esprit qui m'anime au moment où je prends la responsabilité du Gouvernement.
Ma conviction est simple. Seule une action résolue en faveur de l'emploi, en faveur de la cohésion sociale, peut venir à bout des maux très graves qui frappent notre pays et obèrent son avenir : l'exclusion des uns, l'égoïsme des autres, la remise en cause des grands équilibres de notre économie et des acquis de notre protection sociale, la déshérence de certains principes auxquels nous sommes tous attachés, la tolérance, la fraternité, la responsabilité, le patriotisme.
C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Ce diagnostic, M. Jacques Chirac l'a posé très lucidement pendant la campagne électorale. Il a su, par les propositions qu'il a formulées, susciter une très grande espérance parmi les Françaises et les Français, et en particulier - nous l'avons vu sur tous nos écrans de télévision - parmi les plus jeunes d'entre eux. Rappelons-nous la joie qu'ils ont laissé éclater le 7 mai dernier. Ne les décevons pas !
En me confiant la charge de diriger le Gouvernement, le Président de la République ne m'a pas assigné d'autre mission que celle de mettre en uvre le changement tant attendu.
Je dois vous dire d'ailleurs que ce n'est pas sans sourire que j'ai lu, ici ou là, que ma déclaration de politique générale se situait dans le droit-fil des engagements de M. le Président de la République. C'est le contraire qui eût été étonnant !
Cet engagement consistait à inverser l'ordre de nos priorités habituelles, à considérer que la lutte contre le chômage et contre l'exclusion est la première urgence de l'action collective que nous avons à mener, et non pas le sous-produit d'autres politiques ou l'accessoire d'autres ambitions.
Cette inversion des priorités signifie que l'action menée par le Gouvernement dans tous les domaines de sa compétence sera guidée par un seul souci : la création d'emplois, la création d'activités nouvelles, et, si je n'ai pas donné à un ministère dans la composition de mon Gouvernement le titre de ministère de l'emploi, c'est à dessein, c'est bien pour souligner que l'emploi est partout, que cette question sera suivie directement par M. le Premier ministre, avec le concours de Mme le secrétaire d'État à l'emploi.
C'est sur notre capacité à créer en France un profond et durable mouvement de création d'emplois que nous serons jugés et, je vais même plus loin, que nous demandons à être jugés.
Pour y parvenir, j'estime d'abord indispensable de restaurer dans notre pays les ressorts de l'intégration sociale.
Certains, parfois, sont tentés de considérer que l'exclusion ne concerne que ceux qui en sont victimes. C'est une idée fausse. L'exclusion nous concerne tous, car la France ne réussira pas sans une partie des siens. Cinq millions de personnes aujourd'hui sont en marge du fonctionnement normal de la société.
C'est tous ensemble que nous retrouverons le chemin de la prospérité, sinon nous n'y parviendrons pas.
Le Gouvernement se battra donc sans relâche contre tous les facteurs d'exclusion, et d'abord contre le chômage de longue durée, qui frappe, vous le savez, plus de 1200000 personnes aujourd'hui en France. Ce sera l'objet du contrat initiative-emploi ; ce sera aussi le contrat d'accès à l'emploi pour les jeunes que j'ai demandé à M. le ministre du travail, du dialogue social et de la participation, de définir en liaison avec les organisations professionnelles et syndicales que j'ai commencé à recevoir aujourd'hui même.
La deuxième forme d'exclusion est l'absence de domicile fixe, ce scandale qui fait qu'aujourd'hui des dizaines de milliers de nos compatriotes n'ont pas de toit. La politique du logement suivie en France depuis des années a atteint ses limites. Beaucoup de ceux qui ont un logement aspirent à plus d'espace ou plus de confort mais n'ont pas la possibilité de déménager faute d'une offre locative suffisante, fautede moyens pour accéder à la propriété.
Il est donc temps, aujourd'hui, de concevoir une nouvelle politique du logement intégrant la diversité des besoins des Français et organisant leur mobilité entre les différentes catégories de logements.
C'est le sens du programme que le Gouvernement entend mener 10 000 logements d'urgence, plus 10 000 logements d'insertion supplémentaires dès cette année ; une nouvelle aide à l'accession à la propriété pour les ménages modestes ; un allégement de la fiscalité immobilière afin d'encourager l'investissement locatif privé.
La troisième forme d'exclusion tient aux conditions de vie dans les quartiers difficiles de nos villes et de nos banlieues.
Certains quartiers, du fait du chômage, de la délinquance, de l'échec scolaire, de bien d'autres difficultés encore, s'écartent peu à peu du reste de la communauté nationale et sortent même quasiment du territoire de la République.
Une telle dérive n'est pas acceptable. Ce sera l'honneur de notre pays que d'y mettre un terme, de trouver les gestes de solidarité qui réintégreront les habitants de ces zones au sein de la collectivité.
Au-delà de l'effort en faveur de l'emploi et du logement, cela passe, par exemple, par la réimplantation des services publics de proximité dont ces quartiers sont trop souvent dépourvus et par la mise en uvre d'un régime fiscal différencié. Le ministre de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion prépare un programme en ce sens.
Enfin, autre forme d'exclusion, la solitude et la pauvreté des personnes les plus âgées.
Nos aînés ont bâti la France dans laquelle nous vivons. Nous avons envers eux un devoir de reconnaissance. Or le grand âge signifie souvent la dépendance et, pour beaucoup, faute de ressources, de grandes difficultés dans la vie quotidienne.
L'allocation dépendance devra être mise en uvre au plus tôt, pour leur assurer l'aide dont ils ont besoin et il faudra de même revaloriser le minimum vieillesse.
Ces actions urgentes contre les formes les plus scandaleuses d'exclusion n'épuisent pas la question sociale qui nous est posée. C'est d'une politique plus globale encore d'intégration et de solidarité dont notre pays a besoin.
Elle reposera sur une politique de la famille plus ambitieuse, avec la mise en place d'une allocation parentale de libre choix qui sera ouverte à terme dès le premier enfant, le développement et la diversification des modes de garde et, au-delà, un véritable statut pour la mère au foyer.
Elle comprendra une politique de la santé publique, avec une réforme de la gestion de l'hôpital qui assure la qualité des soins, non pas par ce mécanisme qui a fait la preuve de ses limites - je veux parler du budget global - mais par des contrats d'objectifs négociés entre les organismes de sécurité sociale et les équipes hospitalières gestionnaires de l'hôpital ; une mobilisation nationale contre le sida et la toxicomanie ; un effort massif de recherche en matière de génétique humaine, car c'est la clé d'une médecine préventive renouvelée.
Une politique d'égalité sociale, enfin, pour nos compatriotes d'outre-mer, qui aspirent légitimement à la reconnaissance pleine et entière de leur appartenance à la République.
Le deuxième front sur lequel va se livrer notre " bataille pour l'emploi ", comme je l'ai appelée, c'est la libération des forces vives de notre pays.
Il s'agit d'abord des salariés - je les ai placés en numéro un, au risque de surprendre - des 20 millions de salariés français qui, par leur travail, produisent l'essentiel de la richesse nationale.
On les a beaucoup culpabilisés ces dernières années ; on leur a imputé en grande partie le manque de compétitivité de notre économie. Comme s'ils n'étaient pas, avant tout, les producteurs de la majeure partie de la richesse nationale.
Tout travail mérite récompense. Raisonner autrement n'a pas de sens. Comment ceux qui pensent ainsi peuvent-ils espérer motiver ceux qui travaillent et les inciter à l'effort ?
Dans cet esprit, le SMIC sera relevé, au 1er juillet prochain, dans les conditions que j'ai indiquées hier.
Au-delà, les partenaires sociaux détermineront, par la négociation, les augmentations de salaires qui pourront s'appliquer dans chaque branche, dans chaque entreprise.
Je veux à ce sujet saluer l'initiative récemment prise par le patronat et par les syndicats de relancer le dialogue social sur des thèmes prometteurs pour la création d'emplois. Je pense, bien sûr, à l'aménagement du travail. Je veux ici, de façon très solennelle, lancer aux partenaires sociaux un encouragement à poursuivre ce dialogue social.
Vous avez vu, mesdames et messieurs les sénateurs, que, dans la dénomination même du ministère du travail, j'ai tenu à introduire l'expression " dialogue social ". Il n'y a pas d'économie prospère ni de pays capable d'assurer sa cohésion nationale sans un dialogue social intense, moderne et renouvelé.
Le thème de l'aménagement du temps de travail et du travail en général sera au centre des négociations qui seront lancées dans la fonction publique. J'ai demandé au ministre compétent de réfléchir, avec les syndicats, aux moyens de développer le temps choisi dans un sens qui répond à la fois aux attentes des agents et aux besoins des usagers.
Le souci d'un juste partage des fruits de la croissance amènera aussi le Gouvernement à revaloriser les retraites dès le 1er juillet prochain. Rendez-vous avait été pris au 1er janvier, mais nous l'anticipons afin de tenir compte de l'évolution économique favorable des derniers mois.
Cela étant, il est clair que nous ne vaincrons le chômage qu'en rendant plus de liberté, plus de marge de manuvre à nos entrepreneurs. Ce sont les entreprises - veuillez pardonner cette vérité d'évidence - qui créent des emplois. Nous devons les y aider et, surtout, veiller à ne pas entraver leur dynamisme.
En disant cela, je pense, d'abord, à nos petites et moyennes entreprises. J'ai déjà parlé d'un véritable plan en faveur des PME. Il pourrait prendre quatre formes.
Il s'agit, d'abord, de l'allégement des charges qui pèsent sur le coût du travail. Le Gouvernement préparera un nouveau dispositif fortement concentré sur les bas salaires.
Dans la mise en uvre de ce dispositif, je souhaite insister sur le caractère contractuel de la mesure. Si la collectivité publique fait un effort en faveur des PME en allégeant leurs charges, il est normal que les PME prennent pleinement en compte le besoin de création d'emplois, d'accueil des jeunes, d'insertion professionnelle et d'embauche. Il y a une sorte de dialogue à instaurer entre les différents partenaires.
Il s'agit, ensuite, de la réforme de la fiscalité, avec deux points d'application prioritaire : l'allégement des droits de transmission et la réforme de la taxe professionnelle à laquelle, je le sais, la Haute Assemblée est très attachée.
Je me souviens en avoir parlé dans cette enceinte, entre 1986 et 1988, en qualité de ministre du budget. Nous avions alors pris un certain nombre de mesures pour nous attaquer à ce problème difficile.
Il s'agit encore de l'amélioration des conditions de financement, avec des mécanismes de garantie pour développer l'offre de crédit aux PME et en abaisser le coût.
Il s'agit, enfin, de la simplification drastique des formalités administratives trop souvent infligées aux entreprises, qui commencera par l'institution d'un guichet unique pour l'emploi, dont les préfets, que j'ai réuni lundi, à Paris, auront la charge. Cela reviendrait à ouvrir une forme de secrétariat, dans un même lieu et dans chaque département, de façon que les entreprises ne soient pas contraintes à une sorte de parcours du combattant de la création d'emplois.
Pour aller plus loin encore, il nous faudra faire preuve d'imagination, trouver et exploiter les nouveaux gisements d'emplois qu'engendrent le progrès technique et, surtout, l'évolution des besoins et des modes de vie.
Le progrès, j'en suis convaincu, contrairement à une idée trop souvent répandue, n'est pas fatal à l'emploi, bien au contraire. Il rend possible de nouveaux projets donne naissance à de nouvelles possibilités. Sachons en tirer parti.
Je voudrais notamment insister sur le lien qu'il est indispensable de créer entre une mesure nouvelle comme l'allocation de dépendance et la création d'emplois de proximité pour favoriser le maintien à domicile, l'aide ménagère ou l'aide médicale aux personnes âgées. Cette allocation de dépendance doit être reliée à la création d'emplois.
Le troisième front de la bataille pour l'emploi, c'est l'éducation.
Loin de moi l'idée de réduire l'éducation de nos enfants à la seule préparation d'un métier. L'école a bien d'autres missions. Sa mission fondamentale, c'est d'abord de former le jugement et de faire de nos enfants des citoyens libres.
Loin de moi aussi l'idée de prétendre que la détention d'un diplôme est la garantie d'un emploi.
Mais, dans la situation économique et sociale de notre pays, il serait irresponsable de négliger la vocation de notre système éducatif à préparer l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle.
Le Gouvernement proposera trois axes principaux de réformes.
Il faut tout d'abord imaginer des pédagogies et des rythmes scolaires qui préservent au mieux l'équilibre de nos enfants. L'enjeu est d'offrir à chacun les chances de son épanouissement et d'éviter autant que faire se peut les situations d'échec qui s'aggravent souvent sans rémission. Cela passera par une plus grande autonomie des établissements et par l'aménagement des rythmes scolaires.
Il faut ensuite développer des formations technologiques et professionnelles de haut niveau. Cette ambition n'est pas nouvelle - je le reconnais bien volontiers - mais elle ne s'est jamais concrétisée. Il faut que ces formations cessent d'être considérées par l'ensemble de la communauté nationale - familles, corps enseignant, entreprises ou autres - comme des formations au rabais. Il faut leur donner la même dignité et la même importance dans le cursus scolaire qu'aux forma-tions de caractère général.
Le troisième axe fort de la rénovation du système éducatif sera la réforme des premiers cycles universitaires.
Ils sont aujourd'hui étouffés. L'État, seul, ne pourra pas trouver la solution. Il faut un partenariat plus étroit avec les collectivités régionales et passer du cofinancement actuel à ce que j'ai appelé une véritable " coresponsabilité ".
Cela suppose une véritable diversification et une régionalisation des filières de formation ainsi qu'une définition qui tienne mieux compte de la réalité de chaque bassin d'emploi ou de chaque région.
Tels sont les objectifs que nous nous assignons à propos de la réforme de l'éducation.
Quant à la méthode, elle ne saurait bien entendu se limiter à l'élaboration de textes législatifs ou réglementaires. Tous les Français doivent être impliqués dans la réforme de notre système éducatif. C'est la raison pour laquelle je compte procéder à une consultation aussi large que possible. Des états généraux déboucheront, le moment venu, sur des propositions soumises à référendum car un tel sujet appelle un consentement national à la réforme que nous élaborerons ensemble.
Alors que j'appelle à une mobilisation générale pour l'emploi, comment l'état pourra-t-il se dispenser d'y apporter sa propre contribution ? Il doit être en première ligne. Cela signifie, d'abord, une participation de tous les services publics à la lutte contre le chômage.
Comme vous le savez, un comité interministériel pour le développement de l'emploi sera installé dans les prochains jours. Il sera animé par le secrétaire d'état à l'emploi et relayé, car son rôle sera de faire " remonter " les expériences locales, par des comités départementaux et régionaux ainsi que, dans chaque département, par un commissaire pour l'emploi chargé de catalyser les énergies. Dès la fin du mois de juin, une évaluation des possibilités de création d'emplois, notamment dans le domaine des nouveaux métiers, devra être dressée dans chaque département. Les services publics concernés par les formalités de création d'emplois, je l'ai dit, seront réunis en un guichet unique pour l'emploi, afin de faciliter les démarches des employeurs.
L'État devra s'imposer de nouvelles et strictes disciplines, notamment en matière budgétaire et financière, afin de ne pas peser sur l'économie, de ne pas entraver les initiatives par la charge de ses prélèvements.
Ainsi, les finances publiques seront gérées avec le souci constant de respecter les engagements européens de la France. Nous devons être prêts à participer à la monnaie unique dès sa mise en oeuvre, au plus tard le 1er janvier 1999.
Cela suppose une gestion aussi économe que possible des dépenses budgétaires. Tel sera l'objet de l'évaluation souhaitée par le Président de la République, à laquelle le Gouvernement entend concourir en prenant toutes les initiatives de son ressort comme en répondant aux demandes du Parlement, qui a, je le sais, l'intention de se mobiliser sur cette tâche.
L'effort réalisé dans le domaine des dépenses ne dispense pas d'une démarche du même ordre dans celui des recettes de l'État. Nous devons rénover notre fiscalité afin qu'elle soit plus favorable à l'emploi, à l'investissement, et donc à la croissance. J'ai déjà mentionné certains aspects de cette réforme, notamment ceux qui concernent la taxe professionnelle, l'allégement des droits de succession sur les transmissions d'entreprise.
Il faut y ajouter la réforme de l'impôt sur le revenu, dont l'objet sera de mieux équilibrer la taxation des revenus du travail et de l'épargne investie dans les entreprises. Cette réforme sera menée en cohérence avec celle du financement de la protection sociale.
L'exigence d'assainissement financier vaut en effet aussi pour les comptes sociaux. La priorité sera ici d'opérer un partage clair, au sein de l'assurance maladie, entre les dépenses qui relèvent de la solidarité et doivent être financées par l'impôt et celles qui relèvent de l'assurance, dont le financement revient aux cotisations des assurés.
Efficacité et modernisation de l'État, disais-je, cela s'applique, en premier lieu, à ses fonctions régaliennes et, au premier chef, à sa fonction de sécurité et d'ordre républicain.
Le Gouvernement s'y appliquera en ne négligeant aucun secteur, de la police de proximité à la lutte contre les grands trafics internationaux. Il veillera à un emploi complémentaire de toutes les forces dont dispose le pays: police et gendarmerie nationales, polices municipales.
La recherche de l'efficacité se fera dans le cadre d'un État qui reviendra aux principes fondateurs de la Ve République : équilibre des pouvoirs et impartialité. Dans cet esprit, le Président de la République a annoncé sa volonté de soumettre au Parlement une réforme constitutionnelle visant tout à la fois à élargir le champ d'application du référendum et à instaurer une session unique du Parlement.
Le Gouvernement mettra un point d'honneur à respecter scrupuleusement l'indépendance des juges, à assurer une prompte exécution de leurs décisions et à donner à l'institution judiciaire les moyens matériels et humains de son fonctionnement.
L'État saura aussi être modeste et laisser leur place aux autres partenaires de la vie publique. La décentralisation recevra un nouvel élan avec une répartition plus claire des compétences entre les différents échelons d'administration territoriale, et - ce à quoi tiennent, je le sais, les collectivités locales - la stabilisation de leurs relations avec l'état dans le domaine des financements.
Les élus locaux assument une tâche difficile auprès de nos concitoyens. Je souhaite que ce cadre rénové leur permette de l'accomplir dans de meilleures conditions. Je veux ici leur rendre l'hommage qu'ils méritent en raison de leur dévouement sans faille au bien public.
De même, les associations se verront attribuer des moyens à la hauteur de leur rôle économique et social. Je n'en cite que quelques-uns : une aide à la création des associations, un statut pour leurs cadres bénévoles, un relèvement de la déductibilité fiscale des dons qui leur sont faits.
Face à ces nouveaux partenaires, face aux attentes désormais plus vives des usagers, l'état réformera enfin son propre fonctionnement pour mieux assumer ses missions. Déconcentration administrative et délocalisations de services seront poursuivies avec ambition. Le Gouvernement s'attachera à motiver davantage les fonctionnaires, à les rendre plus polyvalents, à assouplir l'organisation des services, à établir de nouvelles relations entre l'administration et les usagers. Ceux-ci se verront reconnaître de nouveaux droits consacrés, ainsi que l'a annoncé le Président de la République, par une charte du citoyen.
Enfin, pour le bien de tous, fonctionnaires et usagers, il faudra endiguer le flot réglementaire, alléger les procédures et relancer la codification du droit, mission à laquelle le Parlement peut apporter une contribution tout à fait importante.
Dans notre bataille pour l'emploi, nous devons aussi nous appuyer davantage sur l'Union européenne.
De manière tout à fait légitime, les Français n'adhéreront pleinement à la construction communautaire que s'ils sentent leurs préoccupations partagées par l'Union, s'ils sentent ses responsables animés de la détermination nécessaire pour y porter remède. Ils expriment envers l'Union la même exigence qu'envers le Gouvernement, cette exigence qui inspire le programme que je vous propose.
En réalité, malgré ce qu'on entend ici ou là, l'Europe a déjà beaucoup fait pour le développement des échanges, pour la croissance et donc pour l'emploi.
Mais, devant l'inexorable persistance du chômage, nos concitoyens se prennent à douter. A ce propos, j'entends rétablir des idées claires. Le Conseil européen de Cannes, dans cet esprit, devra marquer un nouvel élan.
Il devra, en premier lieu, donner une impulsion décisive aux grands projets que vous connaissez et dont le principe et la liste ont été arrêtés en 1994 à Essen et à Corfou. Ces infrastructures, en facilitant la circulation des biens et des personnes au sein de l'Union, renforceront la compétitivité économique européenne. Elles contribueront ainsi à la croissance et à l'emploi.
Le Conseil de Cannes doit aussi permettre d'avancer vers la monnaie unique. L'Union monétaire sera gage de croissance pour la France comme pour ses partenaires, car elle mettra notre monnaie à l'abri des assauts spéculatifs et supprimera la nécessité de défendre sa valeur par des taux d'intérêts prohibitifs.
D'ores et déjà, notre pays respecte la plupart des critères posés par le traité sur l'Union européenne pour le passage à la troisième phase. Le Gouvernement, je l'ai dit, poursuivra sans concession l'assainissement des finances publiques afin que toutes les conditions soient dûment remplies pour une participation à la monnaie unique dès sa création, le 1er janvier 1999.
Chaque État membre devra, de même, se doter d'une stratégie crédible de convergence économique. Le Gouvernement y sera attentif, notamment lors des exercices de surveillance multilatérale qui seront prochainement conduits sous sa présidence.
Le Conseil de Cannes doit enfin donner le coup d'envoi de la préparation de la Conférence intergouvernementale de 1996, c'est-à-dire des négociations pour la réforme de l'Union.
Au centre des discussions se trouvera la question de l'efficacité des institutions d'une Europe élargie et destinée à s'élargir encore. La France, vous le savez, a déjà fait des propositions pour renforcer le Conseil et sa présidence, rationaliser les procédures de décision, clarifier les relations avec la Commission et, enfin, comme nous avons commencé à le faire avec la réforme constitutionnelle qui a permis de mettre en place la procédure de l'article 88-4, impliquer davantage les parlements nationaux.
D'autres questions devront aussi être posées à l'occasion de cette conférence : l'articulation entre l'Union économique et monétaire, avec sa monnaie unique, et les autres États membres du grand marché intérieur - comment pourront-ils coexister ? - les relations entre la Banque centrale indépendante, responsable de la conduite de la politique monétaire, et le Conseil des ministres, qui, dans toute institution démocratique, reste responsable de la conduite de la politique économique. Ces questions, qui n'ont pas reçu de réponse dans le traité sur l'Union européenne, devront en recevoir d'ici à 1999.
Plus fondamentalement, nous devons nous interroger et interroger nos voisins sur le type d'Europe économique et politique que nous voulons bâtir à l'échéance des dix prochaines années.
Sur ce point, vous connaissez ma réponse : elle est sans équivoque. Je souhaite une Europe qui affirme sa personnalité, défende ses intérêts dans la compétition mondiale, se dote des moyens d'assurer son identité et sa sécurité.
Je souhaite aussi une Europe qui respecte les valeurs auxquelles les Français sont attachés : je pense en particulier à la notion de service public, qui occupe chez nous une place tout à fait singulière. Je pense aussi à un certain nombre de normes sociales et environnementales, dont l'Europe devra se faire l'avocat au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
La bataille pour l'emploi se livre enfin sur le front international.
Notre pays a de nombreux atouts, qu'il méconnaît souvent. N'ayons pas de fausse pudeur à les mettre en valeur. N'ayons pas d'hésitation à retrouver ce que le Président de la République a appelé l'esprit de conquête, la confiance et l'audace qui permettront à la France de mieux défendre ses intérêts dans le monde.
Sans prétention à l'exhaustivité, je veux souligner ici certaines de nos forces dont nous devrions tirer un plus grand parti.
Il s'agit d'abord de la filière agroalimentaire. Nous devrons préserver la vitalité de notre agriculture en en confortant les principes internationaux, tout spécialement la politique agricole commune, que ni l'élargissement de l'union ni l'approfondissement des autres politiques communes ne devront remettre en cause.
Nous devrons aussi en assurer la modernisation par la réforme de la fiscalité agricole, l'allégement des charges des exploitations et le maintien à haut niveau de la masse des crédits bonifiés. La juste reconnaissance du travail des agriculteurs et de leurs proches justifiera aussi que l'on améliore les droits des conjoints d'exploitant.
La mer est un deuxième atout de la France, trop longtemps négligé.
Conformément à la volonté du Président de la République, le Gouvernement s'attachera à en faire une grande vocation pour notre pays, en matière de pêche comme de marine marchande, d'activités portuaires ou de construction navale.
Comme je l'ai indiqué dans la déclaration de politique générale que j'ai faite devant l'Assemblée nationale et qui vous a été lue, hier, j'ai l'intention de charger une personnalité particulièrement compétente dans ce domaine de vous faire des propositions sur la meilleure organisation souhaitable pour que la France réponde pleinement à sa vocation maritime.
Le tourisme aussi doit prendre une nouvelle dimension. Mettre en valeur notre patrimoine, naturel ou bâti, offrir aux visiteurs un meilleur accueil, bien des initiatives pourront être prises en ce sens pour peu que nous nous dotions d'une véritable stratégie, comme c'est notre intention.
A ces atouts hérités de la géographie s'ajoute celui que l'histoire nous a légué, je veux parler du rayonnement culturel et linguistique de la France. A nous de le réactiver. A nous surtout, pour que cela ait un sens, de nourrir cette aura internationale par un dynamisme culturel renouvelé à l'intérieur de nos frontières. Ce n'est pas simplement une question de moyens, mais il est vrai qu'un budget accru et intelligemment alloué sera une contribution évidente de la part de l'État.
Je voudrais dire enfin un mot de la recherche qui, à mes yeux, est la condition de la puissance de notre pays dans le monde de demain. Ce sera une priorité du Gouvernement que d'encourager son développement dans un double souci de partenariat avec les entreprises et de coopération internationale, au premier chef européen. On le voit, la France dispose d'un potentiel qu'il est de notre devoir de valoriser. Mais la responsabilité du Gouvernement, avant tout, est de veiller à ce que notre pays puisse défendre sa souveraineté et sauvegarder son indépendance. C'est l'affaire de notre défense, c'est l'Affaire de notre diplomatie. Chacun comprendra que mes fonctions antérieures m'amènent à considérer avec une attention redoublée cet aspect des choses.
La défense de la France, demain comme hier, restera fondée sur la dissuasion nucléaire. Sa crédibilité et son efficacité seront préservées, sans préjudice de l'engagement actif que nous avons pris au service de la non-prolifération nucléaire.
Permettez-moi d'ailleurs à cet égard de souligner le succès que représente pour la diplomatie française et pour la diplomatie européenne la reconduction inconditionnelle et indéfinie du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui vient d'être décidée par la communauté internationale.
Au-delà, la nouvelle donne internationale requiert une plus grande professionnalisation et une plus grande disponibilité opérationnelle de nos unités : les décisions à prendre sur ce point d'ici à 1996 s'inspireront d'un audit des missions et moyens de nos forces.
Pour le reste, les mots d'ordre qui nous guideront, dans la ligne des orientations posées par la récente loi de programmation militaire élaborée par le précédent gouvernement, auquel je tiens à rendre hommage pour l'uvre qu'il a accompli, sur ce point comme sur tous les autres points sur lesquels la continuité s'imposera, ces mots d'ordre sont clairs.
Il s'agit de la poursuite de l'effort d'équipement de nos armées, avec toutefois le souci constant de respecter l'exigence de maîtrise de nos finances publiques, du maintien de nos industries d'armement, avec l'objectif de constituer des pôles européens puissants, de l'implication pleine et entière dans la construction de l'Europe de la défense.
Mais ne nous méprenons pas. Faire l'Europe de la défense ne signifie pas défaire l'Alliance atlantique. C'est ensemble que l'Europe et les États-Unis doivent uvrer pour la stabilité du monde. J'ai déjà suggéré en ce sens à nos alliés l'établissement d'un nouveau partenariat euro-atlantique.
Quant à notre outil diplomatique, je me suis attaché en tant que ministre des affaires étrangères à le moderniser, à le réorganiser et à le mobiliser autour d'objectifs précis. Les préoccupations de la France sont inchangées : la solution du conflit dans l'ex-Yougoslavie, avec l'éventualité pour notre pays, si les initiatives de paix se révélaient vaines, de retirer nos Casques bleus d'une FORPRONU devenue inutile ; la construction de partenariats avec nos deux grands espaces de voisinage, la Russie à l'Est et la Méditerranée au Sud ; la fidélité à notre engagement africain ; l'affirmation de notre présence dans les régions d'avenir que sont l'Asie et l'Amérique latine ; enfin, une contribution sans faille à la rénovation des Nations Unies.
Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les principaux éléments du programme que le Gouvernement se propose d'appliquer pour rendre l'espoir et la prospérité à la France. Leur mise en uvre se fera en trois temps : des mesures d'urgence d'ici à l'été qui seront proposées à l'Assemblée nationale et au Sénat, des actions plus lourdes au cours de la prochaine session parlementaire, qui, si vous en décidez ainsi, nous conduira jusqu'à l'été 1996, et, enfin, à moyen terme, des réformes qui requièrent une réflexion préalable plus approfondie, je pense par exemple à la réforme du système éducatif ou encore à celle de la taxe professionnelle ou de la décentralisation.
Je veux insister ici sur une exigence dont chacun doit prendre la pleine mesure, cette exigence, c'est celle de l'assainissement de nos comptes publics. En d'autres termes, toutes les mesures nouvelles inscrites dans le programme que je viens de brosser à grands traits devront trouver leur contrepartie ; le cap de la réduction des déficits devra être tenu résolument.
Cela veut dire d'abord que seront recherchées dans les budgets actuels les possibilités d'économie et de redéploiement des crédits. Cela veut dire aussi, si nécessaire, que des ressources supplémentaires seront dégagées.
Tel sera l'objet du projet de loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumis, puis, à l'automne, du projet de loi de finances pour 1996.
La tâche qui nous attend est, j'en ai bien conscience, -redoutable, mais elle est, en même temps, passionnante. Nous avons besoin pour réussir du plein soutien de la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai voulu que la Haute Assemblée puisse se prononcer, et j'ai donc l'honneur de vous demander de bien vouloir approuver la déclaration de politique générale que je viens de faire en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.