Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous ce soir afin de remettre, pour sa vingt-cinquième édition, le Prix du manager de l'année décerné par Le Nouvel Economiste. Je remercie de leur invitation le Président de ce titre important de la presse économique, Claude POSTERNAK, et la directrice de la rédaction, Valérie LECASBLE. Depuis sa création, Le Nouvel économiste a maintenu l'originalité du ton et la variété des sujets qui ont fait son succès. Alors même que la " nouvelle économie " n'existait pas, il a su donner à ses lecteurs une vision nouvelle de l'économie. De même, le Prix du manager de l'année est devenu une institution dont l'audience est attestée à la fois par la renommée des titulaires du prix et par la qualité du public qui assiste à cette rencontre annuelle. Cette année, j'ai le plaisir de saluer le récipiendaire, Serge TCHURUK. Cela me donne en outre l'occasion de vous apporter un éclairage sur la politique du Gouvernement à l'égard des entreprises.
En récompensant le Président d'ALCATEL -mais aussi d'une certaine façon les 116.000 salariés de l'entreprise- Le Nouvel économiste souligne qu'il ne faut pas opposer la " nouvelle économie " à " l'ancienne ". Le groupe ALCATEL me semble exemplaire de ce vaste mouvement qui transforme notre économie : tandis que de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouveaux secteurs apparaissent, c'est l'ensemble des activités économiques qui est en train d'évoluer. Dans les secteurs d'activité traditionnels, les nouvelles technologies de l'information et de la communication modifient la façon même de travailler au sein de l'entreprise. C'est pourquoi il ne faut pas opposer les petites aux grandes entreprises. A côté des " start-ups ", dont le rôle dans l'innovation et la croissance doit être encouragé, de grandes entreprises négocient avec succès le virage des technologies de l'information. En recentrant en quelques années son entreprise sur le secteur des télécommunications, en s'étendant à l'étranger, Serge TCHURUK a confirmé des qualités de stratège et de gestionnaire.
ALCATEL et son président symbolisent également la capacité des entreprises industrielles bien établies à résister à l'extrême volatilité des marchés financiers. Qui n'a en mémoire la chute de près de 40 % qu'a connue en deux jours la valeur de l'action ALCATEL en septembre 1998, simplement parce que son président avait annoncé des résultats moins bons que prévus, résultats qui étaient pourtant nettement positifs ? Face à l'irrationalité de certains cours boursiers, il faut toujours garder à l'esprit les véritables atouts d'une entreprise : la confiance que lui accordent les consommateurs, le dynamisme de ses investissements, la qualité de ses équipes -et de ses dirigeants, bien sûr.
Le lauréat 2000 est un grand chef d'entreprise. A plusieurs reprises, j'ai pu personnellement apprécier ses qualités professionnelles et humaines. C'est un homme au parcours quelque peu atypique, mais qui est en même temps très représentatif de l'élite des dirigeants français, capables de porter haut les couleurs de leurs entreprises -mais aussi de leur pays- à l'étranger.
A travers son histoire, ALCATEL a entretenu une relation particulière avec la puissance publique. La réussite de cette entreprise me permet de noter que la relation entre les entreprises françaises et l'Etat -qu'il soit actionnaire, acheteur ou régulateur- peut être conduite dans le respect mutuel et la confiance, avec le souci partagé de défendre les intérêts de nos entreprises et, à travers elles, ceux de notre économie. Le Gouvernement sait en effet que la santé de l'économie française repose sur celle de ses entreprises.
C'est avec cette conviction à l'esprit que nous avons conduit, depuis 1997, une politique macro-économique correctement ajustée et dont les entreprises françaises bénéficient pleinement.
La première façon d'aider les entreprises françaises, c'est d'encourager la croissance. L'économie française se trouve aujourd'hui sur un sentier de croissance forte ; je souhaite qu'elle soit également durable. En 1997, notre économie souffrait d'un déficit de demande. Malgré une compétitivité accrue, vos entreprises en étaient les premières victimes. En rendant confiance aux Français, en prenant des décisions audacieuses et novatrices, notamment les emplois-jeunes, la réduction négociée du temps de travail et le transfert immédiat et massif des cotisations sociales vers la CSG, la politique engagée par le Gouvernement a ranimé la demande.
Les résultats de cette politique, que vient encore de saluer le FMI, sont marquants.
La croissance est forte -sans doute 3,2 % en moyenne en 2000- et devrait rester supérieure à 3 % l'an prochain. Le ralentissement de l'activité dû à la forte augmentation du prix des produits pétroliers ne devrait être que passager.
Les entreprises n'ont jamais créé autant d'emplois, même pendant les " Trente Glorieuses ". Nous terminerons ce siècle sur une performance exceptionnelle, sans doute plus de 500.000 emplois créés, dont plus de 90 % dans le secteur marchand, après une moyenne supérieure à 400.000 en 1998 et 1999. La croissance n'a jamais été aussi riche en emplois. J'y vois l'effet de la modernisation de notre économie mais aussi le résultat des politiques de l'emploi conduites depuis 1997.
Le chômage n'a jamais autant reculé, ni si vite. Le taux de chômage baisse d'un point par an, ce qui rend crédible, à moyen terme, l'objectif du plein emploi. Cette baisse du chômage bénéficie significativement aux travailleurs peu qualifiés et aux chômeurs de longue durée. Nous sommes convaincus que le chômage structurel peut continuer de se réduire dans notre pays, tout comme l'exclusion ; pour la première fois depuis dix ans, le nombre de bénéficiaires du RMI baisse.
Enfin, cette réactivation de la croissance s'est effectuée en même temps qu'un assainissement de nos finances publiques. Le déficit des administrations publiques sera en 2001 le plus faible que la France ait connu depuis 20 ans. Cela nous a permis d'amorcer enfin le reflux de la dette publique dès l'année dernière, et celui du taux de prélèvements obligatoires cette année. En comparaison avec les grands pays de la zone euro, nous avons fait l'effort de réduction du déficit le plus important depuis 1997, même s'il est vrai que le point de départ était sensiblement plus élevé. C'est dans le respect de nos engagements européens de réduction régulière et continue de nos déficits que nous voulons maîtriser nos dépenses tout en finançant nos priorités. Des services publics de qualité, en particulier, sont indispensables et ils sont d'ailleurs souvent un des motifs de l'implantation d'entreprises étrangères en France.
Par une réforme de la fiscalité, nous voulons faire bénéficier tous les agents économiques du retour de la croissance. Il est nécessaire d'avoir un système fiscal juste et le plus favorable possible au développement économique. La réforme fiscale préparée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS, répond à cette préoccupation. Elle représente, d'ici 2003, un effort d'allégement considérable, plus important -sur la même période- que celui engagé en Allemagne. Ainsi, la baisse programmée de l'impôt sur le revenu, qui se traduira par un allégement de 10 % d'ici trois ans, permettra de prendre en compte les efforts des classes moyennes et des cadres.
Pour faire face à d'éventuels goulots d'étranglement pesant sur les capacités de production et pour tirer le meilleur parti de la révolution industrielle qui se diffuse actuellement dans notre économie, il nous faut engager nos entreprises dans un effort d'investissement et d'innovation considérable.
Cette année sera la meilleure pour l'investissement depuis dix ans. Le Gouvernement souhaite que cette dynamique se maintienne. Elle doit s'appuyer sur un tissu d'entreprises compétitives et sur le renouvellement d'un réseau dense de PME et de " jeunes pousses ". C'est pourquoi nous avons décidé de baisser le taux de l'impôt sur les sociétés en supprimant la surtaxe instituée par le précédent Gouvernement, avec un effort tout particulier en direction des PME. Cette décision vient prolonger une politique de soutien à l'innovation et à la création d'entreprises engagée depuis 1997, notamment à travers l'encouragement du capital-risque, la création des " bons de croissance ", et la modernisation du régime fiscal des " stock options ".
Pour maintenir durablement notre économie sur un sentier de croissance au moins égal à 3 %, il faudra des capacités de production supplémentaires mais aussi des travailleurs disponibles et bien formés. Dans certaines branches d'activité, vos entreprises déclarent avoir des difficultés de recrutement ; des observateurs parlent même de " pénuries " de main d'uvre dans l'informatique ou le bâtiment. Cela s'explique, dans une économie qui tourne à plein régime et a créé plus de 500.000 emplois dans l'année. Je ne crois pas que la mise en place progressive et négociée de la réduction du temps de travail ait constitué pour vos entreprises un facteur de limitation de la production -vos performances récentes en attestent. Le Gouvernement fera en sorte que le passage aux 35 heures, dans toutes les entreprises, se déroule sans déséquilibre et toujours au bénéfice de l'emploi.
Le Gouvernement est très attentif à la situation du marché de l'emploi. Nous avons d'ores et déjà pris des dispositions destinées à encourager le retour à l'emploi du plus grand nombre, notamment grâce à un mécanisme d'intéressement à l'emploi des titulaires du RMI, à la réforme des allocations logement et de la taxe d'habitation et enfin grâce à la baisse ciblée de la CSG. Une politique ambitieuse de formation professionnelle, dans laquelle votre rôle est important, doit permettre de pallier certaines des insuffisances actuelles.
Mesdames et Messieurs,
Depuis trois ans et demi, le Gouvernement a mené, au plan micro-économique, une politique de " réforme économique ".
D'abord en rénovant profondément l'environnement des entreprises.
Le Gouvernement a encouragé l'esprit d'entreprise. Des réformes ont été mises en oeuvre pour assurer les simplifications administratives nécessaires. Les artisans, les petites et moyennes entreprises sont les premiers bénéficiaires de l'action du Gouvernement. Nous avons ainsi apporté des simplifications fiscales en améliorant le statut de la micro-entreprise, en supprimant de très nombreux formulaires déclaratifs, et en organisant mieux certaines échéances relatives à la TVA.
Nous avons également relancé la création d'entreprise. Jusqu'en 1998, le nombre d'entreprises créées en France diminuait. Dans le même temps, les entreprises qui disparaissaient en raison de difficultés économiques étaient toujours plus nombreuses. Cette tendance commence à s'inverser. La création d'entreprise a été rendue totalement gratuite par la suppression de tous les droits et taxes encore perçus par l'Etat. Nous avons décidé un allégement de charges sociales en période de démarrage d'entreprise. Les partenaires sociaux de l'UNEDIC ont accepté que les créateurs d'entreprise anciens salariés préservent pendant 18 mois leurs droits acquis en matière d'indemnisation du chômage. Nous avons également remédié aux insuffisances structurelles du financement par les établissements de crédit. Nous avons ainsi lancé le prêt à la création d'entreprise qui devrait financer, en 2001, au moins 20.000 projets. Nous avons favorisé l'investissement dans le capital-risque. Les capitaux investis à ce titre dans les entreprises ont ainsi augmenté de 2,5 fois par rapport à 1997.
Le Gouvernement a mené une politique industrielle volontariste. Il a d'abord accepté l'évolution du capital des entreprises publiques, dès lors qu'il s'agissait de permettre à celles-ci des rapprochements français, européens et même internationaux. Cela a été le cas dans le secteur financier, dans l'aéronautique, en particulier avec E.A.D.S., ou dans l'électronique. L'Etat a accompagné le redressement et conforté l'internationalisation d'entreprises qu'il contrôlait. Qu'il me suffise de citer Renault et Thomson-Multimédia : ces deux entreprises ont été aidées par l'action de l'Etat et non entravées par elle.
Le Gouvernement a également accepté l'ouverture à la concurrence de secteurs -je pense aux télécommunications, au rail, à l'électricité, au gaz- dans lesquels les opérateurs historiques étaient en situation de monopole. Certains estiment que cette libéralisation aurait dû être plus rapide. Ce sont parfois les mêmes qui s'insurgent contre la désertification de notre territoire et l'inégal accès de nos concitoyens aux services publics. Le Gouvernement, pour sa part, avance, mais toujours en veillant aux équilibres sociaux et territoriaux.
Le Gouvernement a également tenu à moderniser l'environnement juridique et financier de l'entreprise, pour lui permettre de se développer dans un cadre rénové et de plus en plus comparable à celui qui prévaut chez nos voisins. C'est ainsi qu'il faut comprendre la réforme du droit de la concurrence et des concentrations que prévoit le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Celui-ci permet le renforcement des pouvoirs des autorités en charge de la concurrence et la lutte contre les pratiques déloyales. En outre, ce texte modifie sensiblement notre droit des sociétés en y intégrant les règles de ce que l'on appelle " le gouvernement d'entreprise ". La réduction du cumul des mandats, l'équilibre des pouvoirs, la transparence, le respect des points de vue minoritaires sont des principes qui doivent aussi être appliqués à l'entreprise.
La réforme des marchés publics, préparée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est aujourd'hui dans la phase ultime d'une large concertation. Des dispositions nouvelles encourageront la concurrence en faisant plus de place aux petits entrepreneurs. Le prix demeurera un critère principal, mais d'autres critères seront aussi pris en considération. La sécurité des acheteurs publics et des fournisseurs sera mieux établie. La transparence apportera un gage supplémentaire de contrôle. Le " moins disant " fera place au " mieux disant " et les 400 articles du code des marchés publics seront simplifiés pour n'en faire plus que 160.
Depuis trente mois, les réformes financières ont régulièrement adapté notre droit bancaire et boursier aux évolutions du fonctionnement des marchés de capitaux, aux exigences de la compétitivité des financements et à la nécessité de sécuriser les placements des épargnants. Ces réformes, engagées dans la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) de 1998, poursuivies dans la loi sur l'épargne et la sécurité financière puis dans le projet de loi sur les nouvelles régulations, seront complétées. Le projet de loi sur l'épargne salariale vise à créer un produit d'épargne à long terme, plus favorable aux placements en actions. En 2001 seront examinés au Parlement une restructuration des autorités de régulation financière et un nouveau DDOEF incluant notamment une réforme du droit des valeurs mobilières et du démarchage financier.
Nous avons enfin préparé le passage à l'euro, d'abord l'euro financier, puis l'euro pratique. L'euro est l'instrument d'une liberté économique retrouvée. Sans l'euro, l'évolution récente du dollar se serait traduite par des crises de change au sein du système monétaire européen et par des variations excessives des taux d'intérêt. L'euro est un facteur de modernisation, d'ouverture à la concurrence, de régulation du marché unique -parce qu'il empêche les dévaluations compétitives et devrait pousser à l'harmonisation des fiscalités. Il va ouvrir pour tous les Européens l'accès aux marchés européens.
L'euro doit encore devenir une réalité physique pour nos concitoyens. Ce sera le cas dans à peine plus de 400 jours. Le Gouvernement s'emploie à préparer cette échéance. Il a, d'ores et déjà, transformé par ordonnance les quelque 700 montants " ronds " en francs figurant dans nos lois en leurs équivalents arrondis en euros. Une communication a été présentée ce matin en Conseil des ministres par Laurent FABIUS. Elle a annoncé la relance d'une campagne de publicité massive, la définition par le ministère de l'Intérieur d'un plan de sécurité pour l'euro fiduciaire, la paye des agents de l'Etat en euros, à partir du 1er juillet 2001, l'élaboration des projets de loi et de règlement en euros dès l'année prochaine et la priorité informatique absolue qui sera accordée au basculement vers l'euro entre juillet 2001 et mars 2002. Le Gouvernement veut que le passage à l'euro soit pour tous nos concitoyens sûr, facile, gratuit, bien préparé et sans obstacles administratifs. Il s'y emploie -la France est même plutôt en avance sur ses partenaires européens. Il souhaite que les entreprises, et surtout celles qui sont en contact direct avec les consommateurs, ne négligent pas cette échéance désormais très prochaine.
Mesdames, Messieurs,
Le passage à la monnaie unique donne un bon exemple du lien qui doit exister entre la politique macroéconomique et les politiques micro-économiques. Celles-ci doivent être menées de front. C'est ce que le Gouvernement s'est efforcé de faire depuis 1997 en appliquant une politique adaptée à la conjoncture en même temps qu'une politique de " réforme économique ", prenant en compte la situation des entreprises. Il n'y a eu -et il n'y aura- dans notre politique économique ni pause, ni virage, ni reniement. Si l'évolution du climat économique peut conduire au renouvellement de nos moyens d'action -dans un dialogue avec les Français, le Parlement, les partenaires sociaux et avec vous, les responsables d'entreprises-, ces moyens d'action continueront de servir une même politique, qui poursuit une même priorité : la croissance au service de l'emploi.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2000)
Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous ce soir afin de remettre, pour sa vingt-cinquième édition, le Prix du manager de l'année décerné par Le Nouvel Economiste. Je remercie de leur invitation le Président de ce titre important de la presse économique, Claude POSTERNAK, et la directrice de la rédaction, Valérie LECASBLE. Depuis sa création, Le Nouvel économiste a maintenu l'originalité du ton et la variété des sujets qui ont fait son succès. Alors même que la " nouvelle économie " n'existait pas, il a su donner à ses lecteurs une vision nouvelle de l'économie. De même, le Prix du manager de l'année est devenu une institution dont l'audience est attestée à la fois par la renommée des titulaires du prix et par la qualité du public qui assiste à cette rencontre annuelle. Cette année, j'ai le plaisir de saluer le récipiendaire, Serge TCHURUK. Cela me donne en outre l'occasion de vous apporter un éclairage sur la politique du Gouvernement à l'égard des entreprises.
En récompensant le Président d'ALCATEL -mais aussi d'une certaine façon les 116.000 salariés de l'entreprise- Le Nouvel économiste souligne qu'il ne faut pas opposer la " nouvelle économie " à " l'ancienne ". Le groupe ALCATEL me semble exemplaire de ce vaste mouvement qui transforme notre économie : tandis que de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouveaux secteurs apparaissent, c'est l'ensemble des activités économiques qui est en train d'évoluer. Dans les secteurs d'activité traditionnels, les nouvelles technologies de l'information et de la communication modifient la façon même de travailler au sein de l'entreprise. C'est pourquoi il ne faut pas opposer les petites aux grandes entreprises. A côté des " start-ups ", dont le rôle dans l'innovation et la croissance doit être encouragé, de grandes entreprises négocient avec succès le virage des technologies de l'information. En recentrant en quelques années son entreprise sur le secteur des télécommunications, en s'étendant à l'étranger, Serge TCHURUK a confirmé des qualités de stratège et de gestionnaire.
ALCATEL et son président symbolisent également la capacité des entreprises industrielles bien établies à résister à l'extrême volatilité des marchés financiers. Qui n'a en mémoire la chute de près de 40 % qu'a connue en deux jours la valeur de l'action ALCATEL en septembre 1998, simplement parce que son président avait annoncé des résultats moins bons que prévus, résultats qui étaient pourtant nettement positifs ? Face à l'irrationalité de certains cours boursiers, il faut toujours garder à l'esprit les véritables atouts d'une entreprise : la confiance que lui accordent les consommateurs, le dynamisme de ses investissements, la qualité de ses équipes -et de ses dirigeants, bien sûr.
Le lauréat 2000 est un grand chef d'entreprise. A plusieurs reprises, j'ai pu personnellement apprécier ses qualités professionnelles et humaines. C'est un homme au parcours quelque peu atypique, mais qui est en même temps très représentatif de l'élite des dirigeants français, capables de porter haut les couleurs de leurs entreprises -mais aussi de leur pays- à l'étranger.
A travers son histoire, ALCATEL a entretenu une relation particulière avec la puissance publique. La réussite de cette entreprise me permet de noter que la relation entre les entreprises françaises et l'Etat -qu'il soit actionnaire, acheteur ou régulateur- peut être conduite dans le respect mutuel et la confiance, avec le souci partagé de défendre les intérêts de nos entreprises et, à travers elles, ceux de notre économie. Le Gouvernement sait en effet que la santé de l'économie française repose sur celle de ses entreprises.
C'est avec cette conviction à l'esprit que nous avons conduit, depuis 1997, une politique macro-économique correctement ajustée et dont les entreprises françaises bénéficient pleinement.
La première façon d'aider les entreprises françaises, c'est d'encourager la croissance. L'économie française se trouve aujourd'hui sur un sentier de croissance forte ; je souhaite qu'elle soit également durable. En 1997, notre économie souffrait d'un déficit de demande. Malgré une compétitivité accrue, vos entreprises en étaient les premières victimes. En rendant confiance aux Français, en prenant des décisions audacieuses et novatrices, notamment les emplois-jeunes, la réduction négociée du temps de travail et le transfert immédiat et massif des cotisations sociales vers la CSG, la politique engagée par le Gouvernement a ranimé la demande.
Les résultats de cette politique, que vient encore de saluer le FMI, sont marquants.
La croissance est forte -sans doute 3,2 % en moyenne en 2000- et devrait rester supérieure à 3 % l'an prochain. Le ralentissement de l'activité dû à la forte augmentation du prix des produits pétroliers ne devrait être que passager.
Les entreprises n'ont jamais créé autant d'emplois, même pendant les " Trente Glorieuses ". Nous terminerons ce siècle sur une performance exceptionnelle, sans doute plus de 500.000 emplois créés, dont plus de 90 % dans le secteur marchand, après une moyenne supérieure à 400.000 en 1998 et 1999. La croissance n'a jamais été aussi riche en emplois. J'y vois l'effet de la modernisation de notre économie mais aussi le résultat des politiques de l'emploi conduites depuis 1997.
Le chômage n'a jamais autant reculé, ni si vite. Le taux de chômage baisse d'un point par an, ce qui rend crédible, à moyen terme, l'objectif du plein emploi. Cette baisse du chômage bénéficie significativement aux travailleurs peu qualifiés et aux chômeurs de longue durée. Nous sommes convaincus que le chômage structurel peut continuer de se réduire dans notre pays, tout comme l'exclusion ; pour la première fois depuis dix ans, le nombre de bénéficiaires du RMI baisse.
Enfin, cette réactivation de la croissance s'est effectuée en même temps qu'un assainissement de nos finances publiques. Le déficit des administrations publiques sera en 2001 le plus faible que la France ait connu depuis 20 ans. Cela nous a permis d'amorcer enfin le reflux de la dette publique dès l'année dernière, et celui du taux de prélèvements obligatoires cette année. En comparaison avec les grands pays de la zone euro, nous avons fait l'effort de réduction du déficit le plus important depuis 1997, même s'il est vrai que le point de départ était sensiblement plus élevé. C'est dans le respect de nos engagements européens de réduction régulière et continue de nos déficits que nous voulons maîtriser nos dépenses tout en finançant nos priorités. Des services publics de qualité, en particulier, sont indispensables et ils sont d'ailleurs souvent un des motifs de l'implantation d'entreprises étrangères en France.
Par une réforme de la fiscalité, nous voulons faire bénéficier tous les agents économiques du retour de la croissance. Il est nécessaire d'avoir un système fiscal juste et le plus favorable possible au développement économique. La réforme fiscale préparée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Laurent FABIUS, répond à cette préoccupation. Elle représente, d'ici 2003, un effort d'allégement considérable, plus important -sur la même période- que celui engagé en Allemagne. Ainsi, la baisse programmée de l'impôt sur le revenu, qui se traduira par un allégement de 10 % d'ici trois ans, permettra de prendre en compte les efforts des classes moyennes et des cadres.
Pour faire face à d'éventuels goulots d'étranglement pesant sur les capacités de production et pour tirer le meilleur parti de la révolution industrielle qui se diffuse actuellement dans notre économie, il nous faut engager nos entreprises dans un effort d'investissement et d'innovation considérable.
Cette année sera la meilleure pour l'investissement depuis dix ans. Le Gouvernement souhaite que cette dynamique se maintienne. Elle doit s'appuyer sur un tissu d'entreprises compétitives et sur le renouvellement d'un réseau dense de PME et de " jeunes pousses ". C'est pourquoi nous avons décidé de baisser le taux de l'impôt sur les sociétés en supprimant la surtaxe instituée par le précédent Gouvernement, avec un effort tout particulier en direction des PME. Cette décision vient prolonger une politique de soutien à l'innovation et à la création d'entreprises engagée depuis 1997, notamment à travers l'encouragement du capital-risque, la création des " bons de croissance ", et la modernisation du régime fiscal des " stock options ".
Pour maintenir durablement notre économie sur un sentier de croissance au moins égal à 3 %, il faudra des capacités de production supplémentaires mais aussi des travailleurs disponibles et bien formés. Dans certaines branches d'activité, vos entreprises déclarent avoir des difficultés de recrutement ; des observateurs parlent même de " pénuries " de main d'uvre dans l'informatique ou le bâtiment. Cela s'explique, dans une économie qui tourne à plein régime et a créé plus de 500.000 emplois dans l'année. Je ne crois pas que la mise en place progressive et négociée de la réduction du temps de travail ait constitué pour vos entreprises un facteur de limitation de la production -vos performances récentes en attestent. Le Gouvernement fera en sorte que le passage aux 35 heures, dans toutes les entreprises, se déroule sans déséquilibre et toujours au bénéfice de l'emploi.
Le Gouvernement est très attentif à la situation du marché de l'emploi. Nous avons d'ores et déjà pris des dispositions destinées à encourager le retour à l'emploi du plus grand nombre, notamment grâce à un mécanisme d'intéressement à l'emploi des titulaires du RMI, à la réforme des allocations logement et de la taxe d'habitation et enfin grâce à la baisse ciblée de la CSG. Une politique ambitieuse de formation professionnelle, dans laquelle votre rôle est important, doit permettre de pallier certaines des insuffisances actuelles.
Mesdames et Messieurs,
Depuis trois ans et demi, le Gouvernement a mené, au plan micro-économique, une politique de " réforme économique ".
D'abord en rénovant profondément l'environnement des entreprises.
Le Gouvernement a encouragé l'esprit d'entreprise. Des réformes ont été mises en oeuvre pour assurer les simplifications administratives nécessaires. Les artisans, les petites et moyennes entreprises sont les premiers bénéficiaires de l'action du Gouvernement. Nous avons ainsi apporté des simplifications fiscales en améliorant le statut de la micro-entreprise, en supprimant de très nombreux formulaires déclaratifs, et en organisant mieux certaines échéances relatives à la TVA.
Nous avons également relancé la création d'entreprise. Jusqu'en 1998, le nombre d'entreprises créées en France diminuait. Dans le même temps, les entreprises qui disparaissaient en raison de difficultés économiques étaient toujours plus nombreuses. Cette tendance commence à s'inverser. La création d'entreprise a été rendue totalement gratuite par la suppression de tous les droits et taxes encore perçus par l'Etat. Nous avons décidé un allégement de charges sociales en période de démarrage d'entreprise. Les partenaires sociaux de l'UNEDIC ont accepté que les créateurs d'entreprise anciens salariés préservent pendant 18 mois leurs droits acquis en matière d'indemnisation du chômage. Nous avons également remédié aux insuffisances structurelles du financement par les établissements de crédit. Nous avons ainsi lancé le prêt à la création d'entreprise qui devrait financer, en 2001, au moins 20.000 projets. Nous avons favorisé l'investissement dans le capital-risque. Les capitaux investis à ce titre dans les entreprises ont ainsi augmenté de 2,5 fois par rapport à 1997.
Le Gouvernement a mené une politique industrielle volontariste. Il a d'abord accepté l'évolution du capital des entreprises publiques, dès lors qu'il s'agissait de permettre à celles-ci des rapprochements français, européens et même internationaux. Cela a été le cas dans le secteur financier, dans l'aéronautique, en particulier avec E.A.D.S., ou dans l'électronique. L'Etat a accompagné le redressement et conforté l'internationalisation d'entreprises qu'il contrôlait. Qu'il me suffise de citer Renault et Thomson-Multimédia : ces deux entreprises ont été aidées par l'action de l'Etat et non entravées par elle.
Le Gouvernement a également accepté l'ouverture à la concurrence de secteurs -je pense aux télécommunications, au rail, à l'électricité, au gaz- dans lesquels les opérateurs historiques étaient en situation de monopole. Certains estiment que cette libéralisation aurait dû être plus rapide. Ce sont parfois les mêmes qui s'insurgent contre la désertification de notre territoire et l'inégal accès de nos concitoyens aux services publics. Le Gouvernement, pour sa part, avance, mais toujours en veillant aux équilibres sociaux et territoriaux.
Le Gouvernement a également tenu à moderniser l'environnement juridique et financier de l'entreprise, pour lui permettre de se développer dans un cadre rénové et de plus en plus comparable à celui qui prévaut chez nos voisins. C'est ainsi qu'il faut comprendre la réforme du droit de la concurrence et des concentrations que prévoit le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Celui-ci permet le renforcement des pouvoirs des autorités en charge de la concurrence et la lutte contre les pratiques déloyales. En outre, ce texte modifie sensiblement notre droit des sociétés en y intégrant les règles de ce que l'on appelle " le gouvernement d'entreprise ". La réduction du cumul des mandats, l'équilibre des pouvoirs, la transparence, le respect des points de vue minoritaires sont des principes qui doivent aussi être appliqués à l'entreprise.
La réforme des marchés publics, préparée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est aujourd'hui dans la phase ultime d'une large concertation. Des dispositions nouvelles encourageront la concurrence en faisant plus de place aux petits entrepreneurs. Le prix demeurera un critère principal, mais d'autres critères seront aussi pris en considération. La sécurité des acheteurs publics et des fournisseurs sera mieux établie. La transparence apportera un gage supplémentaire de contrôle. Le " moins disant " fera place au " mieux disant " et les 400 articles du code des marchés publics seront simplifiés pour n'en faire plus que 160.
Depuis trente mois, les réformes financières ont régulièrement adapté notre droit bancaire et boursier aux évolutions du fonctionnement des marchés de capitaux, aux exigences de la compétitivité des financements et à la nécessité de sécuriser les placements des épargnants. Ces réformes, engagées dans la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) de 1998, poursuivies dans la loi sur l'épargne et la sécurité financière puis dans le projet de loi sur les nouvelles régulations, seront complétées. Le projet de loi sur l'épargne salariale vise à créer un produit d'épargne à long terme, plus favorable aux placements en actions. En 2001 seront examinés au Parlement une restructuration des autorités de régulation financière et un nouveau DDOEF incluant notamment une réforme du droit des valeurs mobilières et du démarchage financier.
Nous avons enfin préparé le passage à l'euro, d'abord l'euro financier, puis l'euro pratique. L'euro est l'instrument d'une liberté économique retrouvée. Sans l'euro, l'évolution récente du dollar se serait traduite par des crises de change au sein du système monétaire européen et par des variations excessives des taux d'intérêt. L'euro est un facteur de modernisation, d'ouverture à la concurrence, de régulation du marché unique -parce qu'il empêche les dévaluations compétitives et devrait pousser à l'harmonisation des fiscalités. Il va ouvrir pour tous les Européens l'accès aux marchés européens.
L'euro doit encore devenir une réalité physique pour nos concitoyens. Ce sera le cas dans à peine plus de 400 jours. Le Gouvernement s'emploie à préparer cette échéance. Il a, d'ores et déjà, transformé par ordonnance les quelque 700 montants " ronds " en francs figurant dans nos lois en leurs équivalents arrondis en euros. Une communication a été présentée ce matin en Conseil des ministres par Laurent FABIUS. Elle a annoncé la relance d'une campagne de publicité massive, la définition par le ministère de l'Intérieur d'un plan de sécurité pour l'euro fiduciaire, la paye des agents de l'Etat en euros, à partir du 1er juillet 2001, l'élaboration des projets de loi et de règlement en euros dès l'année prochaine et la priorité informatique absolue qui sera accordée au basculement vers l'euro entre juillet 2001 et mars 2002. Le Gouvernement veut que le passage à l'euro soit pour tous nos concitoyens sûr, facile, gratuit, bien préparé et sans obstacles administratifs. Il s'y emploie -la France est même plutôt en avance sur ses partenaires européens. Il souhaite que les entreprises, et surtout celles qui sont en contact direct avec les consommateurs, ne négligent pas cette échéance désormais très prochaine.
Mesdames, Messieurs,
Le passage à la monnaie unique donne un bon exemple du lien qui doit exister entre la politique macroéconomique et les politiques micro-économiques. Celles-ci doivent être menées de front. C'est ce que le Gouvernement s'est efforcé de faire depuis 1997 en appliquant une politique adaptée à la conjoncture en même temps qu'une politique de " réforme économique ", prenant en compte la situation des entreprises. Il n'y a eu -et il n'y aura- dans notre politique économique ni pause, ni virage, ni reniement. Si l'évolution du climat économique peut conduire au renouvellement de nos moyens d'action -dans un dialogue avec les Français, le Parlement, les partenaires sociaux et avec vous, les responsables d'entreprises-, ces moyens d'action continueront de servir une même politique, qui poursuit une même priorité : la croissance au service de l'emploi.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2000)