Texte intégral
Monsieur le premier ministre, Mesdames et messieurs les ministres, Mesdames et messieurs les ambassadeurs, Chers amis et collègues, Mesdames, messieurs,
Je voudrais d'abord remercier Son Excellence El Hadj Omar Bongo, président de la République gabonaise, et mon collègue Alfred Mabika, ministre du commerce du Gabon, de nous avoir accueillis aussi chaleureusement dans leur pays. Je tiens également à remercier l'Organisation Mondiale du Commerce, en la personne de son Directeur Général, Mike Moore, et d'Ablassé Ouedraogo, qui ont voulu, avec le soutien actif de nombreux amis de l'Afrique, que cette conférence ministérielle se tienne.
Je me réjouis de me retrouver en votre compagnie, en terre africaine, afin de réfléchir à vos côtés sur la manière dont l'OMC peut aider l'Afrique à relever le défi de la mondialisation.
Le fait que nous soyons réunis ici, aujourd'hui, à l'initiative de l'OMC, afin de discuter de questions commerciales multilatérales, et de façon plus générale, des rapports entre le commerce et le développement, est un événement en soi.
J'y vois aussi la preuve qu'un certain nombre de messages émis à Seattle ont été entendus. Je m'en réjouis avec vous, en souhaitant partager quelques questions et quelques pistes de réflexion, sur les thèmes qui nous intéressent.
De quelle réalité partons-nous ? Quels sont les enjeux, sociaux, économiques et surtout humains, d'une intégration mieux réussie de l'Afrique dans un commerce mondial dynamique, mais respectueux des capacités et du rythme de développement de chacun ? Quels objectifs raisonnables peut-on se fixer dans un avenir proche pour les mesures concrètes à adopter ?
La diminution de la part de l'Afrique dans les échanges mondiaux au cours de la dernière décennie constitue une source majeure de préoccupation pour la communauté internationale, et notamment pour l'Union européenne.
La part de l'Afrique dans les exportations mondiales est en effet passée de 5% en 1970 à 2,4% en 1990 et à 1,8% en 1999.
Est-ce à dire que ce déclin serait irréversible?
Je n'en crois rien.
En vérité, l'Afrique dispose d'un potentiel de développement très important. Je suis convaincu que la croissance de ses échanges commerciaux pourrait contribuer de manière déterminante à mettre ce potentiel en valeur.
Entendons-nous bien : l'ouverture commerciale, si elle est bien une condition nécessaire au développement, n'en est pas bien sûr une condition suffisante : elle doit être accompagnée d'un ensemble de politiques institutionnelles et structurelles qui peuvent être difficiles à mettre en uvre dans le court terme, mais qui sont bénéfiques dans le long terme. Je suis convaincu qu'une ouverture commerciale maîtrisée est une des clés du développement et que l'OMC en est un instrument efficace. C'est la raison pour laquelle l'Afrique doit mieux l'utiliser en y participant davantage.
Comme l'Europe, et peut-être plus encore que l'Europe, l'Afrique a intérêt à un système commercial multilatéral fort.
A l'instar des autres pays en développement, l'Afrique a un intérêt objectif au bon fonctionnement de l'OMC. La première raison d'être du système commercial multilatéral, depuis sa fondation, est de protéger les plus faibles en leur permettant de faire face aux pressions et menaces bilatérales que peuvent exercer les grandes puissances économiques, et de résister ainsi à la "loi du plus fort".
Les engagements pris par les membres de l'OMC bénéficient d'une crédibilité maximale. Ils offrent un cadre commercial prévisible et sûr à l'ensemble des acteurs économiques. En retour, cette stabilité favorise le développement des échanges et des investissements.
L'OMC est la seule enceinte où les pays africains peuvent et doivent faire valoir leurs priorités commerciales globales.
Les intérêts offensifs et "vitaux" de l'Afrique couvrent un très large éventail de domaines, qui pourrait fournir la trame d'un "agenda africain" comme composante d'un agenda du développement à l'OMC.
Parmi les sujets qui pourraient figurer sur cet agenda, vous me permettrez de citer :
- l'obtention d'un plus large accès au marché pour les principaux produits africains d'exportation,
- l'élaboration de règles permettant de mieux garantir l'approvisionnement alimentaire de ses habitants,
- l'octroi de transferts de technologie appropriés en matière de propriété intellectuelle,
- le droit d'accès aux médicaments essentiels.
Avec l'appui des institutions internationales compétentes, en particulier la CNUCED, les pays africains peuvent et doivent faire entendre leur voix dans le cadre de négociations commerciales globales. Seule une négociation globale permettra de concilier les intérêts de tous, Africains et non-Africains. L'Afrique doit s'y engager.
L'Union européenne et la France demeurent convaincues qu'un cycle global permettrait de mieux prendre en compte les préoccupations fondamentales exprimées à Seattle par les pays en développement, et notamment par les pays africains.
Comme vous le savez, l'Union européenne constitue, de loin, le principal marché à l'exportation pour les produits agricoles des pays en développement. Cette situation découle de la gamme étendue de préférences commerciales accordées aux pays en développement dans le marché communautaire.
L'Union européenne reconnaît la nécessité de garantir à tous les membres de l'OMC, et notamment aux pays en développement, de bénéficier pleinement de l'expansion du commerce mondial, notamment agricole.
L'essentiel est bien de permettre un accès accru des pays en développement aux marchés. En ce sens, l'Union estime que les préoccupations des pays importateurs nets de produits agricoles doivent trouver des réponses concrètes. Nous sommes donc tout à fait favorables à des mesures de soutien interne au développement rural et de lutte contre la pauvreté, qui ont leur place dans une approche multifonctionnelle de l'agriculture.
Mais je voudrais aussi évoquer avec vous les sujets dits "nouveaux", sur lesquels l'Union européenne a affirmé ses priorités, et qui suscitent une attention croissante de la part des pays en développement.
S'agissant, tout d'abord, de la concurrence, les pays en développement sont soucieux de mieux résister aux pratiques anti-concurrentielles des entreprises, locales ou étrangères. Celles-ci entravent l'investissement et la création d'entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises et des entreprises familiales, qui jouent un rôle majeur dans le tissu économique africain. Ces pratiques anti-concurrentielles peuvent aussi entraver l'accès des exportateurs africains aux circuits de distribution. C'est pourquoi ce thème fait l'objet d'une attention prioritaire de la CNUCED.
Enfin, la concurrence constitue évidemment le cur de toute démarche d'intégration économique régionale, telle que l'Europe l'expérimente depuis plus de quarante ans.
S'agissant de l'environnement, je crois que les pays en développement et les pays développés partagent le souci de concilier les règles du commerce multilatéral et les règles environnementales. Par exemple, l'articulation entre la convention sur la biodiversité et l'accord ADPIC relève clairement de cette problématique.
Il faut par ailleurs regarder la réalité en face : l'exigence environnementale est aujourd'hui au cur des préoccupations des consommateurs et des entreprises.
L'Afrique a tout intérêt à ce que l'OMC intervienne pour discipliner cette tendance, garantir sa transparence et prévenir le détournement de ces normes à des fins protectionnistes. Je le répète, les opérateurs économiques africains ont intérêt à ce que les règles du jeu soient parfaitement claires dans ce domaine, pour pouvoir s'y adapter.
Le fait que la présidence du comité sur le commerce et l'environnement soit assurée par Mme Biké, l'ambassadrice du Gabon auprès de l'OMC, témoigne bien de l'intérêt que l'Afrique porte à ce sujet.
Par ailleurs, le rôle des investissements directs étrangers (IDE) dans le développement n'est plus à démontrer. Outre sa contribution à l'équilibre de la balance des paiements, l'investissement étranger a un impact direct sur l'accès aux circuits de distribution, la modernisation des outils de production et la mise à niveau qualitative des appareils de production.
Je suis donc favorable à l'élaboration d'un accord-cadre sur l'investissement direct étranger, inspiré du schéma retenu pour le GATS. Il s'agirait d'un schéma permettant des engagements progressifs, ce qui contribuerait à favoriser une meilleure allocation des flux d'investissements entre pays et entre continents, et bénéficierait ainsi à l'Afrique.
L'enjeu est d'autant plus crucial que la part de l'Afrique dans l'ensemble des investissements directs étrangers destinés aux Pays en Développement ne cesse de régresser. Selon la CNUCED, cette part est passé de 11% à la fin des années 1980 à 3,8% en 1996.
La question des droits sociaux fondamentaux, enfin, est cruciale. Je sais que les pays africains sont très attachés au respect de ces droits. En effet, il ne saurait y avoir de développement économique durable sans développement social et humain. Cette question ne peut être mise à l'écart du dialogue sur le développement social que l'OMC doit nouer avec l'OIT et d'autres organisations des Nations Unies.
Sur toutes ces questions, l'Afrique et l'Europe ont certainement un intérêt commun à promouvoir un nouveau cycle de négociations qui intègre, bien sûr, les négociations sur les services et l'agriculture. Seul un nouveau cycle, avec un programme ambitieux en faveur du développement durable, peut véritablement permettre de prendre en compte les intérêts de chaque partenaire de l'OMC, et non pas seulement de quelques-uns.
Et puisque nous mentionnons l'OIT, je me réjouis qu'elle ait fait appel à Youssou N'Dour pour l'aider dans sa campagne contre le travail des enfants. Vous me permettrez donc de féliciter chaleureusement le nouvel ambassadeur de l'OIT de mettre ainsi son talent et sa notoriété au service des enfants exploités.
L'Afrique doit avoir toute sa place dans le système commercial multilatéral.
Au cours de ces quinze dernières années, les pays d'Afrique ont consenti une ouverture significative de leurs économies. L'ampleur de l'effort accompli par les pays les moins avancés doit être soulignée. Une récente enquête du FMI montre, en effet, qu'une grande majorité de PMA africains imposent des droits de douane moyens inférieurs à 20%.
Cependant, et malgré ses efforts, l'Afrique, considérée dans son ensemble, applique une moyenne tarifaire d'environ 26%, soit l'une des plus élevées au monde. Ce niveau est indéniablement lié à l'importance budgétaire des recettes douanières, qui représentent encore un tiers du total des recettes publiques des Etats d'Afrique.
Comme le souligne l'économiste nigérian Ademola Oyejide, des droits de douane élevés peuvent pénaliser le développement d'une économie. C'est notamment le cas des restrictions qui pèsent sur les importations nécessaires au développement des exportations. De même, les taxes à l'exportation sont encore nombreuses dans certains pays. Elles ne sont pourtant que fort rarement justifiables et constituent, dans la très grande majorité des cas, une entrave au développement.
C'est pourquoi, il est urgent que la Banque Mondiale et le FMI, en liaison avec l'OMC, réfléchissent à la réponse à apporter aux pays qui tirent encore des recettes douanières une part importante de leurs ressources budgétaires.
Comme vous le savez, l'Union européenne a, pour sa part, instauré des dispositifs d'appui à la libéralisation régionale, et notamment à la mise en place de tarifs extérieurs communs (TEC).
La France est très attachée à ces dispositifs. Ces soutiens prennent des formes variées, adaptées aux diverses situations régionales et nationales rencontrées (qu'il s'agisse de l'amélioration du recouvrement des recettes fiscales, de la compensation des ressources douanières en baisse, de l'harmonisation des systèmes douaniers, du soutien au développement du secteur privé, etc).
De façon plus générale, pour faire entendre sa voix à l'OMC, l'Afrique doit y renforcer sa présence "institutionnelle". En cette année 2000, des changements significatifs sont intervenus. Je crois que le message de Seattle a été entendu et que le rôle du Groupe des 77 et du groupe africain de l'OMC a été reconnu.
Naturellement, je me réjouis que l'Afrique participe activement aux débats sur la mise en uvre des accords de Marrakech. Votre appel sur la promotion des transferts de technologie en matière de propriété intellectuelle en faveur des PMA a, lui aussi, été entendu. La notification systématique des incitations offertes par les pays développés pour favoriser ces transferts de technologie devrait être très prochainement décidée par le Conseil général.
Réfléchissons ensemble à la démocratisation de l'OMC. La transparence de ses travaux, auxquels contribuent l'ensemble des membres de l'OMC, a été relevée par maintes délégations.
J'y vois la preuve que la conduite de cette organisation appartient bien à ses membres. Des progrès ont été accomplis depuis Seattle pour introduire plus de démocratie à l'OMC. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin.
Poursuivons ensemble cette réflexion sur le fonctionnement de l'OMC. Nous devons apporter rapidement des réponses franches aux pays en développement ainsi qu'aux représentants des sociétés civiles. Dans les deux cas, la légitimité de l'Organisation en sortira renforcée.
L'intégration régionale, puissant facteur de développement, doit favoriser l'insertion de l'Afrique dans le système commercial multilatéral. Des efforts importants ont déjà été entrepris en Afrique. La perspective de conclure des accords de partenariat économiques régionaux (APER) avec l'Union européenne dans le cadre de la toute nouvelle convention de Cotonou participe de cette dynamique. Le processus de Barcelone, auquel participent les Etats du nord de l'Afrique, complète le dispositif à l'échelle du continent.
Il existe une étroite corrélation entre l'intensité de la participation au commerce régional et le degré d'insertion dans les échanges mondiaux. Vous le savez, l'absence de marché régional est l'un des principaux obstacles à l'accueil de l'investissement direct étranger (IDE) mais aussi l'investissement national.
Les accords de partenariat économique vont donc constituer un cadre favorable aux réformes qui seront entreprises avec l'aide de l'Union européenne, notamment dans les domaines fiscal, budgétaire, bancaire. En outre, ils favoriseront la venue des investissements directs étrangers ainsi que la diversification des exportations.
A l'OMC, l'idée d'une représentation par sous-ensembles régionaux - qui n'excluent pas les Etats - me paraît excellente. Cela permettrait de mieux faire entendre l'expression des positions africaines à l'OMC.
C'est en tout cas l'expérience que nous avons avec l'Union européenne au sein de l'OMC. Je peux en témoigner. Je sais que certaines intégrations économiques régionales y songent déjà. Soyez certains qu'elles recevront le soutien de la France. A l'heure où les intégrations régionales se structurent et se renforcent en Asie, en Europe et en Amérique Latine, il est essentiel que l'Afrique ne reste pas à l'écart de cette dynamique.
L'Union fait la force dit-on. Cela se vérifie certainement dans les négociations internationales.
Un dernier mot sur ce point : dans leur grande majorité, les pays d'Afrique sont membres de l'OMC. Cependant, certains pays "manquent encore à l'appel du système commercial multilatéral". La France, je le redis, est prête à soutenir leur candidature.
Une plus grande ouverture des marchés des membres de l'OMC doit aller de pair avec un engagement plus ferme des organisations internationales en faveur des pays les plus défavorisés.
L'Union européenne estime que l'intégration des pays les moins avancés au système commercial mondial passe par un meilleur accès aux marchés.
L'Union européenne n'a d'ailleurs pas à rougir des comparaisons dans ce domaine. Elle est le premier importateur mondial des produits en provenance des PMA.
L'Europe est aussi le premier débouché pour les produits agricoles des PMA, loin devant les autres grands pays industrialisés. Il y a longtemps aussi que les produits industriels des PMA, je pense aux produits textiles notamment, entrent en franchise de droit et sans quota sur le marché communautaire.
Et nous examinons actuellement à Bruxelles l'initiative de la Commission visant à améliorer encore cet accès au marché communautaire pour les produits en provenance des PMA. Enfin, je tiens à rappeler que l'Union européenne n'a initié aucune mesure anti-dumping à l'encontre des PMA.
Au titre de la Présidence de l'Union européenne, permettez-moi de renouveler ici l'appel lancé aux autres pays développés pour qu'eux aussi ouvrent davantage leurs marchés aux produits en provenance des PMA.
Il serait hautement souhaitable que les pays en développement les plus avancés puissent, eux aussi, contribuer à cet effort. Nombre de ces pays ont réussi leur insertion dans le commerce international et ont su tirer avantage de l'ouverture concertée des marchés. Je relève que ces pays absorbent d'ores et déjà plus d'un tiers des exportations des PMA.
Je voudrais dire un mot de l'importance croissante des normes techniques et sanitaires dans la problématique de l'accès aux marchés.
Il s'agit d'un thème majeur. Il est clair que le rôle de l'OMC dans la promotion des échanges internationaux n'est pas de démanteler les normes qui garantissent la protection des populations dans les pays développés comme dans les pays en développement. Ces normes sont nécessaires à tous. La protection du consommateur, la sécurité des aliments, la protection de l'environnement constituent des objectifs légitimes de politique publique, dans tous les pays.
La contribution de l'OMC à la régulation du commerce mondial est de renforcer de telles normes en garantissant leur objectivité et leur transparence.
Toutefois, les exportations africaines, très concentrées sur quelques secteurs, apparaissent vulnérables aux réglementations techniques et aux normes sanitaires appliquées dans les pays développés. C'est pourquoi les pays en développement doivent prendre toute leur part aux travaux normatifs d'organisations telles que l'ISO ou le Codex alimentarius. Pour cela ils doivent aussi bénéficier d'une assistance technique renforcée de la part des pays développés, notamment pour les questions liées à la certification et aux normes industrielles et sanitaires.
L'assistance technique doit être mieux ciblée
Je souhaite que cette assistance technique fasse l'objet d'une programmation claire sur les sujets jugés prioritaires par les pays en développement. Je me réjouis qu'à l'issue de cette conférence, le secrétariat de l'OMC élabore un programme d'assistance technique, spécialement destiné aux besoins des pays africains.
Je souhaite aussi que l'assistance apportée puisse l'être dans la langue des pays bénéficiaires, lorsque celle-ci figure parmi les langues officielles de l'Organisation. Je veux d'ailleurs attirer votre attention sur l'importance de la traduction en français des documents de l'OMC. Je sais que de nombreux pays y sont attachés. Cette exigence est à mes yeux un gage d'efficacité.
La France apporte elle-même une assistance technique importante.
Comme vous le savez, la France réalise, pour sa part, nombre d'actions de coopération technique bilatérale ou plurilatérale avec les Etats africains. Permettez-moi de citer, puisque nous sommes à Libreville, l'exemple de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), créée ici-même dès 1962 avec laquelle la France poursuit une collaboration, longue de bientôt quarante années.
Je voudrais également citer l'exemple de l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA), et souhaiter que la récente création de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA permette de régler les différends auxquels sont confrontées les entreprises.
Là encore, la France répondra favorablement aux demandes d'assistance technique que les pays jugeraient nécessaires à leur négociation d'accession.
Enfin, comme vous le savez, le gouvernement français a apporté cette année une contribution volontaire d'un million d'euros au Fonds global d'affectation spéciale de l'OMC. Cette aide est dédiée en priorité à l'Afrique.
Parallèlement à tous ces efforts, il est urgent que les six organisations internationales chargées du cadre intégré d'assistance technique en faveur des PMA se mettent d'accord sur les modalités de fonctionnement d'un fonds d'affectation spéciale. Il est en effet indispensable que le cadre intégré puisse être adossé à un fonds, nécessaire au financement des projets concrets, y compris à l'échelon régional.
Il faut le reconnaître : la situation actuelle n'est pas satisfaisante. La relance du cadre intégré aura, pour nous tous, valeur de test.
Plus largement, le besoin d'une plus grande cohérence internationale se fait sentir. L'OMC ne peut, seule, faire face au défi que pose la mondialisation. Pour jouer pleinement leur rôle, la Banque Mondiale, le FMI, la CNUCED et le PNUD doivent resserrer leur coopération avec l'OMC.
L'allègement de la dette des pays pauvres
Comme vous le savez, les institutions financières multilatérales - FMI, Banque Mondiale, mais aussi les banques régionales de développement - doivent, pour la première fois, alléger une partie de la dette des pays pauvres. Cette initiative en faveur des pays pauvres très endettés avait été lancée par la France en 1996 lors du G7 de Lyon. Elle porte aujourd'hui ses premiers fruits en Afrique.
L'initiative a été étendue en juin 1999 afin de rendre davantage de pays éligibles et d'obtenir des allègements plus importants. En contrepartie, le lien entre les annulations de créance et la lutte contre la pauvreté a été renforcé.
Une aide plus ambitieuse pour une action plus efficace et plus cohérente. Ces objectifs conduisent tout naturellement à réfléchir aux différentes formes du traitement spécial et différencié. L'idée d'une OMC "à deux vitesses", avec des membres de second rang, qui ne seraient signataires que de certains accords, accentuerait la marginalisation des pays les plus défavorisés.
Le traitement spécial et différencié doit servir le développement. Ainsi, accorder à un pays émergent dix années supplémentaires pour mettre en uvre un engagement utile à sa croissance, servirait-il l'objectif visé ?
De même, accorder des dérogations à l'ensemble des pays en développement, sans considération de leur situation économique réelle, ne conduirait-il pas à créer de graves distorsions de concurrence, préjudiciables aux moins compétitifs d'entre eux ?
L'importance du sujet mérite une réflexion renouvelée de la part de l'OMC. L'examen des politiques commerciales existe ; ne pourrait-on imaginer un mécanisme d'examen du "développement commercial " qui s'adresserait, en priorité, aux pays les plus défavorisés ?
Compte tenu des différentes contraintes constatées, ce mécanisme définirait les objectifs et les moyens susceptibles de favoriser une meilleure insertion de ces pays dans les échanges internationaux. Les schémas préférentiels des pays développés et des pays en développement, ainsi que les moyens d'assistance technique disponibles, y seraient tout particulièrement examinés.
Monsieur le premier ministre, Mesdames et messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs, l'insertion de l'Afrique dans le commerce mondial appelle des réponses urgentes et adaptées de la part de chacun.
Je suis certain que les messages et les propositions formulées à l'occasion de cette conférence de Libreville seront entendus, non seulement en Afrique, mais aussi chez tous ses grands partenaires commerciaux, et au sein même de chacune des organisations internationales concernées.
Nous avons confiance dans la capacité de l'Afrique à faire entendre sa voix. J'ai en tout cas la conviction que l'Afrique, unie autour de certains thèmes essentiels, a tout à gagner au lancement, dès que les conditions en seront réunies, d'un cycle d'ouverture et de régulation, qui soit aussi un cycle du développement. L'Afrique pourra y défendre ses intérêts tout en devenant un acteur puissant des négociations internationales.
Laissez-moi vous assurer que l'Afrique trouvera la France et l'Union européenne à ses côtés pour construire, ensemble, un système multilatéral plus juste.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 22 novembre 2000)