Déclaration de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, Paris le 5 octobre 2000.

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Texte intégral

Mesdames les ministres, mesdames, messieurs les députés,
Mme Mignon disait récemment : " Pour nous, la détresse d'une adolescente, c'est de commencer sa vie d'adulte soit par une grossesse non désirée, soit par un avortement. "
Votre proposition de loi, madame Bousquet, propose aux adolescentes d'échapper à une détresse en les précipitant dans une autre détresse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre texte n'offre aucun choix aux adolescentes, aucune alternative aux moments d'inquiétude qu'elles peuvent soudain connaître.
Le texte que le groupe socialiste nous soumet aujourd'hui est un texte dangereux et irresponsable.
C'est un texte dangereux parce qu'il détourne le sens des mots. Il n'y a pas de contraception d'urgence, cela n'existe pas. La pilule Norlevo, dite pilule du lendemain, n'est pas une pilule contraceptive mais bel et bien une pilule abortive.
Il est hypocrite de prétendre le contraire : qu'il y ait eu ou non nidification au moment de la prise de cette pilule, cela ne retire rien au fait qu'il y ait eu fécondation, qu'il y ait eu conception. On ne peut pas ignorer que le seul fait tangible repérable, permettant de déterminer le commencement de la vie humaine correspond à sa conception.
Notre législation ne reconnaît pas l'avortement comme un droit des femmes, et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, même la loi Veil commençait dans son article 1er par rappeler explicitement le principe intangible de la vie, quoi qu'on pense par ailleurs de cette loi.
Dans la législation actuelle, l'avortement demeure une exception, il ne peut être systématisé par la pilule du lendemain. Or vous faites désormais de l'exception la règle.
Cette systématisation est dans la ligne du projet de loi de Mme Aubry qui vise à étendre de dix à douze semaines le délai légal d'avortement. Votre rapport le souligne d'ailleurs, madame Mignon, " le faible nombre d'avortements enregistrés aux Pays-Bas est lié à la grande disponibilité, dans ce pays, de la pilule du lendemain ".
Votre détournement sémantique est donc en réalité un raccourci sémantique : vous voulez faire d'une pilule abortive un moyen contraceptif et vous substituez à un principe de précaution un principe de destruction en lançant une véritable guerre chimique contre l'enfant à naître.
Dans l'urgence, vous tuez aussi la conscience. Sans même savoir si l'on est pour ou contre l'avortement, la prise dans l'urgence de cette pilule écarte à jamais des questions que toute jeune femme aurait avantage à se poser. quant à ce que représente un avortement, qui est une blessure pour la femme, et, il faut le dire à cette tribune, la mort d'un enfant.
Comment peut-on encore parler d'éducation - le mot a été très souvent prononcé ici - quand on coupe l'enfant de toute responsabilité ? L'éducation sexuelle dispensée aujourd'hui à l'école consiste à expliquer aux enfants comment ne pas avoir d'enfants. Il faut beaucoup de cynisme à des adultes pour ne pas voir que ce dont a besoin la jeunesse aujourd'hui, c'est d'une éducation affective, une éducation fondée sur le respect de la vie, la construction d'une famille, et non d'une pilule avalée à la hâte, dans l'angoisse et la solitude. Ce dont a besoin la jeunesse, ce n'est pas non plus la mallette pédagogique que M. Lang a appelé " le bonheur d'aimer ", qui est distribuée dans les collèges et les lycées et qui promeut une idéologie de la peur de la vie !
On devrait chercher plutôt à rendre la jeunesse responsable, avant qu'il ne soit trop tard, et à dégager des moyens financiers et matériels en faveur de la sauvegarde de la vie plutôt que d'accroître le budget des solutions de détresse.
Enfin, on ne peut ignorer le problème de santé publique que contient votre proposition
- en permettant à des infirmières, qui ne sont pas des médecins gynécologues, de délivrer cette pilule abortive,
- en écartant de fait l'avis et le suivi médical des mineures,
- en leur permettant d'accéder directement au Norlevo sans ordonnance en pharmacie,...
- en écartant leurs parents de décisions médicales fondamentales.
Le dispositif législatif que vous nous proposez constitue, je le dis avec gravité, un véritable abus de pouvoir intellectuel, moral et politique contre la jeunesse.
Je voterai fermement contre ce texte révoltant.
(Source http://www.assemblee-nationale.gouv.fr, le 17 mai 2002)