Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le rôle et les compétences de la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement, Paris le 15 décembre 1998.

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Circonstance : Installation de la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement, à Paris le 15 décembre 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureuse de vous accueillir ici, à l'occasion de l'installation de la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement.
Pourquoi cette initiative ? L'environnement et, plus largement, la qualité du cadre de vie, prennent de plus en plus d'importance aux yeux de nos concitoyens.
La création, il y a 27 ans, de notre ministère était un premier pas. Depuis, beaucoup a été fait, et la France dispose de nombreux outils pour la protection de l'environnement : lois et règlements, administrations et établissements publics, instruments économiques. Leur mise en uvre combinée représente un atout certain, comme l'a souligné l'OCDE lors de l'examen des performances environnementales de la France en 1996.
Mais, dans le même temps, la demande sociale ne fait que s'amplifier. Les citoyens demandent aux pouvoirs publics des interventions pour maîtriser les nuisances, les pollutions et leurs impacts économiques. Ils attendent également de la transparence, et donc des informations fiables.
Et c'est là une de nos faiblesses. Le volume et la qualité de l'information sur l'environnement sont encore insuffisants, malgré des progrès sensibles. L'Institut français de l'environnement (IFEN), créé en 1991, réalise un travail remarquable et produit des documents pertinents et substantiels.
L'État de l'environnement, dont j'ai présenté récemment la dernière édition, les premières séries des Comptes de l'environnement dans les domaines de la gestion des déchets et des eaux usées, le programme Corine Land Cover sont des outils de première qualité, largement cités. Mais ils portent surtout sur les aspects physiques de l'environnement. Or, à côté de la connaissance de l'état de l'environnement, il y a un champ encore mal connu, c'est la place de l'environnement dans le développement économique et, inversement, l'évaluation des dommages créés par les activités économiques.
La création de la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement prend place dans ce contexte.
Elle répond au besoin d'améliorer le système d'information sur l'économie de l'environnement, reprenant en grande partie des recommandations que Jean-Pierre Brard avait faites en 1995. Ainsi que l'indique le décret de création, " son rôle sera d'assurer le rassemblement, l'analyse et la publication de données et des comptes économiques qui décrivent :

  • les activités, donc les dépenses, de protection et de mise en valeur de l'environnement ;
  • les impacts sur l'environnement des activités des différents secteurs économiques ;
  • les ressources et le patrimoine naturels. "

Dans une perspective de développement durable, les travaux de la commission permettent :

  • d'étudier la contribution des activités environnementales au développement économique et social, et à l'amélioration de la qualité de la vie.
  • et de participer au développement des méthodes de description, d'estimation ainsi que d'analyse coûts-bénéfices.

Par l'amélioration de la qualité des informations économiques sur l'environnement qu'il entraînera, votre travail permettra une plus grande transparence dans les débats et les décisions concernant l'environnement.
La volonté de rassembler les partenaires les plus concernés s'est concrétisée dans l'organisation de cette Commission des comptes et de l'économie de l'environnement.
Madame Nicole Questiaux a accepté d'en être, à mes côtés, la vice-présidente. Je l'en remercie vivement. Dans ses différentes fonctions, ministre de la Solidarité nationale dans le gouvernement de Pierre Mauroy, présidente du Centre d'études des revenus et des coûts, présidente de la section des travaux publics du Conseil d'Etat, elle a manifesté l'importance qu'elle attache aux questions d'intérêt général, en particulier dans le domaine de l'environnement. Je sais qu'elle animera cette commission avec la rigueur nécessaire.
Comme c'est le cas dans les commissions des comptes d'autres départements ministériels, nous avons voulu que les divers secteurs de la société y soient représentés : administrations, entreprises, syndicats de salariés, associations environnementales, associations de consommateurs et, bien sûr, des personnalités connues pour leur compétence et leur engagement dans les questions environnementales. Je tiens à vous remercier, vous tous ici présents, de contribuer, par votre participation, à l'intérêt des travaux de la Commission.
Vous aurez à travailler dans deux directions.
La première catégorie de travaux qui sont soumis à votre approbation concerne les comptes eux-mêmes. Le système mis au point pour l'environnement est articulé avec celui de la comptabilité nationale. Sa mise en uvre a été confiée à l'IFEN, qui joue là pleinement son rôle de service statistique du ministère chargé de l'Environnement.
Les méthodes utilisées en France par l'IFEN ont été développées en concertation avec les autres pays de l'Union européenne. Elles sont conformes au Système européen d'enregistrement de l'information économique sur l'environnement, (SERIEE), permettant ainsi des comparaisons internationales fiables.
Les comptes présentés aujourd'hui ne couvrent actuellement qu'une partie de la dépense de protection de l'environnement : pour l'essentiel, celle qui se rapporte à la gestion des eaux usées et des déchets. Les autres domaines de la dépense font l'objet d'estimations encore relativement fragiles.
En les soumettant à votre approbation, j'entends créer les conditions d'un débat, à partir de données quantifiées et objectives, pour aboutir, si possible, à un consensus sur les moyens que consacrent à la protection de l'environnement les différents agents économiques, en particulier les collectivités locales, mais aussi les entreprises et les ménages.
Des développements de ces comptes sont d'ores et déjà envisagés. Ils portent sur les domaines de l'air, du bruit, de la biodiversité et des paysages. D'autres pourraient être imaginés. Ces travaux vous seront présentés au fur et à mesure de leur réalisation.
Vous le voyez, une tâche immense est à accomplir. J'attends de votre part des indications pour fixer les priorités et les orientations à moyen terme de ce chantier, qui va nous occuper au cours des prochaines années.
Le deuxième ensemble de travaux qui vous est soumis apporte des éclairages complémentaires des comptes. Tous les sujets ne relèvent pas, en effet, de l'approche comptable. Grâce aux études et aux recherches en économie de l'environnement que mon ministère soutient, nous disposons d'informations spécifiques sur des sujets importants, en raison des enjeux économiques et sociaux auxquels ils sont associés.

Aux cours des années précédentes, les " données économiques de l'environnement ", publiées régulièrement, ont abordé les sujets suivants :

  • la conjoncture éco-industrielle, dont les principales tendances sont reprises dans le rapport que vous avez reçu ;
  • le comportement des entreprises, notamment sur les marchés internationaux ;
  • la contribution des activités environnementales à l'emploi ;
  • la fiscalité environnementale ;
  • les effets sur l'environnement des activités économiques ;
  • et, enfin, l'évaluation économique des risques naturels et technologiques.

Je désire que cette démarche soit maintenue, et même étendue.
Nous avons des progrès à réaliser : il nous faut admettre que l'économie de l'environnement reste un domaine encore assez mal connu. Par exemple,

  • on ne dispose pas d'estimations globales sur les dommages subis par l'environnement dans notre pays ;
  • la valorisation des actifs naturels est encore embryonnaire ;
  • les coûts des dommages sanitaires dus à la pollution atmosphérique ne sont pas entièrement estimés.

Je vous demande de nous aider à approfondir nos connaissances. Notre objectif est de disposer, à terme, des moyens (information, outils d'analyses et résultats d'études) permettant d'améliorer la prise en compte et l'intégration des facteurs environnementaux dans les stratégies des entreprises, des administrations, des ménages, c'est l'une des conditions du développement durable.

C'est dans cette perspective, comme vous le verrez dans la suite de cette réunion, que le programme de travail que nous vous proposons contient la réalisation, en 1999, de dossiers sur des thèmes que je juge particulièrement importants :

  • Le premier dossier porte sur les ressources en eau. Ceci suppose l'établissement de comptes spécifiques, le développement de nos connaissances, et la mise au point d'indicateurs spécifiques, notamment sur la qualité des services.
  • Le deuxième concerne la lutte contre l'effet de serre qui fait l'objet de négociations internationales longues et difficiles. Dans cette optique, nous devons nous doter d'instruments fiables de suivi des émissions, et d'outils d'évaluation des effets économiques des mesures qui seront prises pour respecter les accords internationaux.

Je terminerai en rappelant de nouveau toute l'importance que j'attache à la diffusion d'une information économique de qualité sur l'environnement. C'est une condition du débat démocratique. Votre travail doit favoriser ce développement, aussi bien dans le domaine des comptes que dans celui de l'étude du comportement des acteurs économiques vis-à-vis de l'environnement. Vous vous pencherez sur les résultats des travaux qui vous seront soumis, vous en tirerez les enseignements et proposerez des orientations pour des travaux ultérieurs.
En créant la Commission des comptes et de l'économie de l'environnement et en entrant ainsi dans le cercle très restreint des départements ministériels établissant de tels comptes, mon ministère joue comme eux le jeu de la transparence et du débat démocratique. La mission qui lui est spécifique, et que je vous demande de m'aider à remplir, est de mettre cette ambition de transparence et de débat au service de la stratégie de développement durable de notre pays.
Je vous remercie de votre participation. Je prendrai très régulièrement, et avec beaucoup d'attention et d'intérêt, connaissance de vos travaux.

(source http://www.environnement.gouv.fr, le 19 septembre 2001)