Conférence de presse de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la réforme des aides à l'accession à la propriété et la sécurisation des accédants, Paris le 6 septembre 1995.

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Circonstance : Conférence de presse de MM. Alain Juppé et Pierre-André Périssol sur les mesures du gouvernement en matière de logement

Texte intégral

La réforme des aides à l'accession à la propriété est la concrétisation d'un engagement du Président de la République. J'en avais annoncé les principes dans la déclaration de politique générale du gouvernement.
Avant de répondre à vos questions j'exposerai rapidement le pourquoi de cette réforme et son contenu.
I - Pourquoi une réforme des aides à l'accession à la propriété ?
Pour favoriser l'accession à la propriété et parce qu'il n'était possible de le faire de manière efficace qu'en réformant les aides actuelles, qui s'étaient trop souvent juxtaposées au cours du temps sans cohérence véritable.
1) Favoriser l'accession à la propriété permet en effet de relancer une dynamique sociale dans notre pays.
- C'est un objectif politique majeur car accéder à la propriété a toujours été et reste un désir profond des Français et un puissant ressort de promotion sociale.
- C'est aussi un objectif de solidarité car l'accession à la propriété doit libérer des places dans les logements HLM, qui doivent être réservés à ceux qui en ont le plus besoin.
2) Pour relancer l'accession à la propriété, il fallait réformer le système actuel d'aides, afin de le rendre plus efficace, car plus lisible, et surtout plus juste, en adaptant le niveau de l'aide aux revenus des accédants et en en facilitant l'accès. Il ne s'agit donc ni de la simple création d'une nouvelle aide, ni de crédits supplémentaires sur des aides existantes mais d'une réforme qui consiste à supprimer un certain nombre de dispositions existantes et à créer 2 nouveaux dispositifs : un prêt à taux zéro et un dispositif de sécurisation des emprunteurs.
Sont donc supprimés les PAP et les deux avantages fiscaux qui leur étaient associés : la TVA au taux réduit sur les terrains à bâtir et l'exonération de taxe foncière pendant 10 ans au lieu de 2 ans normalement pour une construction neuve. De plus, l'accédant devra choisir entre le nouveau prêt à taux zéro et la réduction d'impôts pour intérêts d'emprunt, selon sa situation personnelle : il est clair que, sous les plafonds de ressources, il aura presque toujours intérêt à choisir le prêt à taux zéro.
En revanche, et pour bien souligner le souci du gouvernement de faire de l'accession à la propriété un véritable choix dans toutes les couches de la population, les ménages modestes pourront cumuler cette nouvelle aide avec l'aide personnalisée au logement, l'APL-accession.
Je vais maintenant vous décrire brièvement le contenu des deux dispositifs créés.
II - La description du prêt à taux zéro tient en 4 questions : qui a droit à la nouvelle aide ? quel est le montant du prêt ? comment est remboursé ce prêt ? et enfin comment accéder à l'aide ?
a) Qui a droit à cette nouvelle aide ?
- Les ménages qui achèteront à titre de résidence principale un logement neuf ou un logement ancien avec au moins 35 % de travaux,
- et qui disposeront d'un revenu inférieur à un plafond. Ce plafond dépend de la taille de la famille et de la zone géographique. A titre d'exemple ce plafond sera de 4 SMIC (soit environ 20 000 F par mois) pour un couple sans enfants en province, de 5,5 SMIC (soit environ 27 500 F par mois pour un couple avec 2 enfants en Île-de-France)
b) Quel est le montant du prêt ?
Le montant du prêt est limité à 20 % du montant de l'opération et au tiers de l'endettement total de l'accédant sur l'opération d'acquisition, dans la limite de montants maximaux.
Le montant maximum du prêt à taux zéro est en moyenne de 120 000 F. Il variera entre 70 000 et 180 000 F selon la taille de la famille et la zone géographique.
c) Comment sera emboursé le prêt à taux zéro ?
En fonction des revenus des accédants : plus les accédants seront modestes, plus ils disposeront de temps pour rembourser l'avance qui leur aura été faite, donc plus l'aide de l'État sera importante.
A titre d'exemple :
- pour les ménages dont les revenus sont inférieurs à 2 SMIC (soit 10 000 F par mois), la durée du prêt sera de l'ordre de 20 ans, avec un différé supérieur à 15 ans pour en permettre le remboursement après le remboursement du prêt principal, ce qui est puissamment solvabilisateur,
- pour les ménages dont les revenus sont de l'ordre de 3,5 SMIC (soit 17 500 F par mois), la durée du prêt à taux zéro ne sera plus que de l'ordre de 14 ans, sans différé.
d) Comment accéder à l'aide ?
Par rapport au dispositif actuel, l'accès à l'aide est facilité par 2 dispositions :
- la banalisation de sa distribution : les prêts à taux zéro seront accessibles dans tous les établissements de crédit qui auront signé une convention avec l'État pour distribuer cette aide, suite à une consultation actuellement en cours.
- le décontingentement de l'aide : c'est-à-dire que le nombre d'aides distribuées ne sera pas limité en nombre, comme cela était le cas avec les PAP.
Cette nouvelle aide répond-elle aux objectifs que nous nous étions fixés d'efficacité et de justice ? Je crois sincèrement que oui.
- elle est plus efficace car elle est plus lisible pour tous les ménages : une seule aide en remplace 4 pour les accédants concernés par ce nouveau dispositif,
- elle est plus efficace car elle est plus solvabilisatrice pour les ménages modestes, grâce à la durée importante du prêt à taux zéro, qui permet de diminuer le taux d'effort des accédants. Les comparaisons que vous trouverez dans le dossier de presse vous montreront que la nouvelle aide permet de diminuer de 1,5 à 2,5 point ce taux d'effort (soit de 200 à 500 francs d'allègement sur les mensualités) par rapport au système actuel du PAP et de ses avantages fiscaux. La diminution du taux d'effort sera de plus quatre points (soit de 600 à 900 francs d'allègement sur les mensualités) pour les ménages qui n'avaient pas accès au PAP du fait du contingentement, c'est-à-dire en pratique la moitié des ménages modestes qui y étaient pourtant éligibles,
- enfin et surtout elle est plus juste, d'abord en étant accessible, comme je le disais à l'instant, à tous les ménages modestes grâce au décontingentement, ensuite en étant modulée en fonction du revenu des accédants, alors que le PAP et ses avantages fiscaux était plutôt un système de tout ou rien - toute l'aide avant un plafond de ressources, rien au-delà - qui ne permettait donc pas d'aider davantage les plus modestes des ménages éligibles.
Le gouvernement attend de cette réforme une relance de l'accession sociale à la propriété. Le nombre d'accédants qui bénéficieront du prêt à taux zéro dépendra bien sûr chaque année des conditions économiques générales et surtout du niveau des taux d'intérêt. D'après nos prévisions, le prêt à taux zéro devrait concerner environ 120 000 ménages en 1996.
Le projet de loi de finances pour 1996 inscrira au titre de cette nouvelle aide 7,8 MdF.
III -Le second volet de la réforme est le dispositif de sécurisation.
De nombreux ménages, et surtout les plus modestes, hésitent aujourd'hui à acheter un logement par crainte du chômage.
C'est pourquoi le second volet de la réforme est un mécanisme de sécurisation, indépendant du prêt à taux zéro mais complémentaire.
Le mécanisme retenu est très simple : en cas de chômage prolongé, à partir du même mois de chômage indemnisé, les mensualités de l'accédant seront réduites d'un tiers pendant une période donnée de (15 mois). Les sommes ainsi économisées seront remboursées sans intérêts après tous les autres prêts liés à l'acquisition de la résidence principale.
Ce mécanisme sera accessible à tous les ménages modestes accédants avec un prêt d'accession sociale (PAS), dans le neuf comme dans l'ancien.