Texte intégral
Mesdames et Messieurs, chers amis. Ce matin à Bordeaux, il faisait gris, je suis donc particulièrement heureux d'être ici sous le soleil à Antibes, et je remercie le Premier magistrat de cette cité, notre ami Jean Leonetti de son accueil si chaleureux. On peut l'applaudir ! Merci aussi à son prédécesseur, Pierre Merly, qui est toujours le député de cette circonscription et dont nous connaissons l'expérience et le souci de l'harmonie entre les forces politiques de ce département. L'occasion qui m'est donnée de m'exprimer aujourd'hui devant vous est fournie par cette première université de la rentrée et je voudrais saluer votre sens aigu de l'actualité et de l'opportunité, vous les avez placées à un moment qui suscite l'intérêt. Je ne sais pas si c'était programmé, mais ça se trouve comme ça. Je voudrais surtout saluer l'originalité de la démarche puisque je viens de l'entendre, cette rencontre est une rencontre de trois des grandes composantes de l'UDF, le Parti Radical et je salue André Rossinot, Yves Galland, les Adhérents directs, je viens d'entendre avec beaucoup d'intérêt Pierre-André Wiltzer et, bien sûr, le Parti Social Démocrate d'André Santini. En tant que chef de la majorité, je me réjouis de tout ce qui peut renforcer le dialogue et la cohésion en son sein, et je le dis avec beaucoup de sincérité, je souhaite effectivement que l'UDF soit forte. Il ne m'appartient pas de m'immiscer dans vos travaux intérieurs pour savoir si l'initiative que vous prenez va dans ce sens, mais enfin je le pense, qu'elle soit forte, comme le RPR doit être fort, si vous me passez cette petite pointe d'ironie presque aussi forte. On pardonnera au président par intérim du RPR. Je voudrais surtout aujourd'hui, et au risque de surprendre peut-être, ne pas m'attarder trop longtemps sur l'actualité des dernières 48 heures. Qu'en dire ? Eh bien tout simplement qu'un gouvernement n'est pas un club de réflexion où chacun peut jouer sa petite musique. Il y a une partition, il y a un chef d'orchestre, c'est la règle démocratique et républicaine, pour ma part, je l'ai observée en d'autres temps quand j'étais ministre et, bien entendu, à mon poste, je la ferai respecter à l'avenir. Je garde à Alain Madelin, cela va de soi, toute mon amitié personnelle, mais l'action gouvernementale n'est pas affaire sentimentale. Parlons plutôt donc de l'action, de l'action d'aujourd'hui, de l'action de demain. Je voudrais profiter de ma présence devant vous pour redire très clairement quels sont mes plans. Jacques Chirac, il y a trois mois environ, a été élu par les Françaises et les Français pour conduire le changement. Vous vous en souvenez, ça en a été le thème permanent de sa campagne. Et en me nommant Premier ministre, il m'a chargé, à la tête du gouvernement, de mettre en uvre ce changement. C'est ma volonté. Rien ne m'en détournera aussi longtemps que j'aurai, comme c'est le cas aujourd'hui, la confiance du président de la République qu'il a qualifiée de "sans réserve" à l'occasion du dernier Conseil des ministres et la confiance de la majorité parlementaire qui me l'a donnée en approuvant ma déclaration de politique générale du 23 mai dernier. Cette déclaration n'était pas un exercice de style, ce n'était pas un discours, c'était un contrat et cela reste un contrat qui lie le gouvernement et sa majorité pour conduire, je le répète, le changement. Mais quel changement ? On parle beaucoup du changement, tout le monde aujourd'hui a à la bouche le changement. Cette étiquette peut revêtir des marchandises fort diverses. Pour Jacques Chirac, l'objectif du changement est clair, c'est de restaurer, je crois que le mot est celui qui convient, la cohésion sociale et le pacte républicain dans notre pays, parce que cette cohésion, nous l'avons vu au fil des années, est menacée par ce que le président de la République a appelé "la fracture sociale". Il nous faut donc aujourd'hui des réformes, des réformes justes, des réformes comprises par tous pour pouvoir être acceptées, souvenez-vous là-aussi un des thèmes forts de la campagne de Jacques Chirac, "La France pour tous". Changer, ce n'est donc pas dresser les unes contre les autres différentes catégories de Français, les fonctionnaires contre les salariés du secteur privé, les actifs contre les inactifs, les jeunes contre les vieux ou les patrons contre les syndicats. C'est s'attaquer aux privilèges et aux injustices, c'est demander aux plus favorisés d'aider ceux qui le sont moins, c'est encourager toutes les forces vives de la nation à se rassembler et non pas à se dénigrer mutuellement. C'est en tout cas dans cet esprit que je conçois la politique de changement et de réforme. Il faut aussi pour la réussir choisir les bonnes priorités et la bonne méthode. Sur les priorités, j'ai été clair dès ma déclaration de politique générale. Je l'ai dit, priorité des priorités, objectif numéro 1 de mon gouvernement, sur lequel j'ai dit que je demandais à être jugé le moment venu, c'est l'emploi parce que tout découle de là. Je présidais récemment une réunion de ministres sur les questions d'intégration urbaine et de lutte contre l'exclusion et les ministres compétents me disaient "au fond quand on y réfléchit, la source profonde, la cause profonde du malaise de ce qu'on appelle des banlieues, elle est bien là, c'est dans l'inactivité, l'inactivité parfois de familles entières dont le chef de famille et les enfants n'ont pas de travail". Et ceci conduit à toutes les dérives que nous connaissons et je pourrais multiplier les exemples. C'est donc bien l'emploi qui doit être au cur de la politique du changement. Et pour cela, j'ai adopté une stratégie qui a un peu surpris, parce que ce qu'on aime en France c'est les idées toutes faites, les étiquettes, les catégories. Alors il y avait " l'autre politique " et puis j'imagine " l'une politique ", enfin on ne dit pas comme ça, mais presque. Eh bien, moi j'ai affirmé très fortement - et je continuerai à le faire - que la lutte contre le chômage et la lutte contre les déficits, c'est le seul et le même combat. Parce que lutter contre le chômage, c'est contribuer petit à petit à rééquilibrer les comptes publics et nous en avons besoin, dans le même temps, lutter contre les déficits, on le voit, nous avons commencé de le faire. C'est favoriser le cercle vertueux de la baisse des taux d'intérêts et de la reprise de la croissance et donc travailler là aussi pour l'emploi. Je n'en sortirai pas. Lutte contre les déficits, lutte contre le chômage, il n'y a pas à choisir entre les deux, il faut mener ensemble ces deux combats. Quant à la méthode du changement, puisque l'objectif est ainsi clairement défini, j'ai la mienne. Ce n'est pas la précipitation. Ce n'est pas l'agitation. C'est le dialogue, la concertation, la pédagogie, oui, c'est peut-être une séquelle de mes anciennes fonctions professorales, exercées pendant peu de temps d'ailleurs, je crois à la pédagogie. Et une fois qu'on a décidé, bien entendu, il ne faut plus reculer. Il faut se tenir à ce qu'on a décidé avec ténacité. Certes il faut de l'audace, mais il faut aussi de la cohérence. Certes il faut de l'ardeur, mais il faut aussi de la maîtrise. Certes il faut de l'enthousiasme, mais il faut aussi de la ténacité. Certes il faut de l'ambition, mais il faut aussi, et André Santini a eu raison le dire, de l'humilité parfois. Certes il faut de l'imagination, mais il faut aussi du pragmatisme. Voilà en tout cas mon credo. Voilà ma philosophie du changement, on peut toujours en imaginer d'autres, bien entendu. Mais avec moi, ce sera celle-là. Alors ce changement, tel que je viens d'essayer de le définir, nous l'avons engagé depuis maintenant trois mois. Et même en faisant la part de la polémique qui est après tout dans le tempérament gaulois et dans le jeu de la politique, j'avoue que j'ai un peu de mal à comprendre ici ou là, qu'on me taxe d'avoir perdu du temps. Jacques Chirac avait promis, c'était un de ses engagements phares, souvenons-nous en, de la campagne électorale, d'instituer un nouvel instrument très puissant de lutte contre le chômage, c'est ce qu'il avait appelé "le contrat initiative emploi", je ne vous en rappelle pas la définition. Il fonctionne depuis le 1er juillet. Plusieurs milliers de bénéficiaires sont déjà titulaires d'un contrat initiative emploi en moins de trois mois. Jacques Chirac avait promis des allégements de charges sur les petites et les moyennes entreprises parce qu'il considère, à juste titre, que c'est là que sont les gisements d'emplois. Il avait promis aussi de faciliter leur accès au crédit, c'est fait. Des mesures précises, importantes ont été prises dans la Loi de Finance rectificative qui a été votée par le Parlement en juillet. Nous avions promis, vous vous en souvenez à la télévision le débat Jospin / Chirac, de relever le SMIC et le minimum vieillesse, et nous avions même dit deux fois le minimum légal. On a fait plus : 4 % au 1er juillet. Il y avait bien longtemps qu'un tel coup de pouce n'avait pas été donné. Nous avions promis, Jacques Chirac avait promis, des mesures en faveur des familles, et si nous n'avions pas fait voter la Loi de Finance rectificative que nous avons fait voter, l'allocation de rentrée scolaire que les familles sont en train de toucher en ce moment même ne serait pas triplée parce que ce n'était pas prévu. C'est mon gouvernement qui la triplée. Nous avions promis des logements d'urgence pour l'hiver et nous avons mis en place un plan chiffré de 10 000 logements pour l'hiver. Nous sommes en train d'ailleurs de les recenser commune par commune. Je l'ai dit et ce sera fait. Si ceux qui détiennent des locaux vacants, je pense aux grands investisseurs institutionnels comme on dit, les banques, les compagnies d'assurance, ne nous aident pas à dégager ces locaux vacants pour y faire des logements d'accueil de ceux qui ne peuvent pas décemment dans une société comme la société française rester à la rue, au mois de décembre prochain, ni d'ailleurs quel que soit le mois de l'année, eh bien nous réquisitionnerons ces locaux vacants, bien entendu. Jacques Chirac avait enfin - je ne veux pas faire une liste exhaustive de tout ce qui a déjà été fait - promis une révision constitutionnelle, non pas pour le plaisir de changer la constitution mais pour y apporter un plus de démocratie, avec l'élargissement du champ d'application du référendum et puis de meilleurs moyens de contrôle du parlement. Eh bien, c'est fait. Cette révision constitutionnelle dont on nous a dit tout au long du mois de juillet qu'elle n'aboutirait pas, qu'elle donnait lieu à des conflits internes à la majorité, elle est faite, et elle va d'ailleurs entrer en application dès le mois d'octobre puisque le parlement, messieurs les parlementaires, il y en a beaucoup ici, présidents de groupe, parlementaires vont rentrer pour neuf mois, et non pas pour trois. La réforme est faite. Enfin, nous avions dit "il faut marquer un coût d'arrêt aux déficits publics parce que la dérive des finances publiques est calamiteuse", je reprends le mot que j'avais employé, eh bien grâce à la Loi de Finance rectificative que j'ai moi-même arbitrée et qui a été votée, nous nous sommes engagés dans cette voie. On en a vu la conséquence sur la bonne tenue de la monnaie et sur la baisse régulière des taux d'intérêts. Il y avait trois points de différence entre les taux d'intérêts allemands à court terme quand nous sommes arrivés, il n'y en a plus qu'un. Ca marche. Certes la France, aujourd'hui, est moralement et matériellement affaiblie par la fracture sociale que j'évoquais tout à l'heure, mais son économie reste puissante et elle avance dans la bonne direction. Ce changement-là va continuer et il va s'amplifier car je tiendrai mon cap. Je continuerai à faire le boulot et les Français peuvent être sûrs qu'il y aura un pilote dans l'avion du gouvernement. A Brégançon, le Président de la République a approuvé les différentes étapes de l'action réformatrice des prochains mois que je lui ai soumise. Et au premier Conseil des ministres, c'était il n'y a pas longtemps, mercredi dernier, j'ai indiqué au gouvernement, très précisément, ce que seraient ces étapes. Je les rappelle pour les mois de septembre et d'octobre qui viennent. Nous allons rendre publique d'ici quelques jours, l'une des grandes réformes annoncées par Jacques Chirac, qui est la réforme de l'accession à la propriété de la résidence principale, ambition de la grande majorité des Français. Et nous ferons ce que nous avions dit. Je ne rentre pas ici dans les détails, ce sera bien la réforme annoncée par Jacques Chirac pendant sa campagne. Un peu plus tard, mais toujours au mois de septembre, j'annoncerai la mise en place de la prestation autonomie qui contribuera au développement des emplois de proximité. Qu'est-ce que c'est que la prestation autonomie ? Ce sera un système qui permettra aux personnes âgées qui sont à domicile mais qui ont besoin qu'on les aide, de bénéficier grâce à l'aide de l'État, d'une aide à domicile qui leur rendra la vie quotidienne plus facile. Ce sera fait, et fait comme annoncé, et en septembre. En septembre toujours, j'installerai une commission présidée par monsieur Fauroux qui va s'engager dans la préparation du grand débat sur l'Éducation nationale que j'avais annoncé. Et ce sera pour moi le moment d'insister sur quelques-unes des grandes priorités qui sont les miennes dans ce secteur, comme elles sont les priorités de François Bayrou avec lequel je prépare, bien entendu, très étroitement tout cela. Je ne veux pas ici trop retarder l'heure de la visite à la mairie, monsieur le Maire. Sans entrer dans le détail, je soulignerai simplement un point auquel je crois très profondément, c'est que, parce que tout ceci est toujours conçu avec la même idée "lutter contre le chômage", je crois que l'une des causes profondes du chômage, c'est l'incapacité dans notre système éducatif à insérer nos jeunes dans la vie de travail. Et nous en avons la démonstration à chaque rentrée universitaire où on voit se précipiter dans des formations embouteillées des jeunes qui n'ont d'autres perspectives que l'Agence Nationale pour l'Emploi au bout de deux ou trois ans. Si nous ne changeons pas cela, nous aurons toujours d'ici quelques années un jeune sur quatre au chômage. Il faut donc entre Bac-2 et Bac+2, si je puis dire, changer profondément le système d'orientation, le système de formation, diversifier les filières du premier cycle pour les mettre davantage en relation avec la vie de travail et avec la réalité de l'entreprise. Voilà une grande réforme, on ne la fera pas en huit jour mais on la fera en trois ans, ou en quatre ans ! Dans la foulée, le 14 septembre, je réunirai tout mon gouvernement pour un séminaire de travail sur la réforme de l'État, pas pour bavarder sur la réforme administrative, mais pour donner des orientations précises avec un double objectif : efficacité de l'État, proximité de l'État sur le terrain. Je parlais tout à l'heure des quartiers en difficultés, de ma dernière réunion de travail avec les ministres compétents qui me disaient "la vraie politique de la ville c'est la politique de l'emploi, mais c'est aussi la politique du retour de l'État dans ces quartiers où la présence de l'État n'existe plus". Il faudra que nous prenions, là-aussi, les moyens en redistribuant ce qui est dans les administrations centrales et qui est souvent trop pesant vers le terrain. Puis au mois d'octobre ce sera le moment du programme national d'insertion urbaine et de la loi cadre contre l'exclusion que j'ai annoncée également. Cela se passera un peu par hasard à Bordeaux. Une grande rencontre avec les PME, les PMI et l'artisanat pour compléter le plan que nous avons amorcé dans la Loi de Finance rectificative de cet été. Et enfin le statut de l'étudiant. Voilà quelques-unes des grandes réformes des deux ou trois prochains mois, pour réformer il faut travailler, ça fait trois mois qu'on travaille. Et sur tous ces sujets, les ministres ont reçu des orientations, j'ai tenu des réunions de cadrage et cela progresse. Je voudrais insister encore sur deux temps forts de ce travail de réforme qui nous attend dans les prochains mois. D'abord bien sûr, la Loi de Finance pour 1996 qui sera soumise au Conseil des ministres le 20 septembre prochain. Ça n'a pas été facile de la mettre au point et je m'y suis personnellement investi en tenant les réunions d'arbitrage nécessaires entre les ministres concernés, comme il se doit. J'ai voulu que l'argent du contribuable soit utilisé avec le plus de rigueur possible de façon à ce que nous puissions maîtriser l'évolution des dépenses, et donc réduire les déficits. Mais j'ai voulu aussi marquer des priorités. Et les priorités, ce sera l'emploi, la sécurité, la justice, la culture puisque pour la première fois la culture aura des crédits qui représenteront 1 % du Budget général de l'État, nouvel engagement de Jacques Chirac tenu. Le deuxième temps fort après la Loi de Finance, ce sera le débat social de novembre que j'ai décidé d'organiser. Vous savez que la loi prévoit désormais qu'en novembre il y a un débat sur les comptes sociaux. Je veux en faire cette année une réflexion approfondie et ambitieuse sur notre système de protection sociale et sur son avenir. Pas simplement pour parler des déficits, bien sûr, il faut parler des déficits. Mais pour poser aussi quelques questions de fond. Est-ce que ce système est vraiment juste, vraiment équitable ? On peut se poser des questions. Il faut bien les poser, aucune question n'est tabou. Je prends un seul exemple. Tous les Français sont-ils égaux devant la retraite ? Sans doute pas. Cela mérite que l'on regarde cela de près mais c'est une question que j'ai bien l'intention de poser, à ma façon et à mon rythme. Deuxième question dans ce débat social. Est-ce que notre protection sociale est financée de manière efficace du point de vue de l'emploi ? Qu'est-ce que je veux dire par là ? Est-ce que, en finançant notre protection sociale essentiellement par des cotisations sociales qui pèsent sur les salaires, d'une certaine manière on ne tue pas l'emploi, et notamment l'emploi dans les PME, PMI ? Nous sommes pratiquement les seuls en Europe à faire comme cela. Mais est-ce qu'il ne faut pas que cela évolue, ce système ? Ce qui veut dire qu'il y a un lien étroit entre cette réflexion et la refonte de notre fiscalité qui ne saurait évidemment se résumer à la baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu. C'est beaucoup plus complexe que cela et cela prendra plus de temps. Enfin, toujours sur l'avenir de la protection sociale, je disais, est-elle juste ? Est-elle efficace du point de vue de l'emploi ? Est-elle efficace du point de vue de l'exclusion ? Cela ne mérite même pas de poser la question, on voit le résultat : fracture sociale, croissance de l'exclusion. Nous nous flattons d'avoir le meilleur système de protection sociale du monde et il n'empêche pas l'exclusion. Il y a donc bien quelque chose qui ne va pas. Est-ce qu'en particulier nous sommes capables d'insérer les RMIstes dans le processus social ? Non. Il faut bien le changer. Est-ce qu'on n'a pas monté un système qui est en réalité plus un système d'assistance qu'un système d'insertion ? Est-ce que cela ne mérite pas de poser les questions ? Pourquoi notre système de couverture sociale laisse-t-il de côté un grand nombre d'exclus alors que nous avons vingt fois généralisé la sécurité sociale. Il y a eu des lois de généralisation de la sécurité sociale. Elle n'est pas généralisée, il faut donc se poser la question. Voilà quelques questions que je n'hésite pas, vous le voyez, à aborder et je m'y suis préparé depuis longtemps. Un mot précisément sur le calendrier, j'ai engagé ce processus de réflexion depuis plusieurs semaines. J'ai déjà tenu plusieurs réunions de ministres compétents sur ce sujet et je leur ai passé des commandes, si je puis dire. Nous avons d'ailleurs rendez-vous la semaine prochaine pour regarder le résultat de leurs travaux. Le 4 et le 5 septembre, j'entreprendrai, c'est déjà inscrit sur mon agenda, des concertations avec les partenaires sociaux pour aborder avec eux ces problèmes et voir comment on peut, non pas provoquer des blocages, mais ouvrir un débat. Le 20 septembre, je m'exprimerai devant tous les parlementaires, députés et sénateurs de la majorité que j'ai invités à venir à Paris. Je leur exposerai les grandes lignes de la Loi de Finance pour 1996 et je leur parlerai de ce débat social qui nous permettra ensuite, entre le 20 septembre et le mois de novembre, d'ouvrir précisément le débat national que j'évoquais avec tous ceux du terrain. Je parlais des partenaires sociaux, mais il y aussi les associations, il y a tous ceux qui vivent au contact de ces difficultés et qui peuvent nous apporter des réponses à ces questions : pourquoi notre système de protection sociale n'élimine-t-il pas l'exclusion ? Et ainsi de suite. Dans la première quinzaine du mois de novembre, il y aura un débat au Parlement et je le conduirai moi-même. Et puis en décembre, sur cette base là, nous prendrons les décisions d'application immédiate pour 1996 qui, bien sûr, devront s'articuler avec des projets à moyen terme. André Santini m'a conjuré de ne pas parler de 1998, mais enfin, j'y pense aussi. Il y a là trois ans devant nous qui sont trois ans d'action réformatrice du gouvernement avec des projets qui prendront du temps, comme la réforme fiscale que j'ai évoquée, ou la réforme hospitalière. Voilà donc mes chers amis, mes intentions. Elles sont habitées par une volonté forte de changement, par un refus de l'improvisation et de l'agitation, par le souci de la méthode, de la pédagogie, de la continuité. Et je crois que nous avons beaucoup d'atouts pour réussir. Le premier de ces atouts, c'est la symbiose, la communauté de pensée avec le président de la République. Le deuxième atout, c'est la confiance de la majorité parlementaire qui aura l'occasion de s'exprimer par des votes nombreux au cours de la prochaine session sur la Loi de Finance, sur le débat social. Et puis nous avons aussi l'attente des Français. Une attente profonde. On dit qu'elle est déçue. Les Français ont trop de bon sens pour s'imaginer qu'en 100 jours on change la face du monde et la face de la France. Ils veulent que cela change, ils nous font parfaitement crédit sur le temps. Et toutes les enquêtes d'opinion dont nous disposons montrent que nos concitoyens savent que c'est dans un an, un an et demi qu'on pourra commencer à dire que cela marche ou cela ne marche pas, pas dans l'ébullition actuelle. Attente de justice et de solidarité. Il ne faut pas se payer de mots, à ce propos, cela veut dire que ceux qui sont les plus favorisés devront faire des efforts supplémentaires en faveur de ceux qui le sont moins. C'est cela la solidarité, c'est souvent un concept mais il faut que cela devienne une réalité. Attente aussi de cohésion et d'unité nationale. Je ne veux polémiquer avec personne, j'assumerai ma tâche avec sérénité mais ténacité. N'oublions pas que nous sommes aussi confrontés à des défis qui exigent de nous du courage, de la hauteur de vue, la cohésion nationale. Je pense par exemple au terrorisme, dont la menace, on vient de le voir dans les dernières 24 heures, demeure pressante sur notre pays. Les Français savent toujours, en de telles circonstances, faire preuve de sang froid et manifester leur sens de l'union nationale. Messieurs les Présidents - en processus de fusion - Mesdames et Messieurs, chers amis, faut-il rappeler ici devant vous, que dès la première heure, j'ai cru en Jacques Chirac ? J'ai ressenti au fond de moi-même que le besoin de changement et de justice qu'il exprimait, correspondait à l'attente profonde des Français et je crois l'avoir aidé de toutes mes forces pendant sa campagne. Ceux d'entre vous qui à l'origine avaient pu faire des choix différents, nous ont rejoints avec conviction et enthousiasme et mon cher André, je n'ai pas oublié effectivement, notre rencontre du 26 avril. Nous nous sommes retrouvés au coude à coude pour gagner. Un septennat commence, commence tout juste. La France que nous aimons, je lisais récemment dans les colonnes d'un journal, "Mais qui est Juppé ?" Je ne me pose pas cette question tous les matins en me rasant, mais enfin je suis très honoré qu'on se la pose sur moi. Moi je suis un Français tout simplement, et j'aime mon pays, je me sens profondément patriote et je vois cette France avec beaucoup de forces et beaucoup de faiblesses en même temps. Je sais qu'elle doit changer et je sais qu'elle veut changer. Mais elle ne veut pas changer dans la brutalité. Elle veut changer dans l'harmonie. Elle a connu dans son histoire des secousses brutales qui au total l'ont affaiblie. Et puis elle a connu des périodes de transformation profonde et harmonieuse qui l'ont grandie. Je sais, mes chers amis du pôle réformiste, où vous porte votre tempérament, faisons ensemble du septennat de Jacques Chirac qui commence une période de changement profond de la cohésion nationale et dans l'harmonie sociale.