Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur l'application de "l'accord sur l'avenir de Mayotte", le développement économique et social et le futur avant projet de loi statutaire de l'île, Paris le 13 novembre 2000.

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Circonstance : Réunion du Comité de suivi de "l'accord sur l'avenir de Mayotte" à Paris le 13 novembre 2000

Texte intégral

Monsieur le député,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le président du conseil général,
Messieurs,
Lorsque j'avais ouvert le 6 septembre 2000 la première réunion du comité de suivi, je vous avais indiqué combien j'étais heureux de consacrer à Mayotte les premières véritables heures de travail dans mes nouvelles fonctions. La volonté de sortir votre collectivité du provisoire, de contribuer au développement de l'île et de renforcer sa place dans la République me paraissaient des objectifs exaltants et dignes d'une mobilisation très forte.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment que cette mobilisation a eu lieu, que ce soit du côté des élus ou des services de l'Etat, et qu'elle a porté ses fruits. Songeons au chemin qui a été parcouru : il y a seulement quatre mois que " L'accord sur l'avenir de Mayotte " a été approuvé et notre première réunion de travail date d'il y a deux mois.
Cette mobilisation a été large : et puisque vous l'avez vous-même souligné, vous me permettrez de dire qu'à Paris, les services du secrétariat d'Etat ont, dans le calendrier tendu du vote de la loi d'orientation pour l'outre-mer, fourni un excellent travail et ont su faire preuve d'une grande écoute, notamment lors des trois réunions du comité de suivi. A Mayotte, la concertation locale, conduite par le préfet BAYLE, a là encore apporté de bons résultats.
Je voudrais immédiatement saluer la qualité de votre engagement, à tous, dans ce comité de suivi. Vous avez su créer une atmosphère de travail propice à la recherche systématique de l'intérêt général et des solutions les plus favorables pour les Mahorais. De tout cela, je vous suis reconnaissant et je suis sûr que la population mahoraise appréciera ce travail à sa juste valeur.
Près d'un quart de siècle après la loi du 24 décembre 1976, l'avenir de Mayotte ne sera plus le même. Je crois que le Gouvernement de Lionel JOSPIN pourra être fier d'avoir tenu cet engagement et d'avoir donné à l'île un statut qui ne soit plus provisoire.
A vrai dire, vous savez que c'est la vision de l'outre-mer dans son ensemble qui est renouvelée en profondeur, depuis 1997. Cette semaine, sera votée définitivement la loi d'orientation pour l'outre-mer qui met en uvre des moyens sans précédent pour le développement des départements d'outre-mer, pour la lutte contre le chômage et qui ouvre pour les départements français d'Amérique des perspectives d'évolution institutionnelle.
Je pense que l'évolution de Mayotte participe de la même logique. Avec la future loi statutaire, votre place dans l'outre-mer français sera par là même renforcée.

Vous avez examiné depuis ce matin les résultats des travaux, qui se sont petit à petit dessiné depuis le mois de septembre.
En matière sociale, à la suite de la mission que MM. RAYMOND et SCHNEIDER ont conduite à Mayotte il y a deux semaines, les orientations principales vous ont été présentées. Vous savez que sur ces sujets, je souhaite que nous avancions vite. C'est pourquoi la voie des ordonnances vous a été proposée. Dès 2001 et le vote d'une loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, nous préparerons les textes qui permettront une mise en uvre rapide des principes et des outils qui auront été élaborés. D'ici là, les orientations qui vous ont été présentées, ainsi que les réactions que vous avez exprimées, feront l'objet d'une concertation interministérielle qui va commencer dans les jours qui viennent.
Je souhaite revenir sur certaines des principes proposés pour favoriser un développement économique et social progressif, cohérent, mais aussi rapide, car les attentes et les besoins sociaux sont nombreux, font l'objet d'un large consensus :
Freiner l'immigration, nous l'avons souvent évoqué ensemble ; maîtriser l'évolution démographique, et donc la natalité ; assurer des revenus aux Mahorais par le développement de l'emploi et de l'activité et éviter le risque de l'assistance ; améliorer progressivement la protection sociale, avec une partie en nature qui favorise l'emploi local ; renforcer le rôle des femmes dans l'évolution économique ; favoriser la structuration de l'économie mahoraise en réduisant l'économie informelle, voilà autant de principes qui nous guideront tous ensemble dans la construction de cette collectivité départementale de Mayotte afin de la rapprocher progressivement du statut départemental.
En ce qui concerne les propositions, nombreuses, qui vous ont été exposées, je ne vais pas ici les reprendre dans le détail ; je crois que l'important, c'est qu'elles résultent de tous les travaux que vous avez menés avec les forces vives de Mayotte, des travaux des administrations aussi, et enfin, de la mission qui s'est rendue sur place et a apporté sa capacité d'analyse et de propositions.
Il reste à les approfondir, et vous avez exprimé vos avis, vos priorités. Il nous reste, si je puis dire, à en débattre au niveau interministériel, ce ne sera guère facile et nous ne pourrons sans doute pas tout obtenir. Mais nous le ferons avec énergie, car Mayotte a besoin de cet effort de la République.
Je vous confirme que vous recevrez, très prochainement, un jeu de fiches récapitulant ces propositions, afin que vous puissiez réagir avant l'élaboration des ordonnances.
Vous me permettrez d'élargir mon propos en faisant un lien entre le volet social de l'accord et la priorité accordée à la formation et à l'éducation. Je vous avais indiqué, lorsque nous avons signé ensemble le contrat de plan Etat-Mayotte, qu'une annexe consacrée à l'éducation portait sur 500 millions de Francs. En outre, l'Etat a décidé, et nous l'avons annoncé ensemble avec Jack LANG le 18 octobre dernier, une attribution complémentaire de 681 MF sur 4 ans consacrés à la construction d'établissements scolaires. Il y a là une des illustrations majeures de ce que j'avais appelé le " Nouvel effort pour Mayotte ".
Cette action de l'Etat va, dans les prochains mois, emporter des conséquences concrètes pour nos concitoyens. Pour la construction d'école, de cantines, mais aussi pour la rémunération de ceux qui les font fonctionner. Je peux d'ailleurs vous dire qu'une nouvelle convention destinée à permettre la délégation à la collectivité des crédits du ministère de l'éducation nationale au titre de la prise en charge des rémunérations des instituteurs de Mayotte a été signée vendredi par le préfet.
Cette convention prévoit, d'une part, la prise en charge par l'Etat de l'intégralité de la rémunération - GVT compris - des instituteurs et, d'autre part, le versement de 80 % de la dotation du montant inscrit en loi de finances dès le mois de février de l'année, complété par le solde en septembre. Il y a là un progrès considérable par rapport au système antérieur où une somme forfaitaire globale était versée en fin d'année civile.
Je souhaitais saisir cette occasion pour porter à votre connaissance cet élément important qui montre la volonté de l'Etat d'apporter des réponses aux difficultés qui se présentent à vous.

J'en viens maintenant à ce que vous avez évoqué dans la deuxième partie de vos travaux : l'avant projet de loi statutaire.
Mayotte disposera dès le vote de la loi d'un statut original, permis par l'article 72 de la Constitution. Ce statut de collectivité départementale de la république a été validé, en quelque sorte par avance, par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai dernier dans laquelle il a jugé que les termes de l'accord sur l'avenir de Mayotte étaient compatibles avec notre Constitution.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des points qui ont été longuement analysés cet après-midi.
Le projet de loi statutaire sera un texte large, qui couvrira des secteurs aussi importants que le fonctionnement des institutions locales, les outils du développement économique ou encore la modernisation de la société dans son ensemble (je pense en particulier au rôle des femmes et aux cadis).
Je tiens à vous dire que je prêterai une attention toute particulière aux principes qui seront affirmés dans les articles préliminaires de ce texte. C'est là que la volonté de l'Etat sera affirmée avec netteté, par exemple sur l'appartenance de Mayotte à la République ou sur les objectifs que nous nous fixons pour l'île.
La présentation qui vous a été faite de l'avant-projet de loi vous a montré que les termes de l'accord et les orientations des travaux conduits jusqu'à aujourd'hui avaient été véritablement respectées, sur le transfert de l'exécutif, sur le régime de la tutelle, mais aussi sur la clarification des compétences de l'Etat et de la collectivité, qui bénéficiera de nouveaux transferts.
Je me félicite également que les propositions qui vous ont été présentées sur la coopération régionale reçoivent votre accord. Il y a là comme un symbole de la démarche engagée et de ses résultats : cette coopération régionale avait été source d'inquiétude, en septembre, et je me rappelle les termes des interventions de certains d'entre vous que j'avais tenté de rassurer. Aujourd'hui, les dispositions du code général des collectivités territoriales qui régissent la coopération régionale et la coopération décentralisée pourront rendre effective, si vous le souhaitez, l'insertion de Mayotte dans son environnement régional. C'est une collectivité de la République française qui pourra, dans ce cadre, prendre la parole dans l'Océan indien.
Sur le rôle des cadis, sur l'évolution du statut personnel, les échanges de la réunion précédente avaient permis d'avancer. Sur l'ensemble de ces points, nous avons conduit ensemble une véritable concertation et je crois que la méthode que nous avons employée a été la bonne.
Je vous l'ai dit tout à l'heure, Mayotte sortira du provisoire, grâce à ce texte. Notre " feuille de route " est claire : en 2010, l'intégralité des points de l'Accord aura été appliquée et il appartiendra aux Mahorais de formuler des propositions d'évolution. Comme pour les départements d'outre-mer, qui disposeront du mécanisme du congrès, vous pourrez saisir le Gouvernement de résolutions tendant à une évolution statutaire.
Vous avez pu constater ce que j'appellerai la " mise en musique " juridique de ce texte a demandé un travail d'une grande technicité qui, à vrai dire, va se poursuivre encore.
Je souhaite, et je reprends en cela une proposition du président BAMANA, que le projet de loi vous soit présenté à Mayotte à la fin du mois, dès que le texte aura été validé en réunion interministérielle. Je crois que cette ultime phase sera utile. Le conseil général et le Conseil d'Etat seront alors saisi, simultanément.
L'objectif est toujours le même : dès que le projet de loi sera sorti du Conseil d'Etat, et nous demanderons que cela soit le cas avant la fin de l'année, le Conseil des ministres l'adoptera pour le déposer au Parlement.
Voilà, messieurs les parlementaires, monsieur le président, messieurs, ce que je souhaitais vous dire. Une première page de l'élaboration du statut de collectivité départementale se tourne. Je suis très heureux que nous l'ayons écrite ensemble.
Je vous remercie.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 novembre 2000)