Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à Europe 1 le 25 août 2000, sur le référendum sur la durée du mandat présidentiel et sur le projet gouvernemental de réforme du statut de la Corse.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Sans mauvais jeux de mots, on peut dire que l'affaire Chevènement se corse .
Demain il sera chez lui à Belfort, donc la rencontre avec Lionel Jospin pourrait n'avoir lieu que dimanche ou lundi.
L'hypothèse de ce soir, je dis bien l'hypothèse, serait carrément un départ du ministre de l'Intérieur du gouvernement, le divorce sur la Corse étant consommé entre les 2 hommes. Du coup, c'est le timing qui devient important et qui fait question.
Est-ce qu'il va partir tout de suite ? Est-ce qu'il va partir après le référendum du 24 ? Y aura-t-il une sorte de charter commun avec Martine Aubry qui elle, devrait quitter le gouvernement et l'équipe Jospin début octobre, nous ne le savons pas pour l'instant, c'est le suspense mais fondamentalement, cela ne change rien au fond du problème qui est de savoir si en accédant donc ou en donnant une plus grande autonomie aux Corses, le Premier Ministre a cédé aux indépendantistes et modifié dons le sens profond de la République française.
Toutes ces questions avec le grand témoin de cette édition, Charles Pasqua.
Monsieur Pasqua, bonsoir.
Bonsoir.
20 raisons pour dire non au quinquennat, donc c'est le thème général de la campagne que vous allez ouvrir donc le 4 septembre.
Je voudrais poser comme première question une question qui concerne justement ce quinquennat.
Est-ce que vous avez l'impression que si on va voter, on va voter sur l'affaire quinquennat ou maintenant est ce que va s'ajouter finalement à l'ambiance politique du moment, le dossier corse ?
Le propre du référendum, c'est lorsqu'il est mal présenté, c'est que généralement les électeurs ne répondent pas à la question qui est posée mais à celui qui la pose.
Or là, ils risquent de répondre à la fois à Jacques Chirac et à Lionel Jospin. Je crois que le dossier corse pèsera d'un poids non négligeable dans cette affaire, parce que les gens voient au travers de ce dossier les méfaits de la cohabitation, voilà. Et
Vous considérez que c'est lié justement à une crise qui est liée aux institutions ou est ce que c'est un problème d'autorité qui existe aujourd'hui en France ?
Non, ce n'est pas un problème d'institutions.
Je crois d'abord que les institutions sont assez équilibrées. Lorsque j'entends un certain nombre de choses, cela me fait sauter sur ma chaise, quand on dit, par exemple, qu'il faut davantage de respiration démocratique et donc qu'il faut réduire la durée du mandat.
Mais les institutions de la Vème République prévoient non seulement un mandat de sept ans pour le Président mais la consultation régulière, en tous les cas, c'était la pratique instaurée par le général de Gaulle, la consultation régulière des Français par la voie du référendum.
Onze consultations de 1958 à 1969. Donc, ça permet au président de la République de voir s'il est toujours en accord avec la majorité des Français. Et donc, il ne l'est pas
Et est-ce que vous savez, vous, ce qu'il pense sur la Corse, actuellement ?
Lorsqu'il ne l'est pas, il lui reste à partir, ce qu'a fait le général de Gaulle.
Et alors sur le sujet actuel qui, effectivement, à travers l'affaire Chevènement, l'affaire de la Corse, est ce que vous avez le sentiment qu'il y a, j'allais dire une pensée, un point de vue de Jacques Chirac qui vous paraît, à vous, clair, Charles Pasqua ?
Ecoutez, je pense qu'il a certainement une pensée et j'espère qu'elle est claire. Pour le moment
Vous avez l'air d'en douter, quand même.
Pour le moment, je n'en sais rien, étant donné qu'il ne l'a pas exprimée. Je crois qu'il a eu tort.
Je rappelle d'abord que dans un premier vote à l'Assemblée de Corse, il y avait une majorité pour rejeter le processus qui était proposé et si ensuite, une majorité s'est constituée, c'est notamment parce que les élus RPR, n'ayant aucune idée de ce que pouvait penser le Président de la République, se sont laissés entraîner dans cette affaire qui relève davantage du piège que d'autres choses.
Est-ce que vous avez l'impression, comme Jean-Pierre Chevènement, que finalement on a cédé aux indépendantistes et que la violence est toujours, finalement, la logique souterraine du dialogue actuel ?
Je crois que le Premier Ministre s'est engagé dans cette affaire sans qu'on me pardonne, sans avoir pris en compte les expériences passées. Je veux dire par là
Vous voulez dire les vôtres ?
Oui, les miennes aussi mais celles de Joxe et de tous ceux qui ont eu à s'occuper de ce dossier.
Vous comprenez, l'erreur principale consiste à penser qu'on peut traiter avec les nationalistes comme s'il s'agissait d'une force organisée, qui contrôle l'ensemble des éléments. C'est une erreur monumentale.
Qu'il s'agisse de Pierre Joxe, de moi même, les efforts que nous avons faits consistaient à tenter de réintroduire, de ramener les nationalistes dans le processus politique classique et de les amener à s'exprimer sur le plan politique, ce qui est normal dans une démocratie
Et ils vous le disaient ?
Comment ?
Quand, par exemple, vous rencontriez, ou des proches à vous rencontraient, quelqu'un comme Santoni, Il vous disait "finalement, on va revenir dans ce processus démocratique et abandonner"
C'était quand même assez avancé. Je rappelle qu'en 1993, lorsque je suis allé à Ajaccio devant l'Assemblée de Corse et que je leur ai dit, cela a été le premier message que je leur ai délivré comme Ministre de l'Aménagement du territoire, je leur ai dit que ce que nous attendions, c'était que les Corses nous disent eux-mêmes la vision qui était la leur de leur avenir et de leur vision de l'organisation de la société et de son développement.
Il y a eu un débat. Au bout de trois mois, un document a été voté, qui était le plan de développement de la Corse, qui a été voté avec l'accord d'un certain nombre de nationalistes et avec la neutralité des autres, ce qui veut dire que tout le monde avait commencé à s'associer à ce processus.
Il est bien évident que pour nous, là il ne pouvait y avoir d'avancées, si dans le même temps la violence n'était pas abandonnée.
Or, la violence contre l'Etat a été abandonnée, il est resté la violence qui relève des règlements de comptes, du racket, etc.
Et puis, tout a redémarré parce qu'il nous a manqué ce dont Jospin dispose et c'est pour ça qu'il devra être jugé beaucoup plus sévèrement. Il nous a manqué le temps. Moi, j'ai été ministre deux fois, 86-88, deux ans.
Je suis revenu au gouvernement 93-95. On ne peut conduire une politique si tous les deux ans on en change, ce n'est pas possible.
Or, lui, Jospin, aura eu cinq ans devant lui. En 2002, ça fera cinq ans qu'il est au pouvoir. Il aura donc eu le temps et les moyens nécessaires pour essayer de résoudre les problèmes.
Mais comment un homme comme lui, compte tenu de sa formation, peut-il accepter de recevoir à Matignon comme interlocuteur des gens qui ont refusé de condamner l'assassinat d'un Préfet de la République ? Ca, c'est quand même aberrant !
Mais vous savez, on vous l'a reproché, qu'un certain nombre de gens dans votre entourage, aussi, ont reçu le même type de personnages.
Puis-je me permettre de vous rappeler
Vous n'étiez pas à Matignon, ce n'était pas officiel, d'accord mais enfin
Non, ce n'est pas ça du tout, la différence est quand même de taille. Ce n'est pas sous mon ministère qu'un préfet a été assassiné, je rappelle donc ce que je disais.
Jospin, Premier Ministre, a reçu a consacré, pas seulement il les a reçus, il a consacré comme interlocuteurs valables représentants du mouvement nationalistes, qui ont refusé de condamner l'assassinat d'un préfet.
Quand on dit cela aux Français, rien que ça, il y a de quoi se dire dans quel système vivons-nous ?
Et donc, en vous écoutant, moi j'ai l'impression que finalement le débat sur le quinquennat et ce référendum, c'est l'affaire corse, qui va s'y substituer totalement parce que c'est la question de l'autorité en France, la question de la République, c'est la question
Mais oui, mais bien entendu parce que le problème n'est pas de savoir s'il faut réduire le mandat du Président de la République, le problème est de savoir si ceux qui nous dirigent ont du courage politique ou n'en ont pas et s'ils sont décidés à assumer leur pouvoir.
Mais qu'est-ce qui vous dit, Charles Pasqua, aujourd'hui que cette opération qui est au départ une opération, au départ, d'une plus grande autonomie va rater ? Parce qu'il faut quand même
Monsieur oui, allez-y, je vous écoute.
La question, c'est de savoir ce qui dans l'avenir est prévisible d'après vous. Qu'est-ce qui fait que d'après vous la violence va continuer, que le chantage
Parce que personne ne contrôle rien, parce que personne ne contrôlera rien et que l'expérience est là pour prouver que dans tous les pays où on essaie de réintégrer dans le processus politique des gens qui avaient qui s'étaient adonnés à la violence, sans qu'ils en condamnent l'usage et sans qu'ils rendent les armes, on a automatiquement une radicalisation et un redémarrage des attentats.
Entendons- nous bien, Monsieur Durand, il faut que nous parlions de la même chose. Je lis dans certains journaux, notamment dans certains journaux du soir, il n'y en a pas des masses, c'est facile à savoir
Le Monde, digiling !
Ca, c'est vous
C'est moi, oui.
Mais je lis dans certains journaux du soir ou du matin qu'il y aurait, d'une part, les Jacobins ringards, conservateurs, etc. et d'autre part, ceux qui se baptisent eux-mêmes les esprits éclairés.
Alors, si pour en Corse, il est question d'aller plus loin dans la voie de la régionalisation et de transférer un certain nombre de responsabilités à des institutions locales, je n'y suis pas hostile, au contraire.
Je constate d'ailleurs que c'est celui que l'on considérait comme le plus Jacobin, au cours des quarante dernières années, c'est-à-dire le général de Gaulle qui a mis au goût du jour qui a remis au goût du jour l'idée régionale.
Vous voulez que je vous cite une phrase du général de Gaulle ?
Allez y, j'en aurai une après.
Une seule, je ne vais pas en citer cinquante mais celle-là me paraît tout de même intéressante. Le général de Gaulle est intervenu à deux reprises.
Le 2 février 69 à Quimper, il a d'abord rappelé que compte tenu des dangers qui menaçaient le Royaume, l'Empire et les Républiques, il avait fallu un pouvoir central fort, bon. Et puis, il ajoute, "cette unité étant solidement réalisée, il faut éviter que certains membres du corps de la patrie n'aillent en dépérissant tandis que d'autres se transforment", et il ajoute "l'avènement de la région, cadre nouveau de l'initiative du conseil de l'action pour tout ce qui touche localement la vie pratique de la nation, voilà donc la grande réforme que nous devons apporter à la France".
J'ajoute un seul mot, sur la région toujours, il dit "il est proposé tout en gardant nos communes, nos départements, d'organiser notre pays en régions qui seront, en général, nos anciennes provinces, mises au plan moderne, etc". où sont les ringards ?
Et est ce que vous avez l'impression de vous retrouver finalement dans les réticences, plus que vives, exprimées par Jean-Pierre Chevènement ?
Oh, sur un certain nombre de points oui bien sûr, il n'est pas le seul d'ailleurs, je me retrouve aussi bien dans ce que dit Chevènement, que dans ce que dit de Charrette dans Le Figaro, que dans ce que dit Charasse.
Je crois qu'il ne faut pas
Le problème majeur pour Jospin aujourd'hui, c'est Chevènement et de savoir s'il va partir ou pas.
Bien entendu. Il a des problèmes dans sa majorité plurielle, y compris à l'intérieur du PS où beaucoup de gens commencent à se demander si ce qui a été engagé est raisonnable et si au contraire, cela ne va pas capoter avec les conséquences que l'on imagine pour le gouvernement.
Alors prenons les rendez vous des jours prochains, on ne sait pas très bien exactement quand va avoir lieu cette rencontre entre les deux hommes mais est ce que vous, vous considérez que Jean-Pierre Chevènement peut rester au gouvernement et s'il y reste est-ce que n'est pas d'une certaine façon se renier, étant donné les positions qu'il a déjà exprimées le 19 juillet et qu'il vient d'exprimer il y a quelques jours ?
Jj'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question, je vais donc redire ce que j'ai déjà dit. Je crois que compte tenu des positions qu'il a prises, je vois mal comment Jean-Pierre Chevènement pourrait rester au gouvernement.
Que Jospin fasse tous ses efforts pour qu'il y reste, cela c'est un autre problème parce que non pas actuellement au niveau de la majorité parlementaire mais dans la perspective d'une présidentielle, c'est d'ailleurs ce qui a amené Jospin à bouger sur la Corse, c'est pour les mêmes raisons.
Il essaiera de conserver avec lui Chevènement parce que c'est une garantie dans le domaine à la fois des valeurs républicaines et puis aussi de la sécurité d'un certain nombre d'autres secteurs.
Mais vous n'y croyez pas ?
Quoi donc ?
A cela, justement, à l'hypothèse qu'il puisse le retenir et trouver les arguments qui le permettraient.
Je ne l'exclus pas.
Et est-ce que vous finalement, dans cette affaire, puisque vous dites qu'une certaine forme de régionalisation, vous êtes pour, est-ce que c'est justement la perspective d'une modification de la constitution, j'allais dire qui vous fait hurler et qui fait hurler Chevènement ?
Mais non, on n'a pas besoin de modifier la Constitution. Ce que nous reprochons concernant la Corse, ce sont les conséquences à terme pour l'ensemble du pays, d'un certain nombre de mesures qui sont proposées pour la Corse. Je n'en prendrais que deux qui sont totalement inacceptables. Premièrement, un pouvoir législatif partagé, ça, ça n'existe pas. C'est inacceptable.
La souveraineté populaire, la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exprime par la voix de ses représentants, c'est le Parlement. Et il ne peut y avoir sur ce plan, aucune concession.
Deuxièmement, l'enseignement obligatoire de la langue corse, on ne le présente plus sous cette forme, mais en réalité, c'est ça. Au prétexte que dans une île, il y 20% de gens qui le réclament, 80 autres % ne veulent pas en entendre parler.
Est ce qu'on imagine les conséquences demain pour d'autres portions du territoire, je ne parle même pas de l'Alsace, du Pays basque, de la Bretagne, etc...
Et pour certaines régions de France, où il y aurait une majorité de population d'origine musulmane, qu'est ce q'on aurait comme argument à opposer lorsqu4on nous demanderait l'enseignement obligatoire de l'arabe ? Mais qu'est ce que c'est que ce système ? Il y a deux conceptions de l'organisation d'une nation.
Il y a la conception américaine qui accepte les communautés, il y a la conception française qui est celle de la République qui n'accepte pas le principe de développement séparé et qui est basée sur les individus.
La République en ce qui la concerne apportant à chacun la garantie de l'égalité des chances et des droits et l'avancement homérique.
Sur des questions, je ne vais pas dire qui sont techniques, mais enfin, que vous connaissez bien, puisque ça relève de l'autorité et du ministère de l'intérieur. Quand par exemple Santoni que vous connaissez, dit finalement : "Rossi a été tué". Donc, son compagnon avec qui il a écrit un livre, interviewé par Guy Benhamou, journaliste, à l'époque à Libération, cite
Ce qui ne manque pas de sel, d'ailleurs.
Non, mais d'accord, mais je veux dire. Quand, lui, il dit : "Si jamais on ne retrouve pas les assassins de Rossi, je me ferais probablement justice moi-même". Colonna n'on ne retrouve pas, etc Comment vous expliquez que finalement sur le terrain, on ait quand même beaucoup de mal, l'autorité en France, à faire effectivement respecter les lois de la République ?
Alors cela, ce sont deux choses différentes. Que l'on ne retrouve pas Colonna, cela s'explique.
Cela s'explique d'abord par la nature même de la Corse, et du fait aussi que, alors qu'on envisageait son interpellation, 24 heures avant, il y a eu des fuites dans un journal. Cela a pu inciter Colonna
Cela veut dire d'après vous
Il n'a qu'à traverser, aller en Sardaigne ou ailleurs
Non, mais là, où c'est grave politiquement, est-ce que vous pensez, vous que ceux qui finalement ont accompagné le processus de Matignon sont aussi ceux qui protègent Colonna aujourd'hui ?
Je ne suis pas sûr que Colonna soit protégé. Je ne suis même pas sûr qu'il soit en Corse.
Mais en tout cas, ce sont les mêmes qui refusent de condamner Colonna, assassin présumé, disons bien présumé, parce que pour le moment, il n'y a pas de jugement.
Mais Colonna est l'assassin présumé du préfet, et les mêmes qui sont à Matignon, refusent de condamner l'assassinat du préfet, ça c'est inacceptable.
Vous savez que la passion des gens pour le référendum du 24 septembre est plus que faible. Vous allez rentrer en campagne le 4 septembre. Est ce que vous avez l'impression qu'à l'occasion de ces dossiers corses, qui semble-t-il, là, passionnent les gens, il va y avoir un réveil des consciences politiques, un véritable débat, que vous allez vous même y participer, qu'on va entendre le Premier Ministre clairement, le Président de la République aussi, ou est-ce que tout le monde va aller tranquillement comme ça vers une espèce de silence ouaté ?
Alors, ce qui serait le pire pour la France et la République, c'est qu'il n'y ait pas de débat. Et qu'à la fin de cette période où personne n'aurait fait grand effort, il y ait 60, 70 % d'abstention.
On est parti pour cela.
Ce n'est pas sûr. Le Président de la République et le Premier Ministre recevront un camouflet, quant à l'idée même du référendum, elle aurait du plomb dans l'aile.
Or, le référendum est par essence, la possibilité donnée à chaque Français, d'exprimer son point de vue. Donc, je pense que tous les efforts doivent être faits pour que ce débat ait lieu. Naturellement, ni Chirac, ni Jospin n'ont souhaité ce débat, c'est bien pour ça qu'ils ont choisi le calendrier qu'ils ont choisi.
Retour de vacances, fin août, référendum, 24 septembre. Ce n'est pas très sérieux.
Pourquoi vous êtes vous adressé au Conseil constitutionnel concernant ce référendum, je sais que vous l'aviez déjà fiat auprès du Conseil d'Etat qui finalement ne s'était pas déclaré compétent
Le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent, puisque entre temps, le Conseil constitutionnel, lui, s'est déclaré compétent.
Mais vous espérez quoi des questions que vous leur posez ?
Moi, j'interviens auprès du Conseil d'Etat sur un sujet bien précis qui est celui des conditions dans lesquelles est organisé, ou plutôt n'est pas, ne sera pas conduit le débat contradictoire dit de démocratie.
Les Partis partisans du "oui" auront deux heures de temps d'antenne, ceux qui sont partisans du "non" auront 20 minutes.
J'ajouterais de plus que depuis 95, on est dans une autre optique de situation. Les partis représentés à l'Assemblée nationale bénéficient de financements publics, vont donc pouvoir conduire une campagne qui sera, en fait, financée par l'Etat, les autres n'ont qu'à se débrouiller. Cela n'a rien à voir avec la démocratie. C'est sur ces points que je m'appuie pour demander au Conseil d'Etat
Donc, ce référendum n'est pas démocratique, d'après vous, la façon dont il est organisé aujourd'hui fait qu'il n'est pas démocratique ?
La façon dont le débat sera conduit n'est pas démocratique. C'est clair.
Je voudrais Charles Pasqua qu'on écoute ensemble le Maire de Corte qui est notre invité, bonsoir.
Jean-Charles Colonna
Bonsoir.
Merci d'être avec nous. Vous êtes donc Jean-Charles Colonna, je sais que votre ville est ravagée actuellement par les feux de forêt, est-ce que vous avez un petit point sur la situation, et la moindre idée de l'origine, parce que vous savez que maintenant, on suspecte tout, puisque finalement les nationalistes se sont retrouvés chez vous pour organiser leur forum, et la situation actuelle est, on l'a entendu avec Charles Pasqua et ces dernières heures, extrêmement tendue, donc, est-ce que vous avez des informations à nous donner ?
Jean-Charles Colonna
Non, simplement, je pense qu'à l'origine de ces incendies, il y a eu quand même des actes criminels, parce qu'il y a eu quand même pas mal de foyers qui sont partis presque en même temps, donc, ça n'est pas une coïncidence. Ca ne peut pas être une accident. Cela peut arriver un accident, un touriste qui jette un mégot. Mais là, en fait, il y a eu tellement de foyers qui sont partis que
Que c'est un paquet de cigarettes entier qui est tombé
Jean-Charles Colonna
C'est plus qu'un mégot, oui. Non, en fait, je pense qu'il y a quand même une origine criminelle. C'est pourquoi, révolté comme la plupart de mes concitoyens, devant la destruction d'un joyau qui est le joyau de notre patrimoine nature, c'est quelque chose qui nous a choqué terriblement.
Et est ce qu'actuellement Je sais qu'il y a des pompiers qui viennent du continent pour vous aider, quelle est la situation, ce soir ?
Jean-Charles Colonna
Elle est assez bonne. Aujourd'hui, j'ai eu un coup de fil de Monsieur le Préfet de la Haute-Corse qui m'a dit, qu'il mettait à ma disposition ou à notre disposition, 500 hommes, à condition bien entendu qu'il n'y ait pas d'incendie important sur le continent. Ces hommes sont arrivés, et il y a aussi un renforcement des effectifs aériens, il y a des Canadair, mais il y a aussi d'autres unités qui sont en lieu. Et ça, depuis ce matin, les conditions sont bonnes, donc, il n'y a pas trop de vent
Donc, cela va se calmer
Jean-Charles Colonna
Donc, nous pensons que cela va se calmer.
En tout cas merci d'être intervenu. On retient quand même, que vous pensez, vous le Maire de cette commune, jolie commune comme le disait Charles Pasqua, et jolie région, que ces incendies sont d'origine criminelle. Charles Pasqua est notre invité, nous avons un deuxième grand sujet qui est la flambée des prix du pétrole.
Est-ce que vous connaissez, Monsieur Charles Pasqua, le tarif aujourd'hui de l'essence en France sur les routes, les autoroutes, ce n'est pas un piège
Oui, bien sûr je sais, comme tout le monde que ça monte et que le prix à la pompe est aux environs de 8 francs, selon l'endroit où l'on sert
Et plus que cela sur les autoroutes.
Cela peut varier de quelques centimes.
Monsieur Pasqua on ne va pas entrer dans le débat économique, mais est-ce que vous avez le sentiment que le mécontentement sur cette affaire peut grandir, voire que ça peut relancer l'inflation en France et un processus de hausse des prix qui serait déstabilisateur pour l'économie.
Moi, je voudrais dire deux choses.
Premièrement, si on continue à avoir une augmentation du prix du baril et par conséquent une augmentation du prix de l'essence etc, ça aura naturellement des conséquences économiques. Cela aura des conséquences en ce qui concerne le niveau de l'inflation qui remontera. Et cela tout le monde en ressentira les effets. C'est très joli de dire "on va diminuer les impôts, on va faire ceci ou cela", si dans le même temps on a une reprise de l'inflation qui l'économie qui va se trouver freinée dans son expansion. Donc, il faut en être conscient.
Deuxièmement, moi j'ai écouté très attentivement ce qu'a dit Monsieur Fabiani, comme ce que vous avez vous même. On parle de l'OPEP, on oublie simplement qu'il y a des pays qui pourraient produire et qu'on empêche de produire. C'est le cas notamment de l'Irak.
On continue depuis dix ans à frapper l'Irak de l'embargo pour des raisons pour lesquelles je ne vais pas revenir, elles étaient légitimes, mais dix ans après on empêche la production de ce pays, ce qui favorise du même coup le comportement d'un certain nombre d'autres dirigeants de l'OPEP, ce qui leur permet de s'enrichir plus facilement.
Mais est-ce que vous voulez dire que
A qui le crime profite
D'accord
C'est l'ancien ministre de l'Intérieur qui vous le dit.
D'accord, mais est ce que vous avez le sentiment justement que sous la pression de l'augmentation des prix, cet embargo pourrait être remis en cause ou est ce qu'au contraire, justement, c'est l'intérêt de tout le monde ?
Ah non, ce n'est pas l'intérêt de tout le monde, ce n'est certainement pas l'intérêt des pays qui importent mais c'est certainement l'intérêt de ceux qui produisent, de limiter la production pour augmenter le prix. Voilà. Et chacun sait que dans ce domaine, les Etats-Unis ont une responsabilité particulière.
Vous êtes l'auteur, en tout cas vous l'avez prononcée, d'une formule, là je reviens à la Corse, qui est restée célèbre, qui était "il faut terroriser les terroristes"
Ca ne concernait pas la Corse.
Ca ne concernait pas la Corse, exact.
Cela concernait les preneurs d'otages et les poseurs de bombes islamistes en France.
Est ce que, je termine la question, est ce que vous avez le sentiment ce soir, je dis presque un petit peu solennellement parce qu'on sait que vous êtes très attaché à la République, que toute cette affaire est en train de déstabiliser la République Française, par imprudence ou
J'espère que non, mais si le processus engagé devait se poursuivre dans les conditions actuelles, la réponse est oui.
Donc il faut que le Président de la République intervienne vite.
Moi je le crois ; c'est en tous les cas son devoir. Il est garant de l'unité nationale et de l'intégrité de la République. Il n'est pas là simplement pour attendre les décisions éventuelles du Conseil constitutionnel. C'est lui qui est en charge, qui a la magistrature suprême. C'est donc à lui de dire jusqu'où l'on peut aller trop loin, si j'ose dire.
Et je suis un peu comme de Charrette, je crois que le Président de la République a eu tort de ne pas s'exprimer plus tôt et je crois qu'il aurait tort de ne pas le faire maintenant assez rapidement.
Et s'il y a une grande abstention ça veut dire quoi sur l'échéance des consultations qui viennent. Est ce que vous avez l'impression que cela a précipité la vie politique en France ou les échéances qui sont prévues ?
Sûrement pas, parce qu'il y a un taux d'abstention important, cela incitera le Président de la République comme le Premier Ministre a se méfier davantage encore des électeurs.
Ce qui, vous l'avouerez, est un comble pour un système démocratique.
On a l'impression que cette affaire vous a redonné, en dehors des vacances, vous êtes venu dans ce studio tranquillement, sans cravate, avec bonne mine, cela vous a redonné quand même une certaine pêche après l'épisode au peu délicat des relations que vous avez eues avec Philippe de Villiers ?
Oh, ne confondons pas l'écume des jours avec les problèmes de fond.
Là nous sommes devant un problème qui concerne au premier chef, la République elle-même et son évolution future. Moi, je ne suis pas contre une évolution des choses mais je suis contre les initiatives hasardeuses conduites par des irresponsables.
Quand je dis irresponsables, je veux dire des irresponsables politiques, c'est à dire des gens qui n'ont reçu aucun mandat pour le faire. Monsieur Jospin n'a reçu aucun mandat, le Parlement n'a pas été consulté et l'Assemblée de Corse n'est pas compétente. Alors, en dehors de cela tout va bien
A un moment d'ailleurs, vous aviez envisagé qu'il fallait la dissoudre.
Evidemment, il faut bien revenir devant le peuple si l'on veut, si l'on veut aller plus loin, si on veut poursuivre dans ce processus, il faut de toute manière consulter au premier chef ceux qui sont intéressés, les Corses et on peut le faire sans attendre une modification de la Constitution. On peut dissoudre l'Assemblée de Corse et faire de nouvelles élections. Je ne suis pas le seul à le dire d'ailleurs, il y a des gens à gauche comme à droite, qui le disent.
Charles Pasqua, merci.
Merci.
(source http://www.rpfie.org, le 16 janvier 2001)