Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un réel plaisir que j'ai accepté de clore ces Cinquièmes Etats généraux de votre Association " Les Elus locaux contre le sida ".
D'abord en raison de l'estime que j'ai pour son Président, Jean-Luc Romero, dont l'action à la tête de cette association est tout à fait remarquable ; il réussit à réunir bien au delà des différentes sensibilités politiques et à privilégier toujours le combat pour la prévention, pour la prise en charge des malades, pour l'amélioration de l'accès aux soins et aux médicaments sur tout autre engagement.
Ensuite, parce que je crois fermement à l' efficacité des élus locaux pour dynamiser les initiatives qui sont à prendre dans ce domaine et les rendre plus efficaces.
Enfin, parce qu'il est aujourd'hui plus nécessaire que jamais de rappeler comme je le fais quotidiennement depuis une dizaine de jours ce message simple et fort : " le sida existe toujours, le sida est encore là, il rend la vie difficile, il constitue toujours un défi majeur pour notre société ". C'est une priorité de santé publique que j'affirme au nom du Gouvernement auquel je participe avec détermination et conviction. Je sais que vous êtes attentifs à cette parole que vous souhaitez forte et audible. Votre tribune contribuera à cette affirmation et je vous en remercie.
Parler du sida
Les Elus locaux que nous sommes et qui ont été nombreux à s'exprimer à cette tribune aujourd'hui ont tous un premier devoir : celui de parler du sida ; d'en parler au moment même où face au silence qui s'installe insidieusement, face à une forme de banalisation du sida qui ne dit pas son nom, qui reviendrait à considérer une telle contamination comme un aléa, il faut rappeler que même si le nombre d'hospitalisations a considérablement diminué, même si des personnes vivent aujourd'hui plus longtemps avec le virus, les hôpitaux en France ne sont pas vides -tout n'est pas encore réglé- on meurt encore en France du sida.
Un ressaisissement de la conscience collective
Cette parole des élus locaux est d'autant plus importante qu'elle intervient dans un moment de relâchement constaté et dénoncé.
Les différentes enquêtes disponibles confirment ce que nous disent, par ailleurs, les associations :
la crainte à l'égard du sida diminue ainsi que la perception du risque personnel d'être contaminé par le VIH, une personne sur cinq juge maintenant la prévention moins essentielle,
les prises de risques sont redevenues un phénomène réel, en particulier chez les personnes homosexuelles -même si on ne connaît pas parfaitement l'ampleur du problème-,
un optimisme exagéré apparaît quant à la possibilité d'éradiquer le virus, ou de le maîtriser : le sida n'est pas devenu une maladie chronique comme une autre.
Enfin, certains chiffres que nous avons rendu publics à travers l'enquête de l'Institut de veille sanitaire sont inquiétants :
* Après l'amélioration spectaculaire apportée par les trithérapies, la France enregistre un net ralentissement de la diminution à la fois du nombre de décès et du nombre de nouveaux cas de sida.
* Près de la moitié (47 %) des cas de sida diagnostiqués au cours de période 1998-2 000 concerne des personnes qui ont découvert leur séropositivité au moment du sida avéré. Dans un quart des cas, les personnes connaissaient leur séropositivité, mais n' avaient pas bénéficié d'un traitement antiviral avant de passer au stade Sida.
Devant ce constat et face à ce qui apparaît comme un relâchement, je tiens à le réaffirmer avec force : la lutte contre le VIH est, et reste plus que jamais une priorité du Gouvernement. Et dans cette lutte, je compte sur l'appui des Elus locaux, sur leur mobilis ation pour relayer l'action du gouvernement en proximité et rendre pleinement efficaces les mesures envisagées en les concrétisant avec les associations.
Quelles mesures ?
Les mesures mises en uvre par le gouvernement, nourries de la réflexion de beaucoup d 'entre vous dans cette salle, reposent sur quatre axes essentiels :
l'information
l'accès aux outils de prévention
une véritable éducation à la sexualité
la prise en charge des malades
a) L' information
Il faut qu'il y ait toujours une parole récurrente sur le sida ; c'est pourquoi nous avons décidé (pour la première fois) de rediffuser les films de la dernière campagne nationale qui a été lancée en juillet dernier. Ils repasseront sur l'ensemble des chaînes TV pendant 2 semaines, à plusieurs heures y compris de grande écoute.
Nous poursuivons la politique des campagnes ciblées. Je ne reviendrai pas sur les actions en cours pour les usagers de drogue et les migrants, mais je souhaite insister sur le lancement de deux importantes actions qui me semblent essentielles dans notre dispositif de prévention :
- D'abord, la campagne en direction des homo- bisexuels qui a été lancée avant-hier à Beaubourg. Les comportements à risque persistent, en particulier, pour les plus jeunes, et la vigilance se relâche ; elle fait même quelque fois place à une provocation particulièrement néfaste ; aussi la presse gay et les établissements gays seront-ils les cibles et les vecteurs de cette prévention renouvellée.
- Ensuite pour la première fois, une action spécifique est mise en place pour les femmes avec campagne d'information dans la presse féminine.
Ces actions ont été initiées et élaborées en étroite concertation avec les associations qui sont toujours d'excellents vecteurs d'information et de témoignage mais aussi de puissants stimulants.
b) l'accès aux préservatifs
C'est indispensable. Le prix du préservatif féminin -10 F l'unité - est un frein important : seulement 350 000 unités ont été vendues cette année. Alors que nous savons que, pour certaines femmes, c'est le seul moyen de protection contre la contamination mais aussi contre la grossesse non désirée( car elles ne sont pas en situation de négocier le préservatif masculin). La diffusion de cet outil est insuffisante. Nous devons franchir une étape supplémentaire et j'ai décidé de multiplier le nombre de préservatifs donnés gratuitement.
Dans les semaines qui viennent, et j'insiste auprès de vous pour que vous fassiez connaître cette initiative et vérifiez qu'elle est effective, les services de PMI , les centres d'IVG, les services de gynécologie disposeront de 750 000 préservatifs féminins gratuits. Mon objectif est d'atteindre ainsi le million d'unités en 2001 et de permettre ainsi au préservatif féminin de devenir un outil de prévention reconnu en France. Il faut aussi que son prix baisse. Le dialogue va être engagé avec le fabricant.
Un même effort sera réalisé pour les préservatifs masculins. 5 millions de préservatifs masculins seront mis gratuitement à disposition des associations et des centres de prévention, soit deux fois plus que l'année dernière. Ce qui permettra ainsi une mise à disposition plus facile notamment dans les foyers de travailleurs migrants et les réseaux de santé pour les plus démunis et relaiera l'action des établissements gays.
Par ailleurs, nous poursuivrons la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue (échange de seringues et stéribox).
c) mettre en place, en particulier auprès des jeunes, une véritable éducation à la sexualité
L'éducation à la santé, l'éducation à la sexualité est pour moi, pour tout le Gouvernement, une priorité. C'est un débat que nous avons eu à propos de la contraception d'urgence, la prévention des grossesses non désirées et que nous poursuivons avec la discussion de la loi sur l'IVG et la contraception.
Au moment où la société française a enfin accepté la parité entre hommes et femmes , les nouvelles formes d'unions que représentent le PACS, , la sexualité des jeunes qui n'est plus un sujet tabou, il faut que l'éducation soit une voie offerte à tous les adolescents vers le refus de l'intolérance, des essais à risques, des attirances cachées ou refoulées en matière sexuelle.
La prévention du VIH, c'est aussi le refus de l'intolérance en matière sexuelle, le refus des situations stigmatisées, le refus des injures sexistes, de l 'homophobie, du machisme, des violences sexuelles, l'éducation au respect de soi et des autres, de l'autre qu'on désire, qu'on aime ou qui est différent.
Là encore l'implication des Elus locaux contre le sida est déterminante dans ce combat pour la tolérance et la liberté. Pour ma part, que ce soit en responsabilité ministérielle ou en élue locale, je suis toujours de votre côté, et vous le savez, nous sommes ensemble contre le sida. Comme nous sommes ensemble contre les violences agies ou subies qui expriment ce malaise et cette angoisse de vivre de trop de jeunes de nos villes, qui se mettent en danger parfois définitivement.
d) améliorer la vie des personnes vivant avec le VIH
Même si ma pensée va vers ceux de nos frères que le hasard a fait naître en Afrique, je suis heureuse qu' en France, la prise en charge et le pronostic des personnes vivant avec le VIH s'améliorent. Entre 80 000 et 100 000 personnes vivent avec le VIH et sont prises en charge. Pour moitié, ils restent asymptomatiques.
Mais je partage l'inquiétude des associations et des professionnels sur les risques récurrents, sur l'urgence de solutions thérapeutiques nouvelles. Des molécules prometteuses apparaissent et je souhaite qu'elles soient rapidement disponibles.
C'est pourquoi la France a proposé à l'Europe une révision des critères d'enregistrement des antirétroviraux pour permettre une mise à disposition plus rapide de nouveaux médicaments à fort potentiel chez les patients multi-résistants. Cette " AMM précoce " retiendrait dans un premier temps une indication restrictive qui pourrait être ensuite élargie en fonction de nouvelles études. Un enregistrement accéléré permettrait d'éviter ou de réduire le recours à des accès compassionnels. Ce serait un encouragement fort pour l'industriel qui commercialisera ainsi plus rapidement son médicament.
Cette réflexion a abouti à une proposition de critères d'enregistrement révisés qui servira de base pour le développement de cette procédure.
Roger-Gérard SCHWARTZENBERG et moi même avons également décidé de mobiliser la communauté européenne pour mutualiser le efforts de recherche des pays européens. Car l'Europe a pris du retard dans ce domaine.
Je présenterai au Conseil Santé du 14 décembre les propositions du Pr Maxime SELIGMAN, qui permettront de mettre en place un véritable réseau de centres experts pour la recherche clinique à l'image de ce qui se passe aux Etats-Unis.
J'en viens à un sujet qui me tient très à cur car depuis plusieurs mois, résultat d'une meilleure espérance de vie, aspiration légitime à l'amour et à son prolongement naturel, nous assistons à une augmentation considérable des demandes d'aide à la procréation de la part de couples séro-différents dont l'homme est infecté par le VIH.
Cette PMA pour l'instant n'est possible que dans le cadre de protocoles de recherche ce qui rend l'attente bien trop longue pour certains.
J'ai donc décidé de modifier l'arrêté de janvier 1999 qui encadrait cette pratique. Le 23 novembre dernier, un groupe d'experts s'est réuni pour définir rapidement les conditions qui permettent la prise en charge de ces couples dans des centres de références et ce dans le cadre du droit commun. Voilà une information à relayer dans vos collectivités auprès de ceux qui peuvent en être les bénéficiaires.
J'ajoute enfin que, dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2001, nous avons pérennisé le programme d'appartements de coordination thérapeutique (ACT) en l'intégrant dans le droit commun de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales. Cette disposition permettra la sécurisation de l'accueil de ces malades isolés qui ont tant besoin de cet accompagnement attentif pour s'inscrire dans la chronicité de leur lourd traitement.
L'engagement international
Je ne voudrais pas terminer mes propos sans rappeler l'engagement de la France dans la lutte internationale contre le sida. Je sais que face aux 35 millions d'êtres humains qui sont contaminés actuellement dans le monde par le virus du VIH/SIDA dont près de 25 millions en Afrique, certains nous reprochent de ne pas en faire assez et de ne pas faire assez vite. Et je comprends et je partage leur impatience. Mais je veux rappeler que la France, parmi toutes les nations développées, est certainement celle qui déploie le plus d'effort et de conviction dans ce domaine.
Depuis la création du FSTI en 1997, et malgré un relatif isolement international, plusieurs programmes d'accès aux soins ont été mis en place dans des pays du sud, (la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Maroc, l'Afrique du Sud, ainsi que le Vietnam en Asie) ; de nouveaux programmes vont être initiés l' an prochain dans de nouveaux pays. La France y a consacré (budget santé plus budget coopération) plus de 90 millions.
A l'initiative de la Commission européenne, sous l'impulsion de Charles Josselin et de moi-même, une Table ronde internationale pour lutter solidairement contre les principales maladies transmissibles dans le cadre de l'aide au développement et de la réduction de la pauvreté (VIH-sida, tuberculose, malaria) s'est tenue à Bruxelles le 28 septembre. Cette Table ronde a permis de réunir des représentants des Etats du nord et du sud, des laboratoires pharmaceutiques, des institutions internationales et des ONG. Toutes les expressions ont montré clairement que rendre les médicaments essentiels abordables par le biais d'une approche globale constitue désormais un axe majeur de la politique de l'Union européenne en direction des pays en développement. Pour la première fois, l'éventualité d'une double tarification des médicaments a été envisagée par les laboratoires pharmaceutiques.
Le Gouvernement français déploie de nombreux efforts diplomatiques pour soutenir la proposition de rencontre internationale sur l'accès aux soins prévue pour la fin de l'année 2001.
Enfin la France propose d' annuler pour huit milliards d'euros de créances en veillant à ce que cet allégement de dette permette réellement une réduction efficace et durable de la pauvreté et favorise l'accès aux soins.
Ce sont des engagements à relayer dans vos collectivités auprès notamment des jeunes ultra sensibles à ces sujets.
Conclusion :
Après avoir rappelé l'action du Gouvernement, j'aimerai en conclusion insister sur le rôle de proximité que les Elus locaux souvent jouent, ce qui est votre cas puisque vous êtes là, mais que tous les élus locaux attachés au bien-être et au devenir de leurs administrés devraient jouer.
La contribution des associations à la lutte contre le sida marquera durablement le paysage médico-social français, et cela bien au delà du seul sida : les Etats généraux de la santé, la loi de modernisation du système de santé, la promotion de nouveaux droits pour les malades et pour les usagers du système de santé, sont autant d'acquis dus à l'action tenace des associations, à la pression qu'elles exercent sur les Pouvoirs publics, au dialogue qu'elles savent entretenir.
La lutte contre le sida a également encouragé le développement des réseaux et permis de faire progresser l'organisation des soins.
Les élus locaux ont participé à ces réorganisations de façon souvent militantes, comprenant que leurs interventions pouvaient relayer le travail des associations.
Pour beaucoup, la lutte contre le sida a été une ouverture vers la prise de conscience de l'importance des questions de santé. J'ai la conviction que cette conscience va s'élargir et que les questions de santé, au niveau local, communal, départemental ou régional vont avoir de plus en plus d'importance et d'impact à l'avenir. Je crois que les enjeux de santé publique seront des enjeux forts des prochains rendez-vous politiques.
Les Elus locaux contre le sida auront été des pionniers. Soyez assurés de ma détermination à vous accompagner, à vous soutenir longtemps sur cette route et à rester des vôtres.
(Source http://www.santé.gouv.fr, le 14 décembre 2000)
C'est avec un réel plaisir que j'ai accepté de clore ces Cinquièmes Etats généraux de votre Association " Les Elus locaux contre le sida ".
D'abord en raison de l'estime que j'ai pour son Président, Jean-Luc Romero, dont l'action à la tête de cette association est tout à fait remarquable ; il réussit à réunir bien au delà des différentes sensibilités politiques et à privilégier toujours le combat pour la prévention, pour la prise en charge des malades, pour l'amélioration de l'accès aux soins et aux médicaments sur tout autre engagement.
Ensuite, parce que je crois fermement à l' efficacité des élus locaux pour dynamiser les initiatives qui sont à prendre dans ce domaine et les rendre plus efficaces.
Enfin, parce qu'il est aujourd'hui plus nécessaire que jamais de rappeler comme je le fais quotidiennement depuis une dizaine de jours ce message simple et fort : " le sida existe toujours, le sida est encore là, il rend la vie difficile, il constitue toujours un défi majeur pour notre société ". C'est une priorité de santé publique que j'affirme au nom du Gouvernement auquel je participe avec détermination et conviction. Je sais que vous êtes attentifs à cette parole que vous souhaitez forte et audible. Votre tribune contribuera à cette affirmation et je vous en remercie.
Parler du sida
Les Elus locaux que nous sommes et qui ont été nombreux à s'exprimer à cette tribune aujourd'hui ont tous un premier devoir : celui de parler du sida ; d'en parler au moment même où face au silence qui s'installe insidieusement, face à une forme de banalisation du sida qui ne dit pas son nom, qui reviendrait à considérer une telle contamination comme un aléa, il faut rappeler que même si le nombre d'hospitalisations a considérablement diminué, même si des personnes vivent aujourd'hui plus longtemps avec le virus, les hôpitaux en France ne sont pas vides -tout n'est pas encore réglé- on meurt encore en France du sida.
Un ressaisissement de la conscience collective
Cette parole des élus locaux est d'autant plus importante qu'elle intervient dans un moment de relâchement constaté et dénoncé.
Les différentes enquêtes disponibles confirment ce que nous disent, par ailleurs, les associations :
la crainte à l'égard du sida diminue ainsi que la perception du risque personnel d'être contaminé par le VIH, une personne sur cinq juge maintenant la prévention moins essentielle,
les prises de risques sont redevenues un phénomène réel, en particulier chez les personnes homosexuelles -même si on ne connaît pas parfaitement l'ampleur du problème-,
un optimisme exagéré apparaît quant à la possibilité d'éradiquer le virus, ou de le maîtriser : le sida n'est pas devenu une maladie chronique comme une autre.
Enfin, certains chiffres que nous avons rendu publics à travers l'enquête de l'Institut de veille sanitaire sont inquiétants :
* Après l'amélioration spectaculaire apportée par les trithérapies, la France enregistre un net ralentissement de la diminution à la fois du nombre de décès et du nombre de nouveaux cas de sida.
* Près de la moitié (47 %) des cas de sida diagnostiqués au cours de période 1998-2 000 concerne des personnes qui ont découvert leur séropositivité au moment du sida avéré. Dans un quart des cas, les personnes connaissaient leur séropositivité, mais n' avaient pas bénéficié d'un traitement antiviral avant de passer au stade Sida.
Devant ce constat et face à ce qui apparaît comme un relâchement, je tiens à le réaffirmer avec force : la lutte contre le VIH est, et reste plus que jamais une priorité du Gouvernement. Et dans cette lutte, je compte sur l'appui des Elus locaux, sur leur mobilis ation pour relayer l'action du gouvernement en proximité et rendre pleinement efficaces les mesures envisagées en les concrétisant avec les associations.
Quelles mesures ?
Les mesures mises en uvre par le gouvernement, nourries de la réflexion de beaucoup d 'entre vous dans cette salle, reposent sur quatre axes essentiels :
l'information
l'accès aux outils de prévention
une véritable éducation à la sexualité
la prise en charge des malades
a) L' information
Il faut qu'il y ait toujours une parole récurrente sur le sida ; c'est pourquoi nous avons décidé (pour la première fois) de rediffuser les films de la dernière campagne nationale qui a été lancée en juillet dernier. Ils repasseront sur l'ensemble des chaînes TV pendant 2 semaines, à plusieurs heures y compris de grande écoute.
Nous poursuivons la politique des campagnes ciblées. Je ne reviendrai pas sur les actions en cours pour les usagers de drogue et les migrants, mais je souhaite insister sur le lancement de deux importantes actions qui me semblent essentielles dans notre dispositif de prévention :
- D'abord, la campagne en direction des homo- bisexuels qui a été lancée avant-hier à Beaubourg. Les comportements à risque persistent, en particulier, pour les plus jeunes, et la vigilance se relâche ; elle fait même quelque fois place à une provocation particulièrement néfaste ; aussi la presse gay et les établissements gays seront-ils les cibles et les vecteurs de cette prévention renouvellée.
- Ensuite pour la première fois, une action spécifique est mise en place pour les femmes avec campagne d'information dans la presse féminine.
Ces actions ont été initiées et élaborées en étroite concertation avec les associations qui sont toujours d'excellents vecteurs d'information et de témoignage mais aussi de puissants stimulants.
b) l'accès aux préservatifs
C'est indispensable. Le prix du préservatif féminin -10 F l'unité - est un frein important : seulement 350 000 unités ont été vendues cette année. Alors que nous savons que, pour certaines femmes, c'est le seul moyen de protection contre la contamination mais aussi contre la grossesse non désirée( car elles ne sont pas en situation de négocier le préservatif masculin). La diffusion de cet outil est insuffisante. Nous devons franchir une étape supplémentaire et j'ai décidé de multiplier le nombre de préservatifs donnés gratuitement.
Dans les semaines qui viennent, et j'insiste auprès de vous pour que vous fassiez connaître cette initiative et vérifiez qu'elle est effective, les services de PMI , les centres d'IVG, les services de gynécologie disposeront de 750 000 préservatifs féminins gratuits. Mon objectif est d'atteindre ainsi le million d'unités en 2001 et de permettre ainsi au préservatif féminin de devenir un outil de prévention reconnu en France. Il faut aussi que son prix baisse. Le dialogue va être engagé avec le fabricant.
Un même effort sera réalisé pour les préservatifs masculins. 5 millions de préservatifs masculins seront mis gratuitement à disposition des associations et des centres de prévention, soit deux fois plus que l'année dernière. Ce qui permettra ainsi une mise à disposition plus facile notamment dans les foyers de travailleurs migrants et les réseaux de santé pour les plus démunis et relaiera l'action des établissements gays.
Par ailleurs, nous poursuivrons la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue (échange de seringues et stéribox).
c) mettre en place, en particulier auprès des jeunes, une véritable éducation à la sexualité
L'éducation à la santé, l'éducation à la sexualité est pour moi, pour tout le Gouvernement, une priorité. C'est un débat que nous avons eu à propos de la contraception d'urgence, la prévention des grossesses non désirées et que nous poursuivons avec la discussion de la loi sur l'IVG et la contraception.
Au moment où la société française a enfin accepté la parité entre hommes et femmes , les nouvelles formes d'unions que représentent le PACS, , la sexualité des jeunes qui n'est plus un sujet tabou, il faut que l'éducation soit une voie offerte à tous les adolescents vers le refus de l'intolérance, des essais à risques, des attirances cachées ou refoulées en matière sexuelle.
La prévention du VIH, c'est aussi le refus de l'intolérance en matière sexuelle, le refus des situations stigmatisées, le refus des injures sexistes, de l 'homophobie, du machisme, des violences sexuelles, l'éducation au respect de soi et des autres, de l'autre qu'on désire, qu'on aime ou qui est différent.
Là encore l'implication des Elus locaux contre le sida est déterminante dans ce combat pour la tolérance et la liberté. Pour ma part, que ce soit en responsabilité ministérielle ou en élue locale, je suis toujours de votre côté, et vous le savez, nous sommes ensemble contre le sida. Comme nous sommes ensemble contre les violences agies ou subies qui expriment ce malaise et cette angoisse de vivre de trop de jeunes de nos villes, qui se mettent en danger parfois définitivement.
d) améliorer la vie des personnes vivant avec le VIH
Même si ma pensée va vers ceux de nos frères que le hasard a fait naître en Afrique, je suis heureuse qu' en France, la prise en charge et le pronostic des personnes vivant avec le VIH s'améliorent. Entre 80 000 et 100 000 personnes vivent avec le VIH et sont prises en charge. Pour moitié, ils restent asymptomatiques.
Mais je partage l'inquiétude des associations et des professionnels sur les risques récurrents, sur l'urgence de solutions thérapeutiques nouvelles. Des molécules prometteuses apparaissent et je souhaite qu'elles soient rapidement disponibles.
C'est pourquoi la France a proposé à l'Europe une révision des critères d'enregistrement des antirétroviraux pour permettre une mise à disposition plus rapide de nouveaux médicaments à fort potentiel chez les patients multi-résistants. Cette " AMM précoce " retiendrait dans un premier temps une indication restrictive qui pourrait être ensuite élargie en fonction de nouvelles études. Un enregistrement accéléré permettrait d'éviter ou de réduire le recours à des accès compassionnels. Ce serait un encouragement fort pour l'industriel qui commercialisera ainsi plus rapidement son médicament.
Cette réflexion a abouti à une proposition de critères d'enregistrement révisés qui servira de base pour le développement de cette procédure.
Roger-Gérard SCHWARTZENBERG et moi même avons également décidé de mobiliser la communauté européenne pour mutualiser le efforts de recherche des pays européens. Car l'Europe a pris du retard dans ce domaine.
Je présenterai au Conseil Santé du 14 décembre les propositions du Pr Maxime SELIGMAN, qui permettront de mettre en place un véritable réseau de centres experts pour la recherche clinique à l'image de ce qui se passe aux Etats-Unis.
J'en viens à un sujet qui me tient très à cur car depuis plusieurs mois, résultat d'une meilleure espérance de vie, aspiration légitime à l'amour et à son prolongement naturel, nous assistons à une augmentation considérable des demandes d'aide à la procréation de la part de couples séro-différents dont l'homme est infecté par le VIH.
Cette PMA pour l'instant n'est possible que dans le cadre de protocoles de recherche ce qui rend l'attente bien trop longue pour certains.
J'ai donc décidé de modifier l'arrêté de janvier 1999 qui encadrait cette pratique. Le 23 novembre dernier, un groupe d'experts s'est réuni pour définir rapidement les conditions qui permettent la prise en charge de ces couples dans des centres de références et ce dans le cadre du droit commun. Voilà une information à relayer dans vos collectivités auprès de ceux qui peuvent en être les bénéficiaires.
J'ajoute enfin que, dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2001, nous avons pérennisé le programme d'appartements de coordination thérapeutique (ACT) en l'intégrant dans le droit commun de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales. Cette disposition permettra la sécurisation de l'accueil de ces malades isolés qui ont tant besoin de cet accompagnement attentif pour s'inscrire dans la chronicité de leur lourd traitement.
L'engagement international
Je ne voudrais pas terminer mes propos sans rappeler l'engagement de la France dans la lutte internationale contre le sida. Je sais que face aux 35 millions d'êtres humains qui sont contaminés actuellement dans le monde par le virus du VIH/SIDA dont près de 25 millions en Afrique, certains nous reprochent de ne pas en faire assez et de ne pas faire assez vite. Et je comprends et je partage leur impatience. Mais je veux rappeler que la France, parmi toutes les nations développées, est certainement celle qui déploie le plus d'effort et de conviction dans ce domaine.
Depuis la création du FSTI en 1997, et malgré un relatif isolement international, plusieurs programmes d'accès aux soins ont été mis en place dans des pays du sud, (la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Maroc, l'Afrique du Sud, ainsi que le Vietnam en Asie) ; de nouveaux programmes vont être initiés l' an prochain dans de nouveaux pays. La France y a consacré (budget santé plus budget coopération) plus de 90 millions.
A l'initiative de la Commission européenne, sous l'impulsion de Charles Josselin et de moi-même, une Table ronde internationale pour lutter solidairement contre les principales maladies transmissibles dans le cadre de l'aide au développement et de la réduction de la pauvreté (VIH-sida, tuberculose, malaria) s'est tenue à Bruxelles le 28 septembre. Cette Table ronde a permis de réunir des représentants des Etats du nord et du sud, des laboratoires pharmaceutiques, des institutions internationales et des ONG. Toutes les expressions ont montré clairement que rendre les médicaments essentiels abordables par le biais d'une approche globale constitue désormais un axe majeur de la politique de l'Union européenne en direction des pays en développement. Pour la première fois, l'éventualité d'une double tarification des médicaments a été envisagée par les laboratoires pharmaceutiques.
Le Gouvernement français déploie de nombreux efforts diplomatiques pour soutenir la proposition de rencontre internationale sur l'accès aux soins prévue pour la fin de l'année 2001.
Enfin la France propose d' annuler pour huit milliards d'euros de créances en veillant à ce que cet allégement de dette permette réellement une réduction efficace et durable de la pauvreté et favorise l'accès aux soins.
Ce sont des engagements à relayer dans vos collectivités auprès notamment des jeunes ultra sensibles à ces sujets.
Conclusion :
Après avoir rappelé l'action du Gouvernement, j'aimerai en conclusion insister sur le rôle de proximité que les Elus locaux souvent jouent, ce qui est votre cas puisque vous êtes là, mais que tous les élus locaux attachés au bien-être et au devenir de leurs administrés devraient jouer.
La contribution des associations à la lutte contre le sida marquera durablement le paysage médico-social français, et cela bien au delà du seul sida : les Etats généraux de la santé, la loi de modernisation du système de santé, la promotion de nouveaux droits pour les malades et pour les usagers du système de santé, sont autant d'acquis dus à l'action tenace des associations, à la pression qu'elles exercent sur les Pouvoirs publics, au dialogue qu'elles savent entretenir.
La lutte contre le sida a également encouragé le développement des réseaux et permis de faire progresser l'organisation des soins.
Les élus locaux ont participé à ces réorganisations de façon souvent militantes, comprenant que leurs interventions pouvaient relayer le travail des associations.
Pour beaucoup, la lutte contre le sida a été une ouverture vers la prise de conscience de l'importance des questions de santé. J'ai la conviction que cette conscience va s'élargir et que les questions de santé, au niveau local, communal, départemental ou régional vont avoir de plus en plus d'importance et d'impact à l'avenir. Je crois que les enjeux de santé publique seront des enjeux forts des prochains rendez-vous politiques.
Les Elus locaux contre le sida auront été des pionniers. Soyez assurés de ma détermination à vous accompagner, à vous soutenir longtemps sur cette route et à rester des vôtres.
(Source http://www.santé.gouv.fr, le 14 décembre 2000)