Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est un réel plaisir de vous accueillir, ici au Sénat, pour le colloque consacré à la fonction publique territoriale et intitulé " Quelle fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation ? ". D'emblée, je tenais à saluer ceux qui, aux côtés de mon cabinet, ont permis la tenue de cette rencontre [le Centre national de la fonction publique territoriale, le Syndicat des secrétaires généraux et directeurs généraux des collectivités, l'Association des administrateurs territoriaux de France, l'Association des ingénieurs des villes de France et la Gazette des communes]. Je voudrais également vous remercier d'avoir répondu aussi nombreux à mon invitation.
Si j'ai pris l'initiative de vous convier aujourd'hui pour réfléchir à l'avenir de ceux qui font vivre chaque jour, aux côtés des élus, cette réforme bénéfique qu'est la décentralisation, c'est qu'ils en forment ensemble son " socle humain ". Or, reconnaissons-le, la réflexion politique sur la fonction publique territoriale, pourtant forte d'un million et demi d'agents, est aujourd'hui proche de l'indigence.
En ouverture de nos travaux, je veux donc rendre un hommage mérité aux fonctionnaires territoriaux qui constituent, aux côtés des élus locaux, un relais essentiel permettant au " champ politique " d'entrer dans le nécessaire " champ du possible ".
On ne le dit jamais assez, cet engagement de tous les instants fait de vous les véritables " fantassins de la décentralisation ", les ambassadeurs de cette réforme bénéfique qui libère les énergies et stimule les initiatives locales.
Votre connaissance des besoins, votre expertise et votre éthique, en un mot votre professionnalisme, ont très largement contribué au succès de la décentralisation.
Si nous pouvons être fiers de notre bilan, c'est aussi grâce à vous !
Aujourd'hui, vous avez démontré vos capacités d'adaptation aux nouvelles responsabilités des collectivités locales. Plus encore, vous avez, bien souvent, anticipé les mutations d'une société dont vous êtes les témoins privilégiés, en tant qu'agents du service public local.
En ma qualité de Président du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, je tenais à ce que notre institution puisse se pencher, dans la sérénité et le pluralisme, sur les enjeux de la fonction publique territoriale.
Car l'acte deux de la décentralisation et plus encore l'avènement d'une véritable " République territoriale " passent aussi par une réflexion approfondie sur votre statut et son devenir.
Certes, le chemin parcouru est impressionnant !
Seize années après l'édiction du statut, notre fonction publique territoriale procède aujourd'hui de ce que j'appellerai " une double sédimentation ".
L'une qui fait de chaque exécutif local [maire, président de conseil général, président de conseil régional ou d'établissement public de coopération intercommunale] un employeur à part entière, c'est la raison d'être de la libre-administration des collectivités.
L'autre qui résulte d'une structuration plutôt empirique, mais pragmatique, de dix filières et de dizaines de cadres d'emplois.
Consubstantielle de l'autonomie locale, la première ne saurait être remise en cause.
La seconde doit, en revanche, nous amener à engager une réflexion d'ensemble sur l'adaptation du statut à l'évolution des missions et des métiers, aux contraintes de gestion, mais aussi aux enjeux sociaux.
Dès demain en effet, la fonction publique territoriale, en tant que corps social, va devoir faire face à un certain nombre de défis dont le " vieillissement démographique " qui devrait provoquer le départ en retraite, d'ici à 20 ans, de 65% de l'ensemble des fonctionnaires et de 90% des cadres supérieurs.
Il s'agit là d'une chance historique qui justifie pleinement l'engagement d'une réflexion stratégique sur les missions de l'appareil d'Etat et sur une gestion visionnaire de la fonction publique du troisième millénaire.
Ce défi est pour moi une occasion unique de repenser les " modes de régulation " au sein de la fonction publique territoriale mais aussi au sein des fonctions publiques de l'Etat et hospitalière.
En effet, d'ici là, la fonction publique territoriale aura du mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, assumer la fin des " emplois-jeunes " et résorber l'emploi précaire. Vaste programme !
En même temps, les collectivités et leurs personnels devront aussi faire face au développement de l'intercommunalité, au foisonnement des normes en tous genres, à l'irruption des nouvelles technologies de l'information, à l'ouverture européenne et à l'aventure de la mondialisation.
Ce contexte unique constitue un enjeu essentiel pour notre service public à la française car la fonction publique, au sens large, regroupe près de 25% de la population active de notre pays contre 13% en moyenne dans le pays industrialisés.
Alors devant vous, je prends le pari que la fonction publique saura, encore une fois, s'adapter.
Néanmoins, au moment même où M. Michel SAPIN, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui viendra clôturer nos travaux ce soir, est en train de mener une importante négociation salariale avec les organisations syndicales, je crois qu'il est temps de refonder le dialogue social et de tracer quelques lignes forces pour l'avenir.
D'abord, je crois qu'il serait fort utile de revoir les modalités du dialogue social pour éviter le traditionnel " face à face " entre l'Etat et les seules centrales syndicales. Aussi, m'apparaît-il essentiel d'initier une démarche plus partenariale de la fonction publique territoriale.
Alors que les dépenses de personnel représentent le premier poste des budgets locaux (53% des dépenses de fonctionnement des communes en 2000), il est, à mon sens, grand temps d'associer les employeurs, c'est-à-dire les élus locaux, à ces négociations. Car au final, ce sont bien eux qui en assument les conséquences financières.
Ensuite, sur le statut, je crois qu'il est temps d'anticiper l'extraordinaire renouvellement générationnel que j'évoquais à l'instant. Le statut de la fonction publique doit devenir un " véritable outil de gestion opérationnel".
Afin d'assumer les mutations à venir, il est de notre responsabilité de renforcer la mobilité, qui reste un " leurre ", à trois niveaux :
- au sein de la fonction publique territoriale,
- entre les fonctions publiques,
- et, enfin, avec le secteur privé.
Aujourd'hui, j'estime que les frontières entre le secteur privé et le secteur public sont trop étanches, sauf pour quelques hauts fonctionnaires de l'Etat qui " pantouflent " dans le privé, faute de perspective dans le public. Cette " capillarité " entre public et privé devrait être renforcée car elle permettrait de " drainer " de nouveaux talents dont nos collectivités ont grand besoin face à l'évolution des demandes et des métiers.
En fait, la " nouvelle frontière " des territoriaux passe par une réflexion stratégique sur une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les formations, initiale et continue, doivent être adaptées en permanence, l'évaluation doit cesser d'être un exercice convenu, et les formes de rémunération doivent davantage tenir compte des performances individuelles.
A défaut, la fonction publique pâtirait d'un déficit d'attractivité qui pourrait, finalement, s'avérer préjudiciable à l'exercice des missions du service public local.
Alors, oui, je plaide, sans tabous, pour plus de souplesse, pour davantage de responsabilité et pour une plus grande liberté des employeurs.
En dix-huit ans, la décentralisation a prouvé son efficience. Alors pour transformer l'essai, allons de l'avant, ensemble, pour reconnaître les talents et favoriser l'émergence d'une véritable " culture territoriale ".
Vous savez, notre sort est lié. Modernisation du statut et relance de la décentralisation vont de pair !
Alors, Mesdames, Messieurs, " la balle est dans votre camp ". C'est donc aujourd'hui pour vous l'occasion de faire entendre, tant au législateur qu'au gouvernement, vos attentes, vos souhaits et plus encore vos propositions.
Soyez assuré qu'ici au Sénat, " maison des collectivités locales ", vous trouverez toujours une écoute attentive.
Nous nous emploierons à relayer vos propositions, si elle nous semblent pertinentes, pour faire gagner la décentralisation, et pour réaliser, ensemble, le pari de notre " République territoriale ".
Je souhaite plein succès à vos travaux et vous remercie de votre attention.
(source http://www.senat.fr, le 14 décembre 2000)
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est un réel plaisir de vous accueillir, ici au Sénat, pour le colloque consacré à la fonction publique territoriale et intitulé " Quelle fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation ? ". D'emblée, je tenais à saluer ceux qui, aux côtés de mon cabinet, ont permis la tenue de cette rencontre [le Centre national de la fonction publique territoriale, le Syndicat des secrétaires généraux et directeurs généraux des collectivités, l'Association des administrateurs territoriaux de France, l'Association des ingénieurs des villes de France et la Gazette des communes]. Je voudrais également vous remercier d'avoir répondu aussi nombreux à mon invitation.
Si j'ai pris l'initiative de vous convier aujourd'hui pour réfléchir à l'avenir de ceux qui font vivre chaque jour, aux côtés des élus, cette réforme bénéfique qu'est la décentralisation, c'est qu'ils en forment ensemble son " socle humain ". Or, reconnaissons-le, la réflexion politique sur la fonction publique territoriale, pourtant forte d'un million et demi d'agents, est aujourd'hui proche de l'indigence.
En ouverture de nos travaux, je veux donc rendre un hommage mérité aux fonctionnaires territoriaux qui constituent, aux côtés des élus locaux, un relais essentiel permettant au " champ politique " d'entrer dans le nécessaire " champ du possible ".
On ne le dit jamais assez, cet engagement de tous les instants fait de vous les véritables " fantassins de la décentralisation ", les ambassadeurs de cette réforme bénéfique qui libère les énergies et stimule les initiatives locales.
Votre connaissance des besoins, votre expertise et votre éthique, en un mot votre professionnalisme, ont très largement contribué au succès de la décentralisation.
Si nous pouvons être fiers de notre bilan, c'est aussi grâce à vous !
Aujourd'hui, vous avez démontré vos capacités d'adaptation aux nouvelles responsabilités des collectivités locales. Plus encore, vous avez, bien souvent, anticipé les mutations d'une société dont vous êtes les témoins privilégiés, en tant qu'agents du service public local.
En ma qualité de Président du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, je tenais à ce que notre institution puisse se pencher, dans la sérénité et le pluralisme, sur les enjeux de la fonction publique territoriale.
Car l'acte deux de la décentralisation et plus encore l'avènement d'une véritable " République territoriale " passent aussi par une réflexion approfondie sur votre statut et son devenir.
Certes, le chemin parcouru est impressionnant !
Seize années après l'édiction du statut, notre fonction publique territoriale procède aujourd'hui de ce que j'appellerai " une double sédimentation ".
L'une qui fait de chaque exécutif local [maire, président de conseil général, président de conseil régional ou d'établissement public de coopération intercommunale] un employeur à part entière, c'est la raison d'être de la libre-administration des collectivités.
L'autre qui résulte d'une structuration plutôt empirique, mais pragmatique, de dix filières et de dizaines de cadres d'emplois.
Consubstantielle de l'autonomie locale, la première ne saurait être remise en cause.
La seconde doit, en revanche, nous amener à engager une réflexion d'ensemble sur l'adaptation du statut à l'évolution des missions et des métiers, aux contraintes de gestion, mais aussi aux enjeux sociaux.
Dès demain en effet, la fonction publique territoriale, en tant que corps social, va devoir faire face à un certain nombre de défis dont le " vieillissement démographique " qui devrait provoquer le départ en retraite, d'ici à 20 ans, de 65% de l'ensemble des fonctionnaires et de 90% des cadres supérieurs.
Il s'agit là d'une chance historique qui justifie pleinement l'engagement d'une réflexion stratégique sur les missions de l'appareil d'Etat et sur une gestion visionnaire de la fonction publique du troisième millénaire.
Ce défi est pour moi une occasion unique de repenser les " modes de régulation " au sein de la fonction publique territoriale mais aussi au sein des fonctions publiques de l'Etat et hospitalière.
En effet, d'ici là, la fonction publique territoriale aura du mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, assumer la fin des " emplois-jeunes " et résorber l'emploi précaire. Vaste programme !
En même temps, les collectivités et leurs personnels devront aussi faire face au développement de l'intercommunalité, au foisonnement des normes en tous genres, à l'irruption des nouvelles technologies de l'information, à l'ouverture européenne et à l'aventure de la mondialisation.
Ce contexte unique constitue un enjeu essentiel pour notre service public à la française car la fonction publique, au sens large, regroupe près de 25% de la population active de notre pays contre 13% en moyenne dans le pays industrialisés.
Alors devant vous, je prends le pari que la fonction publique saura, encore une fois, s'adapter.
Néanmoins, au moment même où M. Michel SAPIN, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui viendra clôturer nos travaux ce soir, est en train de mener une importante négociation salariale avec les organisations syndicales, je crois qu'il est temps de refonder le dialogue social et de tracer quelques lignes forces pour l'avenir.
D'abord, je crois qu'il serait fort utile de revoir les modalités du dialogue social pour éviter le traditionnel " face à face " entre l'Etat et les seules centrales syndicales. Aussi, m'apparaît-il essentiel d'initier une démarche plus partenariale de la fonction publique territoriale.
Alors que les dépenses de personnel représentent le premier poste des budgets locaux (53% des dépenses de fonctionnement des communes en 2000), il est, à mon sens, grand temps d'associer les employeurs, c'est-à-dire les élus locaux, à ces négociations. Car au final, ce sont bien eux qui en assument les conséquences financières.
Ensuite, sur le statut, je crois qu'il est temps d'anticiper l'extraordinaire renouvellement générationnel que j'évoquais à l'instant. Le statut de la fonction publique doit devenir un " véritable outil de gestion opérationnel".
Afin d'assumer les mutations à venir, il est de notre responsabilité de renforcer la mobilité, qui reste un " leurre ", à trois niveaux :
- au sein de la fonction publique territoriale,
- entre les fonctions publiques,
- et, enfin, avec le secteur privé.
Aujourd'hui, j'estime que les frontières entre le secteur privé et le secteur public sont trop étanches, sauf pour quelques hauts fonctionnaires de l'Etat qui " pantouflent " dans le privé, faute de perspective dans le public. Cette " capillarité " entre public et privé devrait être renforcée car elle permettrait de " drainer " de nouveaux talents dont nos collectivités ont grand besoin face à l'évolution des demandes et des métiers.
En fait, la " nouvelle frontière " des territoriaux passe par une réflexion stratégique sur une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les formations, initiale et continue, doivent être adaptées en permanence, l'évaluation doit cesser d'être un exercice convenu, et les formes de rémunération doivent davantage tenir compte des performances individuelles.
A défaut, la fonction publique pâtirait d'un déficit d'attractivité qui pourrait, finalement, s'avérer préjudiciable à l'exercice des missions du service public local.
Alors, oui, je plaide, sans tabous, pour plus de souplesse, pour davantage de responsabilité et pour une plus grande liberté des employeurs.
En dix-huit ans, la décentralisation a prouvé son efficience. Alors pour transformer l'essai, allons de l'avant, ensemble, pour reconnaître les talents et favoriser l'émergence d'une véritable " culture territoriale ".
Vous savez, notre sort est lié. Modernisation du statut et relance de la décentralisation vont de pair !
Alors, Mesdames, Messieurs, " la balle est dans votre camp ". C'est donc aujourd'hui pour vous l'occasion de faire entendre, tant au législateur qu'au gouvernement, vos attentes, vos souhaits et plus encore vos propositions.
Soyez assuré qu'ici au Sénat, " maison des collectivités locales ", vous trouverez toujours une écoute attentive.
Nous nous emploierons à relayer vos propositions, si elle nous semblent pertinentes, pour faire gagner la décentralisation, et pour réaliser, ensemble, le pari de notre " République territoriale ".
Je souhaite plein succès à vos travaux et vous remercie de votre attention.
(source http://www.senat.fr, le 14 décembre 2000)