Article de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, dans "Témoin" de janvier 1999, sur la fiscalité, intitulé "Moins prélever, bien prélever, mieux dépenser. Plaidoyer pour une fiscalité allégée".

Prononcé le 1er janvier 1999

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Média : Témoin

Texte intégral

Pour lentretien de la force publique, et pour les dépenses de ladministration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés . Célèbre et inappliqué, larticle 13 de la Déclaration des Droits de lHomme et du Citoyen impose de penser la fiscalité et la dépense publique comme les deux versants dune même problématique. Limpôt continue de faire mal. Seule une dépense publique efficace, cest-à-dire justifiée et mesurée, peut présider à une fiscalité acceptée. Geste civique et sentiment de participer concrètement à la vie de la collectivité sont indissociables dune dépense publique contrôlée et productive. Cest un équilibre fragile que lévolution de notre société oblige à réinventer en permanence.
Pour autant, la fiscalité nest pas un jeu arbitraire dont les règles pourraient sans cesse changer. Il en va de la stabilité des recettes des collectivités publiques, de la continuité de lEtat, de la régularité des revenus des ménages, de la bonne orientation des anticipations des entreprises et des foyers. Cest une question de sécurité juridique et financière. Réformer la fiscalité doit donc avoir trois objectifs : la rendre plus simple et mieux comprise, la diminuer et la rendre plus équitable. Avec un horizon : faire progresser la solidarité et la créativité.
Comment espérer une baisse de la pression fiscale si lon ne parvient pas à enrayer la progression de la dépense budgétaire ? Comment éviter la dégradation du service public si les tendances lourdes de la société, vieillissement de la population ou aspiration à une meilleure protection sanitaire, ne débouchent pas sur une organisation administrative plus performante, répondant mieux à des besoins nouveaux pour un coût réduit ? En période de ressources rares, rendre la dépense publique plus efficace est encore plus indispensable.
Plus la mondialisation gagne du terrain, plus les nouvelles technologies de linformation et de la communication sétendent, plus les Etats entrent en compétition, plus les capitaux et les cerveaux, les moyens de production et les forces de consommation deviennent volatiles et vagabonds, plus il faut attirer et retenir les entreprises qui assureront, demain, nos richesses et nos emplois, nos marchés et nos retraites. Notre pays est encore trop peu engagé dans cette action. Elle se joue sur le terrain des coûts de production -qui nest pas sans lien avec le niveau des prélèvements obligatoires-, et sur celui de la qualité des services publics qui sont le terreau de lactivité : éducation et formation, recherche-développement, infrastructures de communication, aménagement du territoire et environnement.
Si lEurope a pu, jusquà présent, résister aux bourrasques venues de Tokyo, de Moscou ou de New-York, cest dune part parce quelle a su se doter dune monnaie unique qui la protège et, dautre part, parce que son économie, pourtant ouverte, fonde une bonne partie de sa croissance sur la demande intérieure. Faute de pouvoir actionner la manette keynesienne du budget, une fiscalité moins lourde et moins handicapante constitue, avec la baisse des taux dintérêt, lun des derniers instruments nationaux dont nous disposons pour soutenir la consommation et linvestissement.
Or, notre système fiscal se distingue de ceux de nos principaux partenaires par plusieurs traits regrettables : un niveau de prélèvements obligatoires supérieur de quatre points à la moyenne européenne et de plus de huit points à celle des pays de lOCDE ; une structure de perception qui a accru la part des cotisations par rapport aux impôts ; un système moins progressif que celui de la plupart des autres pays ; une insuffisante adaptation de nos modes de calcul et de collecte de limpôt ; enfin un certain archaïsme qui nassure ni une redistribution efficace des richesses ni une réduction optimale des inégalités. Aujourdhui, avec la reprise économique, la voie de lallégement et du rééquilibrage de la pression fiscale est ouverte. Il conviendrait, selon moi, dans une première étape, de revenir au niveau de prélèvements qui était le nôtre jusquen 1993, cest-à-dire un peu au-dessus de 43 % du PIB. En allégeant les impôts, le déficit et la dette, en consacrant à chacune de ces priorités environ un tiers des surplus de recettes de la croissance, laugmentation du PNB deviendrait un objectif choisi.
Fiscalité et dynamisme de linitiative économique
La fiscalité nest pas uniquement une contrainte. Elle est un outil. Pour sattaquer non plus aux îles périphériques de larchipel de lexclusion, mais bien au continent chômage, les freins fiscaux à la production, à la consommation et à lemploi doivent être desserrés.
Mieux réguler léconomie mondiale
Cela ne se fera pas seulement à léchelle de notre pays, ni à celle de lEurope. Hier le monde se portait économiquement plutôt bien et les nations du vieux continent senfonçaient dans la dépression. Aujourdhui que nous allons mieux, cest le reste de la planète qui vacille. Il y a, entre ces deux ensembles, des amortisseurs à créer. Il y a urgence à réduire lécart critique entre la globalisation des systèmes financiers et la faible intégration des politiques de régulation. Nous le devons par solidarité internationale mais aussi par souci de préserver nos intérêts propres.
La monnaie est un bien collectif trop précieux pour être totalement confié aux banquiers ou abandonné à la spéculation. Parmi les solutions avancées, la taxe Tobin est séduisante intellectuellement mais la décision unanime des nations quelle impliquerait ne se profile pas à lhorizon. Or, il faut trouver des solutions praticables pour améliorer la transparence des relations prêteurs/emprunteurs et lutter plus efficacement contre la corruption financière. A nouvelle dimension des problèmes, nouvelle approche et nouvelle dimension de la réponse. Lidée dun code international de bonne conduite mérite dêtre approfondie, celle dun conseil de sécurité économique doit être défendue. Je ne confonds pas danger monétaire et danger nucléaire mais aujourdhui les menaces que fait peser la non maîtrise des phénomènes économiques, monétaires et financiers ne sont pas moins importantes que celles qui justifièrent la création de lONU. De façon générale, il faut nous saisir de tous les outils qui peuvent contribuer à lorganisation et à la moralisation des relations monétaires à léchelle mondiale.
Alléger en priorité les charges sur le travail
Comment imaginer quun système national de prélèvements sociaux qui a été conçu à la Libération, alors que lon manquait de main duvre et quil était logique de taxer un facteur de production rare, convienne encore à une époque où cest loffre de travail qui manque ? Eviction sur le marché du travail et déséquilibre des comptes sociaux ont été le prix à payer pour ce manque dévolution.
Il faut alléger les charges sur le travail, en priorité celles qui pèsent sur les bas salaires. On ne peut pas avoir simultanément des minima salariaux relativement élevés -pour des raisons économiques et sociales justifiées-, et des charges sociales lourdes qui, sajoutant au salaire direct, poussent au remplacement des travailleurs par des machines et empêchent lémergence demplois de qualification modeste. Baisser les charges et non pas baisser les salaires, la solution passe, même si je nen méconnais pas le coût, par de nouveaux allégements des cotisations sociales sur les faibles salaires. Mais attention ! Compte tenu de ce que doit être une économie moderne ouverte, transférer sur les salaires moyens ou supérieurs le boulet que lon aurait ainsi retiré constituerait une impasse.
Pour les emplois familiaux, les emplois de proximité en direction de la petite enfance, des personnes handicapées ou de la grande vieillesse, pour ces services à la personne si utiles et dont il est difficile de garantir la solvabilité, une exonération complète des cotisations patronales devrait même être envisagée. Débarrasser les particuliers, comme les entreprises, des tracasseries administratives est aussi une manière de les aider et de favoriser la création demplois.
Parmi les gisements demplois de demain, ceux qui naissent des nouvelles technologies de linformation et de la communication sadresseront à des jeunes hautement formés et bien rémunérés. Beaucoup de ceux-là sont tentés de sexpatrier. Comment agir ? La solution ne passe certainement pas par lalourdissement de leurs charges salariales.
Simplifier, rendre plus juste et solidaire le prélèvement est une autre nécessité. Le remplacement des cotisations affectées à lassurance-maladie par des points de CSG est une deuxième piste qui doit être approfondie. Cela contribuerait au rééquilibrage amorcé de la taxation relative du capital et du travail. Cette évolution suppose que lEurope ait auparavant progressé sur la voie de lharmonisation fiscale. Sinon, le risque est grand, en alourdissant la fiscalité de lépargne, de la voir senfuir vers le « paradis » luxembourgeois, antichambre bancaire dautres rivages encore plus accueillants. Ce dossier restera enlisé tant que les Européens saccrocheront, pour prendre leurs décisions, à la règle de lunanimité. Toujours le même décalage : un cheval au galop pour lélargissement géographique et financier de lEurope, un char à bufs pour lapprofondissement institutionnel et social. Alors que samorcent la ratification du traité dAmsterdam et la révision constitutionnelle qui laccompagnera, il faut souligner que cela doit changer.
Lever les freins à lactivité économique
Certains impôts nuisent à lactivité économique. Une partie des dividendes fiscaux de la croissance doit être consacrée à les réformer. La décision damorcer une réduction des droits de mutation sur les transactions immobilières fournit un bon exemple. Lallégement de la taxation des héritages en ligne indirecte peut élargir le vivier des futurs dirigeants et aider à résoudre le problème aigu de la propriété industrielle française, capitalisme sans capitaux à léchelle internationale.
La concurrence par limpôt désorganise les territoires. Lintroduction continue, par lEtat, dexonérations, dajustements, de possibilités dabattements et de contraintes de taux, a fait de lui le premier contribuable local sans pour autant remédier aux inégalités entre foyers imposés. Une nouvelle donne est nécessaire. Nous sortons dun pacte de stabilité. Nous voulons un pacte de croissance qui, en modernisant limpôt, permette de dépenser mieux et de prélever moins. Diminuer les prélèvements de lEtat ou de la sécurité sociale sera évidemment beaucoup moins efficace si, en raison des impôts locaux, lourdeurs et inégalités fiscales continuent de peser sur les entreprises et sur les ménages. Lassiette, les mécanismes et le calcul de la fiscalité locale doivent donc évoluer.
On loublie parfois, mais les collectivités locales sont, dans lensemble, mieux gérées que lEtat : modernisation du cadre comptable pour le rapprocher de celui des entreprises ; développement de la comptabilité analytique qui permet de mesurer le coût du service rendu à la population, et de la comptabilité patrimoniale qui permet une gestion dynamique du foncier et de limmobilier ; publication des comptes de résultats consolidés incluant sociétés déconomie mixte et associations para-municipales ; recours à des financements de projets complexes et, dans la transparence, à la trésorerie zéro ; pratique de la gestion déléguée sans renoncer à la maîtrise des choix fondamentaux et des exigences de sérénité tarifaire ; permanente « chasse au gaspi », pour comprimer les factures dénergie, de téléphone ou dassurance ; responsabilisation des fonctionnaires à tous les niveaux. LEtat doit soutenir tous ces efforts et comprendre que les finances des collectivités locales ne sont pas à ponctionner mais à conforter.
La taxe professionnelle, impôt qui pénalise lemploi et linvestissement, est en train dêtre réformée. Les futures communautés dagglomération, tenues à une fiscalité unique, pourraient trouver à y gagner, parvenant à plus dégalité : égalité entre les communes, égalité aussi entre les redevables, égalité au sein de lEurope car une telle taxe peut remédier à un de nos handicaps, lexcessif éparpillement communal.
La taxe dhabitation est le plus vicié de tous les impôts personnels. Pour autant, réformer cette taxe en remplaçant brutalement les valeurs cadastrales des années 60 par celles de 1990, serait peu probant et mettrait les élus locaux dans une situation difficile. Donnons-nous comme règle de ne jamais adopter de texte fiscal sans que, par simulation, les effets pervers ou bénéfiques, les transferts indus ou normaux, aient été préalablement évalués.
Soutenir linnovation et la créativité
Pour créer des emplois, des possibilités demploi, nous devons favoriser linnovation et la création dentreprises. La décision daccorder des avantages fiscaux aux placements à risque est un pas important. Beaucoup de pistes restent à explorer. Les mesures dallégement ou dexonération qui existent aujourdhui pour les jeunes entreprises sont insuffisantes. Un allégement plus global de la charge leur donnerait lélan nécessaire qui souvent leur manque pour se développer, recruter et investir. Pourquoi ne pas réfléchir à un assujettissement progressif à la pression fiscale et sociale, de la naissance à la cinquième année de vie dune société, assorti si elle réussit dun report et dun étalement de lallégement obtenu, sur la période suivante, de six à dix ans ? Le vent de liberté que ferait souffler une telle mesure serait bien plus fort que ce quil coûterait. Cest la voie par laquelle sengage le gouvernement quand il exonère de TVA les micro-entreprises et quil dispense de formalités trimestrielles les plus petites.
La simplification des conditions dembauche est également un facteur déterminant pour le développement de lemploi chez les créateurs. Est-il normal que le contrat de travail de droit commun soit le même pour une entreprise de 100 000 personnes et pour le million dentreprises unipersonnelles susceptibles de créer des emplois mais que rebute la complexité administrative, la peur du risque et la rigidité des contrats ?
Pour engager des hommes, il faut inventer des produits. Soutenir la croissance cest aussi accroître leffort dinvestissement en cherchant à combler le retard que nous subissons dans ce domaine. Beaucoup dentreprises françaises continuent de souffrir du vieillissement de leur appareil productif. Pour rendre les PME plus innovantes, il faut prévoir des procédures simplifiées, des financements spécifiques et une fiscalité différente. La survie de ces entreprises et leur croissance exigent quelles soient à égalité avec leurs concurrents étrangers, dans un monde où linnovation perpétuelle est la règle.
Fiscalité, justice sociale et solidarité
Réformer la fiscalité doit la rendre plus équitable. Une réforme de la fiscalité doit intégrer cette préoccupation sociale et apporter la preuve que lallégement des prélèvements, loin dêtre incompatible avec elle, en est la condition.
De légalité républicaine à léquité fiscale
Notre système fisco-social est peu progressif. Le prélèvement sélève fortement lorsquon gravit les premiers paliers, il reste ensuite pratiquement stable. Curieuse équité et étonnant calcul qui fait des classes modestes et moyennes le territoire de chasse privilégié du fisc. Les taux moyens, la construction du barème, les avantages multiples qui permettent aux contribuables aisés déchapper au sort commun, tout cela défavorise les entrants dans la vie professionnelle, les célibataires et ceux qui vont fonder une famille. Il existe des remèdes.
Certains proposent que la contribution sociale généralisée prélevée à la source devienne le socle dun impôt sur le revenu rénové, comportant deux niveaux : un premier proportionnel au revenu, destiné à financer les dépenses de santé, et un deuxième, progressif, qui financerait les dépenses de lEtat.
Si lon veut soutenir la consommation, notamment celle des foyers modestes, il faut élargir la liste des produits admis au bénéfice du taux réduit de TVA. Lurgence et le bon sens commandent que les activités à forte intensité de main duvre, en particulier le bâtiment, lartisanat ou la restauration classique, soient soumises à un taux modéré de TVA.
Dautres inégalités, subrepticement, apparaissent. Ainsi la redevance télévision fut inventée à une époque où posséder un poste de télévision était le privilège de 300 000 personnes parmi les plus aisées. Aujourdhui, rares sont les ménages qui ne possèdent pas un téléviseur. Lélargissement considérable de lassiette a bouleversé jusqu'à la philosophie de ce prélèvement. La redevance a rejoint les rangs des impôts injustes parce que touchant également tous les ménages, quels que soient leurs revenus. Elle est devenue un additif de TVA sur la culture et le divertissement.
Fiscalité et nouvelles technologies
Après les portes et les fenêtres, après les biens, ce sont les revenus et plus tard les services et la consommation qui ont été taxés. Aujourdhui, la vraie richesse, lassiette la plus dynamique, cest linformation. Il y a des info-riches et des info-pauvres. Nous ne devons pas entériner un accès inégal aux nouvelles technologies, à lordinateur, au cédérom, à Internet, aux télécommunications, et préparer un avenir à deux vitesses pour lensemble de la planète. Taxer limpulsion électro-magnétique ou le nombre de BIT est une piste à explorer.
La fiscalité peut, en outre, constituer une arme précieuse pour lutter contre les abus de position dominante qui menacent les acteurs du développement des nouvelles technologies et les utilisateurs.
La fiscalité écologique : pour une solidarité intergénérationnelle.
Une véritable politique solidaire doit prendre en compte les générations futures. Il est indispensable que nos politiques publiques, singulièrement la fiscalité, intègrent lambition du développement durable. Léco-développement est le moyen de construire une croissance durable, qui crée des emplois et économise les ressources rares.
Les taxes et redevances environnementales représentent aujourdhui près de 300 Mrds F. Pourtant les vertus écologiques de cette fiscalité ne sont guère éclatantes. Est-il raisonnable de maintenir une TVA à 20,6 % sur la collecte et le traitement des ordures ménagères, alors quune directive européenne fait obligation déliminer toute décharge sauvage dici à 2002 et que les collectivités territoriales mettent en place un tri sélectif et une valorisation des
déchets ? Est-il normal que le barème de la taxe intérieure sur les produits pétroliers encourage le diesel plutôt que lessence sans plomb ?
Nous devons favoriser les comportements écologiquement responsables, facturer les atteintes à lenvironnement et profiter de la montée en puissance des pollutaxes pour réduire les charges qui pèsent sur le travail. Il convient donc de « verdir » notre fiscalité pour quelle contribue à réduire la pollution atmosphérique, à économiser la ressource en eau, à favoriser le tri et la valorisation des déchets, à protéger les espaces fragiles, et à préserver nos concitoyens des nuisances sonores.
La décision de réduire, par rapport à la moyenne européenne, lécart de la fiscalité du diesel et de lessence sans plomb va dans le bon sens. Tenant compte du programme communautaire « auto oil », il faut renforcer les avantages fiscaux donnés aux technologies propres. Je pense en particulier à la création dun crédit dimpôt pour faciliter lachat de véhicules électriques ou fonctionnant au GPL, en ciblant aides et exonérations sur les flottes captives, sur les taxis comme à Tokyo, sur les loueurs et les transports urbains.
Le remplacement des multiples taxes existantes sur la pollution par une taxe générale sur les activités polluantes, affectée au budget de lEtat, est une novation du budget 1999. Dans les années à venir cette pollutaxe pourrait être privilégiée, afin que le principe pollueur-payeur soit mieux appliqué. Le surplus de recettes ainsi dégagé, en contribuant à financer la baisse des charges sociales sur le travail, permettrait de toucher un « second dividende » en terme demploi. La France serait ainsi mieux placée pour faire avancer le dossier européen de léco-taxe et pour plaider la cause du développement durable au niveau mondial.
Dépenser mieux pour prélever moins
Mieux maîtriser les dépenses publiques
Depuis trente ans la dépense publique a explosé : doublement en francs constants des dépenses de lEtat, multiplication par cinq des dépenses locales et par huit des dépenses de protection sociale. Démocratisation scolaire, pari de la formation continue, accompagnement de lurbanisation, revalorisation de la retraite des plus démunis, carte sanitaire, sécurité : autant de motifs qui exigent des moyens considérables. Je suis néanmoins convaincu que des progrès substantiels sont possibles qui, loin de compromettre la qualité du service public, accroîtraient son efficacité.
La baisse des impôts et des charges sera dautant plus rapide que nous parviendrons, parallèlement, à mieux maîtriser la dépense publique. Nous avons des progrès considérables à opérer pour rénover les procédures budgétaires, moderniser la comptabilité publique, responsabiliser les fonctionnaires, mieux évaluer lefficacité des politiques publiques et inventer des modes de gestion plus pertinents. Des méthodes modernes de gestion doivent être largement diffusées dans tout le tissu administratif comme elles lont été dans certaines administrations. Elles seront nécessairement orientées vers lécoute de lusager, lamélioration du service à moindre coût. Cest un esprit de réforme permanente quil faut insuffler, à lécoute et au service des besoins de la population.
Le rôle du Parlement
Veiller à la bonne utilisation des deniers publics est la première vocation du Parlement. Cela passe par un renforcement et surtout par une meilleure utilisation de ses pouvoirs budgétaires, tant au stade de lautorisation, du contrôle de la dépense quà celui de lévaluation des politiques publiques. Il ne sagit pas dune logique de soupçon envers les finances de lEtat, mais dapporter à la société la contrepartie de démocratie quelle exige du marché. Voter la loi est une partie du travail du Parlement. Consentir limpôt et contrôler la dépense en est une autre. Et tant pis sil faut pour cela notamment réviser la fameuse ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances qui marque une grande défiance à légard du Parlement. La réforme de 1996 a permis au Parlement dobtenir un droit de regard sur les comptes de la sécurité sociale. Le Parlement doit être davantage associé à la préparation du budget de lEtat. Il doit approuver chaque année une projection à moyen terme des finances publiques. Avec le concours actif de la Cour des comptes ou de tel bureau détudes, il pourrait se prononcer sur des scénarios alternatifs permettant de comparer lévolution des dépenses, de la pression fiscale ou de lendettement.
Sagissant du débat budgétaire lui-même, il faudra bien sortir de la funeste et fameuse « litanie, liturgie, léthargie ». La discussion doit être plus vive, plus décisive et plus politique. Pour lexamen de la loi de finances, lessentiel du travail doit se faire en commission afin que les élus puissent apporter à la copie présentée par le gouvernement autre chose que des modifications à la marge.
Le Parlement doit aussi contrôler de plus près lexécution du budget, sans laisser au gouvernement le loisir de le modifier unilatéralement. Le budget exécuté na souvent que peu de rapport avec celui qui a été voté et les assemblées ne sont pas consultées sur ces modifications. Il ne doit plus être possible, par simple décret du ministre, dannuler ou de transférer trente milliards de francs quand nous discutons pendant un trimestre pour en déplacer trois. Enfin, il faut passer du contrôle traditionnel et formel des dépenses à une évaluation réelle des politiques publiques, par grand secteur, par budget dintervention. Cela est dautant plus nécessaire que nombreux sont désormais les partenaires, tant publics que privés, qui y concourent. Limportant nest pas seulement de savoir si les dépenses ont été régulièrement engagées. Limportant est de vérifier si les objectifs ont été atteints -ce qui suppose dailleurs quils aient été clairement définis au départ-, si les moyens employés ont été les mieux appropriés et si le souci de parcimonie a constamment prévalu.
Depuis le mois doctobre, je réunis régulièrement à lAssemblée un groupe de travail sur le contrôle parlementaire et lefficacité de la dépense publique. Nous procédons à laudition de personnalités diverses susceptibles de nourrir notre réflexion sur les moyens de renforcer lefficacité de la dépense et daméliorer les pouvoirs budgétaires du Parlement, tant au stade de lautorisation et du contrôle, quà celui de lévaluation des politiques. Je suis convaincu quun champ considérable de progression soffre à nous. Dès le début de lannée prochaine nous ferons des propositions concrètes. Modernisation de la discussion, revalorisation du Parlement, rééquilibrage des institutions : un argent mieux contrôlé sera aussi mieux dépensé et probablement moins prélevé.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr)