Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Vous ne mettrez pas en doute la sincérité qui manime, si je vous dis combien je suis heureux de vous retrouver, vous les journalistes que jai toujours aimés, vous le savez, dun amour exigeant.
Jai été touché par les vux que jai reçus, vux de bonne année, mais aussi vux et pensées que vous avez pu formuler pour moi pendant mon absence. Beaucoup men ont fait parvenir le témoignage. Jai été très sensible aux marques de votre sympathie et jy ai puisé des ressources qui ont sans doute contribué à mon rétablissement rapide. Celui-ci est complet, si jen juge par quelques réactions que mes propos ont suscitées ici et là depuis une dizaine de jours. Sil est vrai que, selon ladage, « on ne tire pas sur une ambulance », ma santé na jamais été meilleure.
Je veux donc vous remercier très sincèrement de vos pensées et vous présenter à mon tour mes vux les plus cordiaux, pour vous ainsi que pour vos proches. Et pour que, dans un pays libre, vous réussissiez toujours mieux à jouer votre rôle, indispensable, dinformation et de formation des citoyens. Car la liberté nest pas loubli de lintérêt général, mais -vous le savez bien- sa recherche toujours plus exigeante.
Comme chacun peut le constater, je suis à nouveau au travail.
Je retrouve des dossiers passionnants mais aussi difficiles.
« Faire en toute chose retour à la République « , cest en ces termes que sexprimait le Premier Ministre lors de son discours de politique générale au Parlement, en juin 1997. Cest la règle que je mefforce de servir en tous domaines.
Garantir la sûreté, qui est la première liberté républicaine, la restaurer quand cest nécessaire. Établir ou rétablir lEtat de droit, en tous points du territoire : que ce soit en Corse ou dans certains quartiers où la peur étend son ombre. Lutter contre lapartheid social par une organisation territoriale mieux adaptée. Organiser laccès à la citoyenneté, notamment des jeunes issus de limmigration, par une politique volontariste. Voici quelques priorités que je me fixe dans le but de conforter le pacte républicain.
I - Faire accéder les jeunes issus de limmigration à une pleine citoyenneté, est un objectif majeur pour les années qui viennent.
1) Dans les années 60, et jusquen 1974, lindustrie française a fait appel à une immigration massive, dans le seul but de disposer dune main duvre à bon marché, sans se soucier des capacités dintégration de notre société. Aujourdhui, les enfants de ces travailleurs immigrés nont connu pour la plupart dentre eux que la France. Leur avenir est en France, dans le plein exercice de leur citoyenneté. Ils sont aussi lavenir de la France, comme lont été à chaque époque de son histoire les peuples quelle a su intégrer et chacun doit sen persuader. Encore faut-il que lEtat ne laisse pas saccumuler sur les épaules de ces jeunes, avec les difficultés économiques et sociales qui sont souvent le lot de leur famille, une discrimination provoquée par leur origine ethnique. Ces jeunes sont en droit dattendre de la République quelle impose à tous le respect de ses principes : légalité de traitement, linterdiction de toute discrimination ethnique ou raciale. Leur accès à une pleine citoyenneté passe par un effort exceptionnel pour faire entrer de plain-pied ces jeunes dans le monde du travail et par une lutte sans relâche contre les discriminations partout où elles existent, que ce soit en matière daccès à lapprentissage, à la formation, à lemploi, au logement, à la culture ou aux loisirs. Cest cela la citoyenneté qui confère des droits, mais aussi, en contrepartie, je le rappelle, quelques petits devoirs.
2) Pour que légalité napparaisse pas comme un vain mot, il faut que ceux qui sont le visage de la République pour les citoyens, la police mais aussi les autres administrations, aient le visage de ceux qui vivent dans les villes de la France daujourdhui. Que les administrations intègrent en leur sein ces jeunes encore trop souvent au bord du chemin, leur donnant les responsabilités auxquelles ils aspirent légitimement. Quelles aient le souci dêtre à limage dune France qui change et qui doit changer pour rester elle même.
3) Le Ministère de lIntérieur est par excellence celui de la citoyenneté et de lintégration républicaine. Jadresse ce jour une circulaire aux préfets, leur demandant de réunir une Commission départementale daccès à la Citoyenneté (CODAC) pour satteler à ces missions. Cest laffaire dune génération. Le devoir de réussite est impératif car si nous nentreprenions pas aujourdhui cet effort, nous nous trouverions demain devant un immense problème. Comme la dit le Premier ministre dans son interview au Monde, cest le modèle républicain qui serait alors en péril.
Jai chargé, à mon cabinet, M. Karim Zéribi de cette question. Vous aurez bientôt loccasion de faire plus ample connaissance avec lui
II - Cest le même objectif que je poursuis en cherchant à encourager la naissance dun Islam français vivant en pleine harmonie avec les principes de la République.
Un Institut des Hautes Etudes Islamiques fonctionnant au sein même de lUniversité, plus précisément lINALCO, (ex Langues-Orientales) ouvrira ses portes à la rentrée universitaire de 1999. Il fonctionnera à la fois comme établissement de recherche et comme université ouverte. Le Ministre de lEducation Nationale, M. Claude Allègre, ma indiqué quil pourrait sinstaller dans les locaux prestigieux de lancien collège Sainte-Barbe, à deux pas du Panthéon, au sommet de cette colline Sainte-Geneviève où lEsprit depuis toujours sefforce de relever le défi des temps nouveaux. Je ne doute pas quun Islam français moderne, admis de plein droit à la table de la République pourra fournir à des jeunes dont la famille est de tradition musulmane, et bien entendu sils le souhaitent, des repères qui soient à la fois en harmonie avec leur histoire et avec le modèle de citoyenneté auquel nous sommes attachés. Il doit être clair quon peut parfaitement sappeler Mohamed ou Fatima et être un excellent citoyen français.
Sur ce sujet de lIslam en France, je nourris également dautres projets : bien entendu il nappartient pas à lEtat de se substituer aux musulmans français pour ce qui est de leur organisation. Je suis prêt cependant à encourager leurs efforts afin quils puissent notamment disposer de lieux de culte dignes de leur religion.
Je réunirai dans les prochains mois les représentants des différentes sensibilités afin de hâter des initiatives qui nincombent pas à lEtat mais que celui-ci peut encourager.
III - Cest le même but celui dune citoyenneté pleine et entière pour tous- que je mefforce datteindre avec le projet de loi sur la coopération intercommunale et à travers la réforme de lEtat. Voilà des questions que lon abandonne volontiers aux techniciens et aux juristes et que lon risque de laisser enfermer dans des débats techniques et juridiques.
Pour ma part, je ne crois pas très utile de prolonger indéfiniment le débat byzantin sur la « bonne « organisation territoriale ou sur les mérites comparés du département et de la région. Cette opposition est factice et il serait stérile de lencourager. Cest un constat sur lequel Madame Voynet et moi-même tombons entièrement daccord.
Les départements ont une solide légitimité, liés aux origines républicaines de notre organisation territoriale. Les régions ont un rôle éminent à jouer pour laménagement du territoire, pour que la France défende ses intérêts et fasse valoir ses atouts dans lespace européen.
Quant aux communes, elles sont notre institution la plus ancienne et la plus légitime aux yeux des Français, parce que le maire reste par excellence lélu le plus proche des citoyens, le maillon le plus fort de la chaîne démocratique.
Chacun reconnaît, chacun sait que les communes, pour agir, pour investir, pour gérer leurs équipements et leurs services, doivent unir leurs efforts. Elles lont fait, elles le font encore, mais bien davantage dans le monde rural que dans les agglomérations urbaines : depuis la loi de 1992, il sest créé 1500 communautés de communes mais seulement 5 communautés de villes.
Or, aujourdhui, cest dans les villes, aux portes des villes, dans les banlieues, que le pacte républicain est le plus menacé. On ne pourra rien faire contre linégalité sociale, contre lexclusion, contre les discriminations, si on laisse se constituer des ghettos économiques et ethniques, des quartiers abandonnés à la pauvreté face à des quartiers prospères, mais repliés sur eux-mêmes et protégés par une police privée.
Lambition du projet de loi que je présenterai dès le 3 février est dinciter les communes des 116 agglomérations de plus de 50 000 habitants à rassembler leurs forces pour jouer la carte de la solidarité et de lefficacité, de façon à prendre ensemble les décisions qui engagent le long terme : répartition de lhabitat, remodelage des banlieues, dédensification de certains quartiers, politiques ciblées de formation et demploi, plans de circulation et de transports publics, visant à transformer en villes unies et solidaires les agglomérations trop souvent disparates daujourdhui.
Nous voyons bien que faute dun effort suffisant dorganisation et de solidarité, lintégration et la mixité sociale sont en échec. Cest alors à la délinquance et plus précisément aux violences urbaines et à la délinquance des mineurs quil faut faire face.
IV Venons-en à la lutte contre linsécurité.
Quelques mots dabord, si vous le voulez bien de la délinquance. Les derniers chiffres connus pour 1998 font apparaître, après un mois de décembre moins mauvais que dhabitude, une progression de la délinquance globale denviron 2 % en 1998, après une diminution de 1,9 % en 1997. La délinquance retrouve ainsi le niveau de 1996, cest-à-dire celui de la deuxième meilleure année depuis le début des années quatre-vingt-dix. Je ne dis pas cela pour minimiser la gravité dune délinquance qui dépasse 3,5 Millions de crimes et délits commis dans lannée, mais je considère que le problème de linsécurité est assez grave pour être traité objectivement, sans surenchère ni démagogie.
1) Ce qui est préoccupant, cest la croissance des violences urbaines et celle de la délinquance des mineurs -plus de 13%-.
Les violences urbaines ont considérablement augmenté depuis 1992, date à laquelle les Renseignements Généraux ont commencé à les recenser. Ce sont 25.000 faits de violences urbaines dans 805 quartiers qui ont été enregistrés en 1998. Il est vrai que la plupart des incidents recensés sont des incidents de basse intensité : il nen sont pas moins révélateurs dune extension géographique et dun climat dégradé. Le nombre des majeurs en cause dans les actes de délinquance est en recul, mais le nombre des mineurs croît fortement. Il a plus que doublé de 1992 à 1998. Cest un fait. Il faut mesurer limportance que prennent ces violences dans la vie de beaucoup de nos concitoyens et le sentiment dinsécurité quelles génèrent. On les présente souvent comme la conséquence du mal-vivre des cités, des banlieues. Une révolte irrationnelle, aux formes autodestructrices contre le chômage, le rejet, les inégalités sociales. Au fond, une trop grande distance entre le possible, le potentiel de ces jeunes, et le réel.
Il faut se garder de tout confondre : les jeunes, souvent victimes de la violence, et qui dans leur immense majorité aspirent à réussir leur vie, et les délinquants multirécidivistes qui pourrissent leur quartier et constituent pour les autres un exemple dautant plus déplorable quils semblent souvent prospérer sur le racket et le trafic. Il faut rappeler ce principe simple : les difficultés rencontrées nautorisent pas à insulter, à détruire, à blesser, voire à tuer. Tout être humain reste et doit être traité, non pas comme un zombie, mais comme un être de liberté.
Je voudrais dailleurs attirer votre attention sur le fait que ces violences, elles-mêmes, deviennent bien vite une cause forte de mal-vivre et de désespoir pour beaucoup dhabitants de ces quartiers déstabilisés. Elles déterminent ceux qui le peuvent encore, à déménager et renforcent lisolement et le désespoir des autres. Les rejets se nourrissent lun lautre. La violence urbaine fait ainsi le lit de lextrémisme. Elle encourage les idéologies délirantes qui font de limmigré en général, le bouc émissaire des frustrations nées de la misère sociale. A cette situation, il y a des remèdes : la fermeté, le dialogue et la justice. Seule une fermeté républicaine permettra denrayer la dérive vers une société ségrégationniste et ultra-répressive dont les contours se laissent aisément deviner dans certaines grandes villes dOutre-Atlantique. Le dialogue sur le terrain est également nécessaire pour dissiper les fantasmes et relativiser les choses. La justice sociale enfin passe par légalité réelle des chances que jévoquais tout à lheure.
Ces violences urbaines ne sont pas pour moi une préoccupation nouvelle, javais, dès mon arrivée, confié une mission à Mmes Le Guennec et Body-Gendrot dont jai reçu, en mai dernier, le rapport dont vous avez pu prendre connaissance.
Il est temps de comprendre que la seule analyse sociologique ne contient pas en elle-même la réponse à lextension des violences. Que la disparition du chômage et des inégalités nest pas la condition préalable à toute tentative de retour à la tranquillité pour ces quartiers, à lespoir pour leurs habitants. Sans doute cela y contribuerait mais linverse est aussi vrai : le retour à la sécurité conditionne la reprise dactivités économiques normales. Il faut dire que ceux des jeunes qui se livrent aux actes les plus violents, souvent victimes dune société en crise, -mais cela nexcuse rien- en deviennent ensuite les prédateurs. Cest en dépouillant, en terrorisant les habitants et particulièrement les jeunes de leurs propres quartiers quun certain nombre de petits caïds peuvent frimer au volant de grosses cylindrées. Non, vraiment, la confusion nest pas possible entre les victimes et les agresseurs. Ne ressuscitons pas le mythe des classes dangereuses en vogue dans la bourgeoisie victorienne. Entre une jeunesse, qui sinquiète de son avenir, qui souhaite trouver la voie de son épanouissement, qui veut prendre les responsabilités auxquelles elle est en droit de prétendre, et une poignée d » enfants dAl Capone « comme les baptise fort justement votre confrère Jean-François Kahn. Contre ces derniers, il est de notre devoir de sévir.
Prévenir ces comportements, cest le rôle des parents dabord, cest le rôle de lécole ensuite, et plus généralement des institutions et des associations éducatives. Les réprimer quand la prévention na pas réussi, cest encore le rôle des parents, et si cela ne suffit pas, celui de la police et de la justice. Dissuader surtout ceux qui sont déstabilisés de tomber du mauvais côté. Pour cela lexemplarité de la sanction, claire, lisible, proportionnée à la faute, mais administrée sans retard à ceux qui la méritent, fait aussi partie de la prévention pour le plus grand nombre. Léloignement, quand cest indispensable, assorti dun projet éducatif robuste, permettra quà la logique des modèles didentification négatifs se substitue celle des modèles positifs.
En traitant la question de la sécurité sans hypocrisie, avec le sérieux nécessaire, la gauche aujourdhui au gouvernement pourra rester fidèle à elle-même quand elle luttait dans lopposition pour légalité et contre linjustice. Car je viens de vous le rappeler, linsécurité révèle et aggrave linégalité et linjustice. Ne pas nous hausser à la hauteur de nos responsabilités aujourdhui, ce serait abandonner cette question aux démagogues. Car ce qui est en jeu, encore une fois, cest le modèle républicain lui-même. Notre réformisme ne doit pas être un réformisme « pieux », comme disait Alain Milner, qui se sanctifierait par ses seules bonnes intentions. Un réformisme vraiment républicain ne peut se satisfaire que de ses résultats. Doù limportance dun diagnostic lucide et dun choix de moyens, loin de tout effet dannonce, mais simplement adaptés à lobjectif poursuivi. Tel est le sens de ma démarche. Nous vivons dans une société de démagogie. Le réflexe de tout lobby ou de tout corporatisme, quand il se sent menacé, est dattaquer pour se défendre. Je lobserve sans pour autant men émouvoir. Pascal déjà rappelait que si la force sans la justice sappelle tyrannie, la justice sans la force nest quimpuissance. Cest dans cette même ligne de pensée que le colloque de Villepinte a heureusement rompu avec cette fausse fenêtre qui consiste à opposer prévention et répression. Quand la prévention, si développée quon la souhaite, échoue, une sanction efficace simpose. Et cette efficacité implique bien évidemment des choix de moyens judicieux.
2) Une sécurité égale pour tous et partout est un droit essentiel. Le gouvernement annoncera le 27 janvier un certain nombre de décisions, à la suite du Conseil de Sécurité Intérieure. Nous allons prolonger laction entreprise depuis Villepinte en la ciblant davantage.
a) Nous avons mobilisé des moyens nouveaux.
8 250 adjoints de sécurité ont été recrutés. Ils veillent à une meilleure relation avec la population, à accroître la présence de la police dans les quartiers, auprès des publics vulnérables, à faire reculer le sentiment dinsécurité. De la même façon, les contrats locaux de sécurité signés ou en cours délaboration prévoient le recrutement de 5 100 agents locaux de médiation sociale, dans les collectivités, dans les sociétés de transports, chez les bailleurs sociaux, pour favoriser, surtout dans les zones sensibles sur le plan de la sécurité, la prévention et la médiation.
b) 174 contrats locaux de sécurité ont été signés depuis un an et 425 sont en cours délaboration. Un contrat local de sécurité, cela signifie que dans une ville, une agglomération, les partenaires de la sécurité, ensemble, cherchent et trouvent tous les moyens à mettre en uvre pour parvenir à lobjectif que nous nous sommes fixés « des villes sûres pour des citoyens libres « .
La police doit être aussi plus efficace, pour cela je souhaite agir sur la répartition des effectifs, et la doctrine demploi de la police.
c) En ce qui concerne la répartition, les effectifs de police doivent être concentrés là où ils sont le plus nécessaires. Ce principe de bon sens qui est celui du service public ne souffre aucune contestation. Loccasion du recrutement de 25 000 nouveaux fonctionnaires dans les cinq prochaines années crée les conditions favorables pour poursuivre les redéploiements nécessaires.
d) Ensuite, se pose un problème de doctrine demploi : Comme dans la plupart des pays latins, notre modèle est plutôt celui dune police dordre. Des patrouilles poursuivent les délinquants, puis lorsque la délinquance tourne aux violences urbaines, on fait appel aux unités mobiles, policiers ou gendarmes, pour ramener le calme. Nous avons pu le constater encore récemment, cette méthode qui reste nécessaire pour éteindre les incendies, ne permet pas de les prévenir. Il faut innover. Cest ce que nous appelons la police de proximité. Pas seulement lîlotage mais la présence et la responsabilité de petites équipes par quartier, par rue, par bloc dimmeubles ; une police constamment présente et visible sur le terrain, une police liée à la population au sein de laquelle elle travaille ; une police qui crée une plus grande confiance mutuelle entre les policiers et les citoyens ; une police formée en conséquence. Cest ce que jai pu voir en me rendant aux Pays-Bas et particulièrement à La Haye. De la pratique des pays du Nord, nous avons certainement des enseignements à tirer. Dans un ordre didées différent mais néanmoins proche, un exemplaire du guide de déontologie de la police nationale, qui sera largement diffusé, est à votre disposition. La police nationale qui paye un rude écot au maintien de la sécurité, doit être formée pour aller toujours plus au devant des citoyens.
e) Cest pourquoi jai lancé lorganisation des Assises de la formation et de la recherche dans la police nationale. La police doit se pénétrer de lidée que la formation est un investissement indispensable à son efficacité et donc à sa légitimité.
Ces Assises auront lieu le 1er février à la Cité des sciences et de lindustrie, et seront conclues par le Premier Ministre.
V - La République est indissociable de lEtat de droit. Le traitement égal pour tous sur lensemble de son territoire en est un élément fondamental. La Corse, dont je reviens, mérite autant que toutes les régions de France de bénéficier de cet Etat de droit. Le gouvernement a entrepris de linstaurer. Parce que la loi seule permet de faire échapper à cet état de jungle qui ne reconnaît que le droit du plus fort.
Cette entreprise ne saurait être luvre de quelques mois ou dune année. Ce sera je lai dit- une uvre de longue haleine.
Malgré les difficultés rencontrées, je suis convaincu que les conditions de la réussite sont là, avec lassentiment de la grande majorité de nos compatriotes corses, grâce à la volonté des pouvoirs publics, qui sont pleinement déterminés.
Le cap a été clairement identifié. Il ne sera jamais perdu de vue. Il faut quen tous domaines la loi sapplique pour que la confiance renaisse et que linitiative puisse sépanouir. La restauration ou linstauration de lEtat de droit ne va pas sans quelques petits inconvénients. Mais que sont ces inconvénients à côté de ceux qui résulteraient dune complaisance à nouveau affichée à légard de ceux dont le langage sappuie sur ces arguments très persuasifs que sont le revolver et le bâton de dynamite ? Il faut délivrer la Corse de la peur. Lavenir de cette île magnifique peut être brillant dès lors quà des stratégies minoritaires dinfantilisation et de déresponsabilisation de lensemble des citoyens, par la diabolisation de lEtat, ce pelé, ce galeux doù viendrait tout le mal, auront fait place la confiance en lavenir, louverture, le dialogue, la démocratie, linitiative créatrice. Là est lavenir de la Corse et nulle part ailleurs.
LEtat républicain est assez fort pour dominer le temps.
Et, à terme, qui peut douter quil aura gain de cause ?
VI - Cest sur le long terme que se jouent les questions les plus graves. Ainsi les phénomènes migratoires, du Sud vers les pays industrialisés sont-ils une réalité pour longtemps. Nous devions adapter nos règles dentrée et de séjour des étrangers pour être pleinement en mesure de maîtriser ces flux, sans abandonner une politique audacieuse dintégration. Cest fait.
Lopération de régularisation de ressortissants étrangers en situation irrégulière est arrivée à son terme, 99 % des recours ont été traités. Comme vous le savez, plus de 80 000 personnes ont été régularisées.
Les personnes déboutées sont invitées à quitter notre territoire et se voient proposer une véritable aide à la réinsertion dans leur pays dorigine. Pour trois pays à lémigration particulièrement importante, cest même un véritable contrat de réinsertion dans le pays dorigine (CRPO) qui est proposé, avec une formation et le droit à un visa après réinstallation.
Cest désormais la loi RESEDA du 11 mai 1998 qui sapplique. Inspirée du rapport de M. Patrick WEIL, votée par le Parlement, cest la loi de la République. Légalité complète des droits sociaux, la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale « , les titres particuliers pour les scientifiques et les artistes, la commission départementale du titre de séjour, laggravation des sanctions pour les filières clandestines, sont autant dinnovations de la loi qui illustrent la volonté de ce gouvernement dune législation à la fois humaine et conforme à lintérêt de la France.
Au-delà, cest une véritable politique de co-développement qui est mise en place, à linitiative de M. Sami NAÏR, délégué interministériel au co-développement et aux migrations internationales.
Il faut changer le regard que porte notre pays sur les migrations. Laide aux projets des migrants légalement installés en France, la mobilité des jeunes travailleurs et étudiants dans le cadre dun projet dinsertion dans leur pays, léquipement et le développement des régions démigration : autant dorientations qui fondent lélaboration, en cours, de conventions de co-développement que nous souhaitons signer avec le Mali, le Maroc et le Sénégal. Des comités régionaux de co-développement ont été installés dans les régions Provence Alpes Côte dAzur et Nord-Pas-de-Calais. Le rôle des associations, des collectivités territoriales, des entreprises, des universités sera important pour la mise en uvre concrète de cette politique.
Cette orientation, fondée sur lintégration et le co-développement, je mefforce aussi de la promouvoir auprès de nos partenaires européens. Le rapprochement des problématiques est le préalable de la mise en uvre de politiques ou dorientations communes.
VII - Faire vivre la république cest aussi savoir ladapter à son temps. La modernisation de la vie politique, voulue par le Premier Ministre, sollicitera le ministère de lIntérieur tout au long de cette année.
La réforme du mode de scrutin régional a été menée à bonne fin en décembre ; nous aborderons le 3 mars, en deuxième lecture à lAssemblée, la limitation du cumul des mandats ; les obstacles sont sérieux, mais notre volonté est sereine. Il faudra avancer.
Jajoute que la réforme constitutionnelle sur légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, dont la nécessité vient dêtre démontrée par la récente décision du Conseil constitutionnel, devra trouver ses conséquences, pour les élections au scrutin de liste. Nous avons également fait adopter linscription doffice des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales. En mars prochain, les préfectures adresseront à tous ces jeunes inscrits un « Livret du Citoyen » rédigé par le professeur Claude Nicolet, après examen des commissions des lois de lAssemblée Nationale et du Sénat.
Enfin, la réforme du mode délection des sénateurs, qui sera traitée dès cette année, sera le meilleur service rendu au Sénat, qui a tout à gagner à voir améliorer sa représentativité.
Ces chantiers ouverts seront menés à bien avec le même souci de moderniser la vie publique et daméliorer les rapports avec les citoyens.
Laccès des jeunes à la citoyenneté, la maîtrise des flux migratoires, lintercommunalité, la police de proximité, lÉtat de droit en Corse En tous domaines pensons toujours à lintérêt général. Il est plus facile de ne rien faire, de composer avec les intérêts particuliers ou les corporatismes, de concéder aux idées à la mode. Il est plus difficile de changer les habitudes acquises et de procéder aux réformes nécessaires pour que vivent les valeurs de la République.
Cest plus de travail : mais cest la voie que jai choisie, suivre la pente, mais en la remontant.
Bonne année à toutes et à tous.
(Source http://www.interieur.gouv.fr)
Vous ne mettrez pas en doute la sincérité qui manime, si je vous dis combien je suis heureux de vous retrouver, vous les journalistes que jai toujours aimés, vous le savez, dun amour exigeant.
Jai été touché par les vux que jai reçus, vux de bonne année, mais aussi vux et pensées que vous avez pu formuler pour moi pendant mon absence. Beaucoup men ont fait parvenir le témoignage. Jai été très sensible aux marques de votre sympathie et jy ai puisé des ressources qui ont sans doute contribué à mon rétablissement rapide. Celui-ci est complet, si jen juge par quelques réactions que mes propos ont suscitées ici et là depuis une dizaine de jours. Sil est vrai que, selon ladage, « on ne tire pas sur une ambulance », ma santé na jamais été meilleure.
Je veux donc vous remercier très sincèrement de vos pensées et vous présenter à mon tour mes vux les plus cordiaux, pour vous ainsi que pour vos proches. Et pour que, dans un pays libre, vous réussissiez toujours mieux à jouer votre rôle, indispensable, dinformation et de formation des citoyens. Car la liberté nest pas loubli de lintérêt général, mais -vous le savez bien- sa recherche toujours plus exigeante.
Comme chacun peut le constater, je suis à nouveau au travail.
Je retrouve des dossiers passionnants mais aussi difficiles.
« Faire en toute chose retour à la République « , cest en ces termes que sexprimait le Premier Ministre lors de son discours de politique générale au Parlement, en juin 1997. Cest la règle que je mefforce de servir en tous domaines.
Garantir la sûreté, qui est la première liberté républicaine, la restaurer quand cest nécessaire. Établir ou rétablir lEtat de droit, en tous points du territoire : que ce soit en Corse ou dans certains quartiers où la peur étend son ombre. Lutter contre lapartheid social par une organisation territoriale mieux adaptée. Organiser laccès à la citoyenneté, notamment des jeunes issus de limmigration, par une politique volontariste. Voici quelques priorités que je me fixe dans le but de conforter le pacte républicain.
I - Faire accéder les jeunes issus de limmigration à une pleine citoyenneté, est un objectif majeur pour les années qui viennent.
1) Dans les années 60, et jusquen 1974, lindustrie française a fait appel à une immigration massive, dans le seul but de disposer dune main duvre à bon marché, sans se soucier des capacités dintégration de notre société. Aujourdhui, les enfants de ces travailleurs immigrés nont connu pour la plupart dentre eux que la France. Leur avenir est en France, dans le plein exercice de leur citoyenneté. Ils sont aussi lavenir de la France, comme lont été à chaque époque de son histoire les peuples quelle a su intégrer et chacun doit sen persuader. Encore faut-il que lEtat ne laisse pas saccumuler sur les épaules de ces jeunes, avec les difficultés économiques et sociales qui sont souvent le lot de leur famille, une discrimination provoquée par leur origine ethnique. Ces jeunes sont en droit dattendre de la République quelle impose à tous le respect de ses principes : légalité de traitement, linterdiction de toute discrimination ethnique ou raciale. Leur accès à une pleine citoyenneté passe par un effort exceptionnel pour faire entrer de plain-pied ces jeunes dans le monde du travail et par une lutte sans relâche contre les discriminations partout où elles existent, que ce soit en matière daccès à lapprentissage, à la formation, à lemploi, au logement, à la culture ou aux loisirs. Cest cela la citoyenneté qui confère des droits, mais aussi, en contrepartie, je le rappelle, quelques petits devoirs.
2) Pour que légalité napparaisse pas comme un vain mot, il faut que ceux qui sont le visage de la République pour les citoyens, la police mais aussi les autres administrations, aient le visage de ceux qui vivent dans les villes de la France daujourdhui. Que les administrations intègrent en leur sein ces jeunes encore trop souvent au bord du chemin, leur donnant les responsabilités auxquelles ils aspirent légitimement. Quelles aient le souci dêtre à limage dune France qui change et qui doit changer pour rester elle même.
3) Le Ministère de lIntérieur est par excellence celui de la citoyenneté et de lintégration républicaine. Jadresse ce jour une circulaire aux préfets, leur demandant de réunir une Commission départementale daccès à la Citoyenneté (CODAC) pour satteler à ces missions. Cest laffaire dune génération. Le devoir de réussite est impératif car si nous nentreprenions pas aujourdhui cet effort, nous nous trouverions demain devant un immense problème. Comme la dit le Premier ministre dans son interview au Monde, cest le modèle républicain qui serait alors en péril.
Jai chargé, à mon cabinet, M. Karim Zéribi de cette question. Vous aurez bientôt loccasion de faire plus ample connaissance avec lui
II - Cest le même objectif que je poursuis en cherchant à encourager la naissance dun Islam français vivant en pleine harmonie avec les principes de la République.
Un Institut des Hautes Etudes Islamiques fonctionnant au sein même de lUniversité, plus précisément lINALCO, (ex Langues-Orientales) ouvrira ses portes à la rentrée universitaire de 1999. Il fonctionnera à la fois comme établissement de recherche et comme université ouverte. Le Ministre de lEducation Nationale, M. Claude Allègre, ma indiqué quil pourrait sinstaller dans les locaux prestigieux de lancien collège Sainte-Barbe, à deux pas du Panthéon, au sommet de cette colline Sainte-Geneviève où lEsprit depuis toujours sefforce de relever le défi des temps nouveaux. Je ne doute pas quun Islam français moderne, admis de plein droit à la table de la République pourra fournir à des jeunes dont la famille est de tradition musulmane, et bien entendu sils le souhaitent, des repères qui soient à la fois en harmonie avec leur histoire et avec le modèle de citoyenneté auquel nous sommes attachés. Il doit être clair quon peut parfaitement sappeler Mohamed ou Fatima et être un excellent citoyen français.
Sur ce sujet de lIslam en France, je nourris également dautres projets : bien entendu il nappartient pas à lEtat de se substituer aux musulmans français pour ce qui est de leur organisation. Je suis prêt cependant à encourager leurs efforts afin quils puissent notamment disposer de lieux de culte dignes de leur religion.
Je réunirai dans les prochains mois les représentants des différentes sensibilités afin de hâter des initiatives qui nincombent pas à lEtat mais que celui-ci peut encourager.
III - Cest le même but celui dune citoyenneté pleine et entière pour tous- que je mefforce datteindre avec le projet de loi sur la coopération intercommunale et à travers la réforme de lEtat. Voilà des questions que lon abandonne volontiers aux techniciens et aux juristes et que lon risque de laisser enfermer dans des débats techniques et juridiques.
Pour ma part, je ne crois pas très utile de prolonger indéfiniment le débat byzantin sur la « bonne « organisation territoriale ou sur les mérites comparés du département et de la région. Cette opposition est factice et il serait stérile de lencourager. Cest un constat sur lequel Madame Voynet et moi-même tombons entièrement daccord.
Les départements ont une solide légitimité, liés aux origines républicaines de notre organisation territoriale. Les régions ont un rôle éminent à jouer pour laménagement du territoire, pour que la France défende ses intérêts et fasse valoir ses atouts dans lespace européen.
Quant aux communes, elles sont notre institution la plus ancienne et la plus légitime aux yeux des Français, parce que le maire reste par excellence lélu le plus proche des citoyens, le maillon le plus fort de la chaîne démocratique.
Chacun reconnaît, chacun sait que les communes, pour agir, pour investir, pour gérer leurs équipements et leurs services, doivent unir leurs efforts. Elles lont fait, elles le font encore, mais bien davantage dans le monde rural que dans les agglomérations urbaines : depuis la loi de 1992, il sest créé 1500 communautés de communes mais seulement 5 communautés de villes.
Or, aujourdhui, cest dans les villes, aux portes des villes, dans les banlieues, que le pacte républicain est le plus menacé. On ne pourra rien faire contre linégalité sociale, contre lexclusion, contre les discriminations, si on laisse se constituer des ghettos économiques et ethniques, des quartiers abandonnés à la pauvreté face à des quartiers prospères, mais repliés sur eux-mêmes et protégés par une police privée.
Lambition du projet de loi que je présenterai dès le 3 février est dinciter les communes des 116 agglomérations de plus de 50 000 habitants à rassembler leurs forces pour jouer la carte de la solidarité et de lefficacité, de façon à prendre ensemble les décisions qui engagent le long terme : répartition de lhabitat, remodelage des banlieues, dédensification de certains quartiers, politiques ciblées de formation et demploi, plans de circulation et de transports publics, visant à transformer en villes unies et solidaires les agglomérations trop souvent disparates daujourdhui.
Nous voyons bien que faute dun effort suffisant dorganisation et de solidarité, lintégration et la mixité sociale sont en échec. Cest alors à la délinquance et plus précisément aux violences urbaines et à la délinquance des mineurs quil faut faire face.
IV Venons-en à la lutte contre linsécurité.
Quelques mots dabord, si vous le voulez bien de la délinquance. Les derniers chiffres connus pour 1998 font apparaître, après un mois de décembre moins mauvais que dhabitude, une progression de la délinquance globale denviron 2 % en 1998, après une diminution de 1,9 % en 1997. La délinquance retrouve ainsi le niveau de 1996, cest-à-dire celui de la deuxième meilleure année depuis le début des années quatre-vingt-dix. Je ne dis pas cela pour minimiser la gravité dune délinquance qui dépasse 3,5 Millions de crimes et délits commis dans lannée, mais je considère que le problème de linsécurité est assez grave pour être traité objectivement, sans surenchère ni démagogie.
1) Ce qui est préoccupant, cest la croissance des violences urbaines et celle de la délinquance des mineurs -plus de 13%-.
Les violences urbaines ont considérablement augmenté depuis 1992, date à laquelle les Renseignements Généraux ont commencé à les recenser. Ce sont 25.000 faits de violences urbaines dans 805 quartiers qui ont été enregistrés en 1998. Il est vrai que la plupart des incidents recensés sont des incidents de basse intensité : il nen sont pas moins révélateurs dune extension géographique et dun climat dégradé. Le nombre des majeurs en cause dans les actes de délinquance est en recul, mais le nombre des mineurs croît fortement. Il a plus que doublé de 1992 à 1998. Cest un fait. Il faut mesurer limportance que prennent ces violences dans la vie de beaucoup de nos concitoyens et le sentiment dinsécurité quelles génèrent. On les présente souvent comme la conséquence du mal-vivre des cités, des banlieues. Une révolte irrationnelle, aux formes autodestructrices contre le chômage, le rejet, les inégalités sociales. Au fond, une trop grande distance entre le possible, le potentiel de ces jeunes, et le réel.
Il faut se garder de tout confondre : les jeunes, souvent victimes de la violence, et qui dans leur immense majorité aspirent à réussir leur vie, et les délinquants multirécidivistes qui pourrissent leur quartier et constituent pour les autres un exemple dautant plus déplorable quils semblent souvent prospérer sur le racket et le trafic. Il faut rappeler ce principe simple : les difficultés rencontrées nautorisent pas à insulter, à détruire, à blesser, voire à tuer. Tout être humain reste et doit être traité, non pas comme un zombie, mais comme un être de liberté.
Je voudrais dailleurs attirer votre attention sur le fait que ces violences, elles-mêmes, deviennent bien vite une cause forte de mal-vivre et de désespoir pour beaucoup dhabitants de ces quartiers déstabilisés. Elles déterminent ceux qui le peuvent encore, à déménager et renforcent lisolement et le désespoir des autres. Les rejets se nourrissent lun lautre. La violence urbaine fait ainsi le lit de lextrémisme. Elle encourage les idéologies délirantes qui font de limmigré en général, le bouc émissaire des frustrations nées de la misère sociale. A cette situation, il y a des remèdes : la fermeté, le dialogue et la justice. Seule une fermeté républicaine permettra denrayer la dérive vers une société ségrégationniste et ultra-répressive dont les contours se laissent aisément deviner dans certaines grandes villes dOutre-Atlantique. Le dialogue sur le terrain est également nécessaire pour dissiper les fantasmes et relativiser les choses. La justice sociale enfin passe par légalité réelle des chances que jévoquais tout à lheure.
Ces violences urbaines ne sont pas pour moi une préoccupation nouvelle, javais, dès mon arrivée, confié une mission à Mmes Le Guennec et Body-Gendrot dont jai reçu, en mai dernier, le rapport dont vous avez pu prendre connaissance.
Il est temps de comprendre que la seule analyse sociologique ne contient pas en elle-même la réponse à lextension des violences. Que la disparition du chômage et des inégalités nest pas la condition préalable à toute tentative de retour à la tranquillité pour ces quartiers, à lespoir pour leurs habitants. Sans doute cela y contribuerait mais linverse est aussi vrai : le retour à la sécurité conditionne la reprise dactivités économiques normales. Il faut dire que ceux des jeunes qui se livrent aux actes les plus violents, souvent victimes dune société en crise, -mais cela nexcuse rien- en deviennent ensuite les prédateurs. Cest en dépouillant, en terrorisant les habitants et particulièrement les jeunes de leurs propres quartiers quun certain nombre de petits caïds peuvent frimer au volant de grosses cylindrées. Non, vraiment, la confusion nest pas possible entre les victimes et les agresseurs. Ne ressuscitons pas le mythe des classes dangereuses en vogue dans la bourgeoisie victorienne. Entre une jeunesse, qui sinquiète de son avenir, qui souhaite trouver la voie de son épanouissement, qui veut prendre les responsabilités auxquelles elle est en droit de prétendre, et une poignée d » enfants dAl Capone « comme les baptise fort justement votre confrère Jean-François Kahn. Contre ces derniers, il est de notre devoir de sévir.
Prévenir ces comportements, cest le rôle des parents dabord, cest le rôle de lécole ensuite, et plus généralement des institutions et des associations éducatives. Les réprimer quand la prévention na pas réussi, cest encore le rôle des parents, et si cela ne suffit pas, celui de la police et de la justice. Dissuader surtout ceux qui sont déstabilisés de tomber du mauvais côté. Pour cela lexemplarité de la sanction, claire, lisible, proportionnée à la faute, mais administrée sans retard à ceux qui la méritent, fait aussi partie de la prévention pour le plus grand nombre. Léloignement, quand cest indispensable, assorti dun projet éducatif robuste, permettra quà la logique des modèles didentification négatifs se substitue celle des modèles positifs.
En traitant la question de la sécurité sans hypocrisie, avec le sérieux nécessaire, la gauche aujourdhui au gouvernement pourra rester fidèle à elle-même quand elle luttait dans lopposition pour légalité et contre linjustice. Car je viens de vous le rappeler, linsécurité révèle et aggrave linégalité et linjustice. Ne pas nous hausser à la hauteur de nos responsabilités aujourdhui, ce serait abandonner cette question aux démagogues. Car ce qui est en jeu, encore une fois, cest le modèle républicain lui-même. Notre réformisme ne doit pas être un réformisme « pieux », comme disait Alain Milner, qui se sanctifierait par ses seules bonnes intentions. Un réformisme vraiment républicain ne peut se satisfaire que de ses résultats. Doù limportance dun diagnostic lucide et dun choix de moyens, loin de tout effet dannonce, mais simplement adaptés à lobjectif poursuivi. Tel est le sens de ma démarche. Nous vivons dans une société de démagogie. Le réflexe de tout lobby ou de tout corporatisme, quand il se sent menacé, est dattaquer pour se défendre. Je lobserve sans pour autant men émouvoir. Pascal déjà rappelait que si la force sans la justice sappelle tyrannie, la justice sans la force nest quimpuissance. Cest dans cette même ligne de pensée que le colloque de Villepinte a heureusement rompu avec cette fausse fenêtre qui consiste à opposer prévention et répression. Quand la prévention, si développée quon la souhaite, échoue, une sanction efficace simpose. Et cette efficacité implique bien évidemment des choix de moyens judicieux.
2) Une sécurité égale pour tous et partout est un droit essentiel. Le gouvernement annoncera le 27 janvier un certain nombre de décisions, à la suite du Conseil de Sécurité Intérieure. Nous allons prolonger laction entreprise depuis Villepinte en la ciblant davantage.
a) Nous avons mobilisé des moyens nouveaux.
8 250 adjoints de sécurité ont été recrutés. Ils veillent à une meilleure relation avec la population, à accroître la présence de la police dans les quartiers, auprès des publics vulnérables, à faire reculer le sentiment dinsécurité. De la même façon, les contrats locaux de sécurité signés ou en cours délaboration prévoient le recrutement de 5 100 agents locaux de médiation sociale, dans les collectivités, dans les sociétés de transports, chez les bailleurs sociaux, pour favoriser, surtout dans les zones sensibles sur le plan de la sécurité, la prévention et la médiation.
b) 174 contrats locaux de sécurité ont été signés depuis un an et 425 sont en cours délaboration. Un contrat local de sécurité, cela signifie que dans une ville, une agglomération, les partenaires de la sécurité, ensemble, cherchent et trouvent tous les moyens à mettre en uvre pour parvenir à lobjectif que nous nous sommes fixés « des villes sûres pour des citoyens libres « .
La police doit être aussi plus efficace, pour cela je souhaite agir sur la répartition des effectifs, et la doctrine demploi de la police.
c) En ce qui concerne la répartition, les effectifs de police doivent être concentrés là où ils sont le plus nécessaires. Ce principe de bon sens qui est celui du service public ne souffre aucune contestation. Loccasion du recrutement de 25 000 nouveaux fonctionnaires dans les cinq prochaines années crée les conditions favorables pour poursuivre les redéploiements nécessaires.
d) Ensuite, se pose un problème de doctrine demploi : Comme dans la plupart des pays latins, notre modèle est plutôt celui dune police dordre. Des patrouilles poursuivent les délinquants, puis lorsque la délinquance tourne aux violences urbaines, on fait appel aux unités mobiles, policiers ou gendarmes, pour ramener le calme. Nous avons pu le constater encore récemment, cette méthode qui reste nécessaire pour éteindre les incendies, ne permet pas de les prévenir. Il faut innover. Cest ce que nous appelons la police de proximité. Pas seulement lîlotage mais la présence et la responsabilité de petites équipes par quartier, par rue, par bloc dimmeubles ; une police constamment présente et visible sur le terrain, une police liée à la population au sein de laquelle elle travaille ; une police qui crée une plus grande confiance mutuelle entre les policiers et les citoyens ; une police formée en conséquence. Cest ce que jai pu voir en me rendant aux Pays-Bas et particulièrement à La Haye. De la pratique des pays du Nord, nous avons certainement des enseignements à tirer. Dans un ordre didées différent mais néanmoins proche, un exemplaire du guide de déontologie de la police nationale, qui sera largement diffusé, est à votre disposition. La police nationale qui paye un rude écot au maintien de la sécurité, doit être formée pour aller toujours plus au devant des citoyens.
e) Cest pourquoi jai lancé lorganisation des Assises de la formation et de la recherche dans la police nationale. La police doit se pénétrer de lidée que la formation est un investissement indispensable à son efficacité et donc à sa légitimité.
Ces Assises auront lieu le 1er février à la Cité des sciences et de lindustrie, et seront conclues par le Premier Ministre.
V - La République est indissociable de lEtat de droit. Le traitement égal pour tous sur lensemble de son territoire en est un élément fondamental. La Corse, dont je reviens, mérite autant que toutes les régions de France de bénéficier de cet Etat de droit. Le gouvernement a entrepris de linstaurer. Parce que la loi seule permet de faire échapper à cet état de jungle qui ne reconnaît que le droit du plus fort.
Cette entreprise ne saurait être luvre de quelques mois ou dune année. Ce sera je lai dit- une uvre de longue haleine.
Malgré les difficultés rencontrées, je suis convaincu que les conditions de la réussite sont là, avec lassentiment de la grande majorité de nos compatriotes corses, grâce à la volonté des pouvoirs publics, qui sont pleinement déterminés.
Le cap a été clairement identifié. Il ne sera jamais perdu de vue. Il faut quen tous domaines la loi sapplique pour que la confiance renaisse et que linitiative puisse sépanouir. La restauration ou linstauration de lEtat de droit ne va pas sans quelques petits inconvénients. Mais que sont ces inconvénients à côté de ceux qui résulteraient dune complaisance à nouveau affichée à légard de ceux dont le langage sappuie sur ces arguments très persuasifs que sont le revolver et le bâton de dynamite ? Il faut délivrer la Corse de la peur. Lavenir de cette île magnifique peut être brillant dès lors quà des stratégies minoritaires dinfantilisation et de déresponsabilisation de lensemble des citoyens, par la diabolisation de lEtat, ce pelé, ce galeux doù viendrait tout le mal, auront fait place la confiance en lavenir, louverture, le dialogue, la démocratie, linitiative créatrice. Là est lavenir de la Corse et nulle part ailleurs.
LEtat républicain est assez fort pour dominer le temps.
Et, à terme, qui peut douter quil aura gain de cause ?
VI - Cest sur le long terme que se jouent les questions les plus graves. Ainsi les phénomènes migratoires, du Sud vers les pays industrialisés sont-ils une réalité pour longtemps. Nous devions adapter nos règles dentrée et de séjour des étrangers pour être pleinement en mesure de maîtriser ces flux, sans abandonner une politique audacieuse dintégration. Cest fait.
Lopération de régularisation de ressortissants étrangers en situation irrégulière est arrivée à son terme, 99 % des recours ont été traités. Comme vous le savez, plus de 80 000 personnes ont été régularisées.
Les personnes déboutées sont invitées à quitter notre territoire et se voient proposer une véritable aide à la réinsertion dans leur pays dorigine. Pour trois pays à lémigration particulièrement importante, cest même un véritable contrat de réinsertion dans le pays dorigine (CRPO) qui est proposé, avec une formation et le droit à un visa après réinstallation.
Cest désormais la loi RESEDA du 11 mai 1998 qui sapplique. Inspirée du rapport de M. Patrick WEIL, votée par le Parlement, cest la loi de la République. Légalité complète des droits sociaux, la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale « , les titres particuliers pour les scientifiques et les artistes, la commission départementale du titre de séjour, laggravation des sanctions pour les filières clandestines, sont autant dinnovations de la loi qui illustrent la volonté de ce gouvernement dune législation à la fois humaine et conforme à lintérêt de la France.
Au-delà, cest une véritable politique de co-développement qui est mise en place, à linitiative de M. Sami NAÏR, délégué interministériel au co-développement et aux migrations internationales.
Il faut changer le regard que porte notre pays sur les migrations. Laide aux projets des migrants légalement installés en France, la mobilité des jeunes travailleurs et étudiants dans le cadre dun projet dinsertion dans leur pays, léquipement et le développement des régions démigration : autant dorientations qui fondent lélaboration, en cours, de conventions de co-développement que nous souhaitons signer avec le Mali, le Maroc et le Sénégal. Des comités régionaux de co-développement ont été installés dans les régions Provence Alpes Côte dAzur et Nord-Pas-de-Calais. Le rôle des associations, des collectivités territoriales, des entreprises, des universités sera important pour la mise en uvre concrète de cette politique.
Cette orientation, fondée sur lintégration et le co-développement, je mefforce aussi de la promouvoir auprès de nos partenaires européens. Le rapprochement des problématiques est le préalable de la mise en uvre de politiques ou dorientations communes.
VII - Faire vivre la république cest aussi savoir ladapter à son temps. La modernisation de la vie politique, voulue par le Premier Ministre, sollicitera le ministère de lIntérieur tout au long de cette année.
La réforme du mode de scrutin régional a été menée à bonne fin en décembre ; nous aborderons le 3 mars, en deuxième lecture à lAssemblée, la limitation du cumul des mandats ; les obstacles sont sérieux, mais notre volonté est sereine. Il faudra avancer.
Jajoute que la réforme constitutionnelle sur légal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, dont la nécessité vient dêtre démontrée par la récente décision du Conseil constitutionnel, devra trouver ses conséquences, pour les élections au scrutin de liste. Nous avons également fait adopter linscription doffice des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales. En mars prochain, les préfectures adresseront à tous ces jeunes inscrits un « Livret du Citoyen » rédigé par le professeur Claude Nicolet, après examen des commissions des lois de lAssemblée Nationale et du Sénat.
Enfin, la réforme du mode délection des sénateurs, qui sera traitée dès cette année, sera le meilleur service rendu au Sénat, qui a tout à gagner à voir améliorer sa représentativité.
Ces chantiers ouverts seront menés à bien avec le même souci de moderniser la vie publique et daméliorer les rapports avec les citoyens.
Laccès des jeunes à la citoyenneté, la maîtrise des flux migratoires, lintercommunalité, la police de proximité, lÉtat de droit en Corse En tous domaines pensons toujours à lintérêt général. Il est plus facile de ne rien faire, de composer avec les intérêts particuliers ou les corporatismes, de concéder aux idées à la mode. Il est plus difficile de changer les habitudes acquises et de procéder aux réformes nécessaires pour que vivent les valeurs de la République.
Cest plus de travail : mais cest la voie que jai choisie, suivre la pente, mais en la remontant.
Bonne année à toutes et à tous.
(Source http://www.interieur.gouv.fr)