Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur l'action menée par l'Association des Etats de la Caraïbe en faveur du développement du tourisme dans les départements français des Antilles, Saint-François le 26 octobre 2000.

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Circonstance : Comité du tourisme de l'Association des Etats de la Caraïbe à Saint-François (Guadeloupe) le 26 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et messieurs les délégués,
C'est pour moi un très grand honneur et un grand plaisir d'accueillir aujourd'hui, dans cette belle commune de Saint-François, fleuron touristique de la Guadeloupe, le Comité spécial du tourisme de l'Association des États de la Caraïbe.
Aussi, permettez-moi de vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la France pour la tenue de cette rencontre et de vous souhaiter à tous, au nom du gouvernement français, la bienvenue.
Comme vous le savez, j'ai suivi personnellement, les travaux de ce comité.
Je tiens, en premier lieu, à en féliciter les membres pour l'importance et la qualité du travail réalisé depuis sa récente création.
Je mesure en particulier, la tâche accomplie par le bureau, qui, durant la présidence mexicaine, a conduit la Caraïbe, au travers de l'affirmation de son unité culturelle, socio-économique et environnementale, à définir sur son territoire, cette "Zone de développement touristique durable" dont le traité, qui sera signé lors du prochain conseil des ministres, constituera l'aboutissement.
Je mesure tout autant, Madame la ministre, le chemin parcouru sous votre présidence pour l'élaboration du "plan d'action immédiat".
Riche de plus de 139 actions réparties en 12 plans stratégiques, ce plan portera sur des domaines aussi divers que l'environnement, le transport, la culture et ses identités ou encore le marketing et la formation des acteurs et actrices du tourisme.
Si j'ai suivi l'action du comité spécial tourisme avec le plus grand intérêt, c'est en premier lieu parce que le gouvernement français apporte une attention toute particulière à l'environnement international des départements français d'Amérique et qu'à ce titre, il est très attaché à leur intégration culturelle et économique dans l'ensemble caribéen.
Mais c'est aussi parce que l'Association des États de la Caraïbe lui est apparue comme le cadre approprié pour que cette intégration se fasse de façon harmonieuse.
La coopération régionale étant, dans ce domaine, un outil irremplaçable.
Je profite donc de l'occasion qui m'est donnée ici, pour réaffirmer la volonté du gouvernement français d'apporter son soutien à cette démarche et de favoriser toute initiative allant en ce sens au sein de l'Association.
Le tourisme constitue sans aucun doute, le champ privilégié de cette coopération.
Il représente, pour l'ensemble de la Caraïbe, une source de revenus primordiale et une opportunité de diversification de son économie.
L'Association l'a bien compris en décidant très vite de la création de ce comité du tourisme qui, rappelons-le, n'était pas prévue à l'origine.
Mais, chacun le sait, il ne suffit pas de décider de privilégier le développement du tourisme pour faire face aux défis posés par le siècle nouveau.
Encore faut-il que celui-ci soit conçu pour satisfaire, par delà les attentes des touristes, les aspirations légitimes des peuples.
Je pense singulièrement à l'aspiration à la reconnaissance et au respect des cultures, à l'aspiration à vivre dans un environnement écologique et un cadre de vie préservé, à l'aspiration enfin, à bénéficier des fruits de l'activité touristique.
Il faut aussi répondre, au plus près, aux aspirations des touristes eux-mêmes.
La réponse apportée à ces attentes implique, vous le savez, pour les destinations touristiques, une meilleure appréhension de leurs nouvelles exigences.
Je pense en particulier :
à la liberté de choix dans l'offre des produits proposés qui passe par une information accrue,

à l'exigence de qualité,

à la volonté grandissante d'élaborer soi-même son propre produit touristique,

à l'aspiration à la découverte des cultures, des traditions,

et enfin au souci fort du respect et de la protection de la nature et de l'environnement.

Pour faire face, à ces nouvelles exigences l'offre touristique internationale, va devoir s'adapter, se transformer, se moderniser.
Mais plus encore ce sont les politiques même des États en la matière, qui vont devoir évoluer.
Ce modèle de développement touristique, soucieux de l'environnement des traditions des cultures et des hommes, favorisant la création de richesses et d'emplois repose aussi sur la prise en compte des évolutions nouvelles que nous percevons tous et qu'il nous faut intégrer.
Pour répondre à ce défi, il nous faut travailler assurément :
à favoriser l'émergence d'un tourisme moins concentrés, plus diffus,

à accompagner l'amélioration qualitative de l'offre,

à valoriser les spécificités des territoires,

à engager la nécessaire modernisation, au travers des technologies nouvelles, de l'accès à l'information sur une offre touristique plus diffuse.

Mais il n'est pas de développement touristique durable possible sans qualité et pérennité des emplois. La richesse de ce secteur réside en effet par-dessus tout, dans qualité et le professionnalisme, des femmes et des hommes qui en sont les acteurs.
Ceci implique un effort constant en faveur de leur formation et de l'amélioration de leur condition de vie et de travail.
Cette forme nouvelle de tourisme appelée "tourisme durable", faite d'éthique, entraîne véritablement de nouveaux comportements politiques.
Des comportements qui encouragent l'écoute, la concertation, la démocratie locale afin de permettre la bonne implication de tous les acteurs, publics ou privés, concernés par sa croissance. Qui encouragent la maîtrise de son développement par les populations locales et une vraie réponse à leurs aspirations.
La première d'entre elles est sans doute l'aspiration à la reconnaissance et au respect des cultures.
On a trop souvent ignoré cette dimension du tourisme.
L'évolution de la demande des touristes démontre maintenant une recherche d'authenticité et de rencontre des autres.
Et c'est bien dans nos cultures, dans leur originalité, dans leur diversité, que réside la réponse à cette quête d'échange et d'enrichissement mutuels.
C'est aussi dans cette rencontre entre les cultures et les peuples que le tourisme nourrit sa capacité à engendrer plus de compréhension, plus de tolérance et de paix.
C'est forte de cette conviction que je me suis attachée à soutenir le Code mondial d'éthique élaboré au sein de l'organisation mondiale du tourisme.
Que je me suis attachée aussi, plus récemment, à le traduire en France sous la forme d'une "charte d'éthique du tourisme" sur laquelle se sont engagés de grands opérateurs touristiques français.
Concernant la Caraïbe, les travaux menés, ici même, en juin dernier sur ce thème, à l'initiative des autorité française et de mon ami Ernest MOUTOUSSAMY, maire de Saint-François, ont permis d'analyser les synergies à développer pour mieux intégrer, dans la production touristique, les spécificités culturelles, artisanales et les traditions de la Zone et en faire de vraies alternatives au "tout balnéaire".
Permettez-moi de vous proposer, à titre de contribution à nos futurs travaux, de vous adresser les principales conclusions de ce colloque qui a rencontré un large succès auprès des spécialistes de ces questions dans la Caraïbe.
Permettez-moi aussi de vous informer que j'ai décidé de consacrer les moyens financiers nécessaires pour que la remarquable exposition sur l'enseignement de l'Histoire dans la Caraïbe, réalisée par le Conseil général de Guadeloupe à l'occasion de ce colloque, puisse circuler dans la Zone, dès l'année prochaine.
Mesdames et messieurs, une autre aspiration de nos peuples à laquelle il nous faut répondre aujourd'hui, est celle de vivre dans un environnement écologique préservé.
Là encore cette notion peut s'avérer tout à fait compatible avec le développement du tourisme.
A condition que l'on respecte, sur les territoires, les indispensables équilibres entre nature et activités.
Cela passe, notamment, par une bonne répartition des flux touristiques sur les espaces et la réalisation d'équipements à leur dimension.
La France a acquis dans ce domaine une réelle expertise.
Elle est, elle-même, confrontée, sur son propre territoire, à ces nécessaires rééquilibrages touristiques.
Et l'on ne peut être, et ambitionner de rester, la première destination touristique au monde sans prendre en compte la nécessité d'une meilleure gestion de son aménagement touristique territorial.
Ceci dans le but de permettre, bien sûr, la préservation de son premier capital que constituent ses espaces naturels, mais aussi de garantir, à sa population, un cadre de vie de qualité et une bonne répartition des fruits de la croissance en terme de richesses et d'emplois.
Je sais à quel point vous êtes, vous aussi, attachés au respect de ces équilibres vitaux dans une région où l'écosystème est riche mais aussi, parfois, très fragile.
Je sais vos efforts et les combats que vous menez afin de préserver, pour les générations à venir, les potentialités économiques, touristiques et environnementales de vos territoires.
Aussi je crois qu'au travers de l'A.E.C et de ce comité, il est essentiel que nous puissions échanger nos connaissances, nos expériences, comme nos capacités d'expertise, afin de ne pas perdre un temps précieux dans cette mission de préservation de nos richesses naturelles et patrimoniales.
Enfin et surtout, il nous faut répondre à l'aspiration de nos populations à bénéficier des fruits de l'activité touristique.
Trop souvent, le développement du tourisme s'est fait sans la participation des communautés, quand ce n'est pas à leur détriment.
Il convient donc de mettre en place les politiques et les instruments économiques susceptibles de favoriser l'adhésion des populations et la coordination avec les secteurs publics et privés.
Ce type de développement est le seul garant de la démocratie, mais aussi de la durabilité du développement, principes auxquels nous sommes tous ici profondément attachés
Vous le savez, toutes ces aspirations ont été prises en compte dans la "Déclaration de Saint-Domingue" qui institue la Zone de tourisme durable de la Caraïbe.
C'est une décision exemplaire, courageuse et ambitieuse.
Le plan d'action immédiat, qui l'accompagne, affirme la volonté des États de parvenir à sa réalisation concrète.
Comme vous le constatez, les premières étapes politiques ont été franchies. Il reste pour en donner les traductions concrètes sur le terrain et, pour ce faire, à mobiliser l'ensemble des décideurs politiques et économiques
Le Comité va devoir faire des propositions audacieuses au Conseil des ministres qui va se tenir au mois de décembre prochain au Honduras.
En effet les comités spéciaux vont devoir s'adapter à ces nouvelles orientations politiques et prioriser leurs moyens d'action.
Je pense en particulier à notre comité qui devra y trouver les moyens à la hauteurs des enjeux économiques et sociaux que le tourisme représente pour la Caraïbe.
Les travaux que nous allons entamer sont donc déterminants car les décisions qui seront prises seront importantes pour le devenir touristique de la Zone.
La France , et ses départements de la Caraïbe, entend y prendre toute sa part et toutes ses responsabilités.
J'ai mobilisé en ce sens l'ensemble de mes services pour qu'ils vous accompagnent dans cette démarche de développement touristique durable.
Par ailleurs, comme vous le savez, notre pays assume, à l'heure actuelle, la présidence de l'Union européenne.
Il a choisi comme chantier essentiel de cette présidence, l'élaboration progressive d'un modèle de développement durable du tourisme en Europe.
Il ne fait aucun doute que les deux démarches qui se poursuivent en Europe comme en Caraïbe mériteront la confrontation des résultats et constitueront autant de pistes potentielles de réflexion pour la réussite de cet ambitieux projet du développement touristique durable.
J'émets le vu , en guise de conclusion, que cette rencontre de Saint-François apporte une nouvelle pierre à l'édifice que nous construisons, de part et d'autre de l'océan.
Je le réaffirme, le tourisme peut prendre toute sa place dans ce projet parce qu'il porte en lui, de réelles potentialités de croissance et de vraies valeurs éthiques, d'échange, de rapprochement, de tolérance et de paix.
Je vous souhaite à toutes et à tous bon travail, en espérant que malgré un emploi du temps chargé vous prendrez le temps de découvrir la Guadeloupe, de rencontrer les Guadeloupéens et bien sûr de déguster la merveilleuse cuisine des Antilles françaises. Je vous remercie.
(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 7 novembre 2000)