Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires
Chers collègues et amis Maires,
Merci Monsieur le Ministre, des paroles bienveillantes que vous avez eues à mon égard, et permettez-moi de vous présenter mes excuses pour n'avoir pu participer à l'ensemble de cette table ronde, riche en vécu, riche en expériences - bien plus que la mienne - riche aussi en perspectives, ce que j'ai entendu. J'étais à l'Assemblée Nationale pour l'hommage rendu, en présence de sa famille, à Jacques Chaban-Delmas, qui fut maire et Premier Ministre, mais un maire qui s'était identifié à sa ville, et sa ville s'était identifiée à lui, cette ville qui est aussi membre d'une communauté urbaine.
Je pense que tous les parlementaires tenaient à être présents pour cet hommage qui lui était rendu.
C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Ministre, je n'ai pas pu participer au début de cette table ronde. J'aurais aimé le faire, parce que je pense qu'il n'est pas sain de venir en fin de réunion pour clore ou tenir des conclusions sur des travaux auxquels on n'a pas participé ; cela a un côté un peu provocateur. Ce n'est donc pas l'exercice auquel je me livrerai, parce que l'expérience de beaucoup d'entre vous à cette tribune, le vécu qu'ils ont eux-mêmes , la pratique et dans le même temps la vision, l'intelligence du territoire qu'ils développent, sont suffisamment supérieurs aux miens pour que je n'y revienne pas.
Simplement je voudrais vous donner aujourd'hui ma vision, celle d'un membre du gouvernement, mais aussi celle d'un maire " unus inter pares " d'une commune de 200 habitants qui est toujours venu au Congrès des Maires, d'un responsable de SIVOM et de Communauté de communes. C'est ce vécu que je voudrais vous livrer en quelques minutes, tout en dégageant les intentions du Gouvernement, bien entendu.
Je sais que vous êtes tous pris par le temps, aussi ne vais-je pas être long, rassurez-vous.
Je voudrais saluer ici la présence de Michel GUEGAN, Monsieur le Président : il se trouve que tous les deux, sans nous être concertés, à une heure d'intervalle, nous avons créé en 1992 les deux premières communautés de communes de France, lui, bien entendu, sur un territoire plus développé, plus industriel, plus regroupé, avec une histoire de pays, et moi, dans un petit canton rural de la diagonale aride, situé à la lisière du Morvan, tout près d'un territoire viticole riche et bien peu partageur d'ailleurs. Nous avons vécu cela ensemble, à une heure près. Jean-Pierre SUEUR est venu inaugurer les deux, l'une après l'autre dans la journée, et je salue ici celui qui m'avait précédé sur la ligne ; mais c'est normal, vous savez, les Bretons, en course, sont toujours en tête. Il avait déjà gagné celle-là.
Il me faut dire aussi, en introduction de ce propos : hors de la coopération intercommunale, pas de salut. Pas de salut aujourd'hui parce que nous avons appris à être impératifs.
Nous avons un impératif de citoyenneté. Les habitants de ce territoire, Monsieur le Président, où qu'ils habitent, en ville, à la campagne, territoire moyen ou territoire diffus souhaitent accéder aujourd'hui à la décision et à la prise en main du devenir de leur territoire.
C'est quand les hommes prennent en main leurs forces et leurs faiblesses, qu'ils s'identifient à leur territoire, qu'ils arrivent à assurer et à mener à bien son développement économique.
Nous avons bien sûr un impératif de développement de la communication. Vous avez l'expérience des nouvelles technologies que vous avez évoquées ; celle-ci doit aujourd'hui créer cette péréquation d'intelligence nécessaire sur le territoire dont nous avons besoin.
Nous avons aussi un impératif environnemental. L'impératif citoyen, c'est aujourd'hui de savoir garder des territoires attractifs. Je crois dans la décision des industriels de demain, la donne énergétique et la donne environnementale, des paramètres que nous n'intégrons pas assez mais qui risquent de nous mettre en difficulté demain si nous ne le faisons pas. Alors qu'en est-il du fameux débat relatif au développement local dans l'intercommunalité ?
Moi, j'ai souvenance que je disais dans les années 80 : " le développement économique, c'est l'affaire d'un triptyque que l'on connaît bien : un territoire, des projets, des hommes ".
Ces projets et ces hommes doivent se retrouver dans des structures adaptées, avec un cadre législatif, avec un cadre financier, qui sont définis aujourd'hui. Il n'y a pas d'action possible, de devenir, d'espoir de territoire, de reconquête du territoire, s'il n'y a pas cette dimension humaine accrochée au territoire. Il ne s'agit pas seulement des financements qui arrivent toujours, bon an mal an, mais surtout d'une volonté locale de faire.
D'où des expériences extraordinaires réalisées dans le Centre, dans le Sud-Est et surtout en Bretagne, en Ille-et-Vilaine. Ailleurs, il y a des territoires prédisposés, qui ont déjà un vécu intercommunal important, dans les SIVOM , dans les communautés de communes. Ce vieux débat de l'intercommunalité que j'ai connu avant 1992, me rappelle quand même que cette idée de développement local intégré par les acteurs du territoire est née en 1969, à travers l'idée de la décentralisation, de la nouvelle société. Elle a coûté cher à ses auteurs à l'époque !
Je l'ai vécue en 1980, avec les lois de décentralisation, avec l'opposition de deux blocs, "pour" et "contre" à l'Assemblée, ceux qui disaient qu'on allait désagréger la France et ceux qui pensaient qu'il fallait le faire.
Ensuite, nous avons connu la loi de 1992, puis la loi PASQUA de 1995. Je suis venu ici m'impliquer directement dans la politique des pays, après avoir travaillé avec le préfet LEURQUIN et m'être intégré alors que je n'étais que parlementaire, dans l'opposition par ailleurs. Je me suis intégré, j'ai adhéré immédiatement à la politique de pays expérimentale puis à la loi de 1999, " loi CHEVENEMENT ", devenue " loi VOYNET ". Ce qui est intéressant et ce qui réunit les maires, nombreux aujourd'hui, c'est la transversalité politique du développement local et de l'intercommunalité.
Ce qui est bien dans l'intercommunalité, c'est que c'est un lieu où l'on dépasse les clivages politiques, ce qui devrait permettre, dans ce pays de rigidité, d'aller un peu plus vite. L'Association des Maires de France, qui dépasse les clivages politiques, permet aujourd'hui de la développer.
On avait réussi, malgré ces rigidités, à dépasser la souveraineté, l'identité et la fiscalité qui donnaient lieu à débats.
Je me souviens de ces débats : " les communes allaient disparaître ". Je ne crois pas qu'il y ait un Gouvernement, et certainement pas le mien, qui veuille la disparition des communes. J'appartiens à ce Gouvernement depuis peu, et je suis maire d'une commune de 200 habitants ; chers collègues et amis, vous, qui êtes maires de communes bien plus grandes que la mienne, avez tous l'espoir d'occuper un jour des fonctions ministérielles supérieures aux miennes.
La souveraineté, une identité souveraine, qu'est-ce aujourd'hui ?
Personne ne veut remettre en cause l'identité des communes. Cette France des communes, qui est la France des paroisses d'avant la Révolution, où les gens se retrouvent, ont besoin de s'identifier, personne ne la remet en cause. Mais qu'est ce qu'une souveraineté ? Qu'est ce que garder sa souveraineté, maîtriser son développement économique quand on est maire d'une commune de 300 ou 400 habitants en zone rurale ? Quel développement économique peut-on espérer ?
La fiscalité, c'est la crainte qu'on agite quand on ne veut pas faire de communauté de communes, dans les termes : " ne va-t-on pas avoir de fiscalité additionnelle ? "
J'ai été très intéressé par ce que j'ai entendu dire à l'instant. Il y a un message " de raison " à faire entendre, parce que l'intercommunalité s'est construite comme s'est construit notre territoire, par strates successives de transferts de compétences, de projets établis, ce qui amène une sorte de course sur le territoire.
Pour ce faire, il faut, au-dessus de tout cela, trois principes :
Le premier, c'est la péréquation. Vous l'avez évoquée. Si demain, il y a une réforme des finances locales, si demain on doit identifier et spécialiser les impôts, tout cela doit se faire avec une forme de péréquation entre les territoires en difficulté et les territoires à fortes ressources. Je connais des présidents de conseils généraux qui, sur leur propre territoire l'ont très bien fait. Et quand je pense au département dont je suis momentanément un élu : celui de la Côte d'Or, avec une Côte viticole - Côtes de Nuits, excessivement luxuriante et riche - et des territoires autour tels que le Morvan, le Val de Saône, aujourd'hui un peu délaissés et " en friche " agricole et industrielle, je me dis que si la péréquation existe bien à l'échelon du département - elle a existé dans la Haute-Vienne autour du Futuroscope : voilà un exemple à reprendre par ailleurs - la péréquation doit exister à l'échelon national.
Le deuxième principe est la différenciation. Si on veut rétablir un peu d'égalité sur le territoire, il faut traiter celui-ci " inégalement ". C'est l'injustice qui va conduire à plus de justice ! Je crois que vous y tenez tous.
Il faut donc des financements adaptés à l'intercommunalité de projet, qui permettent de développer ces territoires de façon pertinente. Cela existait à travers les zonages européens, cela existe aujourd'hui à travers les financements péréqués renforcés auprès des intercommunalités à fiscalité propre. Et si l'Etat dit aujourd'hui " je veux réformer la fiscalité et les aides financières pour les collectivités ", il dit en même temps " cela sera selon le principe aide-toi et le ciel t'aidera : ceux qui feront leur propre effort de regroupement et de projet, ceux-là seront aidés ".
Le troisième principe concerne la contractualisation. Elle est par ailleurs incluse dans la loi dite " loi VOYNET ". On trouve aujourd'hui, Monsieur le Président, le schéma suivant : il faut des communes, rassurées sur leur identité, travaillant en intercommunalité de projet à l'intérieur de pays qui sont des espaces de solidarité, de vie économique et sociale, par ailleurs définis et choisis entre eux. Il faut que ces territoires possèdent des pays qui soient là pour susciter les intercommunalités, qui soient là pour faire, qui soient les bras séculiers des pays pour " réaliser " sur le terrain. Il faut que ces espaces-là puissent contractualiser avec le Département, la Région, l'Etat et l'Europe.
C'est l'établissement d'une collectivité " leader ", chef de file à travers les projets, capable de les conduire. Si le projet est à l'échelon d'un pays, il faut que tous les EPCI puissent le gérer ensemble ; s'il est à l'échelon de deux ou trois communautés de communes, qu'on le fasse ensemble, mais qu'à chaque fois, il y ait les moyens de la contractualisation. Je crois que c'est cela aujourd'hui qu'il faut préserver.
Hier le Premier Ministre vous a dit qu'il fallait clarifier les compétences, qu'il fallait refondre l'ensemble des systèmes de finances locales actuels, il l'a dit au nom de trois principes : le premier concerne les ressources stables, le second doit accentuer la péréquation, le troisième doit donner sa dimension économique au territoire.
Je vais conclure sur un exemple qu'évoquait Martine BURON.
Je suis en charge du Commerce et de l'Artisanat, et de surcroît, de la Consommation, qui avouez-le, depuis que j'ai été nommé, me donne quelques soucis quotidiens, voire nocturnes... En tant qu'élu rural d'une zone d'élevage, je vais avoir un petit mot sur le retour à la confiance dans la consommation carnée. C'est le comportement citoyen de chacun d'entre nous, de chacun des maires qui permettra de sauver les filières.
Soyez fiers d'être le pays de la " bonne bouffe " et non celui de la " mal bouffe " dont on dit aujourd'hui, hors de nos frontières qu'il s'agirait du nôtre.
Je crois que la meilleure des réactions consiste à répondre à la vindicte suscitée par certains médias, par le réalisme quotidien et la pratique, à ne pas sombrer non plus dans la psychose, comme l'ont fait certains d'entre nous, pour répondre à la psychose et à ne pas traiter l'émotion par la démagogie.
Essayons d'être raisonnable dans ce Ministère qui touche à tout : au développement local, au commerce, à l'artisanat Il s'agit avant tout de conforter, et cela va être la tâche que je vais poursuivre après Marilyse LEBRANCHU, à travers des mesures fiscales, des mesures réglementaires, non pas contraignantes mais souples, les moyens de s'adapter pour pouvoir suivre la croissance et continuer à créer des emplois.
L'exemple que je prenais, d'un outil centralisé, qui est pourtant un très bel outil, c'est le FISAC. Le FISAC est aujourd'hui un moyen de développement et de reconquête des bourgs-centres, de reconquête des territoires.
Je crois qu'il faut aujourd'hui déconcentrer le FISAC, pas pour les grandes opérations qui doivent rester du domaine de l'Etat, mais pour les petites opérations évoquées, genre " camion de livraison ", genre " commerce local ". Il faut déconcentrer ces opérations au niveau des préfets, et que l'Etat garde pour lui la gestion des grands desseins.
Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais vous dire.
En conclusion, simplement, le développement économique local, c'est certes une affaire de lois, certes une affaire de règlements, mais c'est avant tout une affaire de passion. Quand on a la passion du territoire, comme vous l'avez vous-même, comme je l'ai aussi, j'espère un peu, je suis convaincu qu'avec d'autres passions autour de nous dans l'intercommunalité, renforcée, développée, ouverte, confortée, nous avons là les moyens de la reconquête d'un développement harmonieux du territoire français.
Je vous remercie.
(source http://photomaton.cowprod.com, le 5 décembre 2000)
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires
Chers collègues et amis Maires,
Merci Monsieur le Ministre, des paroles bienveillantes que vous avez eues à mon égard, et permettez-moi de vous présenter mes excuses pour n'avoir pu participer à l'ensemble de cette table ronde, riche en vécu, riche en expériences - bien plus que la mienne - riche aussi en perspectives, ce que j'ai entendu. J'étais à l'Assemblée Nationale pour l'hommage rendu, en présence de sa famille, à Jacques Chaban-Delmas, qui fut maire et Premier Ministre, mais un maire qui s'était identifié à sa ville, et sa ville s'était identifiée à lui, cette ville qui est aussi membre d'une communauté urbaine.
Je pense que tous les parlementaires tenaient à être présents pour cet hommage qui lui était rendu.
C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Ministre, je n'ai pas pu participer au début de cette table ronde. J'aurais aimé le faire, parce que je pense qu'il n'est pas sain de venir en fin de réunion pour clore ou tenir des conclusions sur des travaux auxquels on n'a pas participé ; cela a un côté un peu provocateur. Ce n'est donc pas l'exercice auquel je me livrerai, parce que l'expérience de beaucoup d'entre vous à cette tribune, le vécu qu'ils ont eux-mêmes , la pratique et dans le même temps la vision, l'intelligence du territoire qu'ils développent, sont suffisamment supérieurs aux miens pour que je n'y revienne pas.
Simplement je voudrais vous donner aujourd'hui ma vision, celle d'un membre du gouvernement, mais aussi celle d'un maire " unus inter pares " d'une commune de 200 habitants qui est toujours venu au Congrès des Maires, d'un responsable de SIVOM et de Communauté de communes. C'est ce vécu que je voudrais vous livrer en quelques minutes, tout en dégageant les intentions du Gouvernement, bien entendu.
Je sais que vous êtes tous pris par le temps, aussi ne vais-je pas être long, rassurez-vous.
Je voudrais saluer ici la présence de Michel GUEGAN, Monsieur le Président : il se trouve que tous les deux, sans nous être concertés, à une heure d'intervalle, nous avons créé en 1992 les deux premières communautés de communes de France, lui, bien entendu, sur un territoire plus développé, plus industriel, plus regroupé, avec une histoire de pays, et moi, dans un petit canton rural de la diagonale aride, situé à la lisière du Morvan, tout près d'un territoire viticole riche et bien peu partageur d'ailleurs. Nous avons vécu cela ensemble, à une heure près. Jean-Pierre SUEUR est venu inaugurer les deux, l'une après l'autre dans la journée, et je salue ici celui qui m'avait précédé sur la ligne ; mais c'est normal, vous savez, les Bretons, en course, sont toujours en tête. Il avait déjà gagné celle-là.
Il me faut dire aussi, en introduction de ce propos : hors de la coopération intercommunale, pas de salut. Pas de salut aujourd'hui parce que nous avons appris à être impératifs.
Nous avons un impératif de citoyenneté. Les habitants de ce territoire, Monsieur le Président, où qu'ils habitent, en ville, à la campagne, territoire moyen ou territoire diffus souhaitent accéder aujourd'hui à la décision et à la prise en main du devenir de leur territoire.
C'est quand les hommes prennent en main leurs forces et leurs faiblesses, qu'ils s'identifient à leur territoire, qu'ils arrivent à assurer et à mener à bien son développement économique.
Nous avons bien sûr un impératif de développement de la communication. Vous avez l'expérience des nouvelles technologies que vous avez évoquées ; celle-ci doit aujourd'hui créer cette péréquation d'intelligence nécessaire sur le territoire dont nous avons besoin.
Nous avons aussi un impératif environnemental. L'impératif citoyen, c'est aujourd'hui de savoir garder des territoires attractifs. Je crois dans la décision des industriels de demain, la donne énergétique et la donne environnementale, des paramètres que nous n'intégrons pas assez mais qui risquent de nous mettre en difficulté demain si nous ne le faisons pas. Alors qu'en est-il du fameux débat relatif au développement local dans l'intercommunalité ?
Moi, j'ai souvenance que je disais dans les années 80 : " le développement économique, c'est l'affaire d'un triptyque que l'on connaît bien : un territoire, des projets, des hommes ".
Ces projets et ces hommes doivent se retrouver dans des structures adaptées, avec un cadre législatif, avec un cadre financier, qui sont définis aujourd'hui. Il n'y a pas d'action possible, de devenir, d'espoir de territoire, de reconquête du territoire, s'il n'y a pas cette dimension humaine accrochée au territoire. Il ne s'agit pas seulement des financements qui arrivent toujours, bon an mal an, mais surtout d'une volonté locale de faire.
D'où des expériences extraordinaires réalisées dans le Centre, dans le Sud-Est et surtout en Bretagne, en Ille-et-Vilaine. Ailleurs, il y a des territoires prédisposés, qui ont déjà un vécu intercommunal important, dans les SIVOM , dans les communautés de communes. Ce vieux débat de l'intercommunalité que j'ai connu avant 1992, me rappelle quand même que cette idée de développement local intégré par les acteurs du territoire est née en 1969, à travers l'idée de la décentralisation, de la nouvelle société. Elle a coûté cher à ses auteurs à l'époque !
Je l'ai vécue en 1980, avec les lois de décentralisation, avec l'opposition de deux blocs, "pour" et "contre" à l'Assemblée, ceux qui disaient qu'on allait désagréger la France et ceux qui pensaient qu'il fallait le faire.
Ensuite, nous avons connu la loi de 1992, puis la loi PASQUA de 1995. Je suis venu ici m'impliquer directement dans la politique des pays, après avoir travaillé avec le préfet LEURQUIN et m'être intégré alors que je n'étais que parlementaire, dans l'opposition par ailleurs. Je me suis intégré, j'ai adhéré immédiatement à la politique de pays expérimentale puis à la loi de 1999, " loi CHEVENEMENT ", devenue " loi VOYNET ". Ce qui est intéressant et ce qui réunit les maires, nombreux aujourd'hui, c'est la transversalité politique du développement local et de l'intercommunalité.
Ce qui est bien dans l'intercommunalité, c'est que c'est un lieu où l'on dépasse les clivages politiques, ce qui devrait permettre, dans ce pays de rigidité, d'aller un peu plus vite. L'Association des Maires de France, qui dépasse les clivages politiques, permet aujourd'hui de la développer.
On avait réussi, malgré ces rigidités, à dépasser la souveraineté, l'identité et la fiscalité qui donnaient lieu à débats.
Je me souviens de ces débats : " les communes allaient disparaître ". Je ne crois pas qu'il y ait un Gouvernement, et certainement pas le mien, qui veuille la disparition des communes. J'appartiens à ce Gouvernement depuis peu, et je suis maire d'une commune de 200 habitants ; chers collègues et amis, vous, qui êtes maires de communes bien plus grandes que la mienne, avez tous l'espoir d'occuper un jour des fonctions ministérielles supérieures aux miennes.
La souveraineté, une identité souveraine, qu'est-ce aujourd'hui ?
Personne ne veut remettre en cause l'identité des communes. Cette France des communes, qui est la France des paroisses d'avant la Révolution, où les gens se retrouvent, ont besoin de s'identifier, personne ne la remet en cause. Mais qu'est ce qu'une souveraineté ? Qu'est ce que garder sa souveraineté, maîtriser son développement économique quand on est maire d'une commune de 300 ou 400 habitants en zone rurale ? Quel développement économique peut-on espérer ?
La fiscalité, c'est la crainte qu'on agite quand on ne veut pas faire de communauté de communes, dans les termes : " ne va-t-on pas avoir de fiscalité additionnelle ? "
J'ai été très intéressé par ce que j'ai entendu dire à l'instant. Il y a un message " de raison " à faire entendre, parce que l'intercommunalité s'est construite comme s'est construit notre territoire, par strates successives de transferts de compétences, de projets établis, ce qui amène une sorte de course sur le territoire.
Pour ce faire, il faut, au-dessus de tout cela, trois principes :
Le premier, c'est la péréquation. Vous l'avez évoquée. Si demain, il y a une réforme des finances locales, si demain on doit identifier et spécialiser les impôts, tout cela doit se faire avec une forme de péréquation entre les territoires en difficulté et les territoires à fortes ressources. Je connais des présidents de conseils généraux qui, sur leur propre territoire l'ont très bien fait. Et quand je pense au département dont je suis momentanément un élu : celui de la Côte d'Or, avec une Côte viticole - Côtes de Nuits, excessivement luxuriante et riche - et des territoires autour tels que le Morvan, le Val de Saône, aujourd'hui un peu délaissés et " en friche " agricole et industrielle, je me dis que si la péréquation existe bien à l'échelon du département - elle a existé dans la Haute-Vienne autour du Futuroscope : voilà un exemple à reprendre par ailleurs - la péréquation doit exister à l'échelon national.
Le deuxième principe est la différenciation. Si on veut rétablir un peu d'égalité sur le territoire, il faut traiter celui-ci " inégalement ". C'est l'injustice qui va conduire à plus de justice ! Je crois que vous y tenez tous.
Il faut donc des financements adaptés à l'intercommunalité de projet, qui permettent de développer ces territoires de façon pertinente. Cela existait à travers les zonages européens, cela existe aujourd'hui à travers les financements péréqués renforcés auprès des intercommunalités à fiscalité propre. Et si l'Etat dit aujourd'hui " je veux réformer la fiscalité et les aides financières pour les collectivités ", il dit en même temps " cela sera selon le principe aide-toi et le ciel t'aidera : ceux qui feront leur propre effort de regroupement et de projet, ceux-là seront aidés ".
Le troisième principe concerne la contractualisation. Elle est par ailleurs incluse dans la loi dite " loi VOYNET ". On trouve aujourd'hui, Monsieur le Président, le schéma suivant : il faut des communes, rassurées sur leur identité, travaillant en intercommunalité de projet à l'intérieur de pays qui sont des espaces de solidarité, de vie économique et sociale, par ailleurs définis et choisis entre eux. Il faut que ces territoires possèdent des pays qui soient là pour susciter les intercommunalités, qui soient là pour faire, qui soient les bras séculiers des pays pour " réaliser " sur le terrain. Il faut que ces espaces-là puissent contractualiser avec le Département, la Région, l'Etat et l'Europe.
C'est l'établissement d'une collectivité " leader ", chef de file à travers les projets, capable de les conduire. Si le projet est à l'échelon d'un pays, il faut que tous les EPCI puissent le gérer ensemble ; s'il est à l'échelon de deux ou trois communautés de communes, qu'on le fasse ensemble, mais qu'à chaque fois, il y ait les moyens de la contractualisation. Je crois que c'est cela aujourd'hui qu'il faut préserver.
Hier le Premier Ministre vous a dit qu'il fallait clarifier les compétences, qu'il fallait refondre l'ensemble des systèmes de finances locales actuels, il l'a dit au nom de trois principes : le premier concerne les ressources stables, le second doit accentuer la péréquation, le troisième doit donner sa dimension économique au territoire.
Je vais conclure sur un exemple qu'évoquait Martine BURON.
Je suis en charge du Commerce et de l'Artisanat, et de surcroît, de la Consommation, qui avouez-le, depuis que j'ai été nommé, me donne quelques soucis quotidiens, voire nocturnes... En tant qu'élu rural d'une zone d'élevage, je vais avoir un petit mot sur le retour à la confiance dans la consommation carnée. C'est le comportement citoyen de chacun d'entre nous, de chacun des maires qui permettra de sauver les filières.
Soyez fiers d'être le pays de la " bonne bouffe " et non celui de la " mal bouffe " dont on dit aujourd'hui, hors de nos frontières qu'il s'agirait du nôtre.
Je crois que la meilleure des réactions consiste à répondre à la vindicte suscitée par certains médias, par le réalisme quotidien et la pratique, à ne pas sombrer non plus dans la psychose, comme l'ont fait certains d'entre nous, pour répondre à la psychose et à ne pas traiter l'émotion par la démagogie.
Essayons d'être raisonnable dans ce Ministère qui touche à tout : au développement local, au commerce, à l'artisanat Il s'agit avant tout de conforter, et cela va être la tâche que je vais poursuivre après Marilyse LEBRANCHU, à travers des mesures fiscales, des mesures réglementaires, non pas contraignantes mais souples, les moyens de s'adapter pour pouvoir suivre la croissance et continuer à créer des emplois.
L'exemple que je prenais, d'un outil centralisé, qui est pourtant un très bel outil, c'est le FISAC. Le FISAC est aujourd'hui un moyen de développement et de reconquête des bourgs-centres, de reconquête des territoires.
Je crois qu'il faut aujourd'hui déconcentrer le FISAC, pas pour les grandes opérations qui doivent rester du domaine de l'Etat, mais pour les petites opérations évoquées, genre " camion de livraison ", genre " commerce local ". Il faut déconcentrer ces opérations au niveau des préfets, et que l'Etat garde pour lui la gestion des grands desseins.
Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais vous dire.
En conclusion, simplement, le développement économique local, c'est certes une affaire de lois, certes une affaire de règlements, mais c'est avant tout une affaire de passion. Quand on a la passion du territoire, comme vous l'avez vous-même, comme je l'ai aussi, j'espère un peu, je suis convaincu qu'avec d'autres passions autour de nous dans l'intercommunalité, renforcée, développée, ouverte, confortée, nous avons là les moyens de la reconquête d'un développement harmonieux du territoire français.
Je vous remercie.
(source http://photomaton.cowprod.com, le 5 décembre 2000)