Déclaration de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, sur les principales avancées de la présidence française de l'Union européenne, notamment le rôle des fédérations dans l'organisation du sport, la participation de l'Union européenne à l'Agence Mondiale Antidopage et les initiatives en direction des jeunes, Bruxelles, le 5 décembre 2000.

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Circonstance : Audition de Mme Marie-George Buffet par la Commission culture, éducation, sports et médias du Parlement européen à Bruxelles le 5 décembre 2000

Texte intégral

C'est un exercice un peu difficile que de tirer devant vous le bilan de la présidence française dans les domaines du sport et de la jeunesse, alors que le Conseil européen ne s'est pas encore tenu, et que des documents importants doivent encore faire l'objet d'une adoption formelle par les Chefs d'Etat et de gouvernement.
Mais je peux d'ores et déjà tirer les premiers enseignements au regard des objectifs que je vous avais annoncés au mois de juillet.

1°) D'abord dans le domaine du sport.
Je vous avais indiqué que face aux graves dérives qui menacent le sport, sa marchandisation accrue, et les tentatives de certains groupes financiers de confisquer l'organisation des compétitions, la Présidence française voulait avancer en ouvrant pour le mouvement sportif un cadre qui lui permette de préserver le rôle des fédérations, la cohésion et la solidarité entre les différents niveaux de pratique.
Le rapport de Monsieur Mennea, tel qu'il a été adopté par le Parlement européen, visait des objectifs très voisins, et a constitué un précieux point d'appui à cette démarche.
Le mouvement sportif l'a lui même approuvée lors du 9ème Forum européen du sport accueilli à Lille en octobre.
Lors de la réunion du 6 novembre des ministres des sports, un consensus a pu être trouvé autour d'un projet de déclaration reconnaissant les spécificités du sport, qui sera adopté formellement par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Nice.
Je crois pouvoir dire qu'il s'agit là d'une avancée considérable pour le mouvement sportif et pour les Etats, qui y trouveront des moyens nouveaux pour combattre les dérives mercantiles.
Cette déclaration affirmera par exemple - et cela me paraît essentiel - que les fédérations ont des responsabilités en matière de solidarité et d'accessibilité, qui justifient " la compétence " qu'on leur reconnaît " dans l'organisation des compétitions ".
Elle affirmera que " les fédérations doivent demeurer l'élément clé " de l'organisation du sport.
Comme je l'avais souhaité, la déclaration soulignera la nécessité de faire de la protection des sportifs mineurs une priorité, y compris les mineurs des pays tiers, qui doivent pouvoir être protégés notamment contre les transactions commerciales et dont on doit prendre en compte les difficultés liées à l'éloignement par rapport à leur famille et leur milieu.
Ce Conseil européen devrait ainsi appeler à la fois les Etats membres et les organisations sportives " à enquêter sur de telles pratiques, à les surveiller, et à prendre des mesures " lorsque c'est nécessaire.
Avec cette déclaration, les fédérations sportives seront " encouragées à mettre en place des dispositifs de contrôle de gestion des clubs ", de sorte que l'équité des compétitions soit préservée. Ce sera donc un outil utile à la moralisation des transferts dans le football.
Il convient de souligner enfin que le texte de la Déclaration aborde deux points qui devraient faire l'objet d'un approfondissement sous la prochaine Présidence suédoise. Il s'agit tout d'abord de la place des femmes dans le sport, pour un égal accès à tous les niveaux de pratiques sportives et leur représentation au sein des instances dirigeantes. Le second thème concerne l'accessibilié aux activités sportives des personnes handicapées.
Je ne peux pas dissimuler la très grande satisfaction qui est celle de la Présidence française et des ministres des Sports d'avoir pu parvenir à ce résultat.
Je le redis : votre soutien et vos résolutions y ont considérablement aidé. Je crois que la Commission européenne disposera avec cette déclaration d'un outil politique sans précédent pour traiter du sport sous l'angle de ses fonctions éducatives et sociales, et non plus exclusivement sous le prisme économique.
Quant au mouvement sportif, il disposera désormais des premières protections nécessaires pour agir pour le développement du sport et réguler les dérives qui le menacent.
Pour l'avenir, la question de l'introduction d'un article relatif au sport dans le Traité, à laquelle vous êtes très attachés, n'a pu être réglée, notamment en raison de l'opposition résolue d'un certain nombre d'Etats. Ce débat reste donc ouvert, pour aller vers une base légale qui permette à l'Union européenne d'agir efficacement en ce domaine, afin de préserver les caractéristiques et fonctions spécifiques du sport, tout en respectant l'autonomie et le caractère associatif du mouvement sportif. Cette démarche devra en tout état de cause être menée en étroite concertation avec le mouvement sportif.

2°) En ce qui concerne la lutte contre le dopage, ma priorité était de redonner à l'Union européenne une position cohérente quant à sa participation à l'Agence mondiale antidopage (AMA). Là encore, avec le rapport de Madame Zabell, votre prise de position extrêmement claire nous a aidés, après de longs débats, à trouver une solution fondée sur une base légale.
Désormais, l'Union européenne pourra participer à l'AMA et à son financement. Le Conseil de l'Union Européenne vient de le décider au cours de sa réunion d'hier, conformément au souhait exprimé par les ministres le 6 novembre.
La Communauté y sera ainsi représentée par le président ou la présidente en exercice du Conseil et un ou une représentant(e) de la Commission européenne.
Il aurait été dommage, et pour tout dire incompréhensible, que l'Union européenne qui avait réclamé et obtenu l'Agence ne puisse se mettre d'accord pour y participer, y être représentée, et assurer sa viabilité.
C'est chose faite, et je crois que l'Europe est plus forte aujourd'hui pour réclamer de l'Agence une évolution de ses statuts et une clarification de ses missions. Il s'agit là de deux questions essentielles et urgentes.
En ce qui concerne son statut, l'AMA doit évoluer vers une Fondation de droit public lui donnant pleine capacité à agir. Par ailleurs, il faut préciser ses missions concernant l'harmonisation des procédures et des contrôles, et pour suppléer au manque de moyens de certains Etats pour mener une politique antidopage.
Je souhaite à présent que le Conseil européen de Nice appelle à la mobilisation de tous les instruments communautaires existants, afin que la coopération européenne soit portée sur le terrain judiciaire, scientifique, sur celui de l'industrie pharmaceutique, de la recherche épidémiologique et sociologique, de l'éducation, de la prévention, afin de lutter efficacement et sur tous les fronts contre ce fléau.

3°) J'en viens maintenant au domaine de la jeunesse, malheureusement souvent moins médiatique, mais qui me tient beaucoup à cur.
Comme je vous l'avais indiqué, la Présidence française, avec l'aide de la Commissaire, Mme Reding, a souhaité avancer dans la construction d'une Europe citoyenne, d'une Europe concrète, plus proche des gens, à l'écoute des jeunes.
J'ai donc d'abord voulu uvrer à des initiatives qui permettaient aux jeunes à la fois d'exprimer leurs préoccupations, mais aussi de pouvoir en débattre en direct avec ceux et celles qui prennent les décisions politiques au niveau des Etats comme au niveau de l'Union européenne.
Nous avons donc, avec la Commission, initié une consultation nationale dans chaque Etat membre. Puis, nous avons accueilli à Paris une rencontre européenne à laquelle 450 jeunes venus de toute l'Europe ont participé, et où des propositions ont été formulées.
Les jeunes ont - de fait - beaucoup travaillé, autour de cinq grands thèmes: les valeurs européennes et la mobilité ; le bien-être, l'autonomie personnelle et la culture ; l'éducation formelle et non formelle ; l'emploi, la formation professionnelle et l'intégration sociale ; et, enfin, la participation.
En tant que Présidente du Conseil, j'ai eu la grande joie d'accueillir ensuite, à Bruxelles, 18 jeunes gens et jeunes filles désignés par la rencontre de Paris pour dialoguer avec les quinze ministres de la jeunesse de l'Union et porteurs de l'ensemble de la réflexion engagée par les jeunes lors des consultations nationales dans chaque Etat membre.
C'est quelque chose de très nouveau dans les institutions européennes, et singulièrement pour un Conseil des ministres, que d'accueillir une délégation de jeunes, c'est-à-dire de prendre le temps d'entendre les avis, les analyses, les propositions qu'ils ont à formuler.
Ces propositions concernent des domaines très divers, et j'ai donc pris la décision, en accord avec le Conseil jeunesse, d'en informer les autres conseils, afin de travailler à une prise en compte immédiate des propositions exprimées.
Sur la question de la lutte contre l'exclusion et les situations de très grande précarité, le Conseil a adopté une résolution qui non seulement fixe aux Etats membres des objectifs communs, mais qui fait de " l'amélioration de la situation socio-économique des jeunes, de leur intégration sociale ainsi que de la prévention et de la lutte contre l'exclusion, une priorité " des politiques européennes.
Ainsi, tous les objectifs qui y sont retenus, qu'il s'agisse de l'aide à l'accès à l'emploi, de la lutte contre les discriminations, de l'accès à l'information, de l'accès et du maintien dans un logement, de l'information sur la contraception et la sexualité, etc, devront être évalués, chaque année, dans le cadre des dispositifs existants, comme le processus de Lisbonne.
Je souhaite que le Parlement européen soit pleinement associé à cette évaluation.
Enfin, et c'est peut-être la question la plus importante, les jeunes veulent que le dialogue qui a été engagé se prolonge.
Nous avons donc convenu que les " actions 5 " du programme jeunesse de l'Union Européenne devront être mobilisées pour financer des rencontres thématiques décentralisées.
La future présidence suédoise nous a, par ailleurs, informé de son intention d'élargir aux jeunes la rencontre d'experts prévue en mars dans le cadre du processus du Livre blanc.
Et il a été convenu, sur proposition de Madame Reding, qu'une fois le Livre blanc paru, une nouvelle rencontre européenne des jeunes sera organisée.
J'ai par ailleurs souhaité que les jeunes puissent être associés à l'évaluation qui sera faite du programme jeunesse à mi-parcours, dans le cadre de la disposition obtenue par le Parlement européen sur ce point.
* * *
Mesdames et Messieurs,
Après demain s'ouvrira à Nice un Conseil européen attendu, où d'importantes questions institutionnelles seront traitées.
L'actualité récente a montré que l'opinion était également très attentive au rôle que l'Europe pouvait jouer sur le terrain de l'existence quotidienne des gens, de l'environnement, de la sécurité, de la santé
Il n'y a pas de préoccupations mineures.
Si en initiant des façons nouvelles d'associer les jeunes à la politique, en desserrant l'étau financier et économique qui pèse sur les pratiques sportives, des hommes et des femmes se sentent mieux pris en considération par les institutions, alors je considèrerai que nous avons ensemble apporté une contribution utile.
Encore une fois, je vous remercie pour vos contributions à ces quelques pas, vers une construction européenne à visage plus humain.

(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 8 décembre 2000)