Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Pour un ministre chargé de l'écologie et du développement durable,
présenter un projet de loi sur les parcs nationaux est un moment
d'exception, mais aussi un exercice d'humilité.
Moment d'exception,
- car nous nous intéressons à des espaces, parmi les plus exceptionnels
au monde, joyaux du patrimoine naturel, culturel et paysager de la
Nation mais aussi de la planète,
- car nous revenons sur un monument législatif fondateur de notre
politique de la nature et inspiré par André MALRAUX,
- car c'est une loi innovante par bien des aspects.
Exercice d'humilité,
- car un travail remarquable a été effectué dans nos sept parcs
nationaux depuis 40 ans, et c'est sur la base de ce succès et de
l'engouement de nos concitoyens qui sont chaque année 7 millions à
fréquenter les parcs nationaux que cette loi a pu être imaginée ;
- exercice d'humilité également car j'inscris ce projet de loi dans la
continuité d'une recherche constante depuis les années 1950 de « parcs
nationaux à la française », démarche cherchant à associer les espaces
protégés et les espaces qui les environnent. Il s'inscrit dans l'esprit
des « pères fondateurs » des parcs nationaux mais aussi du rapport de
Monsieur le Président OLLIER de 1995, alors président du conseil
d'administration du parc national des Ecrins, et enfin du rapport de
2003 du député M. GIRAN, aujourd'hui rapporteur de ce projet de loi.
Je salue aussi le remarquable travail de réflexion et de propositions
concrètes mené par les députés GIRAN, OLLIER et TEISSIER qui, sous des
formes diverses mais parfaitement complémentaires ont inspiré le projet
de loi.
J'ai plaisir à remercier un rapporteur particulièrement au fait de son
sujet, car désormais président du conseil d'administration du parc
national de Port-Cros et président du collège des présidents de
conseils d'administration des parcs nationaux. Qui mieux que lui pourra
être le garant de l'esprit du projet de loi et nous aider durant le
débat parlementaire à garder le cap et l'équilibre sur des questions où
les enjeux de ces espaces exceptionnels justifient souvent des
positions passionnées de la part de tous les acteurs ?
Les enjeux du présent projet de loi touchent au très long terme et à la
nécessité d'une vision partagée sur la protection et la gestion de ces
espaces exceptionnels qui concernent à la fois les acteurs locaux,
l'ensemble de nos concitoyens, mais aussi la communauté internationale.
Les choix du gouvernement dont vous débattrez à propos du présent
projet de loi seront nécessairement confrontés à des grands principes
de niveau supérieur : d'une part ceux, nationaux, de la Charte de
l'environnement annexée à la Constitution, d'autre part ceux,
internationaux, dont l'Union internationale pour la Conservation de la
Nature (UICN) est garante quand elle « note » les parcs nationaux de
chaque pays.
Les parcs nationaux relèvent bien d'un patrimoine qui nous est commun,
au-delà de nos clivages politiques. Ce qui nous rassemble au service de
la préservation et de la gestion de ces espaces exceptionnels doit être
plus fort que ce qui nous divise.
Durant tout le débat parlementaire, je serai attentive à tout ce qui
peut nous unir au service d'un intérêt supérieur, en améliorant le
projet du gouvernement.
Le Gouvernement propose au Parlement une rénovation de la loi de 1960,
avec une triple ambition :
1) Consolider l'outil « parc national », en sauvegardant les acquis
auxquels la société est très attachée, mais en adaptant l'outil à un
contexte scientifique, administratif et international, qui a beaucoup
évolué.
2) Traduire législativement et réglementairement, mais aussi dans les
comportements, l'esprit du rapport de Monsieur GIRAN, avec le souci de
créer un réel partenariat aux bénéfices mutuels entre les espaces
protégés qui ont justifié le classement en parc national et l'actuelle
zone périphérique.
Ces orientations doivent permettre aux élus locaux de s'impliquer
complètement dans le projet de parc national et répondre à l'attente
des élus qui travaillent à la création de nouveaux parcs nationaux.
3) Enfin, doter la France d'un outil qui lui manque pour la gestion et
la préservation d'aires marines à forte valeur écologique : le parc
naturel marin.
Avec ce projet de loi, le gouvernement souhaite offrir à la politique
des parcs nationaux un cadre rénové, un pont entre hier et demain, un
pont aidant les acteurs et partenaires d'aujourd'hui à construire une
vision partagée.
HIER
1) Longtemps, il a en effet été possible de penser préserver ce qu'on
n'appelait pas encore la biodiversité, par des mesures réglementaires
fortes sur un petit territoire.
Depuis, la biologie et la science de la conservation nous ont appris à
prêter une plus grande attention à la solidarité écologique avec les
territoires environnants. Les pères fondateurs des parcs nationaux en
avaient plus ou moins l'intuition, en créant la zone périphérique. Des
efforts certains ont été faits, mais les résultats n'ont pas toujours
été à la hauteur du souhaitable, sans doute faute de moyens, mais faute
plus encore des moyens juridiques de bâtir une véritable solidarité,
économique et sociale, organisée et structurée autour des espaces
protégés.
2) Longtemps, une certaine incompréhension a conduit beaucoup des
acteurs locaux à penser que l'Etat s'appropriait un territoire dont il
n'était pas, et de loin, le principal propriétaire foncier, ignorant la
manière dont les sociétés traditionnelles avaient su protéger et
valoriser, sans les marquer trop fortement de leur empreinte, des
paysages, des espèces et des milieux vraiment remarquables. Nous devons
reconnaître cet héritage. Mais nous devons reconnaître également que
ces modes traditionnels de gestion ont été fragilisés par le progrès
technique, et que nous devons donc inventer pour préserver ce que nous
avons reçu.
3) Longtemps, l'Union internationale pour la conservation de la nature
(UICN) a mis ses priorités et toute son énergie au service de la
création de structures juridiques de protection réglementaire de la
nature. Il y a une dizaine d'années, la dimension contractuelle a
également été reconnue comme un outil potentiellement performant au
service de la protection de la nature. Plus récemment, l'UICN a affiché
sa volonté d'accorder une importance accrue à ce qu'il est convenu
d'appeler la gouvernance. Il est même envisagé de compléter les actuels
critères de classement dans les six catégories de l'UICN par des
critères de bonne gouvernance.
La France a ainsi la satisfaction de voir que les questions dont elle
s'est toujours préoccupée sont aujourd'hui partagées, après avoir eu le
sentiment durant plusieurs décennies que de telles approches, à la fois
exigeantes et respectueuses des sociétés humaines locales, n'étaient
pas audibles à l'international.
DEMAIN
1) Le niveau de protection de nos actuels parcs nationaux sera
conforté. Nous remédions aux faiblesses de la loi de 1960, repérées au
fil du temps ou à la faveur de conflits locaux. En effet, le
législateur d'il y a 45 ans ne travaillait pas dans le même contexte
qu'aujourd'hui. Par exemple, la limite entre le législatif et le
réglementaire n'était pas la même, et personne ne contestait alors la
possibilité de confier au décret le soin de créer des contraintes au
nom d'un intérêt général qui paraissait évident. Autre exemple, le
niveau de protection pénale des parcs nationaux, aujourd'hui
paradoxalement moins important sur certains points que celui d'une
réserve naturelle, voire de la plus banale des forêts domaniales, sera
remis au niveau d'exigence qu'implique le classement en parc national.
2) Les communes environnantes d'un parc national se verront proposer un
véritable partenariat, structuré autour d'un projet de territoire
élaboré ensemble, matérialisé par la libre adhésion à ce que M. GIRAN
appelait « une charte » dans son rapport et que le gouvernement appelle
« un plan de préservation et d'aménagement ».
L'objectif est de permettre aux élus des collectivités territoriales
concernés de s'emparer des questions que posent le développement à la
périphérie d'un espace protégé de notoriété mondiale et d'y répondre
par des choix collectifs exigeants. La participation à un objectif
commun conduira à reconnaître le label « parc national » aux communes
qui adhèrent au plan de préservation et d'aménagement.
3) En termes de gouvernance des espaces protégés, les nouvelles règles
du jeu dont les principes sont posés dans la loi et qui seront
précisées par décret, conduiront à une plus grande transparence dans le
processus de décision.
Dans le décret, je prends l'engagement de renforcer et de préciser le
rôle du président du conseil d'administration, par ailleurs associé au
processus de recrutement du directeur.
4) Je salue enfin le travail qui a été effectué avec les animateurs des
projets de nouveaux parcs nationaux pour innover avec mesure et créer
une souplesse de l'outil permettant de s'adapter à des contextes
différents.
J'espère ainsi apporter la contribution du gouvernement en particulier
aux grands projets de création de parcs nationaux en Guyane et à la
Réunion, souhaités par beaucoup, au premier rang desquels le Président
de la République.
Ce projet de loi doit à cet égard être aussi pour nous, pour votre
assemblée et pour le gouvernement, l'occasion de reconnaître l'apport
inestimable de nos départements d'outre-mer à la richesse écologique de
la Nation.
Il doit être également le moyen de saluer et de reconnaître les
caractéristiques propres, géographiques et écologiques sans doute, mais
également humaines et sociales, de ces territoires.
Sur l'île de la Réunion voici plusieurs années que, sur l'initiative
des élus je tiens à le souligner, est mis à l'étude un projet de parc
national qui porte une très grande ambition.
L'ambition de sauvegarder les richesses biologiques incomparables de
cette île où l'isolement écologique a produit un fort taux d'endémisme
et donc une part de patrimoine naturel unique au monde. Cette ambition
est directement portée par les élus réunionnais.
Ils ont à de nombreuses reprises réitéré leur volonté d'aboutir et se
sont en même temps montrés extrêmement attentifs aux dispositions de la
loi permettant aux élus de la « zone périphérique » du parc de prendre
en main, à travers la charte, une véritable politique de développement
durable.
Je n'hésite pas à le dire, ils nous ont aidé à formaliser nos ambitions
pour les futurs parcs nationaux même si l'expérience des parcs
existants est, je l'ai dit, à la source même de cette loi.
Des dispositions particulières au départements d'Outre Mer ont été
imaginées sur la base de l'exemple réunionnais. La proportion que
représenteront les espaces protégés du parc sur l'île (environ 40 %)
est en effet incomparable avec les situations existantes.
Je n'en doute pas, le futur parc national des Hauts de la Réunion, avec
l'ambition que partagent pour lui les élus et l'Etat, sera pour les
habitants d'aujourd'hui et plus encore de demain, une garantie de
qualité de vie et, dès sa création, un facteur éminent de notoriété
mondiale.
Les élus de la Guyane nous ont de leur côté également fait part de leur
très grande ambition à travers les débats du congrès qui s'est tenu le
18 octobre et au cours duquel ils ont donné un accord de principe pour
le projet de parc national, mais assorti de plusieurs remarques que
nous nous devons de prendre en compte.
Le projet de parc national en Guyane est, de la même façon qu'à la
Réunion, l'occasion pour la Nation de reconnaître la spécificité de ce
vaste et magnifique territoire et de manifester le souci que nous avons
de respecter les droits, les connaissances et les coutumes des
populations amazoniennes.
Je souhaite dire ici que j'entend les préoccupations des Guyanais et
j'affirme, au nom du gouvernement, que le projet de « parc amazonien »,
comme le congrès a souhaité nous le voir qualifier, doit être pour la
Guyane un instrument de développement.
Développement par les moyens financiers supplémentaires mobilisés, soit
à travers le plan d'urgence pour la Guyane, soit à travers le budget du
futur parc. Il prêtera son concours à la lutte contre l'orpaillage
illégal à travers ses missions de police de l'environnement. Ces
missions pouvant s'exercer aussi bien dans la zone protégée que dans
l'aire d'adhésion.
Moyens humains à travers les emplois que le parc sera progressivement
amené à créer sur place, dans chacune des communes adhérentes.
Moyens humains à travers les formations à divers métiers qui seront
proposées à des résidents, à travers l'accompagnement que proposera le
parc national au développement d'activités, notamment touristiques,
dans l'aire d'adhésion.
Moyens aussi et surtout, pour les habitants et spécialement pour les
membres des communautés autochtones, de valoriser leurs connaissances
de cette nature si particulière qui a façonné leur culture propre,
moyen d'exprimer leurs talents. Le parc national doit être l'instrument
par lequel s'exprimera le « génie » des communautés locales.
Moyen enfin de protéger ; non seulement contre l'orpaillage, je l'ai
dit, mais aussi contre le pillage des richesses biologiques.
En Guyane, comme à la Réunion, comme partout ailleurs pour les parcs
existants cette loi est une opportunité.
Je suis en effet persuadée que l'outil « parc national » ainsi rénové,
permettra de renouer avec le processus de création de nouveaux parcs
nationaux, interrompu depuis la création du parc national de la
Guadeloupe en 1989, alors même qu'il se poursuit activement dans le
monde, y compris en Europe. L'ambition du présent projet de loi, ce
sont les quarante-cinq prochaines années.
Le gouvernement est décidé à faire des parcs nationaux une priorité
budgétaire pour 2007, afin de dégager à la fois les moyens nécessaires
à cette nouvelle ambition pour les parcs existants, et pour créer les
nouveaux parcs. Je suis consciente que le budget pour 2006 n'est pas à
la hauteur des besoins, après deux années où les fonds de roulement ont
été mobilisés pour boucler le fonctionnement et l'investissement.
Je suis heureuse de vous annoncer que le gouvernement souhaite
redéployer 2,2 millions d'euros pour abonder la dotation budgétaire des
sept parcs nationaux existants. Je compte sur vos collègues sénateurs
pour soutenir ce souhait.
Mais le projet de loi qui vous est présenté ne se résume pas, comme je
l'ai dit, au seul outil des parcs nationaux. Le gouvernement innove
dans le domaine de la protection et de la gestion durable de certains
vastes espaces marins à forte biodiversité et à forts conflits d'usage,
en proposant l'outil des parcs naturels marins.
La protection de la mer est un des plus vastes défis écologiques
mondiaux des prochaines décennies. La France, par l'importance de ses
façades maritimes sur la quasi-totalité des mers et océans du monde,
assume au niveau mondial une responsabilité toute particulière en ce
domaine.
Nous ne partons pas de rien, mais l'outil proposé comble un vide dans
une palette d'outils où figurent seules des protections réglementaires
fortes et où nous manquons d'un instrument organisant de façon durable,
le partenariat sur les espaces marins à forts enjeux.
Le parc naturel marin est adapté à ces espaces maritimes vastes où la
biodiversité est particulièrement riche et qui sont, presque
naturellement, des lieux de conflits d'usages importants. Sur de tels
espaces, l'approche réglementaire est souvent utile, mais elle est
aussi radicalement insuffisante. Il faut alors raisonner dans un cadre
à la fois souple et mobilisateur, en prenant en compte simultanément
les préoccupations et les contraintes de toutes les activités en mer
dans l'espace concerné.
Sur de tels espaces, au nombre d'une douzaine environ en France
métropolitaine et outre-mer, il s'agit de pouvoir mobiliser
durablement, autour de l'Etat, l'ensemble des partenaires et usagers,
de manière à sortir des arbitrages, au cas par cas, pour développer
ensemble une vision partagée de la gestion de ces espaces. Il faut
organiser un dialogue structuré et permanent avec les préfets
représentants de l'Etat en mer, et donner les quelques moyens
nécessaires pour engager des projets communs.
Ainsi l'Etat associera notamment les diverses collectivités
territoriales riveraines ou leurs groupements à la protection et à la
gestion durable de ces espaces marins de haute valeur patrimoniale,
sans pour autant que l'Etat renonce à assumer ses prérogatives et
compétences en mer.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, avec les
parcs nationaux et les parcs naturels marins, nous sommes sur le long
terme.
Avec les parcs nationaux et les parcs naturels marins, nous nous
inscrivons, plus encore que partout ailleurs, dans la chaîne
pluriséculaire d'un héritage précieux reçu, à préserver et à
transmettre. Nous assumons une responsabilité d'ordre à la fois
écologique et humaniste, responsabilité d'innover pour conserver,
responsabilité de protéger la nature pour protéger l'Homme. Nous
engagerons dans nos débats notre vision de l'essentiel et de l'avenir,
sans doute avec passion, mais aussi, je le souhaite ardemment, avec
mesure et respect.
Protéger la nature, c'est-à-dire en l'occurrence doter notre pays
d'outils qui lui permettent, Etat et collectivités territoriales
ensemble, de protéger durablement les plus exceptionnels monuments
naturels de notre territoire c'est en effet faire ?uvre d'humanisme, de
développement et de démocratie.
C'est préserver pour le plus grand nombre la possibilité dans cinq ans,
dans vingt ans dans cinquante ans, de pouvoir encore accéder à ces
richesses irremplaçables qu'ont fabriqué des millions d'années
d'évolution de la vie sur terre et des siècles d'activité agricole et
forestière.
C'est éviter qu'à l'avenir les quelques trop rares territoires encore
préservés dans le monde soient confisqués par l'appropriation privée et
réservés à une clientèle fortunée.
C'est éviter que nous soyons, nous-mêmes et plus encore nos enfants,
conduits à sauvegarder les espèces les plus rares dans des sortes de
musées vivants qui seraient, pour ces espèces et leurs milieux naturels
en réalité des mouroirs.
La France a aujourd'hui, grâce aux débats que vous allez tenir,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, la possibilité d'entrer dans
le 21ème siècle armée d'une vision généreuse du combat pour la
sauvegarde de la nature, respectueuse des peuples et de leurs
identités, porteuse de développement et de paix. C'est toute l'ambition
qui, profondément sous-tend ce projet de loi.
Je vous remercie de votre attention. (Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 1er décembre 2005)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Pour un ministre chargé de l'écologie et du développement durable,
présenter un projet de loi sur les parcs nationaux est un moment
d'exception, mais aussi un exercice d'humilité.
Moment d'exception,
- car nous nous intéressons à des espaces, parmi les plus exceptionnels
au monde, joyaux du patrimoine naturel, culturel et paysager de la
Nation mais aussi de la planète,
- car nous revenons sur un monument législatif fondateur de notre
politique de la nature et inspiré par André MALRAUX,
- car c'est une loi innovante par bien des aspects.
Exercice d'humilité,
- car un travail remarquable a été effectué dans nos sept parcs
nationaux depuis 40 ans, et c'est sur la base de ce succès et de
l'engouement de nos concitoyens qui sont chaque année 7 millions à
fréquenter les parcs nationaux que cette loi a pu être imaginée ;
- exercice d'humilité également car j'inscris ce projet de loi dans la
continuité d'une recherche constante depuis les années 1950 de « parcs
nationaux à la française », démarche cherchant à associer les espaces
protégés et les espaces qui les environnent. Il s'inscrit dans l'esprit
des « pères fondateurs » des parcs nationaux mais aussi du rapport de
Monsieur le Président OLLIER de 1995, alors président du conseil
d'administration du parc national des Ecrins, et enfin du rapport de
2003 du député M. GIRAN, aujourd'hui rapporteur de ce projet de loi.
Je salue aussi le remarquable travail de réflexion et de propositions
concrètes mené par les députés GIRAN, OLLIER et TEISSIER qui, sous des
formes diverses mais parfaitement complémentaires ont inspiré le projet
de loi.
J'ai plaisir à remercier un rapporteur particulièrement au fait de son
sujet, car désormais président du conseil d'administration du parc
national de Port-Cros et président du collège des présidents de
conseils d'administration des parcs nationaux. Qui mieux que lui pourra
être le garant de l'esprit du projet de loi et nous aider durant le
débat parlementaire à garder le cap et l'équilibre sur des questions où
les enjeux de ces espaces exceptionnels justifient souvent des
positions passionnées de la part de tous les acteurs ?
Les enjeux du présent projet de loi touchent au très long terme et à la
nécessité d'une vision partagée sur la protection et la gestion de ces
espaces exceptionnels qui concernent à la fois les acteurs locaux,
l'ensemble de nos concitoyens, mais aussi la communauté internationale.
Les choix du gouvernement dont vous débattrez à propos du présent
projet de loi seront nécessairement confrontés à des grands principes
de niveau supérieur : d'une part ceux, nationaux, de la Charte de
l'environnement annexée à la Constitution, d'autre part ceux,
internationaux, dont l'Union internationale pour la Conservation de la
Nature (UICN) est garante quand elle « note » les parcs nationaux de
chaque pays.
Les parcs nationaux relèvent bien d'un patrimoine qui nous est commun,
au-delà de nos clivages politiques. Ce qui nous rassemble au service de
la préservation et de la gestion de ces espaces exceptionnels doit être
plus fort que ce qui nous divise.
Durant tout le débat parlementaire, je serai attentive à tout ce qui
peut nous unir au service d'un intérêt supérieur, en améliorant le
projet du gouvernement.
Le Gouvernement propose au Parlement une rénovation de la loi de 1960,
avec une triple ambition :
1) Consolider l'outil « parc national », en sauvegardant les acquis
auxquels la société est très attachée, mais en adaptant l'outil à un
contexte scientifique, administratif et international, qui a beaucoup
évolué.
2) Traduire législativement et réglementairement, mais aussi dans les
comportements, l'esprit du rapport de Monsieur GIRAN, avec le souci de
créer un réel partenariat aux bénéfices mutuels entre les espaces
protégés qui ont justifié le classement en parc national et l'actuelle
zone périphérique.
Ces orientations doivent permettre aux élus locaux de s'impliquer
complètement dans le projet de parc national et répondre à l'attente
des élus qui travaillent à la création de nouveaux parcs nationaux.
3) Enfin, doter la France d'un outil qui lui manque pour la gestion et
la préservation d'aires marines à forte valeur écologique : le parc
naturel marin.
Avec ce projet de loi, le gouvernement souhaite offrir à la politique
des parcs nationaux un cadre rénové, un pont entre hier et demain, un
pont aidant les acteurs et partenaires d'aujourd'hui à construire une
vision partagée.
HIER
1) Longtemps, il a en effet été possible de penser préserver ce qu'on
n'appelait pas encore la biodiversité, par des mesures réglementaires
fortes sur un petit territoire.
Depuis, la biologie et la science de la conservation nous ont appris à
prêter une plus grande attention à la solidarité écologique avec les
territoires environnants. Les pères fondateurs des parcs nationaux en
avaient plus ou moins l'intuition, en créant la zone périphérique. Des
efforts certains ont été faits, mais les résultats n'ont pas toujours
été à la hauteur du souhaitable, sans doute faute de moyens, mais faute
plus encore des moyens juridiques de bâtir une véritable solidarité,
économique et sociale, organisée et structurée autour des espaces
protégés.
2) Longtemps, une certaine incompréhension a conduit beaucoup des
acteurs locaux à penser que l'Etat s'appropriait un territoire dont il
n'était pas, et de loin, le principal propriétaire foncier, ignorant la
manière dont les sociétés traditionnelles avaient su protéger et
valoriser, sans les marquer trop fortement de leur empreinte, des
paysages, des espèces et des milieux vraiment remarquables. Nous devons
reconnaître cet héritage. Mais nous devons reconnaître également que
ces modes traditionnels de gestion ont été fragilisés par le progrès
technique, et que nous devons donc inventer pour préserver ce que nous
avons reçu.
3) Longtemps, l'Union internationale pour la conservation de la nature
(UICN) a mis ses priorités et toute son énergie au service de la
création de structures juridiques de protection réglementaire de la
nature. Il y a une dizaine d'années, la dimension contractuelle a
également été reconnue comme un outil potentiellement performant au
service de la protection de la nature. Plus récemment, l'UICN a affiché
sa volonté d'accorder une importance accrue à ce qu'il est convenu
d'appeler la gouvernance. Il est même envisagé de compléter les actuels
critères de classement dans les six catégories de l'UICN par des
critères de bonne gouvernance.
La France a ainsi la satisfaction de voir que les questions dont elle
s'est toujours préoccupée sont aujourd'hui partagées, après avoir eu le
sentiment durant plusieurs décennies que de telles approches, à la fois
exigeantes et respectueuses des sociétés humaines locales, n'étaient
pas audibles à l'international.
DEMAIN
1) Le niveau de protection de nos actuels parcs nationaux sera
conforté. Nous remédions aux faiblesses de la loi de 1960, repérées au
fil du temps ou à la faveur de conflits locaux. En effet, le
législateur d'il y a 45 ans ne travaillait pas dans le même contexte
qu'aujourd'hui. Par exemple, la limite entre le législatif et le
réglementaire n'était pas la même, et personne ne contestait alors la
possibilité de confier au décret le soin de créer des contraintes au
nom d'un intérêt général qui paraissait évident. Autre exemple, le
niveau de protection pénale des parcs nationaux, aujourd'hui
paradoxalement moins important sur certains points que celui d'une
réserve naturelle, voire de la plus banale des forêts domaniales, sera
remis au niveau d'exigence qu'implique le classement en parc national.
2) Les communes environnantes d'un parc national se verront proposer un
véritable partenariat, structuré autour d'un projet de territoire
élaboré ensemble, matérialisé par la libre adhésion à ce que M. GIRAN
appelait « une charte » dans son rapport et que le gouvernement appelle
« un plan de préservation et d'aménagement ».
L'objectif est de permettre aux élus des collectivités territoriales
concernés de s'emparer des questions que posent le développement à la
périphérie d'un espace protégé de notoriété mondiale et d'y répondre
par des choix collectifs exigeants. La participation à un objectif
commun conduira à reconnaître le label « parc national » aux communes
qui adhèrent au plan de préservation et d'aménagement.
3) En termes de gouvernance des espaces protégés, les nouvelles règles
du jeu dont les principes sont posés dans la loi et qui seront
précisées par décret, conduiront à une plus grande transparence dans le
processus de décision.
Dans le décret, je prends l'engagement de renforcer et de préciser le
rôle du président du conseil d'administration, par ailleurs associé au
processus de recrutement du directeur.
4) Je salue enfin le travail qui a été effectué avec les animateurs des
projets de nouveaux parcs nationaux pour innover avec mesure et créer
une souplesse de l'outil permettant de s'adapter à des contextes
différents.
J'espère ainsi apporter la contribution du gouvernement en particulier
aux grands projets de création de parcs nationaux en Guyane et à la
Réunion, souhaités par beaucoup, au premier rang desquels le Président
de la République.
Ce projet de loi doit à cet égard être aussi pour nous, pour votre
assemblée et pour le gouvernement, l'occasion de reconnaître l'apport
inestimable de nos départements d'outre-mer à la richesse écologique de
la Nation.
Il doit être également le moyen de saluer et de reconnaître les
caractéristiques propres, géographiques et écologiques sans doute, mais
également humaines et sociales, de ces territoires.
Sur l'île de la Réunion voici plusieurs années que, sur l'initiative
des élus je tiens à le souligner, est mis à l'étude un projet de parc
national qui porte une très grande ambition.
L'ambition de sauvegarder les richesses biologiques incomparables de
cette île où l'isolement écologique a produit un fort taux d'endémisme
et donc une part de patrimoine naturel unique au monde. Cette ambition
est directement portée par les élus réunionnais.
Ils ont à de nombreuses reprises réitéré leur volonté d'aboutir et se
sont en même temps montrés extrêmement attentifs aux dispositions de la
loi permettant aux élus de la « zone périphérique » du parc de prendre
en main, à travers la charte, une véritable politique de développement
durable.
Je n'hésite pas à le dire, ils nous ont aidé à formaliser nos ambitions
pour les futurs parcs nationaux même si l'expérience des parcs
existants est, je l'ai dit, à la source même de cette loi.
Des dispositions particulières au départements d'Outre Mer ont été
imaginées sur la base de l'exemple réunionnais. La proportion que
représenteront les espaces protégés du parc sur l'île (environ 40 %)
est en effet incomparable avec les situations existantes.
Je n'en doute pas, le futur parc national des Hauts de la Réunion, avec
l'ambition que partagent pour lui les élus et l'Etat, sera pour les
habitants d'aujourd'hui et plus encore de demain, une garantie de
qualité de vie et, dès sa création, un facteur éminent de notoriété
mondiale.
Les élus de la Guyane nous ont de leur côté également fait part de leur
très grande ambition à travers les débats du congrès qui s'est tenu le
18 octobre et au cours duquel ils ont donné un accord de principe pour
le projet de parc national, mais assorti de plusieurs remarques que
nous nous devons de prendre en compte.
Le projet de parc national en Guyane est, de la même façon qu'à la
Réunion, l'occasion pour la Nation de reconnaître la spécificité de ce
vaste et magnifique territoire et de manifester le souci que nous avons
de respecter les droits, les connaissances et les coutumes des
populations amazoniennes.
Je souhaite dire ici que j'entend les préoccupations des Guyanais et
j'affirme, au nom du gouvernement, que le projet de « parc amazonien »,
comme le congrès a souhaité nous le voir qualifier, doit être pour la
Guyane un instrument de développement.
Développement par les moyens financiers supplémentaires mobilisés, soit
à travers le plan d'urgence pour la Guyane, soit à travers le budget du
futur parc. Il prêtera son concours à la lutte contre l'orpaillage
illégal à travers ses missions de police de l'environnement. Ces
missions pouvant s'exercer aussi bien dans la zone protégée que dans
l'aire d'adhésion.
Moyens humains à travers les emplois que le parc sera progressivement
amené à créer sur place, dans chacune des communes adhérentes.
Moyens humains à travers les formations à divers métiers qui seront
proposées à des résidents, à travers l'accompagnement que proposera le
parc national au développement d'activités, notamment touristiques,
dans l'aire d'adhésion.
Moyens aussi et surtout, pour les habitants et spécialement pour les
membres des communautés autochtones, de valoriser leurs connaissances
de cette nature si particulière qui a façonné leur culture propre,
moyen d'exprimer leurs talents. Le parc national doit être l'instrument
par lequel s'exprimera le « génie » des communautés locales.
Moyen enfin de protéger ; non seulement contre l'orpaillage, je l'ai
dit, mais aussi contre le pillage des richesses biologiques.
En Guyane, comme à la Réunion, comme partout ailleurs pour les parcs
existants cette loi est une opportunité.
Je suis en effet persuadée que l'outil « parc national » ainsi rénové,
permettra de renouer avec le processus de création de nouveaux parcs
nationaux, interrompu depuis la création du parc national de la
Guadeloupe en 1989, alors même qu'il se poursuit activement dans le
monde, y compris en Europe. L'ambition du présent projet de loi, ce
sont les quarante-cinq prochaines années.
Le gouvernement est décidé à faire des parcs nationaux une priorité
budgétaire pour 2007, afin de dégager à la fois les moyens nécessaires
à cette nouvelle ambition pour les parcs existants, et pour créer les
nouveaux parcs. Je suis consciente que le budget pour 2006 n'est pas à
la hauteur des besoins, après deux années où les fonds de roulement ont
été mobilisés pour boucler le fonctionnement et l'investissement.
Je suis heureuse de vous annoncer que le gouvernement souhaite
redéployer 2,2 millions d'euros pour abonder la dotation budgétaire des
sept parcs nationaux existants. Je compte sur vos collègues sénateurs
pour soutenir ce souhait.
Mais le projet de loi qui vous est présenté ne se résume pas, comme je
l'ai dit, au seul outil des parcs nationaux. Le gouvernement innove
dans le domaine de la protection et de la gestion durable de certains
vastes espaces marins à forte biodiversité et à forts conflits d'usage,
en proposant l'outil des parcs naturels marins.
La protection de la mer est un des plus vastes défis écologiques
mondiaux des prochaines décennies. La France, par l'importance de ses
façades maritimes sur la quasi-totalité des mers et océans du monde,
assume au niveau mondial une responsabilité toute particulière en ce
domaine.
Nous ne partons pas de rien, mais l'outil proposé comble un vide dans
une palette d'outils où figurent seules des protections réglementaires
fortes et où nous manquons d'un instrument organisant de façon durable,
le partenariat sur les espaces marins à forts enjeux.
Le parc naturel marin est adapté à ces espaces maritimes vastes où la
biodiversité est particulièrement riche et qui sont, presque
naturellement, des lieux de conflits d'usages importants. Sur de tels
espaces, l'approche réglementaire est souvent utile, mais elle est
aussi radicalement insuffisante. Il faut alors raisonner dans un cadre
à la fois souple et mobilisateur, en prenant en compte simultanément
les préoccupations et les contraintes de toutes les activités en mer
dans l'espace concerné.
Sur de tels espaces, au nombre d'une douzaine environ en France
métropolitaine et outre-mer, il s'agit de pouvoir mobiliser
durablement, autour de l'Etat, l'ensemble des partenaires et usagers,
de manière à sortir des arbitrages, au cas par cas, pour développer
ensemble une vision partagée de la gestion de ces espaces. Il faut
organiser un dialogue structuré et permanent avec les préfets
représentants de l'Etat en mer, et donner les quelques moyens
nécessaires pour engager des projets communs.
Ainsi l'Etat associera notamment les diverses collectivités
territoriales riveraines ou leurs groupements à la protection et à la
gestion durable de ces espaces marins de haute valeur patrimoniale,
sans pour autant que l'Etat renonce à assumer ses prérogatives et
compétences en mer.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, avec les
parcs nationaux et les parcs naturels marins, nous sommes sur le long
terme.
Avec les parcs nationaux et les parcs naturels marins, nous nous
inscrivons, plus encore que partout ailleurs, dans la chaîne
pluriséculaire d'un héritage précieux reçu, à préserver et à
transmettre. Nous assumons une responsabilité d'ordre à la fois
écologique et humaniste, responsabilité d'innover pour conserver,
responsabilité de protéger la nature pour protéger l'Homme. Nous
engagerons dans nos débats notre vision de l'essentiel et de l'avenir,
sans doute avec passion, mais aussi, je le souhaite ardemment, avec
mesure et respect.
Protéger la nature, c'est-à-dire en l'occurrence doter notre pays
d'outils qui lui permettent, Etat et collectivités territoriales
ensemble, de protéger durablement les plus exceptionnels monuments
naturels de notre territoire c'est en effet faire ?uvre d'humanisme, de
développement et de démocratie.
C'est préserver pour le plus grand nombre la possibilité dans cinq ans,
dans vingt ans dans cinquante ans, de pouvoir encore accéder à ces
richesses irremplaçables qu'ont fabriqué des millions d'années
d'évolution de la vie sur terre et des siècles d'activité agricole et
forestière.
C'est éviter qu'à l'avenir les quelques trop rares territoires encore
préservés dans le monde soient confisqués par l'appropriation privée et
réservés à une clientèle fortunée.
C'est éviter que nous soyons, nous-mêmes et plus encore nos enfants,
conduits à sauvegarder les espèces les plus rares dans des sortes de
musées vivants qui seraient, pour ces espèces et leurs milieux naturels
en réalité des mouroirs.
La France a aujourd'hui, grâce aux débats que vous allez tenir,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, la possibilité d'entrer dans
le 21ème siècle armée d'une vision généreuse du combat pour la
sauvegarde de la nature, respectueuse des peuples et de leurs
identités, porteuse de développement et de paix. C'est toute l'ambition
qui, profondément sous-tend ce projet de loi.
Je vous remercie de votre attention. (Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 1er décembre 2005)