Intervention de Monsieur Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur les raisons d'une réforme des directions départementales de l'équipement (DDE) du fait de la décentralisation et de la réorganisation du ministère, Paris le 23 novembre 2005.

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Circonstance : 88ème Congrès des Maires et des présidents de communautés de France à Paris du 22 au 24 novembre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les maires,
Excusez-moi d'arriver sans doute un peu tard, ce qui explique qu'un certain nombre de vos collègues aient dû quitter la salle.
Je voudrais revenir sur l'esprit de l'action que nous menons en ce moment et sur les points que vous avez signalés.
D'abord, vous dire que, comme vous le savez bien en tant qu'élus locaux, le ministère de l'Equipement est en phase de transformations et de changements très profonds. J'imagine que le secrétaire général, Patrick GANDIL, qui prend une part active depuis plusieurs années à cette démarche, vous en a parlé ce matin. Un élément qui n'est pas le sujet principal, mais qui est important, a été la réorganisation du ministère réalisée par Gilles de ROBIEN avec toute l'équipe qui l'entourait et qui m'entoure aujourd'hui, qui a visé à transformer ce qui a été le grand ministère de la construction, de la réalisation d'infrastructures, dans une démarche qui était celle des années 70 et 80, afin qu'il tienne compte des changements récents et soit structuré de manière beaucoup plus fonctionnelle pour répondre à l'attente, en particulier, des collectivités territoriales et des partenaires économiques qui concourent aux fonctions de transports, d'aménagement, de développement durable, et de protection de la nature.
Mais sur le terrain, nous sommes maintenant engagés dans une autre transformation à laquelle vous allez être beaucoup plus directement confrontés : la réorganisation des DDE.
C'est le premier sujet que je crois intéressant que nous traitions ensemble ce matin.
Pourquoi une réorganisation ? Pour deux raisons.
La première, c'est qu'il y a la décentralisation des routes et, évidemment, en termes quantitatifs, c'est très important, puisque toute une part des personnels de l'équipement se consacrait à une tâche qui, aujourd'hui, va devenir de la responsabilité des conseils généraux ; et donc il va y avoir des transferts.
Mais ce n'est pas seulement cela. C'est aussi le fait de savoir comment, à un moment donné, où il y a effectivement un transfert important vers le conseil général qui va assumer ce travail routier - qu'il connaît bien puisqu'il y a eu une première décentralisation des routes, il y a bien longtemps maintenant - comment les DDE vont se réorganiser en tenant compte de cette perte de substance humaine importante et voir comment mieux assumer les autres tâches qui sont de leur compétence et, en particulier l'appui aux communes. Et cela, en sachant que nous devons avoir une approche, et ce n'est pas toujours le cas dans notre pays, pas trop uniforme sur l'ensemble du territoire.
Il est bien évident que l'appui que les services de l'équipement peuvent apporter aux communes doit être plus réel, il doit y avoir un plus grande disponibilité en direction des petites communes d'une part, et d'autre part, en direction des espaces essentiellement ruraux, davantage que dans les autres espaces très urbains, plus développés.
Pourquoi ? Parce que les grandes structures territoriales peuvent avoir accès, par exemple, en matière d'ingénierie ou en matière de conseil en aménagement, au secteur privé, à d'autres interlocuteurs, alors que pour les petites communes et pour les espaces essentiellement ruraux, c'est beaucoup plus difficile.
Il y a donc nécessité pour nous - et nous en sommes conscients, mais c'est aussi une question que je vous pose - de tenir compte de ces différences, et donc dans la réorganisation de nos directions de l'équipement, de faire en sorte qu'elles soient prises en compte.
Nous sommes maintenant dans ce travail de réorganisation.
Les discussions avec les conseils généraux sont en train de se dérouler et c'est donc entre le début et la fin 2006, en tout cas d'ici au début 2007, que nous aurons procédé à ces réorganisations. C'est difficile. Mais je crois que nous avons un intérêt commun - et j'imagine qu'il y a ici beaucoup de conseillers généraux - à bien réussir cette transformation.
Pourquoi ? Parce que si le personnel et inquiet, si les structures sont déstabilisées durablement pendant plusieurs mois, tout le monde y perdra. Et donc j'ai demandé au secrétaire général, aux directeurs généraux concernés, aux DDE, sur le terrain, d'être très attentifs et de mener ce travail avec vraiment un esprit de concertation jusque dans le détail, parce que c'est souvent dans le détail que se cache le diable comme on le sait, et il faut donc qu'on aille très loin dans la diversité des choses.
Deuxième élément, toujours lié à la réorganisation du ministère.
Je suis comme beaucoup d'entre vous aussi élu local, j'ai eu des responsabilités diverses dans différentes collectivités, et je veux vous dire que, s'agissant de la réorganisation du ministère, il y a un sujet qui me paraît extrêmement important, qui personnellement me passionne : c'est comment nous allons faire pour que le réseau scientifique et technique dont dispose le ministère de l'Equipement, qui est d'une richesse incomparable - ce que l'on connaît le plus sur le terrain, ce sont les CETE, mais il y a aussi un certain nombre d'autres services - comment faire en sorte qu'il soit, bien sûr, à la disposition de l'Etat, c'est son rôle, mais qu'il soit aussi à la disposition des collectivités territoriales comme du secteur privé et dans quelles conditions. C'est un enjeu très important.
On ne va pas tout régler d'un coup, mais je pense que c'est très important. Il faut qu'il y ait une relation de confiance entre ces structures scientifiques et techniques et il faut que les collectivités sachent qu'elles peuvent s'en servir. Je pense que, sur ce point, il y a sûrement un travail à faire, parce que, pour des opérations complexes, c'est extraordinairement utile.
Je peux vous faire part de mon expérience personnelle : lorsque, il y a quelques années, j'étais maire d'une ville moyenne, j'ai voulu réaliser un grand pont sur la Saône. Je voulais que ce pont soit une très belle réussite. Et bien, je l'ai réalisé grâce à une convention avec un service central du ministère, qui m'a permis, effectivement - je crois pouvoir le dire - de faire une réalisation techniquement très réussie et architecturalement un vrai acte de création.
Je crois que je n'aurais pas pu le faire - je le dis très sincèrement - si j'avais contracté avec un bureau d'études privé. Je ne l'aurais sans doute pas fait dans les mêmes conditions, avec des relations de confiance, de partage du projet au sens profond du terme. Donc vraiment, ce devenir du réseau scientifique et technique, c'est quelque chose qui me tient beaucoup à coeur et dont je souhaite pouvoir, à l'avenir, discuter, en particulier avec l'AMF. Je crois qu'il y a là un enjeu extrêmement important.
Vous avez parlé ce matin de la réforme des permis de construire. Je suis à votre disposition pour en parler, bien que je sois beaucoup moins savant que les collaborateurs que vous avez dû questionner tout à l'heure.
Pour moi, l'idée est simple. Comme vous, j'entends les gens râler, que ce soient les particuliers ou les entreprises ou les constructeurs, sur un certain nombre de sujets.
Il y a deux choses qu'il faut qu'on arrive à réussir. On ne saura qu'après si on a réussi, mais il faut essayer d'y arriver.
D'abord, comment maîtriser les délais ? Qu'on ne fasse pas semblant d'avoir des délais très courts puis, grâce à des systèmes de demandes subsidiaires, prolonger les délais indéfiniment. Dans les grandes villes, on arrive à des délais qui sont invraisemblables : un an, dans les faits, et non deux mois.
Donc il faut voir s'il n'y a pas une manière - c'est le projet - plus réaliste de voir les choses, et d'enfermer vraiment tout le monde dans un délai que chacun devra respecter, y compris l'administration.
Et puis le deuxième élément qui est très important, c'est la sécurité juridique, car nous avons de plus en plus de problèmes. Il n'y a pas de projet qui ne dérange personne et comme il y a toujours quelqu'un qui est dérangé, comme par hasard, on voit apparaître par génération spontanée des associations de défense - qui sont parfaitement légitimes, on est dans un pays démocratique - mais il faut que le droit soit suffisamment clair et précis pour que, ensuite, on puisse travailler dans une sécurité juridique.
Ce sont vraiment les deux objectifs du texte.
Sur ce texte, il y a une chose à laquelle il faut penser dès maintenant, et c'est très important pour les élus que nous sommes : on va sortir la partie législative du texte, assez rapidement maintenant, sous forme d'ordonnance, mais qui a été pas mal discutée, en particulier avec l'AMF.
Ensuite, on va sortir les décrets d'application. Il va falloir plusieurs mois. Ces décrets vont nous occuper durant l'année 2006.
Et puis après, et cela, c'est très important, il faut qu'on mette en place et il faut qu'on le fasse, entre autres, avec l'AMF, tout un effort, toute une mécanique de formation et d'information. Parce que cela va être une réforme importante, et si les personnels des mairies, les élus sur le terrain, les personnels des DDE ne sont pas formés, n'ont pas une bonne connaissance de la réforme avant de la mettre en oeuvre, on va "se planter" !
Si on dit au jour J : « Crac ! ce sont les nouveaux textes qui s'appliquent », sans préparation, attendez les dégâts : cela va être monstrueux. !
Donc il faut travailler là-dessus et il faudra qu'on en reparle ensemble avec l'AMF et qu'on mette en place de façon très méthodique sur tout le territoire tout un travail, qui prendra plusieurs mois, d'information, de réalisation de documents précis, de plaquettes, etc., pour que la réforme soit une réussite. Sinon on va tous - pour parler français - se « faire engueuler » parce que cela ne marchera pas. C'est un point très en important. Sans compter, comme dit M. MARSEILLE, les contentieux qui ne manqueront pas d'aboutir.
Sur la loi littoral, je suis à votre écoute si certains d'entre vous souhaitent en parler. J'ai bien conscience que nous avons eu des difficultés du fait de chevauchements - en tout cas, c'est comme cela que j'ai interprété les choses - de législations qui, à force de s'ajouter, rendaient les choses extrêmement difficiles.
M. BAFFERT a fait un travail, je crois, d'écoute et de discussion sur le terrain extrêmement efficace, en tous cas dont j'ai eu de bons retours. Et c'est comme cela qu'il faut travailler. Je crois que sur ce problème de l'application de différents textes et de cumul de réglementations, on ne peut trouver des solutions que si, avec les élus qui vivent la difficulté sur le terrain, on arrive à analyser les choses de façon fine de manière à voir si, éventuellement, il faut changer tel ou tel point du texte. Il faut être extrêmement pragmatique mais extrêmement précis. Et il faut que ce soit le résultat de l'analyse de terrain.
Voilà ce que je voulais dire en réponse à vos questions. On m'avait préparé un très grand discours que je n'ai pas lu. Je préfère rester à votre disposition pour répondre à vos questions.(Source http://www.amf.asso.fr, le 29 novembre 2005)