Texte intégral
Q- Bonne année et bonjour J.-L. Debré !
R- Bonne année, bonne année à vous et à tous vos auditeurs et auditrices.
Q- L'état d'urgence est donc levé ce matin. C'était donc un peu de la dissuasion et alors beaucoup du symbole ?
R- C'était de la dissuasion, les choses sont rentrées dans l'ordre, heureusement, eh bien ce n'est pas la peine de maintenir quelque chose qui était de la dissuasion. Mais il faut que ceux qui commettent des exactions ou des troubles dans nos banlieues sachent que le Gouvernement, je pense, et le président de la République sont déterminés à ce que le calme règne.
Q- Autrement dit, l'idée est tellement bonne qu'il vaut mieux ne pas y
avoir souvent recours.
R- Tout à fait !
Q- Le président de la République croit-il plus au social en urgence qu'à la seule matraque pour réussir l'apaisement et l'intégration en France ?
R- Il n'y aura pas d'intégration, il n'y aura pas de progrès, dans la pagaille. Et par conséquent, la liberté doit être rétablie, liberté pour chacun de se promener dans ses quartiers et liberté...
Q- Et utiliser les trains sans avoir de violence.
R- Il n'y a pas de progrès sans ordre et par conséquent, il faut que l'ordre règne et que la loi de la République règne.
Q- Il pleut des v?ux présidentiels, c'est d'ailleurs la saison, en veux-tu en voilà et d'ailleurs des v?ux assez musclés. Mais est-ce que J. Chirac tient ce qu'il promet d'année en année et est-ce qu'il sera à l'Elysée pour exaucer les v?ux 2006 ?
R- Ecoutez, d'abord, si on veut regarder un peu bien les choses et sans passion, les principales promesses qui ont été faites pendant la campagne présidentielle dernière sont tenues : les retraites, l'assurance maladie, je passe ! Aujourd'hui, le président de la République, comme c'est traditionnel, fait des v?ux. Il a écarté la langue de bois et ses v?ux sont un acte politique. Un acte politique qui l'engage lui-même, qui engage le Gouvernement et qui engage la majorité et qui donne le cap à la France. Eh bien, il est parfaitement dans son rôle dans sa mission de chef de l'Etat.
Q- 2005, c'était une année si noire, il en a sans doute bavé ; ses fossoyeurs politiques, vous croyez qu'ils étaient pressés ? Et j'ai envie de vous demander, puisque vous parlez de ses v?ux 2006, on voit qu'il cherche à marquer son territoire et un certain retour. Est-ce que c'est possible et si c'est un retour, pour quel rôle encore ?
R- Oui, parce que plus la France est en difficultés plus nous sortirons de ces difficultés dans l'action et non pas dans l'attente. Et le président de la République et c'est son rôle, doit à tous les acteurs politiques montrer que les difficultés, elles sont là, nous n'en sortirons qu'en essayant de prendre les problèmes à bras le corps et non pas en les évitant. Et donc il fixe le cap, il fixe la direction et il dit "je vais être garant de la direction prise".
Q- C'est pour ça qu'il multiplie les initiatives, par exemple, il parle d'une parité mieux respectée et puis on voit l'abolition de la peine de mort inscrite bientôt sur la Constitution, cela veut dire qu'il y aura un congrès ?
R- Je pense qu'il y aura un congrès. Mais là aussi, sur la parité, des efforts considérables ont été faits depuis quelques années, il faut faire un effort supplémentaire, il faut que dans les exécutifs, régionaux ou départementaux il y ait une parité, parce que nos assemblées ne sont bonnes que quand elles sont à l'image de la France et de la région ou du département.
Q- Alors hier J. Chirac a dit, je le cite ; ? Les échéances viendront à leur heure, l'expression des ambitions doit venir elle aussi à son heure ?, cela veut dire qu'il incite vos amis, D. de Villepin et N. Sarkozy à la patience et est-ce que vous croyez qu'il sera entendu ?
R- Je le souhaite. Vous savez nous avons traversé ces derniers temps des difficultés. Si on continue à se déchirer sur des échéances qui vont venir, on n'en sortira jamais.
Q- Alors où est la ligne jaune ?
R- La ligne jaune c'est que tout le monde se rassemble derrière le Gouvernement et derrière le cap fixé par le président de la République pour agir, avancer et non pas attendre.
Q- Mais J.-L. Debré, neutraliser la compétition entre les deux dans votre camp, est-ce que ce n'est pas déjà favoriser le Premier ministre ?
R- Non, cela ne favorise personne, je ne rentrerai pas là-dedans. C'est de dire : nous avons des échéances, j'ai fixé un cap, ceux et celles qui se détournent de ce cap ou de ces échéances ne rendent pas un bon service à la France.
Q- Un mot au président de l'Assemblée nationale : le juge Burgaud, qui est à l'origine de la tragédie judiciaire d'Outreau refuse le huis clos de votre Commission d'enquête de l'Assemblée nationale, est-ce que vous acceptez, vous, que son audition tant attendue soit publique ?
R- Je vais être très clair, je l'ai voulu cette Commission d'enquête, nous n'avons rien à cacher, nous n'avons rien à cacher... Il y a eu des dysfonctionnements tout le long de la chaîne judiciaire. Et par conséquent je suis pour la publicité, parce qu'il faut qu'on sache et que tout le monde sache pourquoi on est arrivé à cette situation. Naturellement, sous réserve que les personnes veulent bien témoigner officiellement, si elles veulent le huis clos, on ne peut pas leur refuser. Mais le principe pour moi, dans une Commission d'enquête de ce type, c'est justement de montrer que tout est transparent à l'Assemblée nationale, nous n'avons rien à cacher. Je suis pour la publicité. Et même je vais vous dire, puisque je fais la promotion de la chaîne parlementaire Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi on ne diffuserait pas ces débats sur la chaîne parlementaire, sous réserve qu'on ne diffuse les témoignages de ceux qui ne veulent pas...
Q- Donc pas d'hypocrisie, ni d'ambiguïté, voilà.
R- Non, non, on n'a rien à cacher.
Q- Autre thème : comment se débarrasser, Monsieur Debré, de la loi sur les bienfaits de la colonisation. Vous avez engagé vos consultations dans le cadre de la mission pluraliste qui vous a été confiée par le président de la République, où en êtes-vous, comment procédez-vous ?
R- D'abord, je procède sans publicité, puisque vous avez vu, je ne fais aucune déclaration là-dessus. J'ai une conviction : ce n'est pas le rôle de la loi que d'écrire l'histoire. Et ce n'est pas à nous, législateurs, de donner à des évènements historiques un sens...
Q- Mais le paradoxe, c'est vous les élus, les politiques qui êtes en train de vous charger de décoloniser - de décolonialiser ? l'histoire coloniale, c'est un paradoxe !
R- Par conséquent, comme je considère que je n'ai pas la vocation de la loi de faire cela, j'ai accepté cette mission que le président de la République m'a confiée. Je lui en ai parlé à plusieurs reprises et je voudrais... je n'exclus rien. Ni l'abrogation, ni la réécriture...
Q- Quelle est votre préférence ?
R- Je n'ai pas de préférence. Je suis un magistrat et un juge d'instruction pendant longtemps. J'écoute à charge et à décharge, j'en parle au président de la République souvent. Nous nous forgeons et j'essaye de me forger une conviction et je ferai en sorte de lui proposer la meilleure solution pour l'histoire de la France, pour la liberté et pour le Parlement.
Q- Mais est-ce que c'est à vous de le faire ça ?
R- Oui, parce que je veux en tant que président de l'Assemblée nationale faire en sorte que cela ne soit pas la correction, ni l'expression d'une repentance, ni l'expression d'un reniement, mais l'expression d'une bonne et juste conception de la loi.
Q- Personne ne pourra attendre trois mois pour en finir avec un texte qui pollue le climat et défait la cohésion, l'identité du pays.
R- Mais qui vous a dit qu'il fallait attendre trois mois ?
Q- Parce que c'était le terme de la mission.
R- C'est le terme, mais on peut toujours arriver avant terme.
Q- Alors, avant terme, c'est quand ?
R- Le plus vite possible.
Q- Fin janvier, avant fin janvier ?
R- Je n'ai pas à vous donner de date. J'en ai parlé au président de la République à plusieurs reprises, je le tiens au courant de ce que je fais, je consulte les associations, je consulte les historiens, je consulte celles et ceux qui ont pris position et je proposerai au président de la République, parce que c'est ma fonction de président de l'Assemblée nationale de revenir à une vraie conception de la loi.
Q- Oui, mais c'est au président de la République - c'est lui qui interviendra au dernier moment - ou aux députés [à qui] vous demanderez de s'accorder sur un nouveau texte de consensus cette fois-ci qu'il soit de droite ou de gauche ?
R- Ma conviction c'est qu'on ne peut pas continuer avec cet article IV ainsi rédigé. Partant de cette conviction qui est la mienne, il faut trouver la meilleure solution pour apaiser ...
Q- Mais se débarrasser de tout ou de la loi ou de l'article IV ?
R- Eh bien nous verrons. Je n'ai pas encore définitivement forgé ma conviction et quand je l'aurai forgée, je la donnerai d'abord au président de la République.
Q- D'ailleurs on vous voit très souvent avec lui ces derniers temps, si j'ai bien compris, vous êtes sorti le dernier hier soir, vous avez encore dû discuter avec lui, peut-être de ça non ?
R- Je lui en ai parlé, oui.
Q- L'UMP a demandé à Arno Klarsfeld, le fils, une solution sur la loi, l'histoire et le devoir de mémoire. Est-ce que vous recevrez aussi A. Klarsfeld ?
R- Naturellement, je reçois tout le monde. Ma mission est d'entendre, d'écouter, de comprendre et d'arriver à une solution qui convienne à tout le monde.
Q- Monsieur Debré, le débat est lancé, après viendront d'autres lois où les politiques ont exprimé une histoire et une morale officielles. Voulez-vous que je cite : la loi Gayssot, la loi sur le génocide arménien - d'ailleurs on peut se demander en quoi les députés français se mêlent de cette tragédie -, la loi Taubira, l'esclavage par les Européens, crime contre l'Humanité... Est-ce que vous garderez ces lois en bloc, ou est-ce que vous allez réclamer là aussi, parce que vous considérez que c'est votre rôle, leur examen cas par cas ?
R- Ecoutez, d'abord je veux régler ce problème de la loi récente sur la présence française Outre-mer et puis après, j'ai l'intention de réunir un certain nombre de parlementaires pour dire, eh bien écoutez, regardons les autres lois. Regardons ce que l'on peut faire pour revenir - je le dis depuis longtemps, ce n'est pas récent - revenir à la vraie conception de la loi. La loi n'est pas là pour écrire l'histoire, la loi n'est pas là pour dire comment il faut apprécier un fait historique. L'histoire d'une Nation, il y a des bons et des mauvais côtés, la loi est là pour permettre la liberté d'expression.
Q- Et après on laisse les historiens se débrouiller.
R- Et après, on laisse chacun se débrouiller en son âme et conscience, en fonction des travaux de l'histoire.
Q- Monsieur Debré, un des vrais problèmes, n'est-ce pas, que depuis le début de l'affaire, ni vous ni Monsieur Accoyer, vous ne parvenez à tenir à l'Assemblée, une majorité indocile qui est plus à droite que vous-même et qui est déjà plongée dans les élections présidentielles ?
R- Monsieur Elkabbach, je n'ai pas moi, en tant que président de l'Assemblée nationale, à tenir la majorité. Ce n'est pas ma responsabilité. Je suis président de l'ensemble de l'assemblée nationale. Ce que je regrette - et ce n'est pas nouveau, cela date depuis de nombreuses années - on arrive cahin-caha à une mauvaise conception du rôle du législateur. Le législateur est là pour fixer des normes, il n'est pas là pour réécrire quoi que ce soit.
Q- Vous ne m'avez pas répondu sur "elle est un peu indocile et elle pense surtout avec l'obsession 2007-2007-2007", et "qui va nous faire gagner, qui va nous faire gagner ou rester là où nous sommes ?".
R- Nous gagnerons et nous resterons là où nous sommes si les Français nous font confiance. Et pour qu'ils nous fassent confiance, il faut être responsable et faire en sorte que dans le domaine de l'emploi, de la cohésion sociale, on suive les directions du président de la République.Bonne journée, bonne année, merci d'être venu et travaillez vite sur cette loi qui pollue le débat.
R- Bonne année, bonne année à vous et à tous vos auditeurs et auditrices.
Q- L'état d'urgence est donc levé ce matin. C'était donc un peu de la dissuasion et alors beaucoup du symbole ?
R- C'était de la dissuasion, les choses sont rentrées dans l'ordre, heureusement, eh bien ce n'est pas la peine de maintenir quelque chose qui était de la dissuasion. Mais il faut que ceux qui commettent des exactions ou des troubles dans nos banlieues sachent que le Gouvernement, je pense, et le président de la République sont déterminés à ce que le calme règne.
Q- Autrement dit, l'idée est tellement bonne qu'il vaut mieux ne pas y
avoir souvent recours.
R- Tout à fait !
Q- Le président de la République croit-il plus au social en urgence qu'à la seule matraque pour réussir l'apaisement et l'intégration en France ?
R- Il n'y aura pas d'intégration, il n'y aura pas de progrès, dans la pagaille. Et par conséquent, la liberté doit être rétablie, liberté pour chacun de se promener dans ses quartiers et liberté...
Q- Et utiliser les trains sans avoir de violence.
R- Il n'y a pas de progrès sans ordre et par conséquent, il faut que l'ordre règne et que la loi de la République règne.
Q- Il pleut des v?ux présidentiels, c'est d'ailleurs la saison, en veux-tu en voilà et d'ailleurs des v?ux assez musclés. Mais est-ce que J. Chirac tient ce qu'il promet d'année en année et est-ce qu'il sera à l'Elysée pour exaucer les v?ux 2006 ?
R- Ecoutez, d'abord, si on veut regarder un peu bien les choses et sans passion, les principales promesses qui ont été faites pendant la campagne présidentielle dernière sont tenues : les retraites, l'assurance maladie, je passe ! Aujourd'hui, le président de la République, comme c'est traditionnel, fait des v?ux. Il a écarté la langue de bois et ses v?ux sont un acte politique. Un acte politique qui l'engage lui-même, qui engage le Gouvernement et qui engage la majorité et qui donne le cap à la France. Eh bien, il est parfaitement dans son rôle dans sa mission de chef de l'Etat.
Q- 2005, c'était une année si noire, il en a sans doute bavé ; ses fossoyeurs politiques, vous croyez qu'ils étaient pressés ? Et j'ai envie de vous demander, puisque vous parlez de ses v?ux 2006, on voit qu'il cherche à marquer son territoire et un certain retour. Est-ce que c'est possible et si c'est un retour, pour quel rôle encore ?
R- Oui, parce que plus la France est en difficultés plus nous sortirons de ces difficultés dans l'action et non pas dans l'attente. Et le président de la République et c'est son rôle, doit à tous les acteurs politiques montrer que les difficultés, elles sont là, nous n'en sortirons qu'en essayant de prendre les problèmes à bras le corps et non pas en les évitant. Et donc il fixe le cap, il fixe la direction et il dit "je vais être garant de la direction prise".
Q- C'est pour ça qu'il multiplie les initiatives, par exemple, il parle d'une parité mieux respectée et puis on voit l'abolition de la peine de mort inscrite bientôt sur la Constitution, cela veut dire qu'il y aura un congrès ?
R- Je pense qu'il y aura un congrès. Mais là aussi, sur la parité, des efforts considérables ont été faits depuis quelques années, il faut faire un effort supplémentaire, il faut que dans les exécutifs, régionaux ou départementaux il y ait une parité, parce que nos assemblées ne sont bonnes que quand elles sont à l'image de la France et de la région ou du département.
Q- Alors hier J. Chirac a dit, je le cite ; ? Les échéances viendront à leur heure, l'expression des ambitions doit venir elle aussi à son heure ?, cela veut dire qu'il incite vos amis, D. de Villepin et N. Sarkozy à la patience et est-ce que vous croyez qu'il sera entendu ?
R- Je le souhaite. Vous savez nous avons traversé ces derniers temps des difficultés. Si on continue à se déchirer sur des échéances qui vont venir, on n'en sortira jamais.
Q- Alors où est la ligne jaune ?
R- La ligne jaune c'est que tout le monde se rassemble derrière le Gouvernement et derrière le cap fixé par le président de la République pour agir, avancer et non pas attendre.
Q- Mais J.-L. Debré, neutraliser la compétition entre les deux dans votre camp, est-ce que ce n'est pas déjà favoriser le Premier ministre ?
R- Non, cela ne favorise personne, je ne rentrerai pas là-dedans. C'est de dire : nous avons des échéances, j'ai fixé un cap, ceux et celles qui se détournent de ce cap ou de ces échéances ne rendent pas un bon service à la France.
Q- Un mot au président de l'Assemblée nationale : le juge Burgaud, qui est à l'origine de la tragédie judiciaire d'Outreau refuse le huis clos de votre Commission d'enquête de l'Assemblée nationale, est-ce que vous acceptez, vous, que son audition tant attendue soit publique ?
R- Je vais être très clair, je l'ai voulu cette Commission d'enquête, nous n'avons rien à cacher, nous n'avons rien à cacher... Il y a eu des dysfonctionnements tout le long de la chaîne judiciaire. Et par conséquent je suis pour la publicité, parce qu'il faut qu'on sache et que tout le monde sache pourquoi on est arrivé à cette situation. Naturellement, sous réserve que les personnes veulent bien témoigner officiellement, si elles veulent le huis clos, on ne peut pas leur refuser. Mais le principe pour moi, dans une Commission d'enquête de ce type, c'est justement de montrer que tout est transparent à l'Assemblée nationale, nous n'avons rien à cacher. Je suis pour la publicité. Et même je vais vous dire, puisque je fais la promotion de la chaîne parlementaire Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi on ne diffuserait pas ces débats sur la chaîne parlementaire, sous réserve qu'on ne diffuse les témoignages de ceux qui ne veulent pas...
Q- Donc pas d'hypocrisie, ni d'ambiguïté, voilà.
R- Non, non, on n'a rien à cacher.
Q- Autre thème : comment se débarrasser, Monsieur Debré, de la loi sur les bienfaits de la colonisation. Vous avez engagé vos consultations dans le cadre de la mission pluraliste qui vous a été confiée par le président de la République, où en êtes-vous, comment procédez-vous ?
R- D'abord, je procède sans publicité, puisque vous avez vu, je ne fais aucune déclaration là-dessus. J'ai une conviction : ce n'est pas le rôle de la loi que d'écrire l'histoire. Et ce n'est pas à nous, législateurs, de donner à des évènements historiques un sens...
Q- Mais le paradoxe, c'est vous les élus, les politiques qui êtes en train de vous charger de décoloniser - de décolonialiser ? l'histoire coloniale, c'est un paradoxe !
R- Par conséquent, comme je considère que je n'ai pas la vocation de la loi de faire cela, j'ai accepté cette mission que le président de la République m'a confiée. Je lui en ai parlé à plusieurs reprises et je voudrais... je n'exclus rien. Ni l'abrogation, ni la réécriture...
Q- Quelle est votre préférence ?
R- Je n'ai pas de préférence. Je suis un magistrat et un juge d'instruction pendant longtemps. J'écoute à charge et à décharge, j'en parle au président de la République souvent. Nous nous forgeons et j'essaye de me forger une conviction et je ferai en sorte de lui proposer la meilleure solution pour l'histoire de la France, pour la liberté et pour le Parlement.
Q- Mais est-ce que c'est à vous de le faire ça ?
R- Oui, parce que je veux en tant que président de l'Assemblée nationale faire en sorte que cela ne soit pas la correction, ni l'expression d'une repentance, ni l'expression d'un reniement, mais l'expression d'une bonne et juste conception de la loi.
Q- Personne ne pourra attendre trois mois pour en finir avec un texte qui pollue le climat et défait la cohésion, l'identité du pays.
R- Mais qui vous a dit qu'il fallait attendre trois mois ?
Q- Parce que c'était le terme de la mission.
R- C'est le terme, mais on peut toujours arriver avant terme.
Q- Alors, avant terme, c'est quand ?
R- Le plus vite possible.
Q- Fin janvier, avant fin janvier ?
R- Je n'ai pas à vous donner de date. J'en ai parlé au président de la République à plusieurs reprises, je le tiens au courant de ce que je fais, je consulte les associations, je consulte les historiens, je consulte celles et ceux qui ont pris position et je proposerai au président de la République, parce que c'est ma fonction de président de l'Assemblée nationale de revenir à une vraie conception de la loi.
Q- Oui, mais c'est au président de la République - c'est lui qui interviendra au dernier moment - ou aux députés [à qui] vous demanderez de s'accorder sur un nouveau texte de consensus cette fois-ci qu'il soit de droite ou de gauche ?
R- Ma conviction c'est qu'on ne peut pas continuer avec cet article IV ainsi rédigé. Partant de cette conviction qui est la mienne, il faut trouver la meilleure solution pour apaiser ...
Q- Mais se débarrasser de tout ou de la loi ou de l'article IV ?
R- Eh bien nous verrons. Je n'ai pas encore définitivement forgé ma conviction et quand je l'aurai forgée, je la donnerai d'abord au président de la République.
Q- D'ailleurs on vous voit très souvent avec lui ces derniers temps, si j'ai bien compris, vous êtes sorti le dernier hier soir, vous avez encore dû discuter avec lui, peut-être de ça non ?
R- Je lui en ai parlé, oui.
Q- L'UMP a demandé à Arno Klarsfeld, le fils, une solution sur la loi, l'histoire et le devoir de mémoire. Est-ce que vous recevrez aussi A. Klarsfeld ?
R- Naturellement, je reçois tout le monde. Ma mission est d'entendre, d'écouter, de comprendre et d'arriver à une solution qui convienne à tout le monde.
Q- Monsieur Debré, le débat est lancé, après viendront d'autres lois où les politiques ont exprimé une histoire et une morale officielles. Voulez-vous que je cite : la loi Gayssot, la loi sur le génocide arménien - d'ailleurs on peut se demander en quoi les députés français se mêlent de cette tragédie -, la loi Taubira, l'esclavage par les Européens, crime contre l'Humanité... Est-ce que vous garderez ces lois en bloc, ou est-ce que vous allez réclamer là aussi, parce que vous considérez que c'est votre rôle, leur examen cas par cas ?
R- Ecoutez, d'abord je veux régler ce problème de la loi récente sur la présence française Outre-mer et puis après, j'ai l'intention de réunir un certain nombre de parlementaires pour dire, eh bien écoutez, regardons les autres lois. Regardons ce que l'on peut faire pour revenir - je le dis depuis longtemps, ce n'est pas récent - revenir à la vraie conception de la loi. La loi n'est pas là pour écrire l'histoire, la loi n'est pas là pour dire comment il faut apprécier un fait historique. L'histoire d'une Nation, il y a des bons et des mauvais côtés, la loi est là pour permettre la liberté d'expression.
Q- Et après on laisse les historiens se débrouiller.
R- Et après, on laisse chacun se débrouiller en son âme et conscience, en fonction des travaux de l'histoire.
Q- Monsieur Debré, un des vrais problèmes, n'est-ce pas, que depuis le début de l'affaire, ni vous ni Monsieur Accoyer, vous ne parvenez à tenir à l'Assemblée, une majorité indocile qui est plus à droite que vous-même et qui est déjà plongée dans les élections présidentielles ?
R- Monsieur Elkabbach, je n'ai pas moi, en tant que président de l'Assemblée nationale, à tenir la majorité. Ce n'est pas ma responsabilité. Je suis président de l'ensemble de l'assemblée nationale. Ce que je regrette - et ce n'est pas nouveau, cela date depuis de nombreuses années - on arrive cahin-caha à une mauvaise conception du rôle du législateur. Le législateur est là pour fixer des normes, il n'est pas là pour réécrire quoi que ce soit.
Q- Vous ne m'avez pas répondu sur "elle est un peu indocile et elle pense surtout avec l'obsession 2007-2007-2007", et "qui va nous faire gagner, qui va nous faire gagner ou rester là où nous sommes ?".
R- Nous gagnerons et nous resterons là où nous sommes si les Français nous font confiance. Et pour qu'ils nous fassent confiance, il faut être responsable et faire en sorte que dans le domaine de l'emploi, de la cohésion sociale, on suive les directions du président de la République.Bonne journée, bonne année, merci d'être venu et travaillez vite sur cette loi qui pollue le débat.