Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les enjeux du prochain Conseil européen concernant le financement de l'Union européenne élargie pour la période 2007-2013 et le débat sur l'avenir de l'Union et l'articulation entre élargissement et approfondissement de l'UE, Paris le 13 décembre 2005.

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Circonstance : Déclaration du gouvernement préalable au Conseil européen et débat sur cette déclaration à l'Assemblée nationale : intervention de Philippe Douste-Blazy à Paris le 13 décembre 2005

Texte intégral

Comme l'a indiqué le Premier ministre tout à l'heure et comme y ont insisté les orateurs, ce Conseil européen doit apporter la preuve de la capacité de l'Union européenne à relever deux défis. Premier de ces défis : le financement de l'Europe élargie, lequel doit être équitable - c'est la question-clé. Second défi : l'Europe politique. Quel sens voulons-nous donner à la poursuite de la construction européenne ? C'est tout le débat entre élargissement et approfondissement.
Pour ce qui est des perspectives financières, il faut que, vendredi, les 25 parviennent à un accord pour permettre la bonne mise en ?uvre des politiques communes de 2007 à 2013. C'est important pour la France, ses régions, ses centres de recherche, les banlieues, les agriculteurs, tous ceux qui bénéficient d'un soutien financier de l'Union ; important également pour les nouveaux Etats membres. La priorité est le rattrapage économique et social grâce à la politique régionale, rattrapage qui aura des effets positifs sur l'économie française et réduira les possibilités de dumping social.
Cependant, le gouvernement n'est pas prêt à n'importe quel accord. Pour être acceptable, il doit assurer la solidarité, l'équité et la nécessaire stabilité de la programmation du budget de l'Union et la préservation des politiques communes, en particulier de la PAC.
S'agissant de la solidarité, et comme il l'a montré en juin, sous la présidence luxembourgeoise, le gouvernement est prêt à demander au Parlement un effort budgétaire significatif, pour autant qu'il reste soutenable pour nos finances publiques et profite en priorité aux nouveaux Etats membres pour diminuer les écarts de développement. Mais, ni la France, ni les autres contributeurs nets n'ont les moyens de financer une augmentation indéfinie de la dépense.
S'agissant ensuite de l'équité, chacun doit apporter sa juste contribution au financement de l'élargissement. Cela passe par un réaménagement très substantiel, structurel et permanent, du rabais britannique. Il est plus que jamais légitime et, pour tous les Etats membres, au c?ur de la discussion. La France en paye près de 30 %. Le maintenir signifierait que le Royaume-Uni ne paye pas sa part du coût de l'élargissement, le transfert s'opérant essentiellement vers la France, l'Italie et l'Espagne. Ce serait totalement inacceptable.
Enfin, il faut la stabilité de la programmation budgétaire. Le gouvernement est disposé à discuter, avant 2013, d'une large réforme du budget de l'Union qui devra porter sur toutes les dépenses et toutes les ressources. Il s'agit d'amplifier, pour l'après 2013, la modernisation du budget de l'Union, notamment pour les politiques de recherche, qui augmenteront de près de 30 % dès 2007 si l'on s'en tient aux propositions luxembourgeoises de juin dernier. Mais la réforme du budget de 2014 devra être préparée avec minutie. Elle ne saurait remettre en cause la stabilité dont ont besoin les entreprises, les ménages, les chercheurs, les agriculteurs. Le gouvernement n'acceptera donc aucune remise en cause de la PAC avant le terme, déjà fixé, de 2013. Elle a déjà subi de profondes réformes et la dernière, celle de 2003, ne produira totalement ses effets qu'en 2008. Les financements pour les aides directes aux agriculteurs issues des accords de Bruxelles d'octobre 2002 seront donc préservés.
C'est sur ces bases que la France participera au Conseil européen. Nous sommes confiants dans l'écho qu'a suscité partout dans l'Union notre détermination à favoriser un accord solidaire et équitable.
Mais un certain nombre de questions touchent au débat plus large sur le sens que nous entendons donner à la construction européenne, notamment à l'élargissement.
Il est en effet urgent de réfléchir à l'articulation entre l'élargissement et l'approfondissement, l'exigence d'une Europe plus unie et plus forte. Nous aurons l'occasion d'y réfléchir prochainement puisqu'au premier semestre 2006, sous la présidence autrichienne, un rendez-vous est prévu pour faire le point sur l'avenir de l'Union.
Pour la Roumanie et la Bulgarie, qui ont progressé plus lentement que les autres pays autrefois derrière le rideau de fer, leur adhésion est prévue au 1er janvier 2007 ou au 1er janvier 2008 au plus tard. Dans son rapport de suivi d'octobre dernier, la Commission a constaté la persistance de retards dans ces pays dans plusieurs domaines, notamment la sécurité alimentaire, la justice et les affaires intérieures. Elle présentera un nouveau rapport en avril ou mai 2006 et recommandera alors ou non au Conseil le report en 2008.
Quant à la Croatie, elle aurait pu adhérer en même temps que la Slovénie, sans les tragiques événements des années 1990. Les négociations sont engagées et l'arrestation d'Ante Gotovina la semaine dernière a levé l'un des principaux obstacles sur le chemin de la Croatie vers l'Union.
Vous avez posé le problème essentiel des Balkans occidentaux. L'Union a reconnu que ces pays étaient des candidats potentiels à l'adhésion, ce qui est une bonne motivation pour progresser vers la stabilité. A propos de la candidature de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, dans son récent avis, la Commission propose de dissocier dans le temps le statut de candidat et l'ouverture des négociations. Nous avons examiné cette recommandation avec à l'esprit le fait que la perspective européenne est indispensable à la stabilisation de cette région, mais aussi la nécessité de régler en priorité les problèmes internes à l'Union, pour ne pas donner l'impression d'une fuite en avant sur la question de l'élargissement, alors même que l'intégration politique marque le pas.
Il est urgent de réfléchir à l'articulation de ce processus d'élargissement avec les exigences de l'approfondissement de la construction européenne et les propositions du président de la commission des Affaires étrangères vont tout à fait dans le sens des réflexions du gouvernement.
A Bruxelles, hier, beaucoup de nos partenaires ont partagé nos interrogations sur la poursuite de l'élargissement, même si un consensus n'a pu être trouvé sur l'Ancienne République yougoslave de Macédoine. Les chefs d'Etat et de gouvernement y reviendront lors du Conseil européen.
Plusieurs d'entre vous ont mentionné des questions qui préoccupent nos concitoyens et sur lesquelles je tiens à répondre. S'agissant de la réduction de la TVA, je réaffirme la détermination du gouvernement à obtenir sa prorogation pour les services à forte intensité de main-d'?uvre, notamment les travaux dans l'immobilier privé et les services d'aide à la personne et à obtenir sa mise en ?uvre pour la restauration et pour le disque.
En ce qui concerne la directive sur les services, le gouvernement veille avec la plus extrême attention à ce que soit remis à plat le projet initial de la Commission, comme les 25 Etats membres l'ont demandé unanimement au Conseil de mars 2005. Le Parlement européen ne se prononcera définitivement qu'au printemps 2006, mais dans ses travaux préliminaires, il a pris en compte une partie de nos attentes.
C'est le cas pour la pleine et seule application du droit social français, pour l'exclusion du champ de la directive des secteurs sensibles que sont l'audiovisuel - cinéma et télévision -, la santé - hôpitaux publics et cliniques privées -, les services publics non marchands, et c'est en bonne partie le cas pour l'application du droit non du pays d'origine, mais du pays le plus protecteur notamment pour le consommateur. Mais il reste des progrès importants à faire, surtout sur ce dernier point. La Commission devra rédiger sa proposition début 2006 et le Conseil en tirera les conclusions.
A la suite du Premier ministre, je formule avec Catherine Colonna le v?u que le Conseil européen nous donne les moyens de notre ambition. Le président de la République qui y conduira les négociations pour la France est déterminé à tout faire pour que ce conseil soit un succès.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2005