Texte intégral
Q - Un petit mot tout de suite de la situation au Proche-Orient : la région doit-elle craindre une nouvelle déstabilisation après l'hospitalisation d'Ariel Sharon ?
R - En tout cas, c'est un moment très précis, et je souhaite mes v?ux de prompt rétablissement à Ariel Sharon. Doublement : d'abord, personnellement bien sûr, et puis parce que c'est un moment particulièrement délicat, après le retrait israélien de Gaza. Moment courageux aussi pour Ariel Sharon. Il y a eu une restructuration de la vie politique israélienne. Il y a aujourd'hui, dans quelques semaines, des élections, d'abord dans les Territoires palestiniens, ensuite en Israël. C'est un moment très délicat. Et je suis persuadé, pour avoir reçu M. Beilin récemment à Paris, que ce moment va être d'autant plus important que la paix peut être faite, je crois, parce que M. Abbas d'un côté et Ariel Sharon de l'autre, s'entendent, se respectent, se font confiance. Et c'est en plus la première fois depuis longtemps que l'Union européenne a un rôle politique, puisque nous avons été choisis comme tierce partie entre Israël et les Territoires palestiniens pour assurer ce poste frontière de Rafah, entre Gaza et l'Egypte, pour que Gaza ne soit pas une prison à ciel ouvert.
Q - Les Vingt-cinq sont donc parvenus à un accord à Bruxelles, tout le monde a affiché bien sûr sa satisfaction. Mais est-ce un si bon accord que cela pour la France ? La PAC vit-elle en fait ses dernières années ?
R - Nous nous sommes battus en 2002-2003 pour faire une réforme de la Politique agricole commune. Et la question était de savoir si on allait attaquer cette Politique agricole commune avant 2013 ou pas. Le président de la République l'a dit au début du Conseil : il n'en est pas question. Eh bien, la France a gagné, puisque la Politique agricole commune ne sera pas modifiée avant le 1er janvier 2014.
Mais au-delà de cela, la France a gagné parce que l'Europe a gagné. Chaque fois que l'Europe gagne, la France gagne. Il y a eu un pilier franco-allemand, il y a eu du ciment entre l'Allemagne et la France. Nous avons pu voir qu'Angela Merkel était, avec Jacques Chirac, celle qui faisait les propositions. Jacques Chirac et Angela Merkel ont fait des propositions aux Britanniques, et ensuite nous avons eu les Italiens, les Espagnols, les Belges, les Luxembourgeois et les Polonais. Et à partir de ce moment-là, dans le Conseil, il y a eu, autour de l'Allemagne et de la France, une majorité de pays qui est venue sauver l'Europe.
Q - Quand on lit la presse d'ailleurs, on a l'impression que c'est surtout un succès pour Angela Merkel. Est-ce elle qui a réussi à faire plier Tony Blair ?
R - Les propositions étaient toujours doubles, à la fois Angela Merkel et le président Chirac. Ce que nous voulions, c'était que nous puissions financer l'élargissement aux nouveaux pays. Ce sont des pays qui sont plus pauvres que nous. J'habite à côté de l'Espagne, dans le Sud-Ouest, quand vous voyez ce qu'était l'Espagne il y a 35 ans, quand vous voyez ce qu'est l'Espagne aujourd'hui, oui, il y a eu beaucoup de milliards d'euros qui leur ont été donnés. Aujourd'hui, nous gagnons énormément, nous, Français, à commercer avec l'Espagne. Eh bien, ce sera la même chose avec la Pologne, avec la Lituanie, avec l'Estonie, parce que ce sont des pays qui vont se développer considérablement. Donc oui, on ne voulait pas non plus, en principe d'équité, que le Royaume-Uni soit le seul pays qui ne paie pas pour l'élargissement. C'est fait.
Q - Et les restaurateurs français ? Eux ne commercent pas avec l'Espagne ou la Pologne, ils demandent simplement depuis quatre ans - et depuis quatre ans, on leur promet - une baisse de la TVA. C'est une nouvelle fois reporté...
R - D'abord, cela a été reporté parce qu'on ne pouvait absolument pas d'un côté, parler des perspectives financières pour les cinq à six ans qui viennent, et puis?
Q - ? Mais il y a quinze jours, on leur a dit que ce serait fait au sommet de Bruxelles?
R - Oui, parce qu'il était possible d'avoir peut-être un accord avant le sommet. Mais lorsque vous avez des discussions à ce niveau-là, qui sont par définition très tendues, vous ne pouvez pas en même temps profiter d'un autre dossier. Parce que quelqu'un peut dire : "Ecoutez, moi je suis d'accord avec le paquet financier, à condition que vous soyez d'accord sur la TVA". Ce n'est pas possible, ce n'est pas digne? On a donc passé cela au Conseil économique et finances, du 24 janvier. Je vais vous dire : aujourd'hui, les Allemands ne sont pas pour, parce qu'ils se disent qu'ils veulent bien dire "oui", mais que s'ils disent "oui" aux Français, tous les restaurateurs allemands vont leur demander cela et donc ils vont avoir deux, trois ou quatre milliards d'euros de plus à payer en termes de dépenses publiques, et ce n'est pas possible. Donc il va y avoir une discussion avec les Allemands. Nous sommes totalement déterminés à faire la pression, y compris sur les Allemands, pour obtenir ce taux de TVA.
Q - Quand ?
R - Je viens de vous le dire : le 24 janvier 2006, c'est-à-dire, dans trois semaines. Mais de toute façon, nous trouvons important l'idée de soutenir les restaurateurs à une condition : c'est qu'évidemment, ils retranscrivent cette baisse de TVA sur la note, sur l'addition que vous payez au restaurant.
Q - Je voudrais que l'on parle aussi un petit peu du sommet de l'OMC. Vous parliez vous-même des pays les plus pauvres. Ce qu'il y a eu de véritablement nouveau à Hong Kong, c'est ce finalement front commun de 120 pays parmi les plus pauvres, contre finalement l'Europe et contre les Etats-Unis, accusés de trop subventionner l'agriculture.
R - Ce n'est pas "contre"?
Q - Quand même !
R - Ce n'est pas cela. C'est une lutte pour la vie. Il est quand même honteux de voir que jusqu'à ce jour de Hong Kong et cet accord, les Etats-Unis payaient largement les producteurs de coton, alors que le coton est une des rares choses qui fait survivre les pays du Sud?
Q - Il n'y a pas que les Etats-Unis qui étaient visés par ces pays, il y a également l'Europe et il y a la France?
R - Non, justement, c'est ce qu'il faut bien comprendre. Le président de la République ainsi que ses collègues européens en 2002-2003, avaient déjà décidé qu'il n'y avait plus de frais de douane pour les produits agricoles des pays du Sud. Parce que c'est nous, l'Union européenne, qui absorbons 85 % des productions agricoles du Sud. Mais ce qui s'est passé à Hong Kong hier est une très bonne nouvelle pour les pays les plus pauvres, parce qu'il n'y aura plus de frais de douane et, à terme, il y aura une suppression totale des frais de douane pour eux.
Et il n'y a plus d'aide à l'exportation pour les pays riches. C'est donc très important pour eux. C'est vrai que c'est un bon accord pour les pays en voie de développement. Vous savez qu'on a eu un accord la semaine dernière pour les médicaments ; hier, pour le coton. Enfin, on considère que les pays pauvres ont le droit de vivre sur cette planète et c'est une bonne chose. N'oubliez pas que le cycle de Doha - parce que c'est un cycle qui ne s'arrête pas à Hong Kong - qui s'arrêtera fin 2006, est le cycle du développement.
Q - Nicolas Sarkozy, à Doha, a donné une interview à Al-Jazira, sur la question des banlieues. Est-il vraiment dans son rôle ? Ne serait-ce pas plutôt au ministre des Affaires étrangères de s'exprimer ?
R - Vous savez, je m'exprime très souvent, à la fois quand je vais dans les pays arabes, mais aussi ailleurs. Et je pense qu'un responsable de parti politique a le droit aussi de s'exprimer sur tous les sujets.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 décembre 2005)
R - En tout cas, c'est un moment très précis, et je souhaite mes v?ux de prompt rétablissement à Ariel Sharon. Doublement : d'abord, personnellement bien sûr, et puis parce que c'est un moment particulièrement délicat, après le retrait israélien de Gaza. Moment courageux aussi pour Ariel Sharon. Il y a eu une restructuration de la vie politique israélienne. Il y a aujourd'hui, dans quelques semaines, des élections, d'abord dans les Territoires palestiniens, ensuite en Israël. C'est un moment très délicat. Et je suis persuadé, pour avoir reçu M. Beilin récemment à Paris, que ce moment va être d'autant plus important que la paix peut être faite, je crois, parce que M. Abbas d'un côté et Ariel Sharon de l'autre, s'entendent, se respectent, se font confiance. Et c'est en plus la première fois depuis longtemps que l'Union européenne a un rôle politique, puisque nous avons été choisis comme tierce partie entre Israël et les Territoires palestiniens pour assurer ce poste frontière de Rafah, entre Gaza et l'Egypte, pour que Gaza ne soit pas une prison à ciel ouvert.
Q - Les Vingt-cinq sont donc parvenus à un accord à Bruxelles, tout le monde a affiché bien sûr sa satisfaction. Mais est-ce un si bon accord que cela pour la France ? La PAC vit-elle en fait ses dernières années ?
R - Nous nous sommes battus en 2002-2003 pour faire une réforme de la Politique agricole commune. Et la question était de savoir si on allait attaquer cette Politique agricole commune avant 2013 ou pas. Le président de la République l'a dit au début du Conseil : il n'en est pas question. Eh bien, la France a gagné, puisque la Politique agricole commune ne sera pas modifiée avant le 1er janvier 2014.
Mais au-delà de cela, la France a gagné parce que l'Europe a gagné. Chaque fois que l'Europe gagne, la France gagne. Il y a eu un pilier franco-allemand, il y a eu du ciment entre l'Allemagne et la France. Nous avons pu voir qu'Angela Merkel était, avec Jacques Chirac, celle qui faisait les propositions. Jacques Chirac et Angela Merkel ont fait des propositions aux Britanniques, et ensuite nous avons eu les Italiens, les Espagnols, les Belges, les Luxembourgeois et les Polonais. Et à partir de ce moment-là, dans le Conseil, il y a eu, autour de l'Allemagne et de la France, une majorité de pays qui est venue sauver l'Europe.
Q - Quand on lit la presse d'ailleurs, on a l'impression que c'est surtout un succès pour Angela Merkel. Est-ce elle qui a réussi à faire plier Tony Blair ?
R - Les propositions étaient toujours doubles, à la fois Angela Merkel et le président Chirac. Ce que nous voulions, c'était que nous puissions financer l'élargissement aux nouveaux pays. Ce sont des pays qui sont plus pauvres que nous. J'habite à côté de l'Espagne, dans le Sud-Ouest, quand vous voyez ce qu'était l'Espagne il y a 35 ans, quand vous voyez ce qu'est l'Espagne aujourd'hui, oui, il y a eu beaucoup de milliards d'euros qui leur ont été donnés. Aujourd'hui, nous gagnons énormément, nous, Français, à commercer avec l'Espagne. Eh bien, ce sera la même chose avec la Pologne, avec la Lituanie, avec l'Estonie, parce que ce sont des pays qui vont se développer considérablement. Donc oui, on ne voulait pas non plus, en principe d'équité, que le Royaume-Uni soit le seul pays qui ne paie pas pour l'élargissement. C'est fait.
Q - Et les restaurateurs français ? Eux ne commercent pas avec l'Espagne ou la Pologne, ils demandent simplement depuis quatre ans - et depuis quatre ans, on leur promet - une baisse de la TVA. C'est une nouvelle fois reporté...
R - D'abord, cela a été reporté parce qu'on ne pouvait absolument pas d'un côté, parler des perspectives financières pour les cinq à six ans qui viennent, et puis?
Q - ? Mais il y a quinze jours, on leur a dit que ce serait fait au sommet de Bruxelles?
R - Oui, parce qu'il était possible d'avoir peut-être un accord avant le sommet. Mais lorsque vous avez des discussions à ce niveau-là, qui sont par définition très tendues, vous ne pouvez pas en même temps profiter d'un autre dossier. Parce que quelqu'un peut dire : "Ecoutez, moi je suis d'accord avec le paquet financier, à condition que vous soyez d'accord sur la TVA". Ce n'est pas possible, ce n'est pas digne? On a donc passé cela au Conseil économique et finances, du 24 janvier. Je vais vous dire : aujourd'hui, les Allemands ne sont pas pour, parce qu'ils se disent qu'ils veulent bien dire "oui", mais que s'ils disent "oui" aux Français, tous les restaurateurs allemands vont leur demander cela et donc ils vont avoir deux, trois ou quatre milliards d'euros de plus à payer en termes de dépenses publiques, et ce n'est pas possible. Donc il va y avoir une discussion avec les Allemands. Nous sommes totalement déterminés à faire la pression, y compris sur les Allemands, pour obtenir ce taux de TVA.
Q - Quand ?
R - Je viens de vous le dire : le 24 janvier 2006, c'est-à-dire, dans trois semaines. Mais de toute façon, nous trouvons important l'idée de soutenir les restaurateurs à une condition : c'est qu'évidemment, ils retranscrivent cette baisse de TVA sur la note, sur l'addition que vous payez au restaurant.
Q - Je voudrais que l'on parle aussi un petit peu du sommet de l'OMC. Vous parliez vous-même des pays les plus pauvres. Ce qu'il y a eu de véritablement nouveau à Hong Kong, c'est ce finalement front commun de 120 pays parmi les plus pauvres, contre finalement l'Europe et contre les Etats-Unis, accusés de trop subventionner l'agriculture.
R - Ce n'est pas "contre"?
Q - Quand même !
R - Ce n'est pas cela. C'est une lutte pour la vie. Il est quand même honteux de voir que jusqu'à ce jour de Hong Kong et cet accord, les Etats-Unis payaient largement les producteurs de coton, alors que le coton est une des rares choses qui fait survivre les pays du Sud?
Q - Il n'y a pas que les Etats-Unis qui étaient visés par ces pays, il y a également l'Europe et il y a la France?
R - Non, justement, c'est ce qu'il faut bien comprendre. Le président de la République ainsi que ses collègues européens en 2002-2003, avaient déjà décidé qu'il n'y avait plus de frais de douane pour les produits agricoles des pays du Sud. Parce que c'est nous, l'Union européenne, qui absorbons 85 % des productions agricoles du Sud. Mais ce qui s'est passé à Hong Kong hier est une très bonne nouvelle pour les pays les plus pauvres, parce qu'il n'y aura plus de frais de douane et, à terme, il y aura une suppression totale des frais de douane pour eux.
Et il n'y a plus d'aide à l'exportation pour les pays riches. C'est donc très important pour eux. C'est vrai que c'est un bon accord pour les pays en voie de développement. Vous savez qu'on a eu un accord la semaine dernière pour les médicaments ; hier, pour le coton. Enfin, on considère que les pays pauvres ont le droit de vivre sur cette planète et c'est une bonne chose. N'oubliez pas que le cycle de Doha - parce que c'est un cycle qui ne s'arrête pas à Hong Kong - qui s'arrêtera fin 2006, est le cycle du développement.
Q - Nicolas Sarkozy, à Doha, a donné une interview à Al-Jazira, sur la question des banlieues. Est-il vraiment dans son rôle ? Ne serait-ce pas plutôt au ministre des Affaires étrangères de s'exprimer ?
R - Vous savez, je m'exprime très souvent, à la fois quand je vais dans les pays arabes, mais aussi ailleurs. Et je pense qu'un responsable de parti politique a le droit aussi de s'exprimer sur tous les sujets.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 décembre 2005)