Texte intégral
Q - La lutte contre l'immigration illégale est-elle compatible avec votre action diplomatique ?
R - Nous avons fait clairement le choix d'une politique globale de l'immigration qui suppose qu'elle soit mieux contrôlée et choisie. Les différents services du ministère des Affaires étrangères sont totalement impliqués pour prévenir cette immigration illégale. Lorsque j'adresse une lettre aux douze pays qui font preuve de réticences dans la délivrance des laissez-passer consulaires pour leurs ressortissants clandestins, j'y participe pleinement. De même, je pense qu'il est de mon rôle d'accompagner la venue en France de ceux que nous souhaitons accueillir, comme les étudiants ou les chercheurs. Il n'y a pas de contradiction.
Q - Selon Nicolas Sarkozy, 90 % des clandestins sont entrés régulièrement en France, donc grâce à des visas de vos services...
R - N'opposez pas nos deux ministères, qui travaillent étroitement ensemble.
La France ne délivre que 20 % des visas Schengen, et il est donc possible pour les 80 % d'étrangers obtenant un visa d'un autre Etat de l'Union d'avoir accès à notre territoire. Les statistiques montrent par ailleurs que moins de 15 % des demandeurs d'asile sont entrés sur notre territoire munis d'un visa délivré par une autorité française. Une enquête effectuée à ma demande auprès de nos consulats dans une quinzaine de pays démontre que près de 80% des personnes reconduites à la frontière ne s'étaient pas vu accorder de visas pour l'entrée sur notre territoire.
Q - Le visa biométrique est-il superflu ?
R - Au contraire ! La biométrie présente de nombreux avantages en matière de lutte contre l'immigration illégale, mais aussi contre le terrorisme.
Le ministère des Affaires étrangères va consacrer 145 millions d'euros au développement des visas biométriques dans les deux ans à venir. Trois cents personnes supplémentaires vont y être affectées. En 2005, comme en 2004, dans plus de 200 postes diplomatiques et consulaires, plus de 750 agents ont instruit quelque 2.400.000 demandes et délivré 2.000.000 de visas. Cette technologie préfigure la création d'une base de données européenne, le VIS, qui permettra à partir de 2008 l'échange d'informations en temps réel entre les Etats membres. La France a déjà équipé cinq consulats à titre expérimental. Les résultats sont très positifs. Trente autres devraient l'être en 2006 et la totalité d'ici à deux ans.
Q - Quels sont les autres outils ?
R - Notre réseau diplomatique et consulaire est aux avant-postes de la politique migratoire, et, d'une certaine manière, il n'est pas exagéré de dire que la frontière commune de l'Union européenne commence aux portes de nos consulats. Nous sommes le plus souvent à l'origine des principales mesures adoptées. Le 18 juillet dernier, j'ai proposé une réforme des mariages conclus à l'étranger. Elle va déboucher sur une loi qui sera présentée par le Garde des Sceaux dans les prochains mois.
Entre 1996 et 2004, les mariages mixtes ont plus que doublé pour atteindre 90.000, dont 45.000 contractés à l'étranger et transcrits en droit français. Ils représentent désormais 28 % des 276.000 mariages célébrés en France ou transcrits à l'état civil. Dans 95 % des cas, ils donnent accès directement à la nationalité française. L'enjeu est de taille ! Je veux également rappeler l'importance de la fraude à l'état civil, par exemple la falsification des certificats de nationalité ou de naissance exigés pour la demande de visas. C'est pourquoi nous avons décidé de proposer une réforme du code civil. Désormais, c'est aux demandeurs de visas d'apporter la preuve de la véracité des pièces !
Q - Faut-il une nouvelle loi sur l'asile ?
R - Des adaptations réglementaires sont nécessaires. J'ai d'ailleurs déjà engagé la réduction du délai de recours pour un débouté du droit d'asile qui va passer d'un mois à quinze jours. Nous enregistrons des améliorations, telles que la diminution du temps de traitement des dossiers, passée en moins de deux ans de 18 à 8 mois. La France a reçu 59.455 demandes l'an passé, soit 9,4 % de moins qu'en 2005. Entre 2003 et 2004, la baisse avait été de 27 %. En Europe, la baisse est en moyenne de 22 %. Un autre progrès vient de l'adoption d'une liste de pays sûrs, pour lesquels les procédures sont accélérées. Cette mesure est efficace et dissuasive : les demandes d'asile concernant les ressortissants des douze pays concernés ont baissé de 62 % depuis son application, et cela sans pour autant réduire le niveau de protection, puisque le nombre de statuts des réfugiés accordés est resté stable.
Q - Faut-il compléter cette liste ?
R - Oui. Je souhaite que, lors de sa prochaine réunion, le conseil d'administration de l'OFPRA examine l'ajout de quatre ou cinq pays.
Q - La répression suffit-elle ?
R - Après les événements de Ceuta et de Melilla, il est illusoire de le croire. Ignorer le développement et le co-développement serait une grave erreur. Un père ou une mère, un fils ou une fille qui se met en marche vers un rêve qu'on lui a vendu et qui n'existe pas est le signe d'un désespoir immense. Les pays riches ne peuvent pas ne pas saisir la portée de cet enjeu. Ils doivent au contraire comprendre que leur intérêt est partagé avec celui de ces femmes et de ces hommes qui se pressent à leur porte et leur offrir de véritables alternatives de développement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2006
R - Nous avons fait clairement le choix d'une politique globale de l'immigration qui suppose qu'elle soit mieux contrôlée et choisie. Les différents services du ministère des Affaires étrangères sont totalement impliqués pour prévenir cette immigration illégale. Lorsque j'adresse une lettre aux douze pays qui font preuve de réticences dans la délivrance des laissez-passer consulaires pour leurs ressortissants clandestins, j'y participe pleinement. De même, je pense qu'il est de mon rôle d'accompagner la venue en France de ceux que nous souhaitons accueillir, comme les étudiants ou les chercheurs. Il n'y a pas de contradiction.
Q - Selon Nicolas Sarkozy, 90 % des clandestins sont entrés régulièrement en France, donc grâce à des visas de vos services...
R - N'opposez pas nos deux ministères, qui travaillent étroitement ensemble.
La France ne délivre que 20 % des visas Schengen, et il est donc possible pour les 80 % d'étrangers obtenant un visa d'un autre Etat de l'Union d'avoir accès à notre territoire. Les statistiques montrent par ailleurs que moins de 15 % des demandeurs d'asile sont entrés sur notre territoire munis d'un visa délivré par une autorité française. Une enquête effectuée à ma demande auprès de nos consulats dans une quinzaine de pays démontre que près de 80% des personnes reconduites à la frontière ne s'étaient pas vu accorder de visas pour l'entrée sur notre territoire.
Q - Le visa biométrique est-il superflu ?
R - Au contraire ! La biométrie présente de nombreux avantages en matière de lutte contre l'immigration illégale, mais aussi contre le terrorisme.
Le ministère des Affaires étrangères va consacrer 145 millions d'euros au développement des visas biométriques dans les deux ans à venir. Trois cents personnes supplémentaires vont y être affectées. En 2005, comme en 2004, dans plus de 200 postes diplomatiques et consulaires, plus de 750 agents ont instruit quelque 2.400.000 demandes et délivré 2.000.000 de visas. Cette technologie préfigure la création d'une base de données européenne, le VIS, qui permettra à partir de 2008 l'échange d'informations en temps réel entre les Etats membres. La France a déjà équipé cinq consulats à titre expérimental. Les résultats sont très positifs. Trente autres devraient l'être en 2006 et la totalité d'ici à deux ans.
Q - Quels sont les autres outils ?
R - Notre réseau diplomatique et consulaire est aux avant-postes de la politique migratoire, et, d'une certaine manière, il n'est pas exagéré de dire que la frontière commune de l'Union européenne commence aux portes de nos consulats. Nous sommes le plus souvent à l'origine des principales mesures adoptées. Le 18 juillet dernier, j'ai proposé une réforme des mariages conclus à l'étranger. Elle va déboucher sur une loi qui sera présentée par le Garde des Sceaux dans les prochains mois.
Entre 1996 et 2004, les mariages mixtes ont plus que doublé pour atteindre 90.000, dont 45.000 contractés à l'étranger et transcrits en droit français. Ils représentent désormais 28 % des 276.000 mariages célébrés en France ou transcrits à l'état civil. Dans 95 % des cas, ils donnent accès directement à la nationalité française. L'enjeu est de taille ! Je veux également rappeler l'importance de la fraude à l'état civil, par exemple la falsification des certificats de nationalité ou de naissance exigés pour la demande de visas. C'est pourquoi nous avons décidé de proposer une réforme du code civil. Désormais, c'est aux demandeurs de visas d'apporter la preuve de la véracité des pièces !
Q - Faut-il une nouvelle loi sur l'asile ?
R - Des adaptations réglementaires sont nécessaires. J'ai d'ailleurs déjà engagé la réduction du délai de recours pour un débouté du droit d'asile qui va passer d'un mois à quinze jours. Nous enregistrons des améliorations, telles que la diminution du temps de traitement des dossiers, passée en moins de deux ans de 18 à 8 mois. La France a reçu 59.455 demandes l'an passé, soit 9,4 % de moins qu'en 2005. Entre 2003 et 2004, la baisse avait été de 27 %. En Europe, la baisse est en moyenne de 22 %. Un autre progrès vient de l'adoption d'une liste de pays sûrs, pour lesquels les procédures sont accélérées. Cette mesure est efficace et dissuasive : les demandes d'asile concernant les ressortissants des douze pays concernés ont baissé de 62 % depuis son application, et cela sans pour autant réduire le niveau de protection, puisque le nombre de statuts des réfugiés accordés est resté stable.
Q - Faut-il compléter cette liste ?
R - Oui. Je souhaite que, lors de sa prochaine réunion, le conseil d'administration de l'OFPRA examine l'ajout de quatre ou cinq pays.
Q - La répression suffit-elle ?
R - Après les événements de Ceuta et de Melilla, il est illusoire de le croire. Ignorer le développement et le co-développement serait une grave erreur. Un père ou une mère, un fils ou une fille qui se met en marche vers un rêve qu'on lui a vendu et qui n'existe pas est le signe d'un désespoir immense. Les pays riches ne peuvent pas ne pas saisir la portée de cet enjeu. Ils doivent au contraire comprendre que leur intérêt est partagé avec celui de ces femmes et de ces hommes qui se pressent à leur porte et leur offrir de véritables alternatives de développement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2006