Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La modernisation sociale de notre pays s'accomplit périodiquement au travers de grandes réformes en nos systèmes sociaux.
Nous aurons, dans les prochains mois, rendez-vous sur des sujets d'ampleur ; je pense en particulier à la question de la protection et de l'accompagnement des personnes dépendantes, aux problèmes de droits des malades que des risques nouveaux mettent en évidence ou encore aux questions de bioéthique puisque le gouvernement compte soumettre au Parlement un projet de loi révisant les lois en vigueur.
Mais la modernisation sociale passe aussi par une adaptation permanente des droits et régimes sociaux existants. Faute d'adaptation ils s'appauvrissent ou deviennent largement ineffectifs. Il n'est pas moins ambitieux de maintenir la vitalité de la législation en place que de créer des droits nouveaux.
C'est au maintien de cette vitalité que s'attache le présent projet de loi, dans deux domaines fondamentaux relevant des responsabilités de mon ministère :
la sécurité des personnes face aux risques de la vie et du travail,
et l e droit à l'emploi, dont chacun sait qu'il est encore trop inégalement assuré.
Par delà la diversité des dispositions qu'il comporte, et qui a fait dire à certains qu'il s'agit d'un " DMOS ", ce projet vise bien en effet :
-en premier lieu : à renforcer le besoin de sécurité dans le domaine de la santé ;
en donnant un nouveau souffle à la modernisation hospitalière et en assurant une
meilleure protection contre de nouveaux risques du travail ; mais aussi dans le
domaine de la solidarité : en améliorant l'accueil des personnes âgées et
handicapées.
Ce projet vise aussi, en deuxième lieu, à donner au droit à l'emploi une force nouvelle :
en renforçant la protection des salariés contre le risque de licenciement et
l'abus du travail précaire - et en créant une obligation d'adaptation permanente de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise qui, jointe au droit de faire valider et reconnaître les acquis de l'expérience, offre à chacun de plus grandes chances de conserver son emploi, d'en changer et d'évoluer professionnellement.
Permettez-moi d'illustrer les finalités du projet de loi de modernisation sociale ainsi définies, en commentant ses dispositions essentielles.
.I - Pour mieux répondre au besoin de sécurité des personnes dans le domaine de la santé et de la solidarité, il vous est proposé :
de franchir une nouvelle étape dans la modernisation hospitalière (articles 1 et 2),
d'améliorer la formation et la qualification des praticiens de santé (articles 16 et 17),
de renforcer les moyens d'accueil des personnes âgées et handicapées (article 14),
d'assurer une meilleure protection sociale des français expatriés (article 8),
- et de développer la prévention des risques professionnels face à de nouveaux
risque pour la santé au travail (article 64).
S'assurer que les praticiens et les personnels hospitaliers exercent leur métier dans un environnement favorable pour ce qui est de leurs conditions de travail, de leur formation ou de leurs qualifications, est un volet essentiel de la modernisation de l'hôpital et, partant, de la qualité des soins prodigués aux malades.
Depuis que ce Gouvernement est en place, il a fait preuve d'une attention particulière à la situation des personnels hospitaliers. En particulier, des mesures sociales fortes ont été décidées avec toutes les composantes de la fonction publique hospitalière, qui se sont traduites par la signature de protocoles en mars 2000. Ces protocoles ont donné un nouvel élan à la prise en compte de sujets sociaux dans les hôpitaux, que le présent projet de loi met en oeuvre.
Depuis 1991, chaque hôpital doit définir un projet d'établissement, qui fixe ses objectifs dans le domaine des soins médicaux et infirmiers ou de la recherche. Certains établissements ont inclus dans leur projet des objectifs en matière de gestion et formation des personnels, mais ce n'est pas la règle.
Or, il me semble très important que dans tous les hôpitaux, cette réflexion sur l'évolution des personnels puisse être conduite. L'article premier du projet de loi prévoit l'inscription systématique dans les projets d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail, la formation, l'évolution des qualifications.
Comme les autres volets du projet d'établissement, il fera l'objet d'une concertation interne approfondie et servira de base aux contrats d'objectifs et de moyens conclus avec les Agences Régionales Hospitalières.
Mais le Gouvernement veut également réponde au souci légitime de mobilité et de promotion des cadres et des agents hospitaliers. C'est pourquoi le présent projet de loi permet aux personnels hospitaliers de bénéficier de droit de bilans de compétences, à l'instar des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'Etat, qui leur permettront d'orienter leurs évolutions professionnelles et leurs carrières.
La sécurité des personnes dans le domaine de la santé dépend aussi amplement de la formation des professionnels de santé. Ces professionnels nous ont dit que le cursus des études médicales était inadapté. Le Gouvernement les a entendu et vous propose de répondre à leurs demandes qui sont légitimes. L'article 17 redonne toute sa place à la médecine générale, qui doit être une discipline au même titre que l'ensemble des spécialités. L'internat concernera l'ensemble des étudiants en médecine, qui bénéficieront d'un cursus de même durée. Nous renforçons donc la qualité de la formation des médecins, et par là la qualité des soins.
Dans le même esprit, le Gouvernement souhaite permettre aux praticiens de s'inscrire dans des démarches de qualité, qu'ils appellent de leurs voeux et qui répondent à une demande sociale forte de nos concitoyens. C'est pour cela que nous avons inscrit dans notre projet des dispositions relatives à la qualification des professionnels et à l'observation des règles de sécurité indispensables pour le.bon accomplissement de certains actes médicaux sensibles ?comme la chirurgie esthétique ou la pose d'implants dentaire???.]
Le développement de la sécurité dans le domaine de la santé passe aussi par la protection des salariés contre les risques du travail.
Les propos de la recherche épidémiologique et les avancées réalisées par de nouvelles directives européennes ont permis de renforcer la protection contre les risques liés aux agents clinique. Ce projet de loi se propose de faire un pas de plus en autorisant l'Inspecteur du travail à arrêter les activités exposant les salariés aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, lorsque le dépassement des valeurs limites d'exposition persistent malgré une mise en demeure.
Mais ce sont aussi nos dispositifs de solidarité nationale qu'il faut adapter et compléter pour répondre aux enjeux sociaux d'aujourd'hui.
Des dispositions concernent des personnes dont l'accès aux soins est difficile. Je pense tout d'abord à l'article concernant nos compatriotes résidant à l'étranger, qui conforte leur couverture maladie. Je pense également à la mesure sociale, je dirai presque humanitaire, qui permet aux personnes en garde à vue ou en centre de rétention de bénéficier de soins par le biais de l'aide médicale de l'Etat.
Le projet de loi comporte aussi un article important pour l'accueil familial des âgées et personnes handicapées. Cet accueil est une alternative précieuse au maintien à domicile, qui n'est pas toujours possible, et l'hébergement en l'établissement, qui n'est pas toujours désiré par les personnes concernées. L' article 14 du projet de loi vous propose de renforcer considérablement les droits sociaux des familles accueillantes, notamment en garantissant le bénéfice de congés payés et en fixant au niveau du SMIC la rémunération minimale. Il assure également aux personnes âgées ou handicapées les conditions d'un accueil de qualité, en précisant les conditions de l'agrément des familles et de son renouvellement.
Enfin, pour terminer sur les dispositions du Titre 1 touchant à la modernisation de nos dispositifs de santé et solidarité, je rappelle que le Gouvernement entend réaffirmer son attachement à notre système de retraite de répartition, qui est fondée sur les principes de solidarité entre tous les Français et entre les générations.
C'est pourquoi nous avons tenu à inscrire dans ce projet de loi l'abrogation de la loi Thomas, dont le Conseil constitutionnel avait estimé qu'elle ne pouvait entre dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 que vous avez votée.
II - J'en viens à présent au deuxième grand volet de ce projet de loi qui vise à donner au droit à l'emploi une extension nouvelle.
Sous l'effet des politiques volontaristes de soutien de la croissance, de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi (35 heures, emplois-jeunes, programmes TRACE en faveur des jeunes et " nouveau départ " en faveur des chômeurs de longue durée), le chemin parcouru depuis trois ans a été considérable.
Avec une baisse de 31 % du nombre de chômeurs (962 000) et un taux de chômage ramené de 12,6 % en juin 1997 à 9,2 % en novembre dernier, la France se situe en tête des pays européens pour l'effort accompli. L'année 2000 aura aussi été une année record pour la création d'emplois, puisqu'avec 500 000 emplois créés en un an nous avons atteint le chiffre le plus élevé depuis le début du siècle.
Mais si nous pouvons nous féliciter de ces résultats, force est de constater que le droit à l'emploi n'est toujours pas garanti à tous.
Outre le fait que subsistent encore 2 175 000 chômeurs, ce qui justifiera une accentuation de l'effort pour réduire le " noyau dur " du chômage et favoriser le retour à l'emploi de ceux qui, sans.cela, en resteraient durablement exclus, j'observe qu'un nombre considérable de salariés demeurent, dans l'emploi, en situation de grande précarité.
C'est le cas des victimes de licenciements économiques et des salariés à qui, en dépit de la croissance retrouvée, il n'est offert que des emplois précaires de courte durée ou qui sont durablement écartés des emplois permanents.
L'amélioration de la situation de l'emploi a permis de réduire les licenciements économiques de plus de 40 % depuis juin 1997.
Pour autant nombre de salariés sont aujourd'hui destabilisés par l'annonce de plans sociaux traumatisants, souvent liés à des restructurations d'entreprises non nécessairement liées à des difficultés de marchés, et qui s'accompagnent de conséquences douloureuses alors même que des efforts très importants de productivité y ont été demandés dans les dernières années. On se souvient
de l'effet de choc produit par les annonces du Groupe Michelin ou encore celle de Renault à Vilvoorde.
Depuis un an, ce sont encore plus de 230 000 personnes qui se sont inscrites à l'ANPE suite à un licenciement, sans avoir trouvé de solution de reclassement.
A l'heure où je vous parle d'importants plans sociaux sont en cours ou annoncés, concernant de grands groupes (je pense à Alsthom, Unilever, Totalfina-Elf, Bourgoin, Bull et bien d'autres),touchant particulièrement des bassins d'emploi où ils sont l'employeur principal. Les salariés de ces entreprises nous écoutent et nous nous devons de leur assurer des éléments de sécurité renforcée, pour que les licenciements ne deviennent que la dernière extrémité quand tous les moyens de
prévention ont été mobilisés.
Le droit du travail a beaucoup progressé dans ce domaine au cours des 10 dernières années. Mais il peut encore être amélioré, d'autant que dans un environnement économique favorable, il est normal de penser que l'adaptation des entreprises à leur marché puisse se faire sans conséquences dommageables pour l'emploi.
C'est ce que propose ce projet de loi.
En amont des restructurations, la première des sécurités, c'est que les licenciements collectifs n'interviennent que lorsque toutes les autres solutions ont été envisagées et discutées avec les salariés et leurs représentants. Parmi ces solutions la réduction et l'aménagement du temps de travail se révèlent les plus efficients. Le bilan de l'application de la loi du 13 juin 1998 a montré que 90 % des entreprises qui ont eu recours aux 35 heures sont parvenues à éviter tous les licenciements. Dans son article 31, le projet de loi fait donc obligation au chef d'entreprise de conclure un accord réduisant le temps de travail à 35 heures, préalablement à l'établissement d'un plan social ou, à défaut, d'engager des négociations pour y parvenir, avec des garanties de sérieux et de loyauté. Lorsque ces obligations ne sont pas respectées, le juge des référés pourra suspendre la procédure de licenciement.
La prévention des licenciements passe aussi par l'information des représentants du personnel et le dialogue social le plus en amont possible des projets de l'entreprise, lorsqu'ils sont de nature à affecter l'emploi. Or bien souvent ces projets sont annoncés publiquement, sans que les délégués soient mis en mesure d'en prendre connaissance et d'en évaluer les conséquences sociales. L'article 32 du projet de loi, sans interdire ces annonces publiques et en respectant le souci de confidentialité
(vis à vis des marchés financiers notamment), qui doit les entourer dans les jours qui précèdent, réaffirme le droit d'information des représentants du personnel.
Les propositions du gouvernement dans ce domaine sont en pleine cohérence avec l'action qu'il a entreprise, sous la présidence française de l'Union Européenne, pour faire aboutir le projet de directive sur l'information et la consultation des représentants des travailleurs dans tous les pays de l'Union. Une majorité qualifiée a été trouvée et une fois levés les artifices procéduriers qui ont retardé son adoption, cette directive devrait voir le jour sous présidence suédoise.
Lorsque les restructurations ne peuvent être évitées, le projet du gouvernement inscrit dans la loi à la fois la nécessité de rechercher toutes les opportunités de reclassement préalable à tout.licenciement économique. C'est la responsabilité de l'employeur de procéder à cette recherche de toutes les solutions de reclassement dans l'entreprise, mais aussi lorsque c'est le cas, dans l'unité économique et sociale ou le groupe dans lesquels elle est intégrée (article 33) et de mettre en place un plan social mobilisant tous les moyens qui sont à sa disposition. Le plan social se doit de favoriser le maintien dans l'emploi, mais aussi la réindustrialisation des bassins d'emploi les plus durement touchés, par des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes (article 34).
Tout aussi impérative à mes yeux est la limitation de la précarité de l'emploi. Comment faire croire que le droit à l'emploi est assuré aux centaines de milliers de salariés qui n'ont pour d'autre emploi que ces emplois temporaires, souvent de très courte durée et qui se succèdent les uns aux autres parfois pendant des mois ou même des années.
Outre l'instabilité professionnelle et l'incertitude permanente de l'avenir dans laquelle ils se trouvent placés, ils sont dans l'incapacité d'acquérir des garanties liées à l'ancienneté ou des moyens de formation qui leur permettraient de ne pas rester en marge du marché du travail et du progrès social.
Certes, des progrès ont été accomplis, par la négociation notamment dans le travail temporaire, pour réduire la précarité des intérimaires. De même une tendance se fait jour à la transformation plus fréquente de CDD en CDI (28,5 % des CDD fin 1999 contre 24,8 % un an plus tôt).
Mais la réalité d'ensemble reste particulièrement inacceptable. Alors que la croissance économique est là et se confirme, et que les prévisions d'activité des entreprises sont au beau fixe, de janvier 1999 à la mi 2000 le volume des contrats d'intérim s'est accru de 23 % et celui des CDD de 9,3 %.
En novembre dernier, la part du travail temporaire dans les inscriptions au chômage s'élevait à 31,6 % pour les fins de CDD et 8,4 % pour les fins d'intérim.
Il est temps de donner le signal ferme aux entreprises, que l'époque est finie où l'incertitude des lendemains pouvait justifier la limitation des embauches à durée indéterminée et le refus de la stabilité de l'emploi.
Il n'est plus possible d'admettre que 10 % des entreprises de plus de 20 salariés aient en permanence plus de 20 % de leurs effectifs occupés en CDD ou en intérim.
Il n'est plus possible d'admettre qu'une année record pour la production et les résultats de l'industrie automobile s'accommode, dans certains établissements, d'un recours structurel et permanent à l'intérim dans des propositions courantes de 15 % des emplois de production, voire 20 à 25 % chez certains constructeurs.
Si le recours au travail temporaire et aux CDD est parfaitement justifié pour faire face aux situations définies par le code du travail (surcroît temporaire d'activité ou remplacement de salariés absents), il est temps de prendre des mesures pour que le principe, posé d'ailleurs par la loi, de non substitution d'emplois temporaires à des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise soit respecté. Le recours abusif aux emplois précaires doit être combattu.
C'est ce que prévoit le projet qui vous est soumis :
Il rend plus strict le calcul de délai de carence séparant deux contrats sur un même
poste, car c'est souvent par la succession de contrats temporaires que des postes
permanents sont précarisés (article 35). Cette disposition mettra fin, par exemple,
à la pratique répandue qui consiste à compter le week-end comme délai de
carence, pour faire se succéder des contrats de 5 jours occupant tous les jours
ouvrables de la semaine.
- Il combat l'effet d'aubaine qui peut être recherché dans le recours au travail
précaire, en frappant de sanctions pénales le non respect de l'égalité de.rémunération entre salariés temporaires et salariés permanents à qualification
équivalente et fonctions identiques (article 36).
- Il permet au salarié de rompre le contrat avant terme pour répondre à une
embauche en CDI (article 37).
- Enfin, pour favoriser l'accès des CDD à des emplois stables, il rend obligatoire la
diffusion des postes disponibles dans l'entreprise, conformément à la directive
européenne du 28 juin 1999.
Sur cet ensemble de questions essentielles, votre Commission des Affaires Sociales a procédé à un travail d'enrichissement du projet du gouvernement. Cet apport permet de donner encore plus de force aux éléments protecteurs du droit à l'emploi que je viens de rappeler à votre attention.
Mais je voudrais aussi mettre l'accent sur le dernier volet du projet qui vise à inscrire le droit à l'emploi dans une perspective dynamique : celle de l'anticipation des évolutions économiques, pour assurer la mobilité professionnelle et l'employabilité des salariés sur le long terme, par l'adaptation permanente de leurs compétences et la reconnaissance de leur qualification. C'est fondamentalement ainsi que les salariés disposeront d'atouts pour affronter, sans menace pour leurs emplois, les changements permanents que connaissent les entreprises, pour faire face aux mutations économiques, technologiques et aux défis de la compétitivité. C'est aussi fondamentalement ainsi que les entreprises sauront retenir et développer les compétences dont elles ont besoin, dans un avenir qui verra se raréfier la main d'oeuvre disponible avec les changements démographiques de notre pays. C'est encore la réponse la plus adaptée au maintien dans l'emploi des salariés âgés, tant il est vrai que nos dispositifs de départs anticipés diminueront d'intérêt.
Il y a plus de trente ans que les premiers accords sur la sécurité de l 'emploi ont été conclu. Le principe de l'adaptation de l'emploi aux évolutions qu'ils avaient établi, n'a pas trouvé à s'affirmer en raison des difficultés économiques qui ont suivi le premier choc pétrolier.
Il est temps d'y revenir activement, en donnant toute sa force au levier de la formation.
L'article 29 enrichit la négociation de branche sur la formation professionnelle. Il est proposé que cette négociation porte obligatoirement sur l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, sur le développement des compétences et sur la gestion prévisionnelle des emplois tant dans l'entreprise que dans la branche. Elle devra en outre prévoir les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel visant a favoriser concrètement leur évolution professionnelle.
Pour favoriser la mise en oeuvre effective de ces mesures dans l'entreprise, l'article 30 prévoit un concours de l'Etat, à travers un dispositif d'appui-conseil, simple d'accès et cofinancé avec l'entreprise, pour l'aider à concevoir son plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Enfin le projet de loi, dans ses articles 40 à 42, comporte des dispositions très innovantes concernant la validation des acquis de l'expérience.
Je voudrais souligner ici toute l'importance de ces innovations pour la garantie du droit à l'emploi,laissant à Nicole PERY le soin d'en préciser, lors de l'examen des articles, la portée d'avenir à l'intérieur du champ de la formation.
Près de 40 % des actifs ont un niveau de formation initiale qui ne dépasse pas le CAP ou le BEP. Pourtant leur vie professionnelle leur a permis d'apprendre. La validation des acquis de l'expérience par un jury compétent, au travers d'une démarche de validation officielle, et en référence à un répertoire des certifications professionnelles, favorisera la mobilité, la reconnaissance de la qualification et la progression professionnelle.
Dans un univers professionnel fait de discontinuités et de rupture, les individus et les
entreprises disposeront ainsi, en dehors des diplômes, de repères stables, collectivement élaborés et reconnus, attestant des connaissances et savoir-faire acquis par chacun.
Je n'oublie pas, pour terminer, les dispositions du projet qui visent, en réorganisant les circuits de collecte de la taxe d'apprentissage, à assurer plus de transparence et un meilleur équilibre dans le financement des CFA, pour en définitive mieux garantir cette forme d'alternance qui s'est fortement développée ces dernières années.
Ces mesures, Mesdames et Messieurs les députés, n'épuisent pas la question de la
nécessaire rénovation de notre système de formation professionnelle, en particulier pour assurer un véritable droit à formation tout au long de la vie et reprendre de façon nouvelle la professionnalisation des jeunes et leurs itinéraires d'accès à l'emploi qui ont beaucoup pâti des années de crise que nous avons connues. Le gouvernement nourrit de grandes ambitions sur ces sujets. Les partenaires sociaux ont décidé aussi de s'en saisir. Nous aurons, Nicole PERY et moi même, à faire converger les résultats de la négociation avec les responsabilités que l'Etat se doit de continuer à assumer dans ce domaine.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les objectifs et les dispositions essentielles du projet de loi de modernisation sociale que je voulais souligner en introduction à ce débat.
Ce projet comporte aussi de nombreuses dispositions diverses que je n'ai pas commentées, non qu'elles soient dénuées d'intérêt et de portée, mais parce qu'il m'importe de bien relever la cohérence d'inspiration réformatrice qui constitue le coeur du projet.
J'ai étudié aussi l'imposante contribution que ce projet à inspirée parmi vos bancs. On dénombre pas moins de 400 propositions d'amendements.
Je ne vous cache pas que si je suis convaincue de l'intérêt de mener un riche débat créatif, je me dois aussi de veiller à la cohérence du projet d'ensemble, ne serais-ce que pour des raisons de constitutionnalité.
Mais ce peut être l'occasion d'engager la réflexion sur de nouveaux sujets d'importance sociale véritable, auxquels les salariés sont particulièrement sensibles : je pense notamment aux problèmes de harcèlement moral.
Le harcèlement moral au travail, comme l'ont montré des ouvrages récents, mais aussi des études et enquêtes d'opinion, fait hélas partie du quotidien des relations de travail sans pour autant qu'il faille le dépeindre comme une pratique généralisée.
Lorsqu'il n'est pas assimilable au stress professionnel ou aux tensions relationnelles inévitables dans tout milieu collectif de travail, et qu'il résulte d'un comportement délibéré et pervers, souvent adossé à un pouvoir hiérarchique, pour pousser des salariés à la démission ou les dégrader dans un but de domination, le harcèlement moral est condamnable et doit être combattu.
Les témoignages sont nombreux d'inspecteurs du travail ou de médecins du travail, dont le recueil a été organisé par mon ministère, qui décrivent des situations de travail dégradantes, des conditions de travail humiliantes, incompatibles avec la dignité humaine et génératrices d'états de détresse pour les salariés concernés.
La Charte Sociale européenne et les directives prises en application de l'article 13 du Traité instituant l'Union européenne mettent en avant le principe de dignité au travail et incitent à la prévention " des actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relations avec le travail ".
Il est sans doute temps d'assurer à ceux des salariés de notre pays qui sont victimes de harcèlement moral humiliant et dégradant, la protection qu'appelle de ses voeux le droit communautaire.
Nous apprécierons si, à partir des propositions d'amendements qui ont été déposées sur cette question, les conditions sont réunies pour légiférer de façon circonstanciée. Si le harcèlement moral au travail n'est pas admissible, encore faut-il en donner une définition claire qui me permettre pas des interprétations anormalement extensives en le confondant avec des pressions managériales ou productives non répréhensibles. Il faut veiller aussi à distinguer l'abus de position hiérarchique du.comportement relationnel entre salariés de même rang, et régler la question de la charge de la preuve.
Enfin, j'ai tiré la conviction de mes précédentes fonctions, qu'il faut éviter de reporter
systématiquement sur le juge, et notamment le juge pénal, la responsabilité de réguler les comportements sociaux anormaux. La prévention du harcèlement moral et la protection des victimes, doivent être développées à la source, c'est-à-dire, à l'intérieur même de l'entreprise : en rendant possible sa dénonciation sans risque pour ceux qui le font avec courage, en renforçant le droit d'intervention des représentants du personnel et en adaptant le droit disciplinaire pour sanctionner les
agissements répréhensibles.
Mais nul doute que le traitement de cette grave question rejoint l'objectif de modernisation des relations sociales que le projet de loi poursuit.
**
*
C'est sur ce thème de la modernisation sociale que je voudrais conclure, en soulignant à nouveau la nécessité qui est la nôtre de rester attentifs en permanence aux évolutions que connaît notre société et d'anticiper les nouveaux besoins qui se font jour dans l'ensemble du champ social, afin de garantir en permanence un niveau élevé de protection sociale.
La nouvelle donne économique que connaît notre pays doit s'accompagner d'une nouvelle donne sociale : parce que si la croissance retrouvée facilite la résolution de bien des difficultés que nous avons connues ces dernières années, elle n'est pas porteuse par elle-même d'égalité des droits et de protection pour les plus fragiles de nos concitoyens.
C'est à cette nouvelle donne sociale et à la correction permanente des inégalités que s'attache le projet de loi dont nous entamons l'examen.
(source http://www.travail.gouv.fr, le18 janvier 2001)
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La modernisation sociale de notre pays s'accomplit périodiquement au travers de grandes réformes en nos systèmes sociaux.
Nous aurons, dans les prochains mois, rendez-vous sur des sujets d'ampleur ; je pense en particulier à la question de la protection et de l'accompagnement des personnes dépendantes, aux problèmes de droits des malades que des risques nouveaux mettent en évidence ou encore aux questions de bioéthique puisque le gouvernement compte soumettre au Parlement un projet de loi révisant les lois en vigueur.
Mais la modernisation sociale passe aussi par une adaptation permanente des droits et régimes sociaux existants. Faute d'adaptation ils s'appauvrissent ou deviennent largement ineffectifs. Il n'est pas moins ambitieux de maintenir la vitalité de la législation en place que de créer des droits nouveaux.
C'est au maintien de cette vitalité que s'attache le présent projet de loi, dans deux domaines fondamentaux relevant des responsabilités de mon ministère :
la sécurité des personnes face aux risques de la vie et du travail,
et l e droit à l'emploi, dont chacun sait qu'il est encore trop inégalement assuré.
Par delà la diversité des dispositions qu'il comporte, et qui a fait dire à certains qu'il s'agit d'un " DMOS ", ce projet vise bien en effet :
-en premier lieu : à renforcer le besoin de sécurité dans le domaine de la santé ;
en donnant un nouveau souffle à la modernisation hospitalière et en assurant une
meilleure protection contre de nouveaux risques du travail ; mais aussi dans le
domaine de la solidarité : en améliorant l'accueil des personnes âgées et
handicapées.
Ce projet vise aussi, en deuxième lieu, à donner au droit à l'emploi une force nouvelle :
en renforçant la protection des salariés contre le risque de licenciement et
l'abus du travail précaire - et en créant une obligation d'adaptation permanente de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise qui, jointe au droit de faire valider et reconnaître les acquis de l'expérience, offre à chacun de plus grandes chances de conserver son emploi, d'en changer et d'évoluer professionnellement.
Permettez-moi d'illustrer les finalités du projet de loi de modernisation sociale ainsi définies, en commentant ses dispositions essentielles.
.I - Pour mieux répondre au besoin de sécurité des personnes dans le domaine de la santé et de la solidarité, il vous est proposé :
de franchir une nouvelle étape dans la modernisation hospitalière (articles 1 et 2),
d'améliorer la formation et la qualification des praticiens de santé (articles 16 et 17),
de renforcer les moyens d'accueil des personnes âgées et handicapées (article 14),
d'assurer une meilleure protection sociale des français expatriés (article 8),
- et de développer la prévention des risques professionnels face à de nouveaux
risque pour la santé au travail (article 64).
S'assurer que les praticiens et les personnels hospitaliers exercent leur métier dans un environnement favorable pour ce qui est de leurs conditions de travail, de leur formation ou de leurs qualifications, est un volet essentiel de la modernisation de l'hôpital et, partant, de la qualité des soins prodigués aux malades.
Depuis que ce Gouvernement est en place, il a fait preuve d'une attention particulière à la situation des personnels hospitaliers. En particulier, des mesures sociales fortes ont été décidées avec toutes les composantes de la fonction publique hospitalière, qui se sont traduites par la signature de protocoles en mars 2000. Ces protocoles ont donné un nouvel élan à la prise en compte de sujets sociaux dans les hôpitaux, que le présent projet de loi met en oeuvre.
Depuis 1991, chaque hôpital doit définir un projet d'établissement, qui fixe ses objectifs dans le domaine des soins médicaux et infirmiers ou de la recherche. Certains établissements ont inclus dans leur projet des objectifs en matière de gestion et formation des personnels, mais ce n'est pas la règle.
Or, il me semble très important que dans tous les hôpitaux, cette réflexion sur l'évolution des personnels puisse être conduite. L'article premier du projet de loi prévoit l'inscription systématique dans les projets d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail, la formation, l'évolution des qualifications.
Comme les autres volets du projet d'établissement, il fera l'objet d'une concertation interne approfondie et servira de base aux contrats d'objectifs et de moyens conclus avec les Agences Régionales Hospitalières.
Mais le Gouvernement veut également réponde au souci légitime de mobilité et de promotion des cadres et des agents hospitaliers. C'est pourquoi le présent projet de loi permet aux personnels hospitaliers de bénéficier de droit de bilans de compétences, à l'instar des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'Etat, qui leur permettront d'orienter leurs évolutions professionnelles et leurs carrières.
La sécurité des personnes dans le domaine de la santé dépend aussi amplement de la formation des professionnels de santé. Ces professionnels nous ont dit que le cursus des études médicales était inadapté. Le Gouvernement les a entendu et vous propose de répondre à leurs demandes qui sont légitimes. L'article 17 redonne toute sa place à la médecine générale, qui doit être une discipline au même titre que l'ensemble des spécialités. L'internat concernera l'ensemble des étudiants en médecine, qui bénéficieront d'un cursus de même durée. Nous renforçons donc la qualité de la formation des médecins, et par là la qualité des soins.
Dans le même esprit, le Gouvernement souhaite permettre aux praticiens de s'inscrire dans des démarches de qualité, qu'ils appellent de leurs voeux et qui répondent à une demande sociale forte de nos concitoyens. C'est pour cela que nous avons inscrit dans notre projet des dispositions relatives à la qualification des professionnels et à l'observation des règles de sécurité indispensables pour le.bon accomplissement de certains actes médicaux sensibles ?comme la chirurgie esthétique ou la pose d'implants dentaire???.]
Le développement de la sécurité dans le domaine de la santé passe aussi par la protection des salariés contre les risques du travail.
Les propos de la recherche épidémiologique et les avancées réalisées par de nouvelles directives européennes ont permis de renforcer la protection contre les risques liés aux agents clinique. Ce projet de loi se propose de faire un pas de plus en autorisant l'Inspecteur du travail à arrêter les activités exposant les salariés aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, lorsque le dépassement des valeurs limites d'exposition persistent malgré une mise en demeure.
Mais ce sont aussi nos dispositifs de solidarité nationale qu'il faut adapter et compléter pour répondre aux enjeux sociaux d'aujourd'hui.
Des dispositions concernent des personnes dont l'accès aux soins est difficile. Je pense tout d'abord à l'article concernant nos compatriotes résidant à l'étranger, qui conforte leur couverture maladie. Je pense également à la mesure sociale, je dirai presque humanitaire, qui permet aux personnes en garde à vue ou en centre de rétention de bénéficier de soins par le biais de l'aide médicale de l'Etat.
Le projet de loi comporte aussi un article important pour l'accueil familial des âgées et personnes handicapées. Cet accueil est une alternative précieuse au maintien à domicile, qui n'est pas toujours possible, et l'hébergement en l'établissement, qui n'est pas toujours désiré par les personnes concernées. L' article 14 du projet de loi vous propose de renforcer considérablement les droits sociaux des familles accueillantes, notamment en garantissant le bénéfice de congés payés et en fixant au niveau du SMIC la rémunération minimale. Il assure également aux personnes âgées ou handicapées les conditions d'un accueil de qualité, en précisant les conditions de l'agrément des familles et de son renouvellement.
Enfin, pour terminer sur les dispositions du Titre 1 touchant à la modernisation de nos dispositifs de santé et solidarité, je rappelle que le Gouvernement entend réaffirmer son attachement à notre système de retraite de répartition, qui est fondée sur les principes de solidarité entre tous les Français et entre les générations.
C'est pourquoi nous avons tenu à inscrire dans ce projet de loi l'abrogation de la loi Thomas, dont le Conseil constitutionnel avait estimé qu'elle ne pouvait entre dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 que vous avez votée.
II - J'en viens à présent au deuxième grand volet de ce projet de loi qui vise à donner au droit à l'emploi une extension nouvelle.
Sous l'effet des politiques volontaristes de soutien de la croissance, de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi (35 heures, emplois-jeunes, programmes TRACE en faveur des jeunes et " nouveau départ " en faveur des chômeurs de longue durée), le chemin parcouru depuis trois ans a été considérable.
Avec une baisse de 31 % du nombre de chômeurs (962 000) et un taux de chômage ramené de 12,6 % en juin 1997 à 9,2 % en novembre dernier, la France se situe en tête des pays européens pour l'effort accompli. L'année 2000 aura aussi été une année record pour la création d'emplois, puisqu'avec 500 000 emplois créés en un an nous avons atteint le chiffre le plus élevé depuis le début du siècle.
Mais si nous pouvons nous féliciter de ces résultats, force est de constater que le droit à l'emploi n'est toujours pas garanti à tous.
Outre le fait que subsistent encore 2 175 000 chômeurs, ce qui justifiera une accentuation de l'effort pour réduire le " noyau dur " du chômage et favoriser le retour à l'emploi de ceux qui, sans.cela, en resteraient durablement exclus, j'observe qu'un nombre considérable de salariés demeurent, dans l'emploi, en situation de grande précarité.
C'est le cas des victimes de licenciements économiques et des salariés à qui, en dépit de la croissance retrouvée, il n'est offert que des emplois précaires de courte durée ou qui sont durablement écartés des emplois permanents.
L'amélioration de la situation de l'emploi a permis de réduire les licenciements économiques de plus de 40 % depuis juin 1997.
Pour autant nombre de salariés sont aujourd'hui destabilisés par l'annonce de plans sociaux traumatisants, souvent liés à des restructurations d'entreprises non nécessairement liées à des difficultés de marchés, et qui s'accompagnent de conséquences douloureuses alors même que des efforts très importants de productivité y ont été demandés dans les dernières années. On se souvient
de l'effet de choc produit par les annonces du Groupe Michelin ou encore celle de Renault à Vilvoorde.
Depuis un an, ce sont encore plus de 230 000 personnes qui se sont inscrites à l'ANPE suite à un licenciement, sans avoir trouvé de solution de reclassement.
A l'heure où je vous parle d'importants plans sociaux sont en cours ou annoncés, concernant de grands groupes (je pense à Alsthom, Unilever, Totalfina-Elf, Bourgoin, Bull et bien d'autres),touchant particulièrement des bassins d'emploi où ils sont l'employeur principal. Les salariés de ces entreprises nous écoutent et nous nous devons de leur assurer des éléments de sécurité renforcée, pour que les licenciements ne deviennent que la dernière extrémité quand tous les moyens de
prévention ont été mobilisés.
Le droit du travail a beaucoup progressé dans ce domaine au cours des 10 dernières années. Mais il peut encore être amélioré, d'autant que dans un environnement économique favorable, il est normal de penser que l'adaptation des entreprises à leur marché puisse se faire sans conséquences dommageables pour l'emploi.
C'est ce que propose ce projet de loi.
En amont des restructurations, la première des sécurités, c'est que les licenciements collectifs n'interviennent que lorsque toutes les autres solutions ont été envisagées et discutées avec les salariés et leurs représentants. Parmi ces solutions la réduction et l'aménagement du temps de travail se révèlent les plus efficients. Le bilan de l'application de la loi du 13 juin 1998 a montré que 90 % des entreprises qui ont eu recours aux 35 heures sont parvenues à éviter tous les licenciements. Dans son article 31, le projet de loi fait donc obligation au chef d'entreprise de conclure un accord réduisant le temps de travail à 35 heures, préalablement à l'établissement d'un plan social ou, à défaut, d'engager des négociations pour y parvenir, avec des garanties de sérieux et de loyauté. Lorsque ces obligations ne sont pas respectées, le juge des référés pourra suspendre la procédure de licenciement.
La prévention des licenciements passe aussi par l'information des représentants du personnel et le dialogue social le plus en amont possible des projets de l'entreprise, lorsqu'ils sont de nature à affecter l'emploi. Or bien souvent ces projets sont annoncés publiquement, sans que les délégués soient mis en mesure d'en prendre connaissance et d'en évaluer les conséquences sociales. L'article 32 du projet de loi, sans interdire ces annonces publiques et en respectant le souci de confidentialité
(vis à vis des marchés financiers notamment), qui doit les entourer dans les jours qui précèdent, réaffirme le droit d'information des représentants du personnel.
Les propositions du gouvernement dans ce domaine sont en pleine cohérence avec l'action qu'il a entreprise, sous la présidence française de l'Union Européenne, pour faire aboutir le projet de directive sur l'information et la consultation des représentants des travailleurs dans tous les pays de l'Union. Une majorité qualifiée a été trouvée et une fois levés les artifices procéduriers qui ont retardé son adoption, cette directive devrait voir le jour sous présidence suédoise.
Lorsque les restructurations ne peuvent être évitées, le projet du gouvernement inscrit dans la loi à la fois la nécessité de rechercher toutes les opportunités de reclassement préalable à tout.licenciement économique. C'est la responsabilité de l'employeur de procéder à cette recherche de toutes les solutions de reclassement dans l'entreprise, mais aussi lorsque c'est le cas, dans l'unité économique et sociale ou le groupe dans lesquels elle est intégrée (article 33) et de mettre en place un plan social mobilisant tous les moyens qui sont à sa disposition. Le plan social se doit de favoriser le maintien dans l'emploi, mais aussi la réindustrialisation des bassins d'emploi les plus durement touchés, par des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes (article 34).
Tout aussi impérative à mes yeux est la limitation de la précarité de l'emploi. Comment faire croire que le droit à l'emploi est assuré aux centaines de milliers de salariés qui n'ont pour d'autre emploi que ces emplois temporaires, souvent de très courte durée et qui se succèdent les uns aux autres parfois pendant des mois ou même des années.
Outre l'instabilité professionnelle et l'incertitude permanente de l'avenir dans laquelle ils se trouvent placés, ils sont dans l'incapacité d'acquérir des garanties liées à l'ancienneté ou des moyens de formation qui leur permettraient de ne pas rester en marge du marché du travail et du progrès social.
Certes, des progrès ont été accomplis, par la négociation notamment dans le travail temporaire, pour réduire la précarité des intérimaires. De même une tendance se fait jour à la transformation plus fréquente de CDD en CDI (28,5 % des CDD fin 1999 contre 24,8 % un an plus tôt).
Mais la réalité d'ensemble reste particulièrement inacceptable. Alors que la croissance économique est là et se confirme, et que les prévisions d'activité des entreprises sont au beau fixe, de janvier 1999 à la mi 2000 le volume des contrats d'intérim s'est accru de 23 % et celui des CDD de 9,3 %.
En novembre dernier, la part du travail temporaire dans les inscriptions au chômage s'élevait à 31,6 % pour les fins de CDD et 8,4 % pour les fins d'intérim.
Il est temps de donner le signal ferme aux entreprises, que l'époque est finie où l'incertitude des lendemains pouvait justifier la limitation des embauches à durée indéterminée et le refus de la stabilité de l'emploi.
Il n'est plus possible d'admettre que 10 % des entreprises de plus de 20 salariés aient en permanence plus de 20 % de leurs effectifs occupés en CDD ou en intérim.
Il n'est plus possible d'admettre qu'une année record pour la production et les résultats de l'industrie automobile s'accommode, dans certains établissements, d'un recours structurel et permanent à l'intérim dans des propositions courantes de 15 % des emplois de production, voire 20 à 25 % chez certains constructeurs.
Si le recours au travail temporaire et aux CDD est parfaitement justifié pour faire face aux situations définies par le code du travail (surcroît temporaire d'activité ou remplacement de salariés absents), il est temps de prendre des mesures pour que le principe, posé d'ailleurs par la loi, de non substitution d'emplois temporaires à des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise soit respecté. Le recours abusif aux emplois précaires doit être combattu.
C'est ce que prévoit le projet qui vous est soumis :
Il rend plus strict le calcul de délai de carence séparant deux contrats sur un même
poste, car c'est souvent par la succession de contrats temporaires que des postes
permanents sont précarisés (article 35). Cette disposition mettra fin, par exemple,
à la pratique répandue qui consiste à compter le week-end comme délai de
carence, pour faire se succéder des contrats de 5 jours occupant tous les jours
ouvrables de la semaine.
- Il combat l'effet d'aubaine qui peut être recherché dans le recours au travail
précaire, en frappant de sanctions pénales le non respect de l'égalité de.rémunération entre salariés temporaires et salariés permanents à qualification
équivalente et fonctions identiques (article 36).
- Il permet au salarié de rompre le contrat avant terme pour répondre à une
embauche en CDI (article 37).
- Enfin, pour favoriser l'accès des CDD à des emplois stables, il rend obligatoire la
diffusion des postes disponibles dans l'entreprise, conformément à la directive
européenne du 28 juin 1999.
Sur cet ensemble de questions essentielles, votre Commission des Affaires Sociales a procédé à un travail d'enrichissement du projet du gouvernement. Cet apport permet de donner encore plus de force aux éléments protecteurs du droit à l'emploi que je viens de rappeler à votre attention.
Mais je voudrais aussi mettre l'accent sur le dernier volet du projet qui vise à inscrire le droit à l'emploi dans une perspective dynamique : celle de l'anticipation des évolutions économiques, pour assurer la mobilité professionnelle et l'employabilité des salariés sur le long terme, par l'adaptation permanente de leurs compétences et la reconnaissance de leur qualification. C'est fondamentalement ainsi que les salariés disposeront d'atouts pour affronter, sans menace pour leurs emplois, les changements permanents que connaissent les entreprises, pour faire face aux mutations économiques, technologiques et aux défis de la compétitivité. C'est aussi fondamentalement ainsi que les entreprises sauront retenir et développer les compétences dont elles ont besoin, dans un avenir qui verra se raréfier la main d'oeuvre disponible avec les changements démographiques de notre pays. C'est encore la réponse la plus adaptée au maintien dans l'emploi des salariés âgés, tant il est vrai que nos dispositifs de départs anticipés diminueront d'intérêt.
Il y a plus de trente ans que les premiers accords sur la sécurité de l 'emploi ont été conclu. Le principe de l'adaptation de l'emploi aux évolutions qu'ils avaient établi, n'a pas trouvé à s'affirmer en raison des difficultés économiques qui ont suivi le premier choc pétrolier.
Il est temps d'y revenir activement, en donnant toute sa force au levier de la formation.
L'article 29 enrichit la négociation de branche sur la formation professionnelle. Il est proposé que cette négociation porte obligatoirement sur l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, sur le développement des compétences et sur la gestion prévisionnelle des emplois tant dans l'entreprise que dans la branche. Elle devra en outre prévoir les conditions dans lesquelles les salariés peuvent bénéficier d'un entretien individuel visant a favoriser concrètement leur évolution professionnelle.
Pour favoriser la mise en oeuvre effective de ces mesures dans l'entreprise, l'article 30 prévoit un concours de l'Etat, à travers un dispositif d'appui-conseil, simple d'accès et cofinancé avec l'entreprise, pour l'aider à concevoir son plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Enfin le projet de loi, dans ses articles 40 à 42, comporte des dispositions très innovantes concernant la validation des acquis de l'expérience.
Je voudrais souligner ici toute l'importance de ces innovations pour la garantie du droit à l'emploi,laissant à Nicole PERY le soin d'en préciser, lors de l'examen des articles, la portée d'avenir à l'intérieur du champ de la formation.
Près de 40 % des actifs ont un niveau de formation initiale qui ne dépasse pas le CAP ou le BEP. Pourtant leur vie professionnelle leur a permis d'apprendre. La validation des acquis de l'expérience par un jury compétent, au travers d'une démarche de validation officielle, et en référence à un répertoire des certifications professionnelles, favorisera la mobilité, la reconnaissance de la qualification et la progression professionnelle.
Dans un univers professionnel fait de discontinuités et de rupture, les individus et les
entreprises disposeront ainsi, en dehors des diplômes, de repères stables, collectivement élaborés et reconnus, attestant des connaissances et savoir-faire acquis par chacun.
Je n'oublie pas, pour terminer, les dispositions du projet qui visent, en réorganisant les circuits de collecte de la taxe d'apprentissage, à assurer plus de transparence et un meilleur équilibre dans le financement des CFA, pour en définitive mieux garantir cette forme d'alternance qui s'est fortement développée ces dernières années.
Ces mesures, Mesdames et Messieurs les députés, n'épuisent pas la question de la
nécessaire rénovation de notre système de formation professionnelle, en particulier pour assurer un véritable droit à formation tout au long de la vie et reprendre de façon nouvelle la professionnalisation des jeunes et leurs itinéraires d'accès à l'emploi qui ont beaucoup pâti des années de crise que nous avons connues. Le gouvernement nourrit de grandes ambitions sur ces sujets. Les partenaires sociaux ont décidé aussi de s'en saisir. Nous aurons, Nicole PERY et moi même, à faire converger les résultats de la négociation avec les responsabilités que l'Etat se doit de continuer à assumer dans ce domaine.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les objectifs et les dispositions essentielles du projet de loi de modernisation sociale que je voulais souligner en introduction à ce débat.
Ce projet comporte aussi de nombreuses dispositions diverses que je n'ai pas commentées, non qu'elles soient dénuées d'intérêt et de portée, mais parce qu'il m'importe de bien relever la cohérence d'inspiration réformatrice qui constitue le coeur du projet.
J'ai étudié aussi l'imposante contribution que ce projet à inspirée parmi vos bancs. On dénombre pas moins de 400 propositions d'amendements.
Je ne vous cache pas que si je suis convaincue de l'intérêt de mener un riche débat créatif, je me dois aussi de veiller à la cohérence du projet d'ensemble, ne serais-ce que pour des raisons de constitutionnalité.
Mais ce peut être l'occasion d'engager la réflexion sur de nouveaux sujets d'importance sociale véritable, auxquels les salariés sont particulièrement sensibles : je pense notamment aux problèmes de harcèlement moral.
Le harcèlement moral au travail, comme l'ont montré des ouvrages récents, mais aussi des études et enquêtes d'opinion, fait hélas partie du quotidien des relations de travail sans pour autant qu'il faille le dépeindre comme une pratique généralisée.
Lorsqu'il n'est pas assimilable au stress professionnel ou aux tensions relationnelles inévitables dans tout milieu collectif de travail, et qu'il résulte d'un comportement délibéré et pervers, souvent adossé à un pouvoir hiérarchique, pour pousser des salariés à la démission ou les dégrader dans un but de domination, le harcèlement moral est condamnable et doit être combattu.
Les témoignages sont nombreux d'inspecteurs du travail ou de médecins du travail, dont le recueil a été organisé par mon ministère, qui décrivent des situations de travail dégradantes, des conditions de travail humiliantes, incompatibles avec la dignité humaine et génératrices d'états de détresse pour les salariés concernés.
La Charte Sociale européenne et les directives prises en application de l'article 13 du Traité instituant l'Union européenne mettent en avant le principe de dignité au travail et incitent à la prévention " des actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relations avec le travail ".
Il est sans doute temps d'assurer à ceux des salariés de notre pays qui sont victimes de harcèlement moral humiliant et dégradant, la protection qu'appelle de ses voeux le droit communautaire.
Nous apprécierons si, à partir des propositions d'amendements qui ont été déposées sur cette question, les conditions sont réunies pour légiférer de façon circonstanciée. Si le harcèlement moral au travail n'est pas admissible, encore faut-il en donner une définition claire qui me permettre pas des interprétations anormalement extensives en le confondant avec des pressions managériales ou productives non répréhensibles. Il faut veiller aussi à distinguer l'abus de position hiérarchique du.comportement relationnel entre salariés de même rang, et régler la question de la charge de la preuve.
Enfin, j'ai tiré la conviction de mes précédentes fonctions, qu'il faut éviter de reporter
systématiquement sur le juge, et notamment le juge pénal, la responsabilité de réguler les comportements sociaux anormaux. La prévention du harcèlement moral et la protection des victimes, doivent être développées à la source, c'est-à-dire, à l'intérieur même de l'entreprise : en rendant possible sa dénonciation sans risque pour ceux qui le font avec courage, en renforçant le droit d'intervention des représentants du personnel et en adaptant le droit disciplinaire pour sanctionner les
agissements répréhensibles.
Mais nul doute que le traitement de cette grave question rejoint l'objectif de modernisation des relations sociales que le projet de loi poursuit.
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C'est sur ce thème de la modernisation sociale que je voudrais conclure, en soulignant à nouveau la nécessité qui est la nôtre de rester attentifs en permanence aux évolutions que connaît notre société et d'anticiper les nouveaux besoins qui se font jour dans l'ensemble du champ social, afin de garantir en permanence un niveau élevé de protection sociale.
La nouvelle donne économique que connaît notre pays doit s'accompagner d'une nouvelle donne sociale : parce que si la croissance retrouvée facilite la résolution de bien des difficultés que nous avons connues ces dernières années, elle n'est pas porteuse par elle-même d'égalité des droits et de protection pour les plus fragiles de nos concitoyens.
C'est à cette nouvelle donne sociale et à la correction permanente des inégalités que s'attache le projet de loi dont nous entamons l'examen.
(source http://www.travail.gouv.fr, le18 janvier 2001)