Texte intégral
Monsieur le Directeur du Muséum,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand honneur pour moi de venir saluer une assemblée aussi éminente dans ce lieu magnifique et hautement symbolique qu'est la grande galerie de l'évolution.
Une grande partie des femmes et des hommes qui se dévouent dans leurs laboratoires, sur le terrain ou dans l'action diplomatique pour la sauvegarde de la biodiversité sont réunis ici ce soir à l'occasion de deux journées de travail, qui, je n'en doute pas sont déjà très fructueuses.
La biodiversité est un concept abstrait et vous rencontrerez beaucoup de scepticisme.
Souvenez-vous de la réaction de l'épouse de l'évêque de Manchester qui, à la lecture de la théorie de DARWIN, aurait déclaré : « Descendre du singe ! Espérons que ce n'est pas vrai... Mais si ça l'est, prions pour que la chose ne s'ébruite pas ! ».
C'est d'ailleurs ce qui fait la difficulté de sa gestion et la nécessité de son éclairage par les scientifiques.
Pourtant, le Muséum National d'Histoire Naturelle nous rappelle le lien étroit qui existe entre la nature et l'homme, si bien démontré par la théorie de l'évolution de Charles DARWIN et corroboré par la suite par la génétique de Grégor MENDEL, puis la biologie moléculaire de Jacques MONOD, François JACOB et André LWOFF.
Le constat des spécialistes est unanime ; ils l'ont solennellement rappelé lors de la conférence de Paris en janvier 2005, ainsi que dans le rapport de l'Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire : la menace qui pèse sur la biodiversité est sans précédent. Au rythme actuel des pertes que nous infligeons à notre patrimoine naturel, la moitié des espèces de la planète aura probablement disparu d'ici à la fin de notre siècle.
Certes, la communauté internationale s'est dotée d'instruments pour s'organiser afin de remédier à cette menace. La mise en oeuvre de la Convention sur la diversité biologique, qui a défini des objectifs et des échéances visant à enrayer la perte de biodiversité d'ici à 2010, en est un exemple remarquable.
De même, la Convention contre la désertification, la Convention de Ramsar sur les zones humides, la Convention sur les espèces migratrices, la Convention sur le commerce des espèces protégées ou encore les travaux de l'UICN (Union mondiale pour la nature), ont permis d'améliorer la protection des espèces menacées, des aires protégées et de la conservation des milieux naturels sensibles.
Mais il nous faut être lucide : l'ampleur de la crise est telle que les efforts engagés à ce jour ne suffisent pas à y répondre.
Aujourd'hui, j'ai la conviction que la prise de conscience des risques liés à la perte de biodiversité ne peut se faire que grâce à une instance scientifique de très haut niveau, formée des meilleurs experts mondiaux, indépendante et ayant une résonance planétaire.
Elle permettrait de mobiliser et de fédérer encore davantage la connaissance scientifique et l'action politique pour la préservation de la biodiversité. Sa fonction serait similaire à celle du Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat (le GIEC) dans le domaine climatique, qui a permis de parvenir à un consensus scientifique de portée mondiale sur la réalité et les conséquences du réchauffement climatique, que beaucoup, au départ, se refusaient à admettre.
Le GIEC a également permis d'informer l'opinion publique des dangers imminents induits par le changement climatique.
C'est la raison pour laquelle je vous remercie vivement d'avoir accepté de participer à cette consultation. Vos travaux pendant deux jours visent l'évaluation du besoin d'un mécanisme international d'expertise scientifique sur la biodiversité.
Vous allez réfléchir collectivement au meilleur moyen de répondre à l'appel des scientifiques lors de la Conférence internationale « Biodiversité : Science et gouvernance » de janvier 2005.
Peut-être n'êtes vous pas tous persuadés de la nécessité d'un mécanisme d'expertise. Mais je sais que vous êtes convaincus de la nécessité de sauvegarder notre écosystème, car au-delà de l'enjeu écologique qu'il y a à protéger les espèces animales et végétales de notre planète, les enjeux sociaux de la conservation de la biodiversité sont immenses.
Les dommages que vous constatez sur la biodiversité, vous scientifiques, hommes politiques, représentants d'organisations internationales et de la société civile du monde entier, vous avez le devoir de les ébruiter, de les communiquer au plus grand nombre.
Cette conviction ne tient pas seulement aux actions internationales auxquelles je participe, elle vient également des politiques dont j'ai la responsabilité au niveau national.
Un ministre de l'écologie, vous le savez probablement, doit en permanence convaincre de l'importance de préserver la nature et les ressources naturelles.
Le développement durable est un concept novateur que nous devons faire entrer dans les faits, ce qui est difficile car il se heurte à de nombreuses idées reçues.
A toutes les échelles, l'apport des scientifiques est déterminant.
Au sein de mon ministère, par exemple, je m'appuie en permanence sur un Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité, présidé par Yvon LE MAHO, membre de l'Académie des Sciences, qui participe à vos travaux.
Dans les régions, les collectivités locales, les parcs naturels, les scientifiques sont associés étroitement à l'éclairage de l'action publique.
Par ailleurs, la France vient de se doter d'une stratégie nationale pour la biodiversité dont les dix plans d'actions seront bientôt tous adoptés.
En outre, un plan ambitieux concernant la recherche sera annoncé en mars de cette année.
Il devrait contribuer à renforcer la communauté scientifique et sensibiliser les chercheurs français aux problèmes globaux de la biodiversité autant qu'aux situations spécifiques des différents territoires.
Je souhaite également que des liens étroits soient établis avec les chercheurs des pays du Sud, dont je salue la présence ici ce soir, afin de construire ensemble un monde où la protection de la nature et le développement soient réconciliés, quelles que soient les situations géographiques et économiques.
Votre contribution à l'émergence de ce monde sera déterminante.
Vous avez répondu avec enthousiasme à l'invitation du Comité de Pilotage international, je m'en félicite et vous en remercie.
Je suivrai avec un très grand intérêt vos travaux dont je ne doute pas qu'ils seront concluants, c'est-à-dire qu'ils proposeront une solution intelligente et efficace au besoin d'éclairage scientifique des politiques globales de la biodiversité.
Avec mes collègues du gouvernement (ministères des Affaires étrangères, de la Recherche, de l'Agriculture et de l'Outre-mer) nous en rendrons compte de façon détaillée au Président de la République.
Je sais déjà qu'il se félicite de la qualité de votre assemblée et formule de grands espoirs dans la consultation internationale qui s'ouvre.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite d'excellents travaux et un très agréable dîner.
Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 24 février 2006