Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens, avant toute chose, à saluer la création de la COFAC, très jeune coordination des fédérations et associations culturelles puisqu'elle est née en novembre 1999. Il n'existait pas jusque là d'organisme représentatif des associations culturelles dans les instances représentatives de la vie associative comme le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) ou la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA).
Et pourtant, en 1997, 12% des français de 15 ans et plus déclaraient adhérer à une association culturelle, soit deux fois plus qu'en 1973, et ils étaient 16% à déclarer faire des actions ou des dons pour ce type d'association. Toujours en 1997, sur 60 000 créations d'associations déclarées en préfecture, 18% étaient des associations artistiques et culturelles, la culture arrivant en deuxième position après le sport.
Les associations sont bien le vivier de la vie artistique et culturelle. L'histoire même de nos institutions culturelles est indissociable du statut associatif qui préside à la création des premières maisons de la culture, des orchestres, des sociétés d'auteurs ... Bien sûr, certaines sont aujourd'hui des supports juridiques de gestion d'activités, et je sais combien vous êtes sensibles à cette différenciation, mais la grande majorité des associations culturelles sont des lieux de débat démocratique et dans tous les cas développent des projets d'intérêt général, n'en déplaise à une certaine tendance technocratique qui leur conteste aussi cette fonction.
La création de la COFAC coïncide heureusement avec la commémoration du centenaire de la loi de 1901. Ce colloque constitue la première manifestation de cette commémoration, dans le domaine culturel.
En juillet 1999, le Premier ministre a créé une mission chargée d'organiser la célébration de cet anniversaire. La présidence de cette mission a été confiée à Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat. L'ensemble des manifestations tout au long de l'année 2001, et en particulier les rencontres nationales en région, marqueront le souvenir d'un grand moment de l'action législative et l'importance attachée à une liberté fondamentale dont la reconnaissance fut lente et contestée.
Tout au long du XIXème siècle, la liberté d'association a connu une histoire mouvementée et donné lieu à un riche débat d'idées, nourri de préoccupations sociales nouvelles (formation des syndicats, apparition du mouvement mutualiste...). Ce n'est que près de trente ans après l'instauration de la Troisième République que ces débats ont abouti à l'adoption de la loi du 1er juillet 1901, grâce à la ténacité de Pierre Waldeck-Rousseau.
L'histoire du XXème siècle a quant à elle la fragilité de cette conquête ; chaque guerre, chaque affrontement politique, chaque crise fournissait autant d'occasions de la remettre en cause, parfois subrepticement.
Qu'en est-il cent ans après ?
Les résultats du sondage du CSA, présenté lors de la manifestation de lancement du centenaire, sur " les français et l'image des associations " sont éloquents : 95% des français ont une bonne opinion des associations. Quant aux valeurs qu'elles incarnent, ce sont la citoyenneté, la proximité, la convivialité, le dynamisme, la démocratie. C'est une preuve, s'il en était besoin, qu'aujourd'hui, la liberté d'association, solidement garantie, favorise l'expression de la vitalité du corps social.
Cette année de célébration doit aussi nous permettre de réfléchir à l'avenir, de lever un certain nombre d'ambiguïtés sur l'utilisation des associations et leurs relations avec les collectivités publiques, en un mot d'approfondir le débat sur les libertés associatives. En effet un autre des résultats du sondage CSA doit nous alerter : 44% des français seulement estiment qu'elles sont assez transparentes. Il nous faudrait certainement repréciser aujourd'hui ces belles notions d'adhésion, de bénévolat, d'utilité sociale, de non lucrativité, de gestion désintéressée, certainement aussi moderniser un certain nombre de pratiques, de règles fiscales ou comptables, de modalités de contrôle de la gestion associative.
Mais ce qui me semble primordial du point de vue des collectivités publiques - et je pense que cette question sera au cur de vos deux colloques - c'est d'être constamment attentif à ne pas réduire la vie associative à un système de sous- traitance, ou de concession d'un certain nombre de fonctions collectives. La complémentarité entre l'action de l'Etat et celle des associations doit se clarifier et se renforcer.
C'est la condition nécessaire pour que les associations culturelles s'inscrivent réellement dans les politiques culturelles locales. Leur rôle ne réside pas seulement dans la mise en uvre de politiques définies en amont, mais bien dans les concertations nécessaires à la définition de ces politiques. Les récentes lois sur l'organisation territoriale de notre pays insistent sur la participation des habitants, et l'on sait tous combien dans le domaine culturel, cette participation est la clef de la réussite. Parce que vous êtes au plus près des désirs et des pratiques, parce que vous en êtes issus tout simplement, vous êtes en mesure de placer le citoyen au cur du projet culturel et de construire ainsi des réponses de notre temps. C'est ainsi que s'enrichit l'action culturelle et que les écarts creusés par les inégalités sociales et géographiques peuvent se réduire.
Un secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation ne peut envisager une nouvelle phase de décentralisation culturelle sans avoir pour souci prioritaire le développement de la démocratie participative.
Celle-ci possède une vitalité et une créativité extraordinaires que nous sous-évaluons. C'est le constat qui s'impose à moi, à travers mes très nombreux déplacements et ces rencontres avec le pays culturel que j'ai systématisées depuis mon arrivée au gouvernement.
La réflexion sur la décentralisation n'a de sens que si elle s'inscrit dans la perspective plus large d'une refondation démocratique de nos institutions. Elle doit faire sa part aux exigences citoyennes nouvelles en matière d'efficacité de l'action publique, d'association plus complète à la décision et d'une meilleure prise en compte des identités culturelles.
C'est le sens du rapport remis au Premier Ministre par Pierre Mauroy, synthèse des travaux de la commission pour l'avenir de la décentralisation et qui s'intitule " refonder l'action publique locale ".
A la suite de la remise de ce rapport, Lionel Jospin, à Lille le 23 octobre dernier, a engagé le Gouvernement vers une nouvelle étape de la décentralisation en jetant les bases d'un débat national. Il a demandé à l'ensemble des ministères d'entreprendre notamment les expérimentations qui devraient, à terme, dessiner le nouveau visage des compétences et des responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales.
Personnellement, et en étroite concertation avec Catherine Tasca, je me suis attaché dès ma prise de fonction à mettre en place de nouveaux outils au service de cette nouvelle étape : des protocoles expérimentaux de décentralisation portant prioritairement sur le patrimoine et les enseignements artistiques seront mis en uvre cette année, un nouveau statut juridique d'établissement public de coopération culturelle devrait répondre à l'attente de tous ceux qui souhaitent non seulement dynamiser les partenariats, mais bâtir une nouvelle figure de la responsabilité publique dans le champ artistique et culturel.
Il va de soi que ce travail de modernisation des outils de gestion comme des statuts devrait contribuer à libérer les associations de fonctions et de tâches multiples qui ont pesé indûment sur elles ces dernières années.
Enfin, et avant de passer la parole à Pierre Mauroy, sachez que le ministère de la culture travaille actuellement sur des projets de publications concernant la situation actuelle des associations culturelles en termes quantitatifs et qualitatifs et que les résultats d'une étude du Département des études et de la prospective consacrée aux associations dans le domaine du patrimoine devraient être communiqués prochainement. Par ailleurs, une étude réalisée par le Centre d'études de l'emploi sur la mise en uvre du programme " nouveaux services-emplois jeunes " dans le secteur culturel vient d'être achevée et doit faire l'objet d'une publication à la Documentation française au 1er semestre 2001. Je vous rappelle qu'à la fin 2000, ce sont 13600 emplois-jeunes qui concernent des projets culturels, soit 11% de l'ensemble des emplois-jeunes, et que 61% d'entre eux travaillent dans une association. D'ailleurs, un certain nombre des fédérations de la COFAC doivent se réunir prochainement à Parthenay avec la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles sur ce sujet.
Permettez-moi enfin, puisque nous sommes dans une période de voeux, de vous souhaiter à tous une très bonne année 2001, riche en réflexion et en projets et pour notre démocratie, un nouveau siècle de liberté d'association.
(source http://www.culture.gouv.fr, le17 janvier 2001)
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens, avant toute chose, à saluer la création de la COFAC, très jeune coordination des fédérations et associations culturelles puisqu'elle est née en novembre 1999. Il n'existait pas jusque là d'organisme représentatif des associations culturelles dans les instances représentatives de la vie associative comme le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) ou la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA).
Et pourtant, en 1997, 12% des français de 15 ans et plus déclaraient adhérer à une association culturelle, soit deux fois plus qu'en 1973, et ils étaient 16% à déclarer faire des actions ou des dons pour ce type d'association. Toujours en 1997, sur 60 000 créations d'associations déclarées en préfecture, 18% étaient des associations artistiques et culturelles, la culture arrivant en deuxième position après le sport.
Les associations sont bien le vivier de la vie artistique et culturelle. L'histoire même de nos institutions culturelles est indissociable du statut associatif qui préside à la création des premières maisons de la culture, des orchestres, des sociétés d'auteurs ... Bien sûr, certaines sont aujourd'hui des supports juridiques de gestion d'activités, et je sais combien vous êtes sensibles à cette différenciation, mais la grande majorité des associations culturelles sont des lieux de débat démocratique et dans tous les cas développent des projets d'intérêt général, n'en déplaise à une certaine tendance technocratique qui leur conteste aussi cette fonction.
La création de la COFAC coïncide heureusement avec la commémoration du centenaire de la loi de 1901. Ce colloque constitue la première manifestation de cette commémoration, dans le domaine culturel.
En juillet 1999, le Premier ministre a créé une mission chargée d'organiser la célébration de cet anniversaire. La présidence de cette mission a été confiée à Jean-Michel Belorgey, conseiller d'Etat. L'ensemble des manifestations tout au long de l'année 2001, et en particulier les rencontres nationales en région, marqueront le souvenir d'un grand moment de l'action législative et l'importance attachée à une liberté fondamentale dont la reconnaissance fut lente et contestée.
Tout au long du XIXème siècle, la liberté d'association a connu une histoire mouvementée et donné lieu à un riche débat d'idées, nourri de préoccupations sociales nouvelles (formation des syndicats, apparition du mouvement mutualiste...). Ce n'est que près de trente ans après l'instauration de la Troisième République que ces débats ont abouti à l'adoption de la loi du 1er juillet 1901, grâce à la ténacité de Pierre Waldeck-Rousseau.
L'histoire du XXème siècle a quant à elle la fragilité de cette conquête ; chaque guerre, chaque affrontement politique, chaque crise fournissait autant d'occasions de la remettre en cause, parfois subrepticement.
Qu'en est-il cent ans après ?
Les résultats du sondage du CSA, présenté lors de la manifestation de lancement du centenaire, sur " les français et l'image des associations " sont éloquents : 95% des français ont une bonne opinion des associations. Quant aux valeurs qu'elles incarnent, ce sont la citoyenneté, la proximité, la convivialité, le dynamisme, la démocratie. C'est une preuve, s'il en était besoin, qu'aujourd'hui, la liberté d'association, solidement garantie, favorise l'expression de la vitalité du corps social.
Cette année de célébration doit aussi nous permettre de réfléchir à l'avenir, de lever un certain nombre d'ambiguïtés sur l'utilisation des associations et leurs relations avec les collectivités publiques, en un mot d'approfondir le débat sur les libertés associatives. En effet un autre des résultats du sondage CSA doit nous alerter : 44% des français seulement estiment qu'elles sont assez transparentes. Il nous faudrait certainement repréciser aujourd'hui ces belles notions d'adhésion, de bénévolat, d'utilité sociale, de non lucrativité, de gestion désintéressée, certainement aussi moderniser un certain nombre de pratiques, de règles fiscales ou comptables, de modalités de contrôle de la gestion associative.
Mais ce qui me semble primordial du point de vue des collectivités publiques - et je pense que cette question sera au cur de vos deux colloques - c'est d'être constamment attentif à ne pas réduire la vie associative à un système de sous- traitance, ou de concession d'un certain nombre de fonctions collectives. La complémentarité entre l'action de l'Etat et celle des associations doit se clarifier et se renforcer.
C'est la condition nécessaire pour que les associations culturelles s'inscrivent réellement dans les politiques culturelles locales. Leur rôle ne réside pas seulement dans la mise en uvre de politiques définies en amont, mais bien dans les concertations nécessaires à la définition de ces politiques. Les récentes lois sur l'organisation territoriale de notre pays insistent sur la participation des habitants, et l'on sait tous combien dans le domaine culturel, cette participation est la clef de la réussite. Parce que vous êtes au plus près des désirs et des pratiques, parce que vous en êtes issus tout simplement, vous êtes en mesure de placer le citoyen au cur du projet culturel et de construire ainsi des réponses de notre temps. C'est ainsi que s'enrichit l'action culturelle et que les écarts creusés par les inégalités sociales et géographiques peuvent se réduire.
Un secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation ne peut envisager une nouvelle phase de décentralisation culturelle sans avoir pour souci prioritaire le développement de la démocratie participative.
Celle-ci possède une vitalité et une créativité extraordinaires que nous sous-évaluons. C'est le constat qui s'impose à moi, à travers mes très nombreux déplacements et ces rencontres avec le pays culturel que j'ai systématisées depuis mon arrivée au gouvernement.
La réflexion sur la décentralisation n'a de sens que si elle s'inscrit dans la perspective plus large d'une refondation démocratique de nos institutions. Elle doit faire sa part aux exigences citoyennes nouvelles en matière d'efficacité de l'action publique, d'association plus complète à la décision et d'une meilleure prise en compte des identités culturelles.
C'est le sens du rapport remis au Premier Ministre par Pierre Mauroy, synthèse des travaux de la commission pour l'avenir de la décentralisation et qui s'intitule " refonder l'action publique locale ".
A la suite de la remise de ce rapport, Lionel Jospin, à Lille le 23 octobre dernier, a engagé le Gouvernement vers une nouvelle étape de la décentralisation en jetant les bases d'un débat national. Il a demandé à l'ensemble des ministères d'entreprendre notamment les expérimentations qui devraient, à terme, dessiner le nouveau visage des compétences et des responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales.
Personnellement, et en étroite concertation avec Catherine Tasca, je me suis attaché dès ma prise de fonction à mettre en place de nouveaux outils au service de cette nouvelle étape : des protocoles expérimentaux de décentralisation portant prioritairement sur le patrimoine et les enseignements artistiques seront mis en uvre cette année, un nouveau statut juridique d'établissement public de coopération culturelle devrait répondre à l'attente de tous ceux qui souhaitent non seulement dynamiser les partenariats, mais bâtir une nouvelle figure de la responsabilité publique dans le champ artistique et culturel.
Il va de soi que ce travail de modernisation des outils de gestion comme des statuts devrait contribuer à libérer les associations de fonctions et de tâches multiples qui ont pesé indûment sur elles ces dernières années.
Enfin, et avant de passer la parole à Pierre Mauroy, sachez que le ministère de la culture travaille actuellement sur des projets de publications concernant la situation actuelle des associations culturelles en termes quantitatifs et qualitatifs et que les résultats d'une étude du Département des études et de la prospective consacrée aux associations dans le domaine du patrimoine devraient être communiqués prochainement. Par ailleurs, une étude réalisée par le Centre d'études de l'emploi sur la mise en uvre du programme " nouveaux services-emplois jeunes " dans le secteur culturel vient d'être achevée et doit faire l'objet d'une publication à la Documentation française au 1er semestre 2001. Je vous rappelle qu'à la fin 2000, ce sont 13600 emplois-jeunes qui concernent des projets culturels, soit 11% de l'ensemble des emplois-jeunes, et que 61% d'entre eux travaillent dans une association. D'ailleurs, un certain nombre des fédérations de la COFAC doivent se réunir prochainement à Parthenay avec la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles sur ce sujet.
Permettez-moi enfin, puisque nous sommes dans une période de voeux, de vous souhaiter à tous une très bonne année 2001, riche en réflexion et en projets et pour notre démocratie, un nouveau siècle de liberté d'association.
(source http://www.culture.gouv.fr, le17 janvier 2001)