Texte intégral
C'est un moment fort de l'histoire de notre pays que nous célébrons aujourd'hui. La loi qui érige les anciennes colonies en départements d'Outre-Mer est symbolique de la force de notre République, de ses valeurs. Car cette loi a fait vivre la Liberté, l'Egalité et la Fraternité - elle en est une incarnation.
Au lendemain des pages sombres et douloureuses de la seconde guerre mondiale, faites de déshonneur mais aussi d'honneur et d'héroïsme d'un petit nombre qui a racheté la lâcheté du grand nombre, la loi du 19 mars 1946 s'inspire du programme du Conseil national de la Résistance qui allait refonder la République. Elle annonce les grands principes qui guideront les rédacteurs de la Constitution de 1946 et dont le préambule rappelle que la France forme avec les peuples d'Outre-Mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs sans distinction de races ni de religion.
La loi de départementalisation écarte tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire et les régimes spéciaux. Elle vise à garantir à tous l'égal accès aux fonctions publiques et à l'exercice des droits et libertés... Elle intervient, certes tardivement, mais avec quelle force comme un écho lointain à la proclamation du colonel d'infanterie Louis DELGRES, qui dans son indéfectible attachement à la République, alla jusqu'au sacrifice suprême sur les hauteurs de Matouba..
Cette loi, qui a été votée à l'unanimité par l'Assemblée constituante, a été portée par des hommes à qui je voulais rendre hommage : Messieurs Raymond VERGES, Léon de LEPERVANCHE, Léopold BISSOL ou encore Georges GRATIANT...
Je n'oublie pas, naturellement, Aimé CESAIRE, qui venait d'être élu maire de Fort de France et député de la Martinique à 32 ans, porteur des nombreux espoirs et de l'aspiration à l'identité des populations ultra marines, et qui en sera le rapporteur. Il est à l'origine du néologisme de « départementalisation », qu'il préférera toujours à « assimilation ».
Ces hommes de conviction resteront pour l'Histoire ceux qui ont porté l'attachement des populations de la Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane à une France dont elles partageaient, et partagent encore, au-delà des différences, au delà des distances qui les séparaient, bien plus alors qu'aujourd'hui de la métropole, les valeurs communes d'un pacte républicain fondé sur la liberté, l'égalité et la fraternité.
Ce bouleversement de statut ne s'est pas fait en un jour, et le rattrapage au bénéfice de nos concitoyens ultra marins a connu plusieurs vagues de réalisations ou d'attentes. Il s'est accompagné de réformes successives pour imposer l'égalité des droits économiques et sociaux, de questions permanentes, nourries par le débat démocratique, sur le degré d'assimilation.
Car les mots ont un sens : l'assimilation était en 1946 une revendication portée depuis un siècle dans les anciennes colonies pour s'émanciper du fait colonial. Il s'agissait d'apporter une réponse positive à une aspiration légitime à la liberté et à l'égalité de droit. Mais l'assimilation est aussi porteuse de perte d'identité et de négation des différences. Chaque territoire, en métropole et plus bien plus encore outre mer a une histoire, une culture, des réalités, des aspirations qui lui sont propres et qu'il faut savoir respecter sans remettre en cause l'unité et l'indivisibilité de la Nation.
C'est pour permettre à chacun de mieux vivre sa propre identité, dans le respect du pacte républicain, à travers une démocratie renouvelée fondée sur un nouvel équilibre des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales, que le Président de la République a voulu la réforme constitutionnelle de 2003 et l'avènement d'une République décentralisée.
Cet équilibre aujourd'hui reconnu entre assimilation, particularités, diversités, respect des différences et unité au sein de la République trouve sa source au coeur même de la loi de 1946.
La départementalisation de l'outrer mer, aujourd'hui modernisée et adaptée aux attentes de notre époque fait de la France un exemple unique d'organisation institutionnelle, où chacun par-delà les mers, par-delà les différences culturelles, religieuses, par-delà les origines, a les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Mais la départementalisation de 1946 n'a pas constitué un progrès que pour les « quatre vieilles ». Elle a également donné une nouvelle dimension à la France ; elle a consacré son unité en dehors de ses frontières européennes ; elle l'a enracinée dans les espaces Amérique et Océan Indien. C'est une formidable opportunité, c'est une importante responsabilité qui échoit aujourd'hui aux départements d'Outre Mer, d'être dans leur environnement régional, l'image de la République, à la fois si loin et si près de la métropole.
Comme les Antilles sont la France de la Caraïbe, la Guyane celle du continent sud américain, la Réunion est la France de l'Océan Indien. Les unes et les autres sont au coeur du maintien et du développement de la coopération régionale, d'une francophonie porteuse de nos valeurs communes et dont chacun sent bien que sans cette présence affirmée, elle serait fortement menacée.
Cette dimension particulière que les départements d'Outre Mer donnent à la France, ils la donnent également à l'Europe puisque la départementalisation a permis que les quatre DOM soient intégrés, dès l'origine des traités, à l'espace communautaire et à l'aventure européenne. Les DOM bénéficient à ce titre de l'ensemble des politiques communautaires à l'identique des territoires du continent européen. Mais ils bénéficient en outre du statut particulier de Régions ultra périphériques, qui permet d'adapter les règles communautaires en fonction des caractéristiques locales propres. Cet équilibre au sein de l'Europe, entre assimilation et adaptation, a permis ces dernières décennies aux quatre DOM de bénéficier d'un formidable progrès économique et social, de contribuer à développer, structurer, organiser et moderniser leurs économies. C'est bien, en définitive, la loi de 1946 qui l'a permis.
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, le législateur de 1946 peut être s'enorgueillir d'avoir contribué à façonner la Réunion, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe d'aujourd'hui ; il peut aussi s'enorgueillir d'avoir contribué à façonner la France d'aujourd'hui, une France riche de ses diversités qui s'enracinent dans un socle commun de valeurs.
Je salue l'initiative des élus réunionnais qui ont souhaité marquer cet important anniversaire. A un moment où la France se retourne sur son passé, où elle aspire à mieux comprendre les pages glorieuses, comme plus sombres de son histoire, à un moment où elle s'interroge sur ce passé colonial qui a fait couler beaucoup d'encre, l'évolution des départements d'outre mer en 60 ans montre, s'il en était besoin, que la départementalisation peut être considérée comme ayant été un véritable modèle de décolonisation.
Je vous remercie. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 29 mars 2006
Au lendemain des pages sombres et douloureuses de la seconde guerre mondiale, faites de déshonneur mais aussi d'honneur et d'héroïsme d'un petit nombre qui a racheté la lâcheté du grand nombre, la loi du 19 mars 1946 s'inspire du programme du Conseil national de la Résistance qui allait refonder la République. Elle annonce les grands principes qui guideront les rédacteurs de la Constitution de 1946 et dont le préambule rappelle que la France forme avec les peuples d'Outre-Mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs sans distinction de races ni de religion.
La loi de départementalisation écarte tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire et les régimes spéciaux. Elle vise à garantir à tous l'égal accès aux fonctions publiques et à l'exercice des droits et libertés... Elle intervient, certes tardivement, mais avec quelle force comme un écho lointain à la proclamation du colonel d'infanterie Louis DELGRES, qui dans son indéfectible attachement à la République, alla jusqu'au sacrifice suprême sur les hauteurs de Matouba..
Cette loi, qui a été votée à l'unanimité par l'Assemblée constituante, a été portée par des hommes à qui je voulais rendre hommage : Messieurs Raymond VERGES, Léon de LEPERVANCHE, Léopold BISSOL ou encore Georges GRATIANT...
Je n'oublie pas, naturellement, Aimé CESAIRE, qui venait d'être élu maire de Fort de France et député de la Martinique à 32 ans, porteur des nombreux espoirs et de l'aspiration à l'identité des populations ultra marines, et qui en sera le rapporteur. Il est à l'origine du néologisme de « départementalisation », qu'il préférera toujours à « assimilation ».
Ces hommes de conviction resteront pour l'Histoire ceux qui ont porté l'attachement des populations de la Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane à une France dont elles partageaient, et partagent encore, au-delà des différences, au delà des distances qui les séparaient, bien plus alors qu'aujourd'hui de la métropole, les valeurs communes d'un pacte républicain fondé sur la liberté, l'égalité et la fraternité.
Ce bouleversement de statut ne s'est pas fait en un jour, et le rattrapage au bénéfice de nos concitoyens ultra marins a connu plusieurs vagues de réalisations ou d'attentes. Il s'est accompagné de réformes successives pour imposer l'égalité des droits économiques et sociaux, de questions permanentes, nourries par le débat démocratique, sur le degré d'assimilation.
Car les mots ont un sens : l'assimilation était en 1946 une revendication portée depuis un siècle dans les anciennes colonies pour s'émanciper du fait colonial. Il s'agissait d'apporter une réponse positive à une aspiration légitime à la liberté et à l'égalité de droit. Mais l'assimilation est aussi porteuse de perte d'identité et de négation des différences. Chaque territoire, en métropole et plus bien plus encore outre mer a une histoire, une culture, des réalités, des aspirations qui lui sont propres et qu'il faut savoir respecter sans remettre en cause l'unité et l'indivisibilité de la Nation.
C'est pour permettre à chacun de mieux vivre sa propre identité, dans le respect du pacte républicain, à travers une démocratie renouvelée fondée sur un nouvel équilibre des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales, que le Président de la République a voulu la réforme constitutionnelle de 2003 et l'avènement d'une République décentralisée.
Cet équilibre aujourd'hui reconnu entre assimilation, particularités, diversités, respect des différences et unité au sein de la République trouve sa source au coeur même de la loi de 1946.
La départementalisation de l'outrer mer, aujourd'hui modernisée et adaptée aux attentes de notre époque fait de la France un exemple unique d'organisation institutionnelle, où chacun par-delà les mers, par-delà les différences culturelles, religieuses, par-delà les origines, a les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Mais la départementalisation de 1946 n'a pas constitué un progrès que pour les « quatre vieilles ». Elle a également donné une nouvelle dimension à la France ; elle a consacré son unité en dehors de ses frontières européennes ; elle l'a enracinée dans les espaces Amérique et Océan Indien. C'est une formidable opportunité, c'est une importante responsabilité qui échoit aujourd'hui aux départements d'Outre Mer, d'être dans leur environnement régional, l'image de la République, à la fois si loin et si près de la métropole.
Comme les Antilles sont la France de la Caraïbe, la Guyane celle du continent sud américain, la Réunion est la France de l'Océan Indien. Les unes et les autres sont au coeur du maintien et du développement de la coopération régionale, d'une francophonie porteuse de nos valeurs communes et dont chacun sent bien que sans cette présence affirmée, elle serait fortement menacée.
Cette dimension particulière que les départements d'Outre Mer donnent à la France, ils la donnent également à l'Europe puisque la départementalisation a permis que les quatre DOM soient intégrés, dès l'origine des traités, à l'espace communautaire et à l'aventure européenne. Les DOM bénéficient à ce titre de l'ensemble des politiques communautaires à l'identique des territoires du continent européen. Mais ils bénéficient en outre du statut particulier de Régions ultra périphériques, qui permet d'adapter les règles communautaires en fonction des caractéristiques locales propres. Cet équilibre au sein de l'Europe, entre assimilation et adaptation, a permis ces dernières décennies aux quatre DOM de bénéficier d'un formidable progrès économique et social, de contribuer à développer, structurer, organiser et moderniser leurs économies. C'est bien, en définitive, la loi de 1946 qui l'a permis.
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, le législateur de 1946 peut être s'enorgueillir d'avoir contribué à façonner la Réunion, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe d'aujourd'hui ; il peut aussi s'enorgueillir d'avoir contribué à façonner la France d'aujourd'hui, une France riche de ses diversités qui s'enracinent dans un socle commun de valeurs.
Je salue l'initiative des élus réunionnais qui ont souhaité marquer cet important anniversaire. A un moment où la France se retourne sur son passé, où elle aspire à mieux comprendre les pages glorieuses, comme plus sombres de son histoire, à un moment où elle s'interroge sur ce passé colonial qui a fait couler beaucoup d'encre, l'évolution des départements d'outre mer en 60 ans montre, s'il en était besoin, que la départementalisation peut être considérée comme ayant été un véritable modèle de décolonisation.
Je vous remercie. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 29 mars 2006