Texte intégral
Mesdames et Messieurs les journalistes,
J'ai présenté au Conseil des ministres ce matin le projet de loi de programme sur les matières et les déchets radioactifs.
Grâce à l'implication exemplaire des établissements de recherche, de leurs évaluateurs ainsi que de parlementaires investis sur ce sujet, nous pouvons aujourd'hui marquer une étape décisive vers une solution sûre et de très long terme pour tous les déchets radioactifs.
La loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs a lancé 15 années de recherche sur ce sujet et a prévu qu'en 2006 un nouveau projet de loi serait présenté pour en faire le bilan. J'ai le plaisir de vous dire que nous sommes aujourd'hui au rendez-vous.
Comme toute industrie, l'industrie nucléaire produit des déchets, qu'il convient de gérer avec la plus grande rigueur compte tenu de leur caractère radioactif.
La recherche des solutions de gestion à long terme de ces déchets est nécessaire, quelle que soit la place que le nucléaire occupe dans notre politique énergétique : des déchets ont été produits depuis 40 ans ; ils sont là et il nous appartient de les gérer. C'est valable pour toutes les nations qui ont choisi cette énergie.
Pour 85 % du volume de ces déchets des solutions définitives existent déjà : ils sont stockés en surface sur des sites exploités par l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (Andra) dans les départements de la Manche et de l'Aube. Les 15 % restant, qui concentrent 99,9 % de la radioactivité, sont entreposés de façon sûre dans des installations de surface à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Mais celles-ci n'ont pas été conçues pour stocker définitivement ces déchets, dont la radioactivité peut durer des centaines de milliers d'années.
Pour définir des solutions de gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue, seuls trois axes de recherches scientifiques apparaissent possibles.
Le premier axe est la séparation des différents produits contenus dans les combustibles usés et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Il vise à réduire le volume et la toxicité des déchets, en séparant les éléments les plus toxiques et à vie longue et en les transformant en éléments radioactifs à durée de vie plus courte. Il est actuellement étudié à Marcoule, dans le Gard.
Le second axe est le stockage, irréversible ou réversible, des déchets en couche géologique profonde. Il a été étudié notamment grâce au laboratoire de Bure, à la frontière des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, dans une couche géologique vieille de 150 millions d'années, profonde et stable.
Le troisième axe concerne l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface des déchets.
Pour établir ce projet de loi, nous nous sommes fondés sur les résultats de ces recherches, mais pas uniquement.
Nous nous sommes appuyés sur les rapports des établissements de recherche, ainsi que sur les avis rendus par les organismes indépendants qui ont évalué ces études :
- Le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'Andra, m'ont remis le 30 juin dernier, ainsi qu'à mon collègue en charge de la recherche, les rapports synthétisant leurs études et les résultats acquis ;
- Ces recherches ont été soumises à une évaluation continue de la Commission nationale d'évaluation (CNE) créée par la loi de 1991. Ils ont également été confrontés aux meilleures connaissances acquises au niveau international : des revues ont été organisées sous l'égide de l'OCDE. Enfin, l'Autorité de sûreté nucléaire a émis un avis sur ces résultats
Je veux souligner également l'apport très précieux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment au travers des recommandations faites par les députés Claude BIRRAUX et Christian BATAILLE dans le cadre du dernier rapport qu'ils ont publié en mars 2005.
Nous avons également complété ces éléments avec un débat public. Celui-ci a été organisé de façon remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre 2005. Il a permis à nos concitoyens de s'informer sur ce sujet et d'exprimer leurs préoccupations. Il a éclairé le Gouvernement en lui apportant un « panorama des arguments ». Enfin, nous avons reçu la semaine dernière l'avis du Conseil économique et social.
J'ai choisi de vous présenter les principaux objectifs et dispositions de ce projet.
En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Ce plan inclura non seulement les déchets de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires : les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium ou encore les anciens paratonnerres au radium
Le projet de loi fixe trois principes essentiels qui fonderont ce plan :
a) afin de rechercher la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales ;
b) les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface ;
c) enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes qui ne peuvent pas être stockés définitivement en surface ou en faible profondeur seront placés dans un stockage en couche géologique profonde, qui devra être réversible pendant une première période.
Pour le Gouvernement, c'est une question de responsabilité : notre génération, qui bénéficie ici et maintenant de l'énergie nucléaire, a le devoir de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs. Avec le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l'entreposage en surface pour refroidissement des déchets et enfin leur stockage géologique réversible, nous choisissons une solution sûre C'est l'objet de ce plan.
Autre grand principe du plan : le projet de loi confirme l'interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforce la législation sur ce sujet. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux qui fixeront des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement. Ces délais seront fixés au cas par cas en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet crée un régime de contrôles et de sanctions qui n'avait pas été prévu en 1991.
En second lieu, le projet fixe un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, pour mettre en oeuvre ce plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Les recherches seront poursuivies selon les trois axes, selon leur degré de maturité respectif :
- l'entreposage est déjà une réalité industrielle même si on peut encore l'améliorer ;
- le stockage dans la couche géologique a été reconnu par les évaluateurs comme la solution technique de référence. Il faudra quelques années à l'Andra pour compléter les études, choisir un site précis et déposer, une demande d'autorisation de construction ;
- la transmutation reste un objectif de plus long terme puisqu'il faut développer une nouvelle génération de réacteurs nucléaires pour pouvoir aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes. Un prototype sera mis en service vers 2020.
Les trois axes sont complémentaires et il n'y a pas lieu de les opposer : chacun a son utilité, mais pas au même moment ou pour les mêmes déchets. La loi tire ainsi un bilan des 15 années de recherche scientifique réalisées et fixe des orientations pour la poursuite des recherches et études jusqu'à la réalisation d'installations.
En troisième lieu, le projet de loi renforce l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation sur ce sujet en prévoyant des procédures particulièrement complètes.
La commission nationale d'évaluation voit son indépendance réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Elle continuera de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche.
Le comité local d'information et de suivi est maintenu mais devra s'adresser d'avantage que par le passé au grand public : sa mission est précisée, sa présidence confiée au Président du Conseil Général et son financement devient indépendant des producteurs de déchets.
Le projet de loi prévoit que le stockage pourra être autorisé par décret du Premier Ministre, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, débat et enquête publics et avis des collectivités locales concernées. Aucune installation industrielle ne fait l'objet d'une procédure aussi complète.
La décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourra intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auront été remplies. D'ici là, des entreposages sûrs continueront d'accueillir les déchets. Dans le cas où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique, ce que je n'ai aujourd'hui aucune raison de penser, ces entreposages continueront de jouer ce rôle pendant le temps nécessaire.
Sur ce sujet emblématique des débats entre Science et Société, la recherche scientifique est nécessaire mais ne suffit pas : nous continuerons et renforcerons les évaluations indépendantes, l'information et la concertation pour permettre à chacun de se faire son opinion et de s'assurer de la sûreté des solutions proposées.
Dans cet esprit, j'ai souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus public.
En inscrivant ce programme dans un calendrier, nous avançons dans la mise en uvre de solutions de gestion sûres et pérennes pour chaque type de déchets radioactifs, de façon contrôlée au plan technique, au plan administratif et au plan financier.
En dernier lieu, le projet de loi apporte les outils nécessaires pour financer la gestion des déchets.
Deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeront les recherches sur la gestion des déchets radioactifs et les actions de développement économique dans les départements concernés.
Pour financer le démantèlement et la gestion des déchets, les industriels du nucléaire, au premier rang desquels EDF, devront constituer dès provisions, affecter dès maintenant les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions et les gérer en toute sécurité.
Le coût prévisionnel de la gestion des déchets est déjà dans le prix de l'électricité. Pour donner un ordre de grandeur, la facture moyenne d'électricité d'un foyer est de 600 euros par an ; sur cette facture le coût de la gestion des déchets correspondants représente 10 euros. Bien gérées, les sommes ainsi collectées pourront financer, le moment venu, les charges de long terme. Ce n'est pas à l'Etat de le faire. C'est aux producteurs de déchets. Et ils doivent le faire dès maintenant.
Ce projet de loi sera déposé officiellement sur le bureau de l'Assemblée Nationale aujourd'hui. Il devrait y être discuté à partir du 6 avril. Dès cet après midi, je le présenterai à la Commission des Affaires économiques. Je le présenterai ensuite au Sénat. Je souhaite qu'il soit voté avant la fin de l'été 2006, ainsi que l'a voulu le Président de la République dans ses voeux aux forces vives de la Nation.
C'est au Parlement, à la représentation nationale qu'il reviendra finalement de décider de l'avenir de ce sujet important. Les choix que nous ferons permettront d'apporter une solution au problème des déchets radioactifs en fixant le cadre, les étapes et les moyens de leur gestion. Le travail parlementaire permettra d'examiner ce texte en profondeur et de l'améliorer.
Comme je le fais pour l'énergie nucléaire en général, j'ai souhaité que ce sujet des déchets radioactifs - qui, je le répète, nous concerne tous en tant que consommateur d'électricité et en tant que citoyens attentifs à la protection de la santé et de l'environnement - que ce sujet soit abordé sans tabou et que chacun puisse s'en informer et en discuter.
Pour cela, un site Internet dédié est ouvert
Vous pouvez y retrouver tous les éléments et contributions qui nous ont aidé à élaborer ce projet de loi. Vous pourrez également y suivre l'évolution de la discussion au Parlement.
L'industrie nucléaire procure des avantages importants à notre pays, en réduisant notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles importées, en produisant 80 % de notre électricité à un coût compétitif et en participant à la maîtrise de nos émissions de gaz à effets de serre. Grâce à cela, nous émettons par habitant 40 % de CO2 de moins que nos voisins allemands ou danois.
Avec cette loi, ce Gouvernement propose au Parlement de prendre nos responsabilités. L'électricité irrigue toutes les activités économiques et sociales : nous devons en gérer tous les conséquences sans reporter les questions sur les générations futures. C'est aussi cela le développement durable. C'est l'objet de ce projet de loi.
C'est dans cet esprit de responsabilité vis-à-vis des générations futures et de transparence vis-à-vis du public, que nous proposons cette loi au Parlement. C'est aux scientifiques de trouver des solutions sûres ; c'est aux experts indépendants de les évaluer ; et c'est à l'Etat de prendre les décisions, en veillant à l'information du public et à la concertation. Avec cette loi, c'est ce que nous faisons.
Je vous remercie de votre attention et je vous invite à poser les questions que vous souhaitez.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mars 2006
J'ai présenté au Conseil des ministres ce matin le projet de loi de programme sur les matières et les déchets radioactifs.
Grâce à l'implication exemplaire des établissements de recherche, de leurs évaluateurs ainsi que de parlementaires investis sur ce sujet, nous pouvons aujourd'hui marquer une étape décisive vers une solution sûre et de très long terme pour tous les déchets radioactifs.
La loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs a lancé 15 années de recherche sur ce sujet et a prévu qu'en 2006 un nouveau projet de loi serait présenté pour en faire le bilan. J'ai le plaisir de vous dire que nous sommes aujourd'hui au rendez-vous.
Comme toute industrie, l'industrie nucléaire produit des déchets, qu'il convient de gérer avec la plus grande rigueur compte tenu de leur caractère radioactif.
La recherche des solutions de gestion à long terme de ces déchets est nécessaire, quelle que soit la place que le nucléaire occupe dans notre politique énergétique : des déchets ont été produits depuis 40 ans ; ils sont là et il nous appartient de les gérer. C'est valable pour toutes les nations qui ont choisi cette énergie.
Pour 85 % du volume de ces déchets des solutions définitives existent déjà : ils sont stockés en surface sur des sites exploités par l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (Andra) dans les départements de la Manche et de l'Aube. Les 15 % restant, qui concentrent 99,9 % de la radioactivité, sont entreposés de façon sûre dans des installations de surface à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Mais celles-ci n'ont pas été conçues pour stocker définitivement ces déchets, dont la radioactivité peut durer des centaines de milliers d'années.
Pour définir des solutions de gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue, seuls trois axes de recherches scientifiques apparaissent possibles.
Le premier axe est la séparation des différents produits contenus dans les combustibles usés et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Il vise à réduire le volume et la toxicité des déchets, en séparant les éléments les plus toxiques et à vie longue et en les transformant en éléments radioactifs à durée de vie plus courte. Il est actuellement étudié à Marcoule, dans le Gard.
Le second axe est le stockage, irréversible ou réversible, des déchets en couche géologique profonde. Il a été étudié notamment grâce au laboratoire de Bure, à la frontière des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, dans une couche géologique vieille de 150 millions d'années, profonde et stable.
Le troisième axe concerne l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface des déchets.
Pour établir ce projet de loi, nous nous sommes fondés sur les résultats de ces recherches, mais pas uniquement.
Nous nous sommes appuyés sur les rapports des établissements de recherche, ainsi que sur les avis rendus par les organismes indépendants qui ont évalué ces études :
- Le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'Andra, m'ont remis le 30 juin dernier, ainsi qu'à mon collègue en charge de la recherche, les rapports synthétisant leurs études et les résultats acquis ;
- Ces recherches ont été soumises à une évaluation continue de la Commission nationale d'évaluation (CNE) créée par la loi de 1991. Ils ont également été confrontés aux meilleures connaissances acquises au niveau international : des revues ont été organisées sous l'égide de l'OCDE. Enfin, l'Autorité de sûreté nucléaire a émis un avis sur ces résultats
Je veux souligner également l'apport très précieux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment au travers des recommandations faites par les députés Claude BIRRAUX et Christian BATAILLE dans le cadre du dernier rapport qu'ils ont publié en mars 2005.
Nous avons également complété ces éléments avec un débat public. Celui-ci a été organisé de façon remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre 2005. Il a permis à nos concitoyens de s'informer sur ce sujet et d'exprimer leurs préoccupations. Il a éclairé le Gouvernement en lui apportant un « panorama des arguments ». Enfin, nous avons reçu la semaine dernière l'avis du Conseil économique et social.
J'ai choisi de vous présenter les principaux objectifs et dispositions de ce projet.
En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Ce plan inclura non seulement les déchets de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires : les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium ou encore les anciens paratonnerres au radium
Le projet de loi fixe trois principes essentiels qui fonderont ce plan :
a) afin de rechercher la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales ;
b) les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface ;
c) enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes qui ne peuvent pas être stockés définitivement en surface ou en faible profondeur seront placés dans un stockage en couche géologique profonde, qui devra être réversible pendant une première période.
Pour le Gouvernement, c'est une question de responsabilité : notre génération, qui bénéficie ici et maintenant de l'énergie nucléaire, a le devoir de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs. Avec le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l'entreposage en surface pour refroidissement des déchets et enfin leur stockage géologique réversible, nous choisissons une solution sûre C'est l'objet de ce plan.
Autre grand principe du plan : le projet de loi confirme l'interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforce la législation sur ce sujet. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux qui fixeront des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement. Ces délais seront fixés au cas par cas en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet crée un régime de contrôles et de sanctions qui n'avait pas été prévu en 1991.
En second lieu, le projet fixe un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, pour mettre en oeuvre ce plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Les recherches seront poursuivies selon les trois axes, selon leur degré de maturité respectif :
- l'entreposage est déjà une réalité industrielle même si on peut encore l'améliorer ;
- le stockage dans la couche géologique a été reconnu par les évaluateurs comme la solution technique de référence. Il faudra quelques années à l'Andra pour compléter les études, choisir un site précis et déposer, une demande d'autorisation de construction ;
- la transmutation reste un objectif de plus long terme puisqu'il faut développer une nouvelle génération de réacteurs nucléaires pour pouvoir aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes. Un prototype sera mis en service vers 2020.
Les trois axes sont complémentaires et il n'y a pas lieu de les opposer : chacun a son utilité, mais pas au même moment ou pour les mêmes déchets. La loi tire ainsi un bilan des 15 années de recherche scientifique réalisées et fixe des orientations pour la poursuite des recherches et études jusqu'à la réalisation d'installations.
En troisième lieu, le projet de loi renforce l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation sur ce sujet en prévoyant des procédures particulièrement complètes.
La commission nationale d'évaluation voit son indépendance réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Elle continuera de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche.
Le comité local d'information et de suivi est maintenu mais devra s'adresser d'avantage que par le passé au grand public : sa mission est précisée, sa présidence confiée au Président du Conseil Général et son financement devient indépendant des producteurs de déchets.
Le projet de loi prévoit que le stockage pourra être autorisé par décret du Premier Ministre, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, débat et enquête publics et avis des collectivités locales concernées. Aucune installation industrielle ne fait l'objet d'une procédure aussi complète.
La décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourra intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auront été remplies. D'ici là, des entreposages sûrs continueront d'accueillir les déchets. Dans le cas où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique, ce que je n'ai aujourd'hui aucune raison de penser, ces entreposages continueront de jouer ce rôle pendant le temps nécessaire.
Sur ce sujet emblématique des débats entre Science et Société, la recherche scientifique est nécessaire mais ne suffit pas : nous continuerons et renforcerons les évaluations indépendantes, l'information et la concertation pour permettre à chacun de se faire son opinion et de s'assurer de la sûreté des solutions proposées.
Dans cet esprit, j'ai souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus public.
En inscrivant ce programme dans un calendrier, nous avançons dans la mise en uvre de solutions de gestion sûres et pérennes pour chaque type de déchets radioactifs, de façon contrôlée au plan technique, au plan administratif et au plan financier.
En dernier lieu, le projet de loi apporte les outils nécessaires pour financer la gestion des déchets.
Deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeront les recherches sur la gestion des déchets radioactifs et les actions de développement économique dans les départements concernés.
Pour financer le démantèlement et la gestion des déchets, les industriels du nucléaire, au premier rang desquels EDF, devront constituer dès provisions, affecter dès maintenant les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions et les gérer en toute sécurité.
Le coût prévisionnel de la gestion des déchets est déjà dans le prix de l'électricité. Pour donner un ordre de grandeur, la facture moyenne d'électricité d'un foyer est de 600 euros par an ; sur cette facture le coût de la gestion des déchets correspondants représente 10 euros. Bien gérées, les sommes ainsi collectées pourront financer, le moment venu, les charges de long terme. Ce n'est pas à l'Etat de le faire. C'est aux producteurs de déchets. Et ils doivent le faire dès maintenant.
Ce projet de loi sera déposé officiellement sur le bureau de l'Assemblée Nationale aujourd'hui. Il devrait y être discuté à partir du 6 avril. Dès cet après midi, je le présenterai à la Commission des Affaires économiques. Je le présenterai ensuite au Sénat. Je souhaite qu'il soit voté avant la fin de l'été 2006, ainsi que l'a voulu le Président de la République dans ses voeux aux forces vives de la Nation.
C'est au Parlement, à la représentation nationale qu'il reviendra finalement de décider de l'avenir de ce sujet important. Les choix que nous ferons permettront d'apporter une solution au problème des déchets radioactifs en fixant le cadre, les étapes et les moyens de leur gestion. Le travail parlementaire permettra d'examiner ce texte en profondeur et de l'améliorer.
Comme je le fais pour l'énergie nucléaire en général, j'ai souhaité que ce sujet des déchets radioactifs - qui, je le répète, nous concerne tous en tant que consommateur d'électricité et en tant que citoyens attentifs à la protection de la santé et de l'environnement - que ce sujet soit abordé sans tabou et que chacun puisse s'en informer et en discuter.
Pour cela, un site Internet dédié est ouvert
Vous pouvez y retrouver tous les éléments et contributions qui nous ont aidé à élaborer ce projet de loi. Vous pourrez également y suivre l'évolution de la discussion au Parlement.
L'industrie nucléaire procure des avantages importants à notre pays, en réduisant notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles importées, en produisant 80 % de notre électricité à un coût compétitif et en participant à la maîtrise de nos émissions de gaz à effets de serre. Grâce à cela, nous émettons par habitant 40 % de CO2 de moins que nos voisins allemands ou danois.
Avec cette loi, ce Gouvernement propose au Parlement de prendre nos responsabilités. L'électricité irrigue toutes les activités économiques et sociales : nous devons en gérer tous les conséquences sans reporter les questions sur les générations futures. C'est aussi cela le développement durable. C'est l'objet de ce projet de loi.
C'est dans cet esprit de responsabilité vis-à-vis des générations futures et de transparence vis-à-vis du public, que nous proposons cette loi au Parlement. C'est aux scientifiques de trouver des solutions sûres ; c'est aux experts indépendants de les évaluer ; et c'est à l'Etat de prendre les décisions, en veillant à l'information du public et à la concertation. Avec cette loi, c'est ce que nous faisons.
Je vous remercie de votre attention et je vous invite à poser les questions que vous souhaitez.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 mars 2006