Discours de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur le plan d'action gouvernemental de lutte contre la contrefaçon par l'aide à la protection industrielle et intellectuelle, la sensiblisation des consommateurs, et la sanction des contrefacteurs, Paris le 22 mars 2006.

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Circonstance : 11ème Forum européen de la propriété intellectuelle (Union des fabricants) à Paris le 22 mars 2006

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi d'introduire la deuxième journée du 11ème forum européen de la propriété intellectuelle et je voudrais remercier l'Union des fabricants de m'y avoir invitée.
Vos travaux d'hier ont démontré que face au fléau de la contrefaçon, le fatalisme n'est pas de mise. Même si la réalité de la contrefaçon est vertigineuse - de 5 à 7 % du commerce mondial - même si les conséquences sont dramatiques pour nos économies - 30 000 emplois perdus chaque année en France, 200 000 en Europe - même si les conséquences sont tragiques pour notre santé - 8 à 10 % des médicaments en circulation seraient faux avec des situations encore pire dans certains pays d'Afrique, vos intervenants ont montré qu'il était possible d'agir et de lutter efficacement contre la contrefaçon.
Vous le savez, le Gouvernement a fait du combat contre la contrefaçon une priorité en agissant selon 3 axes dans la suite du plan d'actions gouvernemental du 2 juin 2004 :
- favoriser la protection industrielle et intellectuelle
Face au fléau de la contrefaçon, il est essentiel que nos entreprises soient armées et se protègent, notamment par le dépôt de brevets. Encore beaucoup trop d'entreprises, notamment des PME, négligent de protéger leur création et exportent leurs produits sans prendre les précautions nécessaires qui leur permettraient de se retourner contre des contrefacteurs.
Chaque année en France, seuls 5 000 brevets internationaux sont déposés contre 200 000 aux Etats-Unis.
Le réseau d'experts qui a été mis en place dans les missions économiques à l'étranger est là pour aider les entreprises à se protéger et à aborder l'exportation dans les différents pays avec la possibilité de recourir à la justice.
Par ailleurs, des discussions ont lieu au sein de l'OMC afin de rendre cohérentes les politiques en matière de propriété intellectuelle qui sont encore disparates (protection tridimensionnelle, protection des dessins).
- sensibiliser les consommateurs
Les Français doivent savoir qu'en achetant des produits contrefaits, ils ne font pas que léser des pans entiers de notre économie. Ils nuisent également à l'emploi en France, mettent en danger leur santé et se rendent complices de truands internationaux.
Cette prise de conscience est encore insuffisante. Un sondage de 2005 montrait que 51 % des Français ne sont pas dissuadés d'acheter des produits contrefaits : la sensibilisation de nos compatriotes doit être renforcée. C'est le sens des campagnes menées dans les aéroports à l'occasion des périodes de vacances et que le Gouvernement va compléter par une campagne audiovisuelle dans les semaines qui viennent.
Les Français doivent comprendre qu'en consommant des produits contrefaits, c'est de manière directe ou indirecte à eux-mêmes qu'ils nuisent.
- sanctionner les contrefacteurs
Dans la suite du plan d'action du 2 juin 2004 qui a considérablement renforcé l'action des douanes, la politique du Gouvernement en la matière est, et le restera, de sanctionner les acheteurs et les contrefacteurs avec justice et sévérité : notre arsenal législatif est l'un des meilleurs d'Europe puisque la contrefaçon relève du pénal. Cette situation est loin d'être la même dans tous les pays d'Europe et le Gouvernement français soutient le travail de la Commission européenne sur un projet de directive visant à pénaliser les infractions et délits relatifs à la contrefaçon.
Cette politique de répression doit également être mise en oeuvre dans les pays de transit et dans les pays producteurs.
Je me rendrai en Turquie au mois de juin afin de sensibiliser les autorités sur le fléau de la contrefaçon et le caractère prioritaire d'une politique volontaire et efficace de lutte contre la contrefaçon.
Quant à la Chine, je me réjouis de voir les autorités progressivement s'investir dans la lutte contre la contrefaçon : beaucoup reste à faire et le Gouvernement français continuera à agir pour que ce grand pays, qui va jouer un rôle majeur dans le commerce mondial, respecte les règles d'un commerce juste, équitable, non biaisé où chacun est rétribué selon son talent et son travail et où le vol et la spoliation sont réprimés.
Vos travaux dans cette deuxième et dernière journée vont être consacrés au défi que la mondialisation pose à la protection de la propriété intellectuelle.
L'ouverture des marchés et la croissance importante des échanges qui en découle, l'expansion spectaculaire d'Internet ou l'accroissement de notre mobilité à l'échelle de la planète remettent en cause les outils de protection de la propriété intellectuelle.
Nos comportements changent et prennent une dimension mondiale ce qui nous oblige à adapter la riposte aux contrefacteurs.
Le Gouvernement est déterminé à faire évoluer notre arsenal législatif et réglementaire pour prendre en compte les nouveaux modes de contrefaçon.
L'expansion d'Internet est à cet égard un défi majeur :
* d'abord parce qu'Internet permet aux contrefacteurs situés à l'étranger de toucher des acheteurs français, notamment à travers les sites de vente en ligne ;
* ensuite parce qu'Internet est devenu le lieu de la contrefaçon numérique où se piratent les logiciels, la musique, la vidéo, les photographies ou encore les livres.
Cette menace immatérielle nécessite une réponse adaptée. C'est pourquoi dans le projet de loi sur le droit d'auteur qui est en cours d'examen par le Parlement, le Gouvernement a poursuivi deux objectifs :
- permettre l'acquisition d'oeuvres numériques sur Internet ;
- protéger la créativité et la rémunération des artistes, gage de diversité.
L'objectif est de concilier la liberté des créateurs et la liberté des internautes.
C'est pourquoi le Gouvernement est opposé au système de licence globale et s'est attaché à bâtir un système de répression adapté qui distingue la copie pour usage privé de l'organisation d'une contrefaçon de masse.
En conclusion, et avant de vous souhaiter des travaux riches et productifs, je tiens à vous assurer de la détermination du Gouvernement à lutter contre la contrefaçon et de son soutien aux démarches que les industriels, à travers l'Union des fabricants, initient pour combattre ce fléau.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 28 mars 2006