Lettre de M. Jacques Freidel, président de la CGPME, à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la suppression des aides forfaitaires pour les contrats de qualification et la prime pour les contrats d'apprentissage dans les entreprises de dix salariés et plus, Puteaux le 6 novembre 2000.

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Texte intégral

Madame la Ministre,
Les entreprises petites et moyennes sont actuellement confrontées à des problèmes de grande ampleur.
Il s'agit bien sûr, en premier lieu, de l'application du nouveau dispositif légal relatif aux 35 heures à propos duquel, vous le savez, nous souhaitons des aménagements rapides. Il s'agit notamment du niveau du contingent d'heures supplémentaires libre que nous souhaitons voir porté à 200 heures ou un chiffre proche et de la rémunération des heures supplémentaires pour lesquelles, en particulier, nous souhaitons la pérennisation de la rémunération limitée - 10 % - des quatre premières d'entre elles. Ceci permettrait d'éviter l'apparition de graves difficultés dans un nombre important de ces entreprises.
A côté de ce premier type de préoccupations, je souhaite aujourd'hui particulièrement attirer votre attention sur l'inquiétude que suscitent les projets de textes (un décret et un projet de loi) visant à supprimer les aides forfaitaires pour les contrats de qualification et la prime pour les contrats d'apprentissage dans les entreprises de dix salariés et plus.
Nous considérons en effet que le dispositif proposé est un mauvais dispositif. Il correspond à une triple erreur.
En premier lieu, erreur d'analyse, il faudrait d'ailleurs dire erreurs au pluriel.
D'abord, en effet, les " aides forfaitaires " et primes prévues pour les contrats de qualification et d'apprentissage ne sont pas des aides au sens classique du terme. Ce sont des sommes destinées à compenser le surcoût pour les entreprises, particulièrement ressenti dans les P.M.E., de l'insertion et de la formation des jeunes.
Ensuite, la progression ou le redressement des formules d'alternance destinées aux jeunes est souvent fragile et rien en la matière n'est acquis. On le voit par exemple en examinant l'évolution des contrats de qualification en 1998 et 1999 puisque ceux-ci n'ont progressé que de 1,57 % entre ces deux années. Parier, en l'absence des " aides forfaitaires " et des primes, sur l'augmentation permanente des contrats est donc extrêmement risqué.
Enfin, la réussite des formules destinées aux jeunes repose notamment sur la pérennité des règles. Changer à nouveau ces règles, après les modifications introduites encore récemment par le Décret du 12 Octobre 1998 sur le public susceptible de bénéficier de l'" aide forfaitaire " dans le cadre du contrat de qualification, aboutit à contredire ce principe de base.
En second lieu, erreur en ce qui concerne l'emploi des jeunes.
La très grande majorité des contrats d'apprentissage, des contrats de qualification et des contrats d'adaptation sont passés dans les P.M.E. (par exemple, près de 85 % des contrats de qualification et 70 % des contrats d'adaptation sont conclus dans les établissements de moins de 200 salariés).
Sachant, on l'a expliqué, que les P.M.E. ont un besoin fondamental des " aides forfaitaires " et des primes, leur suppression brutale ne peut qu'engendrer une baisse très forte des différents contrats. L'exemple des contrats d'adaptation en 1988 est là pour le prouver puisque, du fait de la suppression des incitations financières, ceux-ci sont passés de 250 000 en 1987 à moins de 100 000 en 1988. Ce sont, in fine, les jeunes qui en pâtiront.
En dernier lieu, erreur (et effets pervers) en ce qui concerne l'organisation et le financement du système de l'insertion en alternance et de l'apprentissage.
A titre d'exemple, la suppression des " aides forfaitaires " pour le contrat de qualification risque d'entraîner un report, au moins partiel, sur les contrats d'apprentissage pour lesquels alors se posera un grave problème de financement, y compris au niveau des Conseils Régionaux.
Dès lors, ne sera-t-on pas tenté, comme cela se fait (anormalement) depuis plusieurs années, d'opérer de nouveaux prélèvements sur les sommes détenues par l'AGEFAL (Association de Gestion du Fonds des Formations en Alternance) et le COPACIF (Comité Paritaire du Congé Individuel de Formation), sommes issues, il faut le redire, des contributions des entreprises ?
Nous demandons donc très fermement le maintien de ces " aides forfaitaires " et primes. Si un aménagement du système des " aides forfaitaires " et des primes devait intervenir malgré tout, nous considérons qu'il est indispensable qu'elles soient maintenues pour les entreprises de moins de 250 salariés (ce seuil étant le seuil plafond pour la définition européenne des P.M.E.-P.M.I.).
Vous remerciant par avance de l'attention que vous voudrez bien accorder à ces remarques,
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l'assurance de ma haute considération.
(source http://www.cgpme.net, le 16 février 2001)