Texte intégral
Monsieur le Premier ministre bienvenu.
Bonjour J.-P. Elkabbach !
Merci d'être là et bonjour, est-ce que vous partez ?
J.-P. Elkabbach, rien ne justifie aujourd'hui un départ. On m'a accusé, injustement sur la base de déclarations qui ont été tronquées. Ces déclarations elles viennent d'être démenties ce matin - c'est bien la preuve que je n'ai jamais demandé que l'on enquête sur une quelconque personnalité politique, qu'elle soit de droite ou de gauche. Alors je vous le dis avec beaucoup de calme, mais en même temps, avec beaucoup d'émotion. Je suis choqué, je suis indigné par la campagne de rumeur et de calomnie de ces derniers jours. Elle me vise moi, mais elle vise aussi à salir toute notre démocratie et ce aux yeux des Français et aux yeux de l'opinion internationale et je ne l'accepte pas. Alors maintenant, il n'y a qu'une chose qui compte, c'est que la vérité soit établie. Je demande donc que la justice puisse disposer de tous les moyens nécessaires pour établir les responsabilités de chacun. Pour ma part, j'apporterai tout mon concours à la justice en répondant à ses éventuelles questions, je suis à sa disposition si elle le souhaite. Mais la vérité elle a une exigence, c'est qu'on ne cède pas à l'instrumentalisation, qu'on ne cède pas à la passion. La vérité ce n'est pas le lynchage, on peut ne pas être du même bord politique, mais on doit se respecter.
Alors on entend ce que vous venez de dire avec beaucoup de gravité, essayons encore de pousser et de comprendre là-dessus. Ce matin vous nous dites : je ne démissionne pas, c'est ça ?
C'est clair, oui J.-P. Elkabbach.
La question qui vous sera posée sans arrêt, jour après jour, est-ce que vous n'êtes pas en sursis ? Et d'autre part, on entend cela ne peut pas durer, cela ne peut plus durer, est-ce que pour vous il y a un seuil de l'intenable ?
J.-P. Elkabbach, nous avons vécu au cours des dernières décennies, à chaque fois le même scénario, un an avant l'élection présidentielle, des passions, des critiques, des affaires. C'est à chaque fois la même chose et aujourd'hui dans un contexte où les choses vont mieux, nous avons de meilleurs résultats sur le front du chômage, 200.000 demandeurs d'emploi en moins. Une croissance qui repart et pourtant à quelques mois d'une échéance présidentielle, eh bien j'allais dire que la politique politicienne reprend ses droits, eh bien je le regrette. Je suis Premier ministre avec un souci, et je l'ai dit depuis longtemps, parce que je sentais bien que le risque existait - avec le souci d'une année utile pour les Français, la France ne peut pas se permettre de perdre du temps.
Est-ce que vous ne pensez pas que 2006 va être plutôt une année dominée, salie par les affaires ?
Eh bien je ferai tout pour l'éviter, parce que je pense que c'est l'intérêt de notre pays, nous avons un travail à faire, nous avons des décisions à prendre, nous avons à moderniser notre pays dans le domaine social, dans le domaine économique, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre la France sous cloche, entre parenthèses pendant tous ces mois. Mais vous vous rendez bien compte que depuis le CPE et avec cette crise de Clearstream, lorsque vous tenez ces propos, ils ne passent pas toujours, ils ne passent pas. Quel nom vous donnez-vous à ce que vit en ce moment le pays, une affaire d'état, une crise politique et morale, une crise d'un régime, qui tout doucement s'achève ? Je pense que c'est plus simplement un malaise profond de notre pays sur le plan social, une inquiétude devant l'avenir qui crée alors les conditions de toutes les maladies opportunistes. La moindre petite affaire, la moindre question est susceptible de prendre des proportions qu'elle ne mérite pas et il y a, de ce point, de vue, je le dis très clairement dans notre démocratie une perte de sang froid. Une perte d'esprit critique, une incapacité à poser les justes questions au bon moment pour éviter que tout s'envenime. Je crois que notre démocratie a besoin de se ressaisir et ce n'est pas, comme le pensent certains la question de tel ou tel régime, la question de nos institutions, non. C'est bien la question de la déontologie, la façon dont chacun fait son métier, les hommes politiques, les journalistes, tous ceux qui à un moment donné ont une responsabilité à apporter - chacun doit être à sa place.
Comment un Premier ministre fait aussi son métier, comment il est à sa place ? Mais vous disiez tout à l'heure lynchage, qui veut votre tête aujourd'hui, pourquoi tant de personnes rêvent, pour ce qui vous concerne et pour vous, je ne sais pas du bûcher, de la guillotine ?
J.-P. Elkabbach, je connais mon histoire comme vous et je sais ce qu'ont subi beaucoup de mes prédécesseurs, beaucoup des présidents de la République sous la Vème et je peux dire qu'on peut les citer les uns après les autres. C'est malheureusement le lot commun de la politique aujourd'hui. Plus vous montez et plus la tentation existe que l'on vous salisse, qu'on vous critique, qu'on vous expose dans des situations parfois auxquelles vous avez du mal à vous retrouver. Donc je crois qu'il faut raison garder, à un an d'une élection présidentielle, nous avons un intérêt commun, c'est que notre débat démocratique, et je le dis depuis le premier jour de ma prise de fonction, notre débat démocratique soit un débat serein qui puisse nous permettre d'aller au fond des choses. Eviter que la cristallisation sur des affaires ne conduise à la montée des extrêmes, au populisme, nous avons là un véritable de devoir ...
Parce qu'il y a cette menace !
Bien sûr qu'il y a cette menace...
Et le Front national se lèche les babines aujourd'hui avec tout ce qui se passe dans la majorité.
Et nous voyons bien aujourd'hui tous ceux qui peuvent profiter de telles situations.
D. de Villepin, vous tenez votre légitimité de Premier ministre du Président de la République, vous dites, vous restez, donc il vous maintient, est-ce qu'il vous soutient et il vous l'a dit ?
J'ai rencontré tout au long des dernières semaines et des derniers jours le Président de la République, la relation que j'ai avec le Président de la République, je l'ai dit et je le redis reste inchangée, c'est une relation de confiance avec un objectif, c'est la mission que m'a confiée le Président. Priorité à l'emploi, essayer d'avancer sur le front de l'emploi en faisant dix millions de chômage, (sic) priorité à l'action dans un moment où ce n'est pas facile, parce que c'est vrai que la tentation politicienne existe.
A condition qu'il n'y ait pas d'affaires ! Alors tout part de l'affaire Clearstream. On va poser un certain nombre de questions que tout le monde se pose aujourd'hui D. de Villepin. Vous êtes en janvier 2004, ministre des Affaires étrangères, le 9 janvier, vous convoquez l'as des services secrets, le général Rondot, qui ne dépend pas de vous, mais du Ministère de la Défense, pourquoi vous vous mêlez de cette affaire ?
Nous avons eu connaissance à cette époque de menaces qui étaient liées à des réseaux terroristes et mafieux. Je reçois ces informations je les fais vérifier, c'est ce que je demande au général Rondot, c'était le devoir qui était le mien, c'était ce que j'avais à faire. Je demande qu'on établisse la vraisemblance d'un certain nombre de menaces qui peuvent peser sur la sécurité nationale.
Et depuis quand connaissiez-vous l'existence du ficher Clearstream ?
Je n'ai à aucun moment eu connaissance et je ne me suis jamais intéressé à aucune liste. Je suis concerné par des menaces concernant du blanchiment d'argent qui peut servir à des réseaux terroristes ou à des réseaux mafieux.
Cela veut dire que vous vous interrogez aussi sur l'argent qui circule, vous dites, les mafieux, les terroristes, est-ce qu'il y a des rétro commissions occultes et est-ce que vous vous demandez si elles ont servi toutes ces sommes à financer des campagnes électorales, par exemple 2002 ou 1995 ?
J.-P. Elkabbach, je suis ministre des Affaires étrangères et je le suis dans un contexte où nous avons signé un certain nombre d'engagements internationaux. Je travaille sur la base des orientations qui ont été fixées par le Président de la République et la moralisation des grands marchés internationaux. Nous avons signé l'accord de l'an 2000, justement contre la corruption, donc, nous avons le souci d'éviter que l'image de la France, que les intérêts économiques de la France ne soient mis en cause. C'est dans ce contexte qu'il y a une célèbre affaire qui est celle des Frégate, qui est présente dans toutes les mémoires, les Frégate de Taiwan.
Qui est au point mort à ce moment là.
Bien évidemment je souhaite que la lumière soit faite et que nous évitions de nous retrouver placés dans une situation de menace.
Vous étiez au Quai d'Orsay, est-ce que vous avez confié cette mission confidentielle ou secrète à P. Rondot, sur instruction, recommandation, conseil du Président de la République ?
Je viens de vous le dire J.-P. Elkabbach, je travaille dans le cadre d'orientations qui ont été fixées par le Président de la République.
Vous l'avez dit à Rondot ?
Je travaille dans le cadre de ces orientations, pourquoi ? J.-P. Elkabbach, un ministre des Affaires étrangères, il suit une politique, cette politique, elle est fixée par le Président de la République. Le Président de la République a toujours assisté...et rappelez-vous, rappelez-vous à quel point les polémiques ont été importantes sur la signature de cet accord OCDE.
Donc vous confirmez, vous confirmez que vous avez pu dire au général Rondot...
Monsieur J.-P. Elkabbach, je confirme tout simplement qu'il y a des orientations fixées, des orientations générales fixées par le Président de la République, je travail dans le cadre de ces orientations. Ne cherchez pas à mêler le Président de la République dans une affaire qui ne le concerne pas.
Bien sûr !
Il y a des orientations, il y a des menaces, ma responsabilité à moi face à ces menaces c'est de faire en sorte d'en établir et de vérifier leur vraisemblance.
On ne veut pas le mêler de ce qui ne le regarde pas, mais il était au courant de toutes vos démarches ?
Le Président de la République savait que face à toute situation de ce type, son ministre des Affaires étrangères, c'est-à-dire D. de Villepin, aurait à coeur de faire en sorte que tout soit moralisé - c'est l'action et la responsabilité qui était la mienne.
Alors vous l'avez dit tout à l'heure, ce matin dans le Figaro, P. Rondot conteste la version de son audition publiée par Le Monde, beaucoup y a été mal interprété.
Je regrette d'ailleurs que le secret de l'instruction soit si mal respecté dans notre pays.
Ce n'est pas la première fois hélas !
Je le regrette.
Dans l'agenda de P. Rondot, les juges ont paraît-il trouvé une phrase : l'enjeu politique, N. Sarkozy, fixation Sarkozy, méfiance, le rappelait tout à l'heure P. Rance et il donne son interprétation personnelle du climat du 9 janvier. Pourquoi fixation, est-ce que c'était l'obsession à l'époque ? Je vous pose simplement la question et à l'obsession du duel, Villepin, Sarkozy à l'époque ?
A aucun moment J.-P. Elkabbach, rappelez-vous du contexte, à aucun moment le nom de N. Sarkozy n'a été évoqué dans cette réunion. J'avais un souci comme ministre des Affaires étrangères, c'est de faire en sorte que dans une opération d'évaluation, dans ce qui était l'objet, c'est-à-dire établir la vraisemblance, vérifier la vraisemblance de certaines informations, il n'y ait pas d'opposition entre les responsabilités du ministère des Affaires étrangères et les différents services qui sont ceux de notre pays. Nous avions connu dans le passé, pas si lointain, notamment sur l'affaire corse, des rivalités de services, je ne souhaitais pas que de telles rivalités puissent apparaître - je voulais éviter tout abcès de fixation entre le ministère de l'Intérieur, le ministre N. Sarkozy et M. Alliot-Marie. C'était le seul souci qui était le mien, c'est de faire en sorte que ces éclaircissements puissent être apportés tout à fait sereinement.
Poursuivons D. de Villepin, quand vous recevez le général Rondot ce jour là au Quai d'Orsay, il y a dans votre bureau J.-L. Gergorin, spécialiste des questions de Défense, alors un des responsables de la DS, que vous connaissez depuis longtemps.
Oui, j'ai travaillé avec lui à l'époque où il était chez du Centre d'analyse et de prévision, c'est un spécialiste de géostratégie et de la lutte contre le terrorisme.
Certes, mais qu'est-ce qu'il faisait dans votre bureau lorsque vous recevez Rondot ?
Il y avait un certain nombre d'éléments d'information qui ont été portés à ma connaissance qui justifiaient sa présence.
Mais en quoi cela le concernait ? Je vous le redis Monsieur J.L-P. Elkabbach, il y avait un certain nombre d'éléments qui étaient portés à ma connaissance, qui justifiaient sa présence.
C'est-à-dire, quels éléments...
Par exemple concernant l'évaluation.
Par exemple depuis novembre il sait qu'il y a des hommes d'affaires mêlés aux histoires des Frégate de Taiwan, il sort de sa veste, dit Rondot, le listing Clearstream, mais qu'est-ce qu'il fichait là ?
Je n'ai à aucun moment reçu de listing, je n'ai à aucun moment consulté de listing, je le redis. Il y a une menace qui est portée à ma connaissance, j'en demande la vérification au général Rondot.
A quel moment vous avez appris qu'il y avait des listes avec des noms de politiques : D. Strauss-Kahn, L. Fabius, J.-P. Chevenement, A. Madelin et N. Sarkozy, quand ?
Je suis informé, comme tout le monde, au moment où il y a des dénonciations calomnieuses à l'été 2004 où le nom de N. Sarkozy est cité, je rappelle qu'à ce moment là je suis ministre de l'Intérieur et que du fait de la mise en cause d'un certain nombre de responsables de ce ministère, je suis naturellement admis à demander à ce que des vérifications soient effectuées.
C'est à ce moment là que vous demandez à la DST parce que vous avez des soupçons toujours ?
Absolument et je n'ai d'ailleurs, il faut le mentionner, le résultat de ces vérifications qu'à l'automne, il s'agissait de manipulation et je n'ai jamais pu disposer d'éléments probants et concrets sur les auteurs possibles. Je rappelle les dates, l'été, et le résultat des vérifications qui intervient à l'automne 2004.
Et N. Sarkozy va découvrir en lisant Le Point au mois d'août, qu'il y avait des enquêtes qui le concernaient.
Il n'y a jamais eu d'enquêtes le concernant, premier élément, deuxièmement il est prévenu par le garde des sceaux quand son nom est mentionné.
Mais pourquoi, sachant, parce qu'il y a des gens qui ne comprennent pas, pourquoi sachant ce que vous saviez, vous n'avez rien dit aux politiques qui étaient cités à l'époque, et votre collègue qui était à côté, ministre de l'Economie, N. Sarkozy ?
J.-P. Elkabbach, ne me prêtez pas des informations que je n'avais pas. Je suis ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l'Intérieur et c'est la responsabilité, j'allais dire quotidienne d'un ministre dans des fonctions de ce type. Vous avez l'information d'une menace, vous demandez à ce qu'elle soit évaluée par la personne la plus compétente, le général Rondot, spécialiste et coordonnateur dans le domaine du renseignement me paraissait la personne la plus mieux placée pour le faire. C'est exactement ce que j'ai demandé.
A ce moment là, est-ce que vous prenez votre Premier ministre de l'époque, J.-P. Raffarin, est-ce qu'il est informé ?
J.-P. Elkabbach....
Non, ne me citez pas sans arrêt, parce que bon...
Non, mais parce que j'aimerais vraiment que vous compreniez ce qu'est le fonctionnement de l'Etat et ce qu'est la responsabilité d'un ministre.
D'accord, d'un ministre sous l'autorité du Premier ministre et l'autorité du Président de la République.
Oui, dans ce qui, à cette époque n'est pas l'affaire présentée aujourd'hui et qui est tout simplement une vérification de la vraisemblance d'une information, c'est de ma responsabilité...
Donc vous dites qu'en démocratie, c'est normal de contrôler, de vérifier.
Nous sommes après septembre 2001, à quelques mois des attentats de Madrid, il y a de façon récurrente des menaces contre notre pays, il y a toute une série de dossiers qui concernent les intérêts économiques de la France, - un certain nombre de grands marchés à l'étranger, où l'image de la France risque d'être ternie. Ma responsabilité c'est de vérifier une information, c'est véritablement ma fonction. Je n'ai fait dans cette affaire que mon devoir, rien que mon devoir et tout mon devoir.
D. de Villepin, vous le disiez tout à l'heure, vous voulez apporter votre concours à la justice pour qu'elle agisse à plus de grande transparence et indépendance. Les deux juges enquêtent en ce moment rapidement, on dit que Matignon pourrait être sur leur chemin, est-ce que, puisque vous prêtez votre concours, vous êtes prêt à les rencontrer ?
Mais J.-P. Elkabbach, on dit, vous avez vu la rumeur galoper tout au long des derniers jours dans des conditions scandaleuses, est-ce qu'une démocratie comme la démocratie française vit à l'heure de la rumeur ? Est-ce que nous sommes gouvernés par la rumeur, est ce que l'exercice normal c'est le lynchage, à partir de trois lignes tronquées d'un procès verbal, on fabrique une affaire dans notre pays, vous croyez que c'est tout à fait normal ?
Oui, on trouve aussi qu'il n'est pas normal qu'une affaire de justice parte de l'exploitation de lettres anonymes, comme le disait d'ailleurs M. Charasse...
Mais c'est scandaleux ... et c'est pour cela...
Est-ce qu'on ne peut pas en finir avec des procédures et des moeurs qui datent du régime de Vichy, comme le demande Charasse ?
Mais c'est bien pour cela et je l'ai dit pas plus tard qu'hier encore à N. Sarkozy. Je comprends que tous ceux qui ont été cités, soient profondément blessés. Les hommes politiques de droite, comme les hommes politiques de gauche. Et aujourd'hui il y a bien un intérêt commun que nous avons tous, et je l'ai dit encore à N. Sarkozy , c'est que la vérité s'établisse le plus rapidement possible.
Voilà un point commun à tous les deux.
Alors que tous ceux qui sont susceptibles d'avoir une information puissent le faire en toute transparence. Mais vous savez c'est cela une démocratie moderne, pourquoi est ce tous nos voisins toutes les grandes démocraties seraient capables devant des difficultés, devant des situations spécifiques qui à moment donné peuvent concerner la justice, pourquoi est ce qu'elles arrivaient toutes à procèduriser, à apporter les réponses de façon tout à fait sereine et normale et pourquoi est-ce que nous ne pourrions pas le faire nous-mêmes. Moi je suis prêt à répondre à toutes les questions qu'on pourrait me poser.
C'est-à-dire des juges.
De la justice, j'y réponds ce matin en ce qui concerne les médias, et je réponds bien sûr aux Français parce que j'ai la volonté d'être bien compris par certains.
Et à ce moment là vous demanderez d'être autorisé à le faire par le conseil des ministres.
C'est la procédure normale dans cette situation, c'est ce qu'a fait L. Jospin, je vous le rappelle il y a quelques années.
Les deux juges vont interroger à nouveau P. Rondot, vous le disiez d'ailleurs vous-même puis Monsieur P. Gergorin et puis d'autres dans un climat qui aura son lot de révélations. Est-ce que vous acceptez que les documents Clearstream secret défense soient déclassifiés ?
Mais Monsieur J.-P. Elkabbach ce n'est pas ma responsabilité, nous sommes dans un pays qui est un état de droit et je crois qu'il faut le rappeler fortement ce matin. Dans un état de droit, il y a des règles, il y a des procédures, chacun les connaît et il faut les respecter. Vous me permettrez de tirer, quand même parce que c'est ce qui intéresse les Français. Un certain nombre des leçons de ce que nous avons vécu. D'abord pour moi comme chef du gouvernement, plus que jamais nous avons besoin de faire respecter les règles de l'état de droit. Plus que jamais nous devons faire respecter les valeurs de justice et de vérité.
Mais est ce que c'est vous qui pourrait l'obtenir, alors que ..
J.-P. Elkabbach chacun d'entre nous et c'est notre responsabilité particulière, dans des périodes électorales. Je veux en tirer aussi une leçon pour notre démocratie, nous devons devenir une démocratie adulte, or nous le voyons bien..
Apaisée.
Apaisée, et nous voyons bien il y a encore beaucoup de problèmes, beaucoup d'efforts à faire dans ce domaine. Dans une démocratie normale, un gouvernement doit pouvoir travailler jusqu'au dernier jour d'un mandat, nous sommes à un an d'une élection présidentielle. J'ai pris un engagement c'est celui jusqu'au dernier jour de ma responsabilité devant les Français de faire en sorte que l'action, la décision puisse l'emporter. Nous voyons aujourd'hui la calomnie, le mensonge, l'emporter sur la réalité et la vérité. Il est difficile effectivement de travailler dans ces conditions là.
Le dernier jour...
Et pourtant c'est ce que je ferais jusqu'au terme de ma responsabilité.
C'est à dire ?
Je veux aussi...
C'est à dire ? C'est à dire, au mois de mai, avril, au moment de l'élection 2007 ou avant ?
Jusqu'au terme de la responsabilité qui m'a été confiée par le président de la République.
Et vous pensez que vous pourrez, face aux critiques, aux désordres, aux doutes, à la résistance, continuer à agir, à dire que vous voulez réformer, à décider ?
Mais bien sûr. Tout simplement parce que c'est l'intérêt de notre pays. Nous avons réussi à marquer des points importants dans la lutte contre le chômage. Aujourd'hui notre pays, parce que nous nous sommes donnés beaucoup de mal, retrouve le chemin de la croissance. Nous avons relancé l'investissement public, la consommation repart. Nos exportations sont fortement stimulées. C'est autant d'éléments qui permettent à notre pays de retrouver sa véritable place et de gagner. Nous avons des décisions à prendre, des décisions importantes dans le domaine de l'énergie. C'est un sujet qui préoccupe nos compatriotes.
Je vous poserais tout à l'heure quelques questions là dessus mais les Français qui essaient de voir comment fonctionnent leurs institutions, leur gouvernement, se demandent comment, par exemple tout à l'heure dans une demi-heure, vous allez recevoir pour le petit déjeuner de Matignon les dirigeants de l'UMP dont N. Sarkozy. Comment demain, comment tout à l'heure vous allez faire aussi en fin d'après midi votre séminaire avec le gouvernement, avec quelle autorité, quel crédit alors que vous êtes attaqué de l'extérieur ? Comment vous pourrez siéger devant le conseil des ministres avec M. Alliot-Marie, N. Sarkozy et d'autres ?
Dans votre vie personnelle J.-P. Elkabbach.
Je mêle jamais ma vie personnelle.
Eh bien, je vais vous en parler. Dans votre vie personnelle...
Vous avez des fiches ?
Non je n'ai pas de fiches.
D'écoute ?
Mais vous avez connu la calomnie, vous avez connu le mensonge. Eh bien la calomnie, le mensonge, quand vous êtes attaqué personnellement, jamais elle ne doit l'emporter. Ce n'est pas parce qu'un moment vous faites face à des difficultés que pour autant, vous ne devez pas remplir votre fonction. Rien ne m'empêchera de remplir la fonction qui est la mienne et je veux le faire avec sérénité. Je ne ressens aujourd'hui aucune rancoeur, aucune amertume, aucun esprit de vengeance. Je suis à ma tâche, je vais rencontrer tout à l'heure, dans quelques instants au petit déjeuner de la majorité, l'ensemble des responsables. Je serais tout à l'heure parce que je souhaite y aller, le Premier ministre ne s'y rend pas habituellement, au bureau du groupe. Je l'ai dit à B. Accoyer.
Vous pensez qu'ils vont vous soutenir ? Vous pensez qu'ils vont soutenir un Premier ministre qui est attaqué ?
Croyez vous quand la calomnie et le mensonge sont au rendez vous et que tout le monde sait pertinemment pourquoi à un moment donné, on veut s'attaquer à un Premier ministre, croyez vous qu'une majorité ne se ressoude pas ? Croyez vous que nous soyons pas capables de ressouder nos rangs et de faire face à la difficulté ?
Là c'est un appel.
Non c'est pas un appel.
C'est un appel que vous leur lancez.
C'est pas un appel.
Parce que de temps en temps, il y a eu des faiblesses.
C'est ce que j'ai vérifié tout au long des derniers jours. Et dans ces cas là, la responsabilité d'un chef, d'un chef de gouvernement comme de tout autre chef, c'est de continuer à se battre pour ce qu'il croit, c'est à dire le service des Français.
Vous avez eu la gentillesse de penser à un moment où j'étais victime de calomnie etc, sans faire de comparaison, j'ai vu où étaient mes amis ? Je pense que vous devez savoir quels sont vos amis. Est-ce que vous ferez un remaniement du gouvernement ? Est-ce que le président vous la refusé, si vous lui avez demandé ? Ou il vous autorisera à le faire le moment venu ?
Je ne crois pas et c'est l'expérience qui est la mienne, tout au long de ma vie, je ne crois pas à la logique des boucs émissaires. Je ne crois pas qu'il faille dans ces situations là, faire porter à tel et tel un chapeau qu'il ne mérite pas. Un gouvernement, ça traverse des épreuves. Eh bien, ça les surmonte. Il faut surmonter, ce gouvernement il doit être plus fort et mieux à même des répondre aux préoccupations des Français. C'est ce que nous voulons faire, je le redis, sur l'ensemble des sujets qui sont sur notre table.
Vous avez entendu, vous avez lu les journaux etc et vous avez entendu les dirigeants politiques depuis plusieurs jours. Ils réclament une initiative politique de grande envergure de la part du président de la République et le retour devant le peuple. Est-ce que vous croyez ou est-ce que vous voulez des élections anticipées ? Soit, attendez, soit pardon de vous le dire à vous une dissolution autant dire des législatives...
Je suis capable de tout entendre.
Aujourd'hui on a la peau dure. Premièrement des législatives, réponse.
Mais tout part d'un pétard mouillé. A partir d'un pétard mouillé, ce pays, notre pays, notre démocratie, s'affole et s'emballe sur la base de rumeurs. Est-ce qu'il faut à partir de ce moment là monter au sommet de l'Everest pour penser régler tous les problèmes ? Mais vous savez, c'est beaucoup plus simple que cela. Il suffit que chacun fasse son travail et donc que chaque responsable politique réexamine ses déclarations des derniers jours, à l'aune de la vérité des faits, que chacun laisse la justice sereinement faire son travail. Comment peut t-on imaginer dans notre pays que la justice puisse travailler sereinement dans le contexte des déclarations que j'ai vues les unes après les autres d'un certain nombre de responsables politiques qui ne connaissant rien à un dossier, politisent les choses.
C'est pas la première fois, la droite l'a fait, la gauche le fait. Tout le monde perd la boule à un moment donné. Vous dites là, ce matin...
Dans une démocratie moderne, soyons soucieux de responsabilité et soyons soucieux de transparence. Je veux que la vérité soit faite, c'est la responsabilité de la justice. Il appartient aux magistrats de dire cette vérité, de dire le droit et en ce qui concerne les politiques, qu'ils se soucient et soucions nous tous ensemble de l'avenir de notre pays et travaillons au service des Français.
C'est à dire, comme vous dites, à partir d'un pétard mouillé il y aura ni législatives, ni présidentielles anticipées. On tourne la page, c'est clair.
Les échéances auront lieu à l'heure dite parce que le premier défi pour notre démocratie, c'est d'être capable de surmonter des difficultés voire des épreuves en faisant en sorte que la démocratie, les règles de la transparence, les règles de vérité, soient respectées.
La politique c'est cruel mais ça vous le saviez.
Non j'ai jamais pensé que la vérité soit cruelle.
Non pas la vérité, la politique.
Non je n'ai jamais pensé que la politique soit cruelle. Il y a des difficultés, il y a des épreuves. On les surmonte. On les surmonte pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose qui dépasse tout cela, c'est l'idée que l'on se fait de son pays. C'est les valeurs qui vous conduisent à vous engager en politique et les raisons qui font que tous les matins, on se lève au service des Français.
Et est-ce qu'aujourd'hui, vous avez l'impression que vous pouvez affaiblir le chef de l'Etat en restant ou que vous servez de bouclier ?
Non je crois qu'en tant que Premier ministre, en apportant les réponses qui sont celles de notre pays et je vois bien aussi parce que les choses vont mieux, parce que le travail que nous avons fait depuis maintenant près d'un an est un travail qui donne des résultats, eh bien que ce Premier ministre est la cible d'un certain nombre de tirs croisés.
Est-ce que vous êtes favorable à une commission d'enquête sur le fonctionnement ou les disfonctionnements de certains services de l'Etat comme le demandent l'UDF, le PS, la gauche ?
Mais ce sont des très vieilles rengaines. Si il y a des disfonctionnements, on peut nommer toutes les commissions. Mais je vous rappelle que la justice est saisie et qu'il appartient à la justice de faire son travail.
On va prendre trois, quatre questions très concrètes. Demain commence le débat sur le projet de loi immigration choisie, est-ce qu'il est signé Sarkozy ou Villepin-Sarkozy.
Il est signé...
Quel est ou quels sont les pilotes ?
Il est signé du gouvernement tout entier puisque nous avons travaillé ensemble. Bien sûr N. Sarkozy est chef de file et vous vous rappelez que j'avais souhaité quand j'étais ministre de l'Intérieur qu'il y ait une véritable coordination qui puisse se faire sous l'égide du ministre de l'Intérieur. Donc c'est N. Sarkozy qui a préparé en liaison avec les autres ministres et sous l'autorité du Premier ministre, ce rapport qui comporte un certain nombre d'avancées qui sont nécessaires dans notre pays. Nous avons connu un certain nombre d'abus. Nous connaissons un certain nombre d'abus. C'est vrai en matière de regroupement familial, c'est vrai en matière de mariage mixte ou de mariage blanc. C'est vrai en matière de régularisation, système automatique dans notre pays. Nous voulons poser des règles, nous souhaitons qu'elles soient respectées mais nous voulons le faire dans la fidélité, à la tradition française, dans la fidélité à l'humanisme français. C'est à dire qu'à l'exigence de fermeté doit répondre une exigence d'humanité.
C'est ce que vous avez dit aux dignitaires des églises.
J'ai reçu les représentants des églises et c'est ce que je leur ai dit. Il est évident que nous souhaitons dans le cadre de la discussion enrichir le texte dans la mesure où cela est possible, dans la fidélité à l'esprit du texte parce que nous souhaitons que cette exigence d'humanité soit bien respectée.
Autre question, E. Izraelewicz racontait tout à l'heure que vous allez recevoir dans quelques jours le rapport de R. Hadas Lebel sur la représentativité des syndicats. C'est un rapport qui va être enterré ou vous allez le prendre en main avant de partir ?
J'ai reçu au cours des derniers jours un autre rapport important qui est le rapport Chertier sur le dialogue social. Je reçois celui sur la représentativité syndicale. Je n'ai pas l'habitude d'enterrer les rapports et je n'ai pas l'habitude de différer les décisions quand elles sont nécessaires. Donc bien évidemment dans la concertation qui s'est ouverte avec les partenaires sociaux et que nous poursuivons au cours des prochaines semaines, nous aborderons l'ensemble de ces questions et j'aurais à coeur avec eux, de prendre les décisions nécessaires.
Vous recevrez F. Chérèque, B. Thibault etc. Vous renouez avec eux ?
Absolument.
Alors les prix du pétrole et du gaz flambent. Qu'est-ce que vous allez faire pour que les Français paient pas les conséquences de ces hausses apparemment infinies ?
Alors je veux que nous établissions une règle, un principe. C'est à dire qu'à partir d'un certain seuil, à partir de 60 dollars le baril, il est à, autour de 75 dollars aujourd'hui, que l'Etat restitue aux consommateurs l'intégralité des surplus fiscaux. Je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté dans l'esprit de nos compatriotes. Il n'est pas normal qu'on puisse penser que l'Etat s'enrichit à partir de la hausse du prix du pétrole.
Le président de la République et vous-même D. de Villepin, vous répétez qu'il faut protéger la santé des Français, qu'il faut lutter contre toutes les formes de cancer etc. Formidable, c'est très bien. Mais quand allez vous décider d'interdire le tabac dans tous les lieux publics ?
C'est un dossier grave qui est confié à X. Bertrand. Je lui ai demandé d'évaluer et d'enrichir la concertation à travers un débat. Croyez bien que je n'ai pas à coeur que les, j'ai à coeur que les bonnes décisions soient prises rapidement. En tout état de cause avant la fin de l'année et si possible, ce que je souhaite, avant l'été. Je n'ai aucune envie d'enterrer aucune décision quand il s'agit de la santé publique des Français.
Et il s'agit pas de protéger telle ou telle corporation ou groupe social qui veut pas arrêter ?
Faisons en sorte de prendre en considération la situation des uns et des autres, faisons en sorte d'entendre les uns et les autres. Et je ne doute pas que nous soyons capables tous ensemble de prendre les bonnes décisions. Ces décisions là doivent être prises le plus rapidement possible.
Vous pensez que vous participerez bien à la campagne des présidentielles de 2007 ?
Vous savez je participerais...
Et à quelle place ?
A ma place.
A quel chef ?
De chef de gouvernement. Vous savez nous sommes tous différents. Prenons le gouvernement qui est le mien. Nous avons pas tous les mêmes tempéraments, pas forcément tous, pour tous les sujets, la même sensibilité et puis nous n'avons pas tout les mêmes ambitions. Moi je l'ai dit, mon ambition c'est d'être un chef du gouvernement dans une période difficile dans la vie de notre pays. A un moment de transition sur le plan social et économique qui aura contribué à la modernisation de notre pays. C'est cela l'ambition qui est la mienne.
Donc vous pourriez soutenir l'ambition de N. Sarkozy d'aller au-dessus ? Ailleurs ? A l'Elysée ?
Je souhaite bien évidemment de tout coeur contribuer à la victoire de la majorité et à soutenir celui qui sera choisi comme étant le mieux placé pour gagner ces élections.
On est en train de découvrir qu'un quinquennat, quelquefois c'est long hein ? Non ?
Non, vous savez il faut à chaque étape et chacun à sa place faire face aux difficultés. IL faut le faire avec la sérénité de ceux qui croient en ce qu'ils font et ceux qui ont de vraies raisons de le faire parce qu'ils aiment leur pays.
Il me semble que vous êtes plus détendu qu'au début de l'émission et c'est normal, je dirais moi aussi.
Mais c'est votre sourire.
C'est le vôtre. Mais vous garderez en tête que si presque tout ce qui est dit, presque, est faux ou en partie faux, pourquoi la majorité des Français croient que c'est la vérité ?
Mais vous connaissez le vieil adage, il y a pas de fumée sans feu. Et d'ailleurs le principe de la calomnie, c'est qu'il en reste toujours quelque chose. Et c'est bien pour cela que dans une démocratie, nous avons tous toujours intérêt à préserver l'essentiel. C'est à dire ce qui nous unit, l'esprit même de notre communauté nationale. Et c'est pour cela que dans des temps difficiles où il y a des décisions difficiles à prendre, l'unité, la cohésion de notre pays, le principe de justice doit être au coeur de chaque décision. C'est l'objectif que je me fixe tout au long des prochains mois.
Merci de ce moment D. de Villepin sur Europe 1. Est-ce que je vous recevrais une prochaine fois comme Premier ministre ? A votre avis ?
Je le souhaite en tout cas, fort vivement.
Bonne journée, bon courage.
Merci à vous.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mai 2006
Bonjour J.-P. Elkabbach !
Merci d'être là et bonjour, est-ce que vous partez ?
J.-P. Elkabbach, rien ne justifie aujourd'hui un départ. On m'a accusé, injustement sur la base de déclarations qui ont été tronquées. Ces déclarations elles viennent d'être démenties ce matin - c'est bien la preuve que je n'ai jamais demandé que l'on enquête sur une quelconque personnalité politique, qu'elle soit de droite ou de gauche. Alors je vous le dis avec beaucoup de calme, mais en même temps, avec beaucoup d'émotion. Je suis choqué, je suis indigné par la campagne de rumeur et de calomnie de ces derniers jours. Elle me vise moi, mais elle vise aussi à salir toute notre démocratie et ce aux yeux des Français et aux yeux de l'opinion internationale et je ne l'accepte pas. Alors maintenant, il n'y a qu'une chose qui compte, c'est que la vérité soit établie. Je demande donc que la justice puisse disposer de tous les moyens nécessaires pour établir les responsabilités de chacun. Pour ma part, j'apporterai tout mon concours à la justice en répondant à ses éventuelles questions, je suis à sa disposition si elle le souhaite. Mais la vérité elle a une exigence, c'est qu'on ne cède pas à l'instrumentalisation, qu'on ne cède pas à la passion. La vérité ce n'est pas le lynchage, on peut ne pas être du même bord politique, mais on doit se respecter.
Alors on entend ce que vous venez de dire avec beaucoup de gravité, essayons encore de pousser et de comprendre là-dessus. Ce matin vous nous dites : je ne démissionne pas, c'est ça ?
C'est clair, oui J.-P. Elkabbach.
La question qui vous sera posée sans arrêt, jour après jour, est-ce que vous n'êtes pas en sursis ? Et d'autre part, on entend cela ne peut pas durer, cela ne peut plus durer, est-ce que pour vous il y a un seuil de l'intenable ?
J.-P. Elkabbach, nous avons vécu au cours des dernières décennies, à chaque fois le même scénario, un an avant l'élection présidentielle, des passions, des critiques, des affaires. C'est à chaque fois la même chose et aujourd'hui dans un contexte où les choses vont mieux, nous avons de meilleurs résultats sur le front du chômage, 200.000 demandeurs d'emploi en moins. Une croissance qui repart et pourtant à quelques mois d'une échéance présidentielle, eh bien j'allais dire que la politique politicienne reprend ses droits, eh bien je le regrette. Je suis Premier ministre avec un souci, et je l'ai dit depuis longtemps, parce que je sentais bien que le risque existait - avec le souci d'une année utile pour les Français, la France ne peut pas se permettre de perdre du temps.
Est-ce que vous ne pensez pas que 2006 va être plutôt une année dominée, salie par les affaires ?
Eh bien je ferai tout pour l'éviter, parce que je pense que c'est l'intérêt de notre pays, nous avons un travail à faire, nous avons des décisions à prendre, nous avons à moderniser notre pays dans le domaine social, dans le domaine économique, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre la France sous cloche, entre parenthèses pendant tous ces mois. Mais vous vous rendez bien compte que depuis le CPE et avec cette crise de Clearstream, lorsque vous tenez ces propos, ils ne passent pas toujours, ils ne passent pas. Quel nom vous donnez-vous à ce que vit en ce moment le pays, une affaire d'état, une crise politique et morale, une crise d'un régime, qui tout doucement s'achève ? Je pense que c'est plus simplement un malaise profond de notre pays sur le plan social, une inquiétude devant l'avenir qui crée alors les conditions de toutes les maladies opportunistes. La moindre petite affaire, la moindre question est susceptible de prendre des proportions qu'elle ne mérite pas et il y a, de ce point, de vue, je le dis très clairement dans notre démocratie une perte de sang froid. Une perte d'esprit critique, une incapacité à poser les justes questions au bon moment pour éviter que tout s'envenime. Je crois que notre démocratie a besoin de se ressaisir et ce n'est pas, comme le pensent certains la question de tel ou tel régime, la question de nos institutions, non. C'est bien la question de la déontologie, la façon dont chacun fait son métier, les hommes politiques, les journalistes, tous ceux qui à un moment donné ont une responsabilité à apporter - chacun doit être à sa place.
Comment un Premier ministre fait aussi son métier, comment il est à sa place ? Mais vous disiez tout à l'heure lynchage, qui veut votre tête aujourd'hui, pourquoi tant de personnes rêvent, pour ce qui vous concerne et pour vous, je ne sais pas du bûcher, de la guillotine ?
J.-P. Elkabbach, je connais mon histoire comme vous et je sais ce qu'ont subi beaucoup de mes prédécesseurs, beaucoup des présidents de la République sous la Vème et je peux dire qu'on peut les citer les uns après les autres. C'est malheureusement le lot commun de la politique aujourd'hui. Plus vous montez et plus la tentation existe que l'on vous salisse, qu'on vous critique, qu'on vous expose dans des situations parfois auxquelles vous avez du mal à vous retrouver. Donc je crois qu'il faut raison garder, à un an d'une élection présidentielle, nous avons un intérêt commun, c'est que notre débat démocratique, et je le dis depuis le premier jour de ma prise de fonction, notre débat démocratique soit un débat serein qui puisse nous permettre d'aller au fond des choses. Eviter que la cristallisation sur des affaires ne conduise à la montée des extrêmes, au populisme, nous avons là un véritable de devoir ...
Parce qu'il y a cette menace !
Bien sûr qu'il y a cette menace...
Et le Front national se lèche les babines aujourd'hui avec tout ce qui se passe dans la majorité.
Et nous voyons bien aujourd'hui tous ceux qui peuvent profiter de telles situations.
D. de Villepin, vous tenez votre légitimité de Premier ministre du Président de la République, vous dites, vous restez, donc il vous maintient, est-ce qu'il vous soutient et il vous l'a dit ?
J'ai rencontré tout au long des dernières semaines et des derniers jours le Président de la République, la relation que j'ai avec le Président de la République, je l'ai dit et je le redis reste inchangée, c'est une relation de confiance avec un objectif, c'est la mission que m'a confiée le Président. Priorité à l'emploi, essayer d'avancer sur le front de l'emploi en faisant dix millions de chômage, (sic) priorité à l'action dans un moment où ce n'est pas facile, parce que c'est vrai que la tentation politicienne existe.
A condition qu'il n'y ait pas d'affaires ! Alors tout part de l'affaire Clearstream. On va poser un certain nombre de questions que tout le monde se pose aujourd'hui D. de Villepin. Vous êtes en janvier 2004, ministre des Affaires étrangères, le 9 janvier, vous convoquez l'as des services secrets, le général Rondot, qui ne dépend pas de vous, mais du Ministère de la Défense, pourquoi vous vous mêlez de cette affaire ?
Nous avons eu connaissance à cette époque de menaces qui étaient liées à des réseaux terroristes et mafieux. Je reçois ces informations je les fais vérifier, c'est ce que je demande au général Rondot, c'était le devoir qui était le mien, c'était ce que j'avais à faire. Je demande qu'on établisse la vraisemblance d'un certain nombre de menaces qui peuvent peser sur la sécurité nationale.
Et depuis quand connaissiez-vous l'existence du ficher Clearstream ?
Je n'ai à aucun moment eu connaissance et je ne me suis jamais intéressé à aucune liste. Je suis concerné par des menaces concernant du blanchiment d'argent qui peut servir à des réseaux terroristes ou à des réseaux mafieux.
Cela veut dire que vous vous interrogez aussi sur l'argent qui circule, vous dites, les mafieux, les terroristes, est-ce qu'il y a des rétro commissions occultes et est-ce que vous vous demandez si elles ont servi toutes ces sommes à financer des campagnes électorales, par exemple 2002 ou 1995 ?
J.-P. Elkabbach, je suis ministre des Affaires étrangères et je le suis dans un contexte où nous avons signé un certain nombre d'engagements internationaux. Je travaille sur la base des orientations qui ont été fixées par le Président de la République et la moralisation des grands marchés internationaux. Nous avons signé l'accord de l'an 2000, justement contre la corruption, donc, nous avons le souci d'éviter que l'image de la France, que les intérêts économiques de la France ne soient mis en cause. C'est dans ce contexte qu'il y a une célèbre affaire qui est celle des Frégate, qui est présente dans toutes les mémoires, les Frégate de Taiwan.
Qui est au point mort à ce moment là.
Bien évidemment je souhaite que la lumière soit faite et que nous évitions de nous retrouver placés dans une situation de menace.
Vous étiez au Quai d'Orsay, est-ce que vous avez confié cette mission confidentielle ou secrète à P. Rondot, sur instruction, recommandation, conseil du Président de la République ?
Je viens de vous le dire J.-P. Elkabbach, je travaille dans le cadre d'orientations qui ont été fixées par le Président de la République.
Vous l'avez dit à Rondot ?
Je travaille dans le cadre de ces orientations, pourquoi ? J.-P. Elkabbach, un ministre des Affaires étrangères, il suit une politique, cette politique, elle est fixée par le Président de la République. Le Président de la République a toujours assisté...et rappelez-vous, rappelez-vous à quel point les polémiques ont été importantes sur la signature de cet accord OCDE.
Donc vous confirmez, vous confirmez que vous avez pu dire au général Rondot...
Monsieur J.-P. Elkabbach, je confirme tout simplement qu'il y a des orientations fixées, des orientations générales fixées par le Président de la République, je travail dans le cadre de ces orientations. Ne cherchez pas à mêler le Président de la République dans une affaire qui ne le concerne pas.
Bien sûr !
Il y a des orientations, il y a des menaces, ma responsabilité à moi face à ces menaces c'est de faire en sorte d'en établir et de vérifier leur vraisemblance.
On ne veut pas le mêler de ce qui ne le regarde pas, mais il était au courant de toutes vos démarches ?
Le Président de la République savait que face à toute situation de ce type, son ministre des Affaires étrangères, c'est-à-dire D. de Villepin, aurait à coeur de faire en sorte que tout soit moralisé - c'est l'action et la responsabilité qui était la mienne.
Alors vous l'avez dit tout à l'heure, ce matin dans le Figaro, P. Rondot conteste la version de son audition publiée par Le Monde, beaucoup y a été mal interprété.
Je regrette d'ailleurs que le secret de l'instruction soit si mal respecté dans notre pays.
Ce n'est pas la première fois hélas !
Je le regrette.
Dans l'agenda de P. Rondot, les juges ont paraît-il trouvé une phrase : l'enjeu politique, N. Sarkozy, fixation Sarkozy, méfiance, le rappelait tout à l'heure P. Rance et il donne son interprétation personnelle du climat du 9 janvier. Pourquoi fixation, est-ce que c'était l'obsession à l'époque ? Je vous pose simplement la question et à l'obsession du duel, Villepin, Sarkozy à l'époque ?
A aucun moment J.-P. Elkabbach, rappelez-vous du contexte, à aucun moment le nom de N. Sarkozy n'a été évoqué dans cette réunion. J'avais un souci comme ministre des Affaires étrangères, c'est de faire en sorte que dans une opération d'évaluation, dans ce qui était l'objet, c'est-à-dire établir la vraisemblance, vérifier la vraisemblance de certaines informations, il n'y ait pas d'opposition entre les responsabilités du ministère des Affaires étrangères et les différents services qui sont ceux de notre pays. Nous avions connu dans le passé, pas si lointain, notamment sur l'affaire corse, des rivalités de services, je ne souhaitais pas que de telles rivalités puissent apparaître - je voulais éviter tout abcès de fixation entre le ministère de l'Intérieur, le ministre N. Sarkozy et M. Alliot-Marie. C'était le seul souci qui était le mien, c'est de faire en sorte que ces éclaircissements puissent être apportés tout à fait sereinement.
Poursuivons D. de Villepin, quand vous recevez le général Rondot ce jour là au Quai d'Orsay, il y a dans votre bureau J.-L. Gergorin, spécialiste des questions de Défense, alors un des responsables de la DS, que vous connaissez depuis longtemps.
Oui, j'ai travaillé avec lui à l'époque où il était chez du Centre d'analyse et de prévision, c'est un spécialiste de géostratégie et de la lutte contre le terrorisme.
Certes, mais qu'est-ce qu'il faisait dans votre bureau lorsque vous recevez Rondot ?
Il y avait un certain nombre d'éléments d'information qui ont été portés à ma connaissance qui justifiaient sa présence.
Mais en quoi cela le concernait ? Je vous le redis Monsieur J.L-P. Elkabbach, il y avait un certain nombre d'éléments qui étaient portés à ma connaissance, qui justifiaient sa présence.
C'est-à-dire, quels éléments...
Par exemple concernant l'évaluation.
Par exemple depuis novembre il sait qu'il y a des hommes d'affaires mêlés aux histoires des Frégate de Taiwan, il sort de sa veste, dit Rondot, le listing Clearstream, mais qu'est-ce qu'il fichait là ?
Je n'ai à aucun moment reçu de listing, je n'ai à aucun moment consulté de listing, je le redis. Il y a une menace qui est portée à ma connaissance, j'en demande la vérification au général Rondot.
A quel moment vous avez appris qu'il y avait des listes avec des noms de politiques : D. Strauss-Kahn, L. Fabius, J.-P. Chevenement, A. Madelin et N. Sarkozy, quand ?
Je suis informé, comme tout le monde, au moment où il y a des dénonciations calomnieuses à l'été 2004 où le nom de N. Sarkozy est cité, je rappelle qu'à ce moment là je suis ministre de l'Intérieur et que du fait de la mise en cause d'un certain nombre de responsables de ce ministère, je suis naturellement admis à demander à ce que des vérifications soient effectuées.
C'est à ce moment là que vous demandez à la DST parce que vous avez des soupçons toujours ?
Absolument et je n'ai d'ailleurs, il faut le mentionner, le résultat de ces vérifications qu'à l'automne, il s'agissait de manipulation et je n'ai jamais pu disposer d'éléments probants et concrets sur les auteurs possibles. Je rappelle les dates, l'été, et le résultat des vérifications qui intervient à l'automne 2004.
Et N. Sarkozy va découvrir en lisant Le Point au mois d'août, qu'il y avait des enquêtes qui le concernaient.
Il n'y a jamais eu d'enquêtes le concernant, premier élément, deuxièmement il est prévenu par le garde des sceaux quand son nom est mentionné.
Mais pourquoi, sachant, parce qu'il y a des gens qui ne comprennent pas, pourquoi sachant ce que vous saviez, vous n'avez rien dit aux politiques qui étaient cités à l'époque, et votre collègue qui était à côté, ministre de l'Economie, N. Sarkozy ?
J.-P. Elkabbach, ne me prêtez pas des informations que je n'avais pas. Je suis ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l'Intérieur et c'est la responsabilité, j'allais dire quotidienne d'un ministre dans des fonctions de ce type. Vous avez l'information d'une menace, vous demandez à ce qu'elle soit évaluée par la personne la plus compétente, le général Rondot, spécialiste et coordonnateur dans le domaine du renseignement me paraissait la personne la plus mieux placée pour le faire. C'est exactement ce que j'ai demandé.
A ce moment là, est-ce que vous prenez votre Premier ministre de l'époque, J.-P. Raffarin, est-ce qu'il est informé ?
J.-P. Elkabbach....
Non, ne me citez pas sans arrêt, parce que bon...
Non, mais parce que j'aimerais vraiment que vous compreniez ce qu'est le fonctionnement de l'Etat et ce qu'est la responsabilité d'un ministre.
D'accord, d'un ministre sous l'autorité du Premier ministre et l'autorité du Président de la République.
Oui, dans ce qui, à cette époque n'est pas l'affaire présentée aujourd'hui et qui est tout simplement une vérification de la vraisemblance d'une information, c'est de ma responsabilité...
Donc vous dites qu'en démocratie, c'est normal de contrôler, de vérifier.
Nous sommes après septembre 2001, à quelques mois des attentats de Madrid, il y a de façon récurrente des menaces contre notre pays, il y a toute une série de dossiers qui concernent les intérêts économiques de la France, - un certain nombre de grands marchés à l'étranger, où l'image de la France risque d'être ternie. Ma responsabilité c'est de vérifier une information, c'est véritablement ma fonction. Je n'ai fait dans cette affaire que mon devoir, rien que mon devoir et tout mon devoir.
D. de Villepin, vous le disiez tout à l'heure, vous voulez apporter votre concours à la justice pour qu'elle agisse à plus de grande transparence et indépendance. Les deux juges enquêtent en ce moment rapidement, on dit que Matignon pourrait être sur leur chemin, est-ce que, puisque vous prêtez votre concours, vous êtes prêt à les rencontrer ?
Mais J.-P. Elkabbach, on dit, vous avez vu la rumeur galoper tout au long des derniers jours dans des conditions scandaleuses, est-ce qu'une démocratie comme la démocratie française vit à l'heure de la rumeur ? Est-ce que nous sommes gouvernés par la rumeur, est ce que l'exercice normal c'est le lynchage, à partir de trois lignes tronquées d'un procès verbal, on fabrique une affaire dans notre pays, vous croyez que c'est tout à fait normal ?
Oui, on trouve aussi qu'il n'est pas normal qu'une affaire de justice parte de l'exploitation de lettres anonymes, comme le disait d'ailleurs M. Charasse...
Mais c'est scandaleux ... et c'est pour cela...
Est-ce qu'on ne peut pas en finir avec des procédures et des moeurs qui datent du régime de Vichy, comme le demande Charasse ?
Mais c'est bien pour cela et je l'ai dit pas plus tard qu'hier encore à N. Sarkozy. Je comprends que tous ceux qui ont été cités, soient profondément blessés. Les hommes politiques de droite, comme les hommes politiques de gauche. Et aujourd'hui il y a bien un intérêt commun que nous avons tous, et je l'ai dit encore à N. Sarkozy , c'est que la vérité s'établisse le plus rapidement possible.
Voilà un point commun à tous les deux.
Alors que tous ceux qui sont susceptibles d'avoir une information puissent le faire en toute transparence. Mais vous savez c'est cela une démocratie moderne, pourquoi est ce tous nos voisins toutes les grandes démocraties seraient capables devant des difficultés, devant des situations spécifiques qui à moment donné peuvent concerner la justice, pourquoi est ce qu'elles arrivaient toutes à procèduriser, à apporter les réponses de façon tout à fait sereine et normale et pourquoi est-ce que nous ne pourrions pas le faire nous-mêmes. Moi je suis prêt à répondre à toutes les questions qu'on pourrait me poser.
C'est-à-dire des juges.
De la justice, j'y réponds ce matin en ce qui concerne les médias, et je réponds bien sûr aux Français parce que j'ai la volonté d'être bien compris par certains.
Et à ce moment là vous demanderez d'être autorisé à le faire par le conseil des ministres.
C'est la procédure normale dans cette situation, c'est ce qu'a fait L. Jospin, je vous le rappelle il y a quelques années.
Les deux juges vont interroger à nouveau P. Rondot, vous le disiez d'ailleurs vous-même puis Monsieur P. Gergorin et puis d'autres dans un climat qui aura son lot de révélations. Est-ce que vous acceptez que les documents Clearstream secret défense soient déclassifiés ?
Mais Monsieur J.-P. Elkabbach ce n'est pas ma responsabilité, nous sommes dans un pays qui est un état de droit et je crois qu'il faut le rappeler fortement ce matin. Dans un état de droit, il y a des règles, il y a des procédures, chacun les connaît et il faut les respecter. Vous me permettrez de tirer, quand même parce que c'est ce qui intéresse les Français. Un certain nombre des leçons de ce que nous avons vécu. D'abord pour moi comme chef du gouvernement, plus que jamais nous avons besoin de faire respecter les règles de l'état de droit. Plus que jamais nous devons faire respecter les valeurs de justice et de vérité.
Mais est ce que c'est vous qui pourrait l'obtenir, alors que ..
J.-P. Elkabbach chacun d'entre nous et c'est notre responsabilité particulière, dans des périodes électorales. Je veux en tirer aussi une leçon pour notre démocratie, nous devons devenir une démocratie adulte, or nous le voyons bien..
Apaisée.
Apaisée, et nous voyons bien il y a encore beaucoup de problèmes, beaucoup d'efforts à faire dans ce domaine. Dans une démocratie normale, un gouvernement doit pouvoir travailler jusqu'au dernier jour d'un mandat, nous sommes à un an d'une élection présidentielle. J'ai pris un engagement c'est celui jusqu'au dernier jour de ma responsabilité devant les Français de faire en sorte que l'action, la décision puisse l'emporter. Nous voyons aujourd'hui la calomnie, le mensonge, l'emporter sur la réalité et la vérité. Il est difficile effectivement de travailler dans ces conditions là.
Le dernier jour...
Et pourtant c'est ce que je ferais jusqu'au terme de ma responsabilité.
C'est à dire ?
Je veux aussi...
C'est à dire ? C'est à dire, au mois de mai, avril, au moment de l'élection 2007 ou avant ?
Jusqu'au terme de la responsabilité qui m'a été confiée par le président de la République.
Et vous pensez que vous pourrez, face aux critiques, aux désordres, aux doutes, à la résistance, continuer à agir, à dire que vous voulez réformer, à décider ?
Mais bien sûr. Tout simplement parce que c'est l'intérêt de notre pays. Nous avons réussi à marquer des points importants dans la lutte contre le chômage. Aujourd'hui notre pays, parce que nous nous sommes donnés beaucoup de mal, retrouve le chemin de la croissance. Nous avons relancé l'investissement public, la consommation repart. Nos exportations sont fortement stimulées. C'est autant d'éléments qui permettent à notre pays de retrouver sa véritable place et de gagner. Nous avons des décisions à prendre, des décisions importantes dans le domaine de l'énergie. C'est un sujet qui préoccupe nos compatriotes.
Je vous poserais tout à l'heure quelques questions là dessus mais les Français qui essaient de voir comment fonctionnent leurs institutions, leur gouvernement, se demandent comment, par exemple tout à l'heure dans une demi-heure, vous allez recevoir pour le petit déjeuner de Matignon les dirigeants de l'UMP dont N. Sarkozy. Comment demain, comment tout à l'heure vous allez faire aussi en fin d'après midi votre séminaire avec le gouvernement, avec quelle autorité, quel crédit alors que vous êtes attaqué de l'extérieur ? Comment vous pourrez siéger devant le conseil des ministres avec M. Alliot-Marie, N. Sarkozy et d'autres ?
Dans votre vie personnelle J.-P. Elkabbach.
Je mêle jamais ma vie personnelle.
Eh bien, je vais vous en parler. Dans votre vie personnelle...
Vous avez des fiches ?
Non je n'ai pas de fiches.
D'écoute ?
Mais vous avez connu la calomnie, vous avez connu le mensonge. Eh bien la calomnie, le mensonge, quand vous êtes attaqué personnellement, jamais elle ne doit l'emporter. Ce n'est pas parce qu'un moment vous faites face à des difficultés que pour autant, vous ne devez pas remplir votre fonction. Rien ne m'empêchera de remplir la fonction qui est la mienne et je veux le faire avec sérénité. Je ne ressens aujourd'hui aucune rancoeur, aucune amertume, aucun esprit de vengeance. Je suis à ma tâche, je vais rencontrer tout à l'heure, dans quelques instants au petit déjeuner de la majorité, l'ensemble des responsables. Je serais tout à l'heure parce que je souhaite y aller, le Premier ministre ne s'y rend pas habituellement, au bureau du groupe. Je l'ai dit à B. Accoyer.
Vous pensez qu'ils vont vous soutenir ? Vous pensez qu'ils vont soutenir un Premier ministre qui est attaqué ?
Croyez vous quand la calomnie et le mensonge sont au rendez vous et que tout le monde sait pertinemment pourquoi à un moment donné, on veut s'attaquer à un Premier ministre, croyez vous qu'une majorité ne se ressoude pas ? Croyez vous que nous soyons pas capables de ressouder nos rangs et de faire face à la difficulté ?
Là c'est un appel.
Non c'est pas un appel.
C'est un appel que vous leur lancez.
C'est pas un appel.
Parce que de temps en temps, il y a eu des faiblesses.
C'est ce que j'ai vérifié tout au long des derniers jours. Et dans ces cas là, la responsabilité d'un chef, d'un chef de gouvernement comme de tout autre chef, c'est de continuer à se battre pour ce qu'il croit, c'est à dire le service des Français.
Vous avez eu la gentillesse de penser à un moment où j'étais victime de calomnie etc, sans faire de comparaison, j'ai vu où étaient mes amis ? Je pense que vous devez savoir quels sont vos amis. Est-ce que vous ferez un remaniement du gouvernement ? Est-ce que le président vous la refusé, si vous lui avez demandé ? Ou il vous autorisera à le faire le moment venu ?
Je ne crois pas et c'est l'expérience qui est la mienne, tout au long de ma vie, je ne crois pas à la logique des boucs émissaires. Je ne crois pas qu'il faille dans ces situations là, faire porter à tel et tel un chapeau qu'il ne mérite pas. Un gouvernement, ça traverse des épreuves. Eh bien, ça les surmonte. Il faut surmonter, ce gouvernement il doit être plus fort et mieux à même des répondre aux préoccupations des Français. C'est ce que nous voulons faire, je le redis, sur l'ensemble des sujets qui sont sur notre table.
Vous avez entendu, vous avez lu les journaux etc et vous avez entendu les dirigeants politiques depuis plusieurs jours. Ils réclament une initiative politique de grande envergure de la part du président de la République et le retour devant le peuple. Est-ce que vous croyez ou est-ce que vous voulez des élections anticipées ? Soit, attendez, soit pardon de vous le dire à vous une dissolution autant dire des législatives...
Je suis capable de tout entendre.
Aujourd'hui on a la peau dure. Premièrement des législatives, réponse.
Mais tout part d'un pétard mouillé. A partir d'un pétard mouillé, ce pays, notre pays, notre démocratie, s'affole et s'emballe sur la base de rumeurs. Est-ce qu'il faut à partir de ce moment là monter au sommet de l'Everest pour penser régler tous les problèmes ? Mais vous savez, c'est beaucoup plus simple que cela. Il suffit que chacun fasse son travail et donc que chaque responsable politique réexamine ses déclarations des derniers jours, à l'aune de la vérité des faits, que chacun laisse la justice sereinement faire son travail. Comment peut t-on imaginer dans notre pays que la justice puisse travailler sereinement dans le contexte des déclarations que j'ai vues les unes après les autres d'un certain nombre de responsables politiques qui ne connaissant rien à un dossier, politisent les choses.
C'est pas la première fois, la droite l'a fait, la gauche le fait. Tout le monde perd la boule à un moment donné. Vous dites là, ce matin...
Dans une démocratie moderne, soyons soucieux de responsabilité et soyons soucieux de transparence. Je veux que la vérité soit faite, c'est la responsabilité de la justice. Il appartient aux magistrats de dire cette vérité, de dire le droit et en ce qui concerne les politiques, qu'ils se soucient et soucions nous tous ensemble de l'avenir de notre pays et travaillons au service des Français.
C'est à dire, comme vous dites, à partir d'un pétard mouillé il y aura ni législatives, ni présidentielles anticipées. On tourne la page, c'est clair.
Les échéances auront lieu à l'heure dite parce que le premier défi pour notre démocratie, c'est d'être capable de surmonter des difficultés voire des épreuves en faisant en sorte que la démocratie, les règles de la transparence, les règles de vérité, soient respectées.
La politique c'est cruel mais ça vous le saviez.
Non j'ai jamais pensé que la vérité soit cruelle.
Non pas la vérité, la politique.
Non je n'ai jamais pensé que la politique soit cruelle. Il y a des difficultés, il y a des épreuves. On les surmonte. On les surmonte pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose qui dépasse tout cela, c'est l'idée que l'on se fait de son pays. C'est les valeurs qui vous conduisent à vous engager en politique et les raisons qui font que tous les matins, on se lève au service des Français.
Et est-ce qu'aujourd'hui, vous avez l'impression que vous pouvez affaiblir le chef de l'Etat en restant ou que vous servez de bouclier ?
Non je crois qu'en tant que Premier ministre, en apportant les réponses qui sont celles de notre pays et je vois bien aussi parce que les choses vont mieux, parce que le travail que nous avons fait depuis maintenant près d'un an est un travail qui donne des résultats, eh bien que ce Premier ministre est la cible d'un certain nombre de tirs croisés.
Est-ce que vous êtes favorable à une commission d'enquête sur le fonctionnement ou les disfonctionnements de certains services de l'Etat comme le demandent l'UDF, le PS, la gauche ?
Mais ce sont des très vieilles rengaines. Si il y a des disfonctionnements, on peut nommer toutes les commissions. Mais je vous rappelle que la justice est saisie et qu'il appartient à la justice de faire son travail.
On va prendre trois, quatre questions très concrètes. Demain commence le débat sur le projet de loi immigration choisie, est-ce qu'il est signé Sarkozy ou Villepin-Sarkozy.
Il est signé...
Quel est ou quels sont les pilotes ?
Il est signé du gouvernement tout entier puisque nous avons travaillé ensemble. Bien sûr N. Sarkozy est chef de file et vous vous rappelez que j'avais souhaité quand j'étais ministre de l'Intérieur qu'il y ait une véritable coordination qui puisse se faire sous l'égide du ministre de l'Intérieur. Donc c'est N. Sarkozy qui a préparé en liaison avec les autres ministres et sous l'autorité du Premier ministre, ce rapport qui comporte un certain nombre d'avancées qui sont nécessaires dans notre pays. Nous avons connu un certain nombre d'abus. Nous connaissons un certain nombre d'abus. C'est vrai en matière de regroupement familial, c'est vrai en matière de mariage mixte ou de mariage blanc. C'est vrai en matière de régularisation, système automatique dans notre pays. Nous voulons poser des règles, nous souhaitons qu'elles soient respectées mais nous voulons le faire dans la fidélité, à la tradition française, dans la fidélité à l'humanisme français. C'est à dire qu'à l'exigence de fermeté doit répondre une exigence d'humanité.
C'est ce que vous avez dit aux dignitaires des églises.
J'ai reçu les représentants des églises et c'est ce que je leur ai dit. Il est évident que nous souhaitons dans le cadre de la discussion enrichir le texte dans la mesure où cela est possible, dans la fidélité à l'esprit du texte parce que nous souhaitons que cette exigence d'humanité soit bien respectée.
Autre question, E. Izraelewicz racontait tout à l'heure que vous allez recevoir dans quelques jours le rapport de R. Hadas Lebel sur la représentativité des syndicats. C'est un rapport qui va être enterré ou vous allez le prendre en main avant de partir ?
J'ai reçu au cours des derniers jours un autre rapport important qui est le rapport Chertier sur le dialogue social. Je reçois celui sur la représentativité syndicale. Je n'ai pas l'habitude d'enterrer les rapports et je n'ai pas l'habitude de différer les décisions quand elles sont nécessaires. Donc bien évidemment dans la concertation qui s'est ouverte avec les partenaires sociaux et que nous poursuivons au cours des prochaines semaines, nous aborderons l'ensemble de ces questions et j'aurais à coeur avec eux, de prendre les décisions nécessaires.
Vous recevrez F. Chérèque, B. Thibault etc. Vous renouez avec eux ?
Absolument.
Alors les prix du pétrole et du gaz flambent. Qu'est-ce que vous allez faire pour que les Français paient pas les conséquences de ces hausses apparemment infinies ?
Alors je veux que nous établissions une règle, un principe. C'est à dire qu'à partir d'un certain seuil, à partir de 60 dollars le baril, il est à, autour de 75 dollars aujourd'hui, que l'Etat restitue aux consommateurs l'intégralité des surplus fiscaux. Je ne veux pas qu'il y ait d'ambiguïté dans l'esprit de nos compatriotes. Il n'est pas normal qu'on puisse penser que l'Etat s'enrichit à partir de la hausse du prix du pétrole.
Le président de la République et vous-même D. de Villepin, vous répétez qu'il faut protéger la santé des Français, qu'il faut lutter contre toutes les formes de cancer etc. Formidable, c'est très bien. Mais quand allez vous décider d'interdire le tabac dans tous les lieux publics ?
C'est un dossier grave qui est confié à X. Bertrand. Je lui ai demandé d'évaluer et d'enrichir la concertation à travers un débat. Croyez bien que je n'ai pas à coeur que les, j'ai à coeur que les bonnes décisions soient prises rapidement. En tout état de cause avant la fin de l'année et si possible, ce que je souhaite, avant l'été. Je n'ai aucune envie d'enterrer aucune décision quand il s'agit de la santé publique des Français.
Et il s'agit pas de protéger telle ou telle corporation ou groupe social qui veut pas arrêter ?
Faisons en sorte de prendre en considération la situation des uns et des autres, faisons en sorte d'entendre les uns et les autres. Et je ne doute pas que nous soyons capables tous ensemble de prendre les bonnes décisions. Ces décisions là doivent être prises le plus rapidement possible.
Vous pensez que vous participerez bien à la campagne des présidentielles de 2007 ?
Vous savez je participerais...
Et à quelle place ?
A ma place.
A quel chef ?
De chef de gouvernement. Vous savez nous sommes tous différents. Prenons le gouvernement qui est le mien. Nous avons pas tous les mêmes tempéraments, pas forcément tous, pour tous les sujets, la même sensibilité et puis nous n'avons pas tout les mêmes ambitions. Moi je l'ai dit, mon ambition c'est d'être un chef du gouvernement dans une période difficile dans la vie de notre pays. A un moment de transition sur le plan social et économique qui aura contribué à la modernisation de notre pays. C'est cela l'ambition qui est la mienne.
Donc vous pourriez soutenir l'ambition de N. Sarkozy d'aller au-dessus ? Ailleurs ? A l'Elysée ?
Je souhaite bien évidemment de tout coeur contribuer à la victoire de la majorité et à soutenir celui qui sera choisi comme étant le mieux placé pour gagner ces élections.
On est en train de découvrir qu'un quinquennat, quelquefois c'est long hein ? Non ?
Non, vous savez il faut à chaque étape et chacun à sa place faire face aux difficultés. IL faut le faire avec la sérénité de ceux qui croient en ce qu'ils font et ceux qui ont de vraies raisons de le faire parce qu'ils aiment leur pays.
Il me semble que vous êtes plus détendu qu'au début de l'émission et c'est normal, je dirais moi aussi.
Mais c'est votre sourire.
C'est le vôtre. Mais vous garderez en tête que si presque tout ce qui est dit, presque, est faux ou en partie faux, pourquoi la majorité des Français croient que c'est la vérité ?
Mais vous connaissez le vieil adage, il y a pas de fumée sans feu. Et d'ailleurs le principe de la calomnie, c'est qu'il en reste toujours quelque chose. Et c'est bien pour cela que dans une démocratie, nous avons tous toujours intérêt à préserver l'essentiel. C'est à dire ce qui nous unit, l'esprit même de notre communauté nationale. Et c'est pour cela que dans des temps difficiles où il y a des décisions difficiles à prendre, l'unité, la cohésion de notre pays, le principe de justice doit être au coeur de chaque décision. C'est l'objectif que je me fixe tout au long des prochains mois.
Merci de ce moment D. de Villepin sur Europe 1. Est-ce que je vous recevrais une prochaine fois comme Premier ministre ? A votre avis ?
Je le souhaite en tout cas, fort vivement.
Bonne journée, bon courage.
Merci à vous.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mai 2006