Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
En octobre dernier, jai souhaité constituer un groupe de travail, composé de députés appartenant à tous les groupes politiques, pour aborder ce qui mapparaît comme lun des grands chantiers des prochaines années : lefficacité de la dépense publique. Je les remercie très chaleureusement pour leur participation assidue à nos travaux et pour la qualité de leurs réflexions. Je tiens aussi à remercier vivement les personnalités que nous avons entendues. Elles ont su nous faire partager leurs analyses stimulantes, parfois dérangeantes, et je crois que notre groupe de travail aura su faire son miel de leurs analyses et propositions.
Il faut partir dun constat simple : depuis 30 ans, la dépense publique na cessé daugmenter. Doublement des dépenses de lEtat en francs constants, multiplication par 5 des dépenses locales, multiplication par 8 des dépenses de la sécurité sociale. Or, il nest pas certain cest même linverse ! que largent public soit toujours dépensé au mieux, et cela en dépit des contrôles qui peuvent être exercés par le Parlement, par la Cour des comptes ou par les corps dinspection. Pour ne prendre quun exemple, le directeur de la Caisse nationale dassurance maladie nestimait-il pas récemment quon pourrait économiser 100 milliards de francs sur les dépenses de santé, sans porter atteinte à la qualité des soins ?
Les prélèvements obligatoires ont bien sûr suivi cette ascension des dépenses. Ils atteignent aujourdhui le niveau record de 46 % du PIB, quatre points au-dessus de la moyenne de lUnion européenne. La libre circulation et leuro mettent désormais les Etats en concurrence et les exposent à des risques de délocalisation, des capitaux et des entreprises, et donc à terme un risque de paupérisation.
Face à une dépense publique qui a explosé, les pouvoirs budgétaires du Parlement nont guère évolué, même si, grâce à la révision constitutionnelle de 1996, celui-ci a obtenu un droit de regard sur les finances de la Sécurité sociale, dont les crédits dépassent ceux du budget de lEtat.
Pendant quatre mois, notre groupe de travail a exploré diverses pistes pour essayer de répondre à une question qui apparaît centrale, alors que les ressources publiques sont rares :
Comment dépenser mieux pour prélever moins ? . Cest une question qui préoccupe directement les entreprises, qui procèdent de plus en plus à une évaluation qualité-prix des services que leur offrent les Etats. Cest une question qui intéresse tout autant les citoyens qui ont rarement le sentiment d en avoir pour leur argent , cest-à-dire de bénéficier de services à la mesure des impôts quils paient.
Nous avons, cela va de soi, auditionné aussi des représentants du gouvernement. Celui-ci est bien conscient de lenjeu et il a lui-même, par la bouche de Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter, avancé devant nous des propositions allant dans le sens de nos préoccupations. Nous aurons, évidemment, besoin de lui pour améliorer la situation.
Une première conclusion à laquelle le groupe de travail est arrivé, cest que dépenser mieux suppose que les Assemblées contrôlent réellement dépenses et recettes, ainsi que lefficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais lévaluation et le contrôle au cur de lactivité budgétaire du Parlement. Je ne pense pas que cela viendra de lAdministration elle-même, qui ne peut pas être juge et partie. Le Parlement, lui, dispose de la légitimité pour faire respecter les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de lHomme et du Citoyen : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration .
Dans cet esprit, une première série de mesures que nous proposons dépend exclusivement du Parlement. Elle pourra et devra être mise en uvre, pour ce qui concerne lAssemblée Nationale, dès les prochaines semaines. Ces mesures sinspirent en large partie de lexpérience britannique, où une collaboration étroite entre le National Audit Office et la Chambre des Communes a permis à cette dernière de retrouver un vrai pouvoir de contrôle sur lutilisation des fonds publics. La volonté du Premier Président de la Cour des comptes dappliquer pleinement larticle 47 de la Constitution ne peut que nous inciter à aller dans ce sens.
Une mission dévaluation et de contrôle (MEC) sera donc constituée. Composée de membres de la commission des finances et élargie, en fonction des sujets, aux rapporteurs pour avis des autres commissions, cette mission procédera à des auditions chaque semaine, durant tout le premier semestre. Elle aura pour tâche à la fois de préparer les auditions des responsables politiques et administratifs sur la gestion de leurs crédits et de mener des investigations approfondies sur quatre ou cinq politiques publiques.
Les auditions seront préparées, en liaison étroite avec la Cour des comptes, par des missions de contrôle sur pièces et sur place. Les investigations devront être menées dans un esprit non partisan. Cest ladministration quil sagit de contrôler, beaucoup plus que le gouvernement. Dans ce contexte, la présidence de la mission sera exercée conjointement par le président de la commission des finances et par un membre de lopposition, les travaux de la mission étant animés et coordonnés par le rapporteur général, qui appartient traditionnellement à la majorité. De même, les contrôles sur pièces et sur place seront désormais menés conjointement par un rapporteur spécial appartenant à la majorité et par un rapporteur pour avis appartenant à lopposition, ou inversement. Les auditions de la mission seront publiques et retransmises sur la chaîne de télévision parlementaire.
Nous souhaitons en outre quune séance de questions au gouvernement soit consacrée, chaque mois, à lexamen dune politique publique, durant laquelle le ministre concerné sera, pendant une heure, soumis à des questions ciblées.
La transformation de lintitulé de la Commission des finances en une Commission des finances, de léconomie, de lévaluation et du contrôle traduira, sur le plan réglementaire, lélargissement de ses missions. Ses capacités dexpertise seront renforcées, pour quelle puisse véritablement dialoguer avec le gouvernement. Elle sera, en particulier, dotée dune banque de données budgétaires et financières lui permettant de procéder à ses propres simulations.
Au-delà, ce sont toutes les commissions qui devront être étroitement associées au travail dévaluation et de contrôle, qui doit constituer le préalable à une autorisation budgétaire éclairée.
Une deuxième série de mesures, touchant à lorganisation du débat budgétaire, vise à lui apporter les améliorations indispensables et à redonner leur sens à lautorisation de la dépense publique et au consentement à limpôt.
Nous proposons que le débat budgétaire soit désormais structuré autour de deux temps forts, le premier au printemps, le second à lautomne.
De manière à privilégier la discussion des grandes orientations économiques et financières, le débat dorientations budgétaires devra être préparé en amont par la commission des finances, qui devra pouvoir travailler sur ses propres hypothèses. Le débat portera à la fois sur lexécution du budget précédent, sur les orientations envisagées par le gouvernement pour le prochain budget et sur des projections triennales qui devront être régulièrement actualisées. Il serait en effet anormal que les projections financières désormais soumises chaque année par le Gouvernement à Bruxelles ne soient pas préalablement discutées et, pourquoi pas, approuvées par le Parlement.
Le débat budgétaire devra rechercher une liaison plus forte entre lautorisation des crédits et le bon emploi qui en est fait. Le travail de contrôle et dévaluation réalisé par le Parlement au cours du premier semestre prendra véritablement sa signification si la loi de règlement, qui solde le budget de lannée précédente, est votée avant la loi de finances et si celle-ci tire tous les enseignements des observations faites par le Parlement. De même, nous demandons que lexamen de la loi de finances soit réaménagé pour mieux dégager les grands choix budgétaires et mieux prendre en compte le travail des commissions. Lexamen de chaque budget devrait se dérouler au sein des commissions saisies pour avis, en présence des ministres et de la presse, les travaux étant publiés au Journal Officiel. Quant au débat en séance publique, avec votes, il sera resserré pour permettre aux députés de se prononcer plus clairement sur les grandes orientations de chaque politique publique, sans reproduire les débats qui auront déjà eu lieu en commission.
Notre groupe de travail est arrivé à une seconde conclusion : un renforcement des missions dévaluation et de contrôle exercées par le Parlement peut et doit donner limpulsion nécessaire à des transformations plus profondes dans le fonctionnement de lEtat qui achoppent depuis trop longtemps.
Priorité doit aller, selon nous, à lamélioration de la transparence et de la signification des comptes publics, par une transposition à lEtat de règles qui, le plus souvent, sappliquent déjà à dautres collectivités. Ainsi, par souci daccroître lefficacité de la dépense publique et de réduire les déficits, beaucoup dentre nous souhaitent que soient désormais distinguées dune part les dépenses de fonctionnement et dautre part les dépenses dinvestissement. Même si cette distinction est controversée, le budget de lEtat devrait à terme respecter un strict équilibre des recettes et des dépenses de fonctionnement, comme cest la règle en Allemagne pour le budget fédéral et en France pour les budgets locaux.
Linformation du Parlement devra être notablement améliorée par la présentation dune comptabilité patrimoniale et de comptes consolidés, ainsi que par des projections à moyen terme des principaux postes budgétaires de lEtat. Il appartiendra à la Cour des comptes dexaminer la sincérité des projets de loi de finances et des comptes annexés. Nous demandons que tout projet de réforme fiscale soit désormais assorti dune simulation et, comme Président de lAssemblée, jy veillerai particulièrement.
La préoccupation de lefficacité de la dépense publique devra être davantage présente à tous les stades de la discussion parlementaire. Chaque projet de loi devra être assorti dune étude dimpact, précisant ladéquation entre les objectifs et les moyens à mettre en uvre. Les crédits budgétaires devront, à terme, être présentés et votés par programme et assortis dindicateurs de résultats, précis et chiffrés. Les parlementaires doivent, dans la même logique, pouvoir procéder à des redéploiements de crédits. A quoi sert-il en effet de sapesantir sur 5 % de mesures nouvelles si cest pour adopter, en un seul vote et sans vraie discussion, 95 % de services votés ?
Lautorisation parlementaire devra être non seulement mieux éclairée, mais mieux respectée. Il ne nous paraît pas acceptable que les gouvernements successifs puissent parfois dénaturer le budget que le Parlement vient dadopter, à peine sèche lencre qui a servi à limprimer au Journal Officiel. Les commissions des finances devront donc obtenir une information préalable sur les opérations de régulation budgétaire et nous pensons quau-delà dun certain seuil, le dépôt dune loi de finances rectificative devrait simposer.
Lefficacité de la dépense publique suppose enfin que, au nom même de la responsabilité qui est la leur, davantage de souplesse soit accordée aux gestionnaires publics dans lemploi des crédits, dès lors que le contrôle a posteriori sera mieux assuré. Lidée est apparue convaincante, à cet effet, que soit nommé dans chaque ministère un secrétaire général de ladministration, chargé notamment détablir et de suivre le plan stratégique des services.
Nous sommes conscients que ces réformes, dont je viens de reprendre ici seulement une partie, constituent un changement considérable, une sorte de révolution maîtrisée. Elles nous paraissent nécessaires. Celles des réformes à mettre en uvre immédiatement, et qui dépendent de lAssemblée Nationale, seront appliquées dès la prochaine loi de finances. Les réformes qui sont souhaitées pour le moyen terme et dont certaines nécessitent une modification de lordonnance organique du 2 janvier 1959 - seront préparées par une mission de la Commission des Finances. Il serait bon quelles puissent être mises en uvre, après concertation avec le gouvernement et en liaison avec le Sénat. Elles pourraient alors entrer en application au fur et à mesure de leur adoption - avant le terme normal de la présente législature.
De quoi sagit-il en définitive ? Il sagit de substituer à une logique de dépenses une logique de résultats. Il sagit que lAdministration rompe avec la tradition du toujours plus et quelle soit rendue sans cesse plus attentive à lefficacité de son action. Il sagit que le Parlement joue pleinement son rôle en contrôlant réellement les dépenses publiques (budgétaires et sociales), en discutant du fond des sujets et non de données chiffrées incompréhensibles et souvent faites pour lêtre -, en disposant dune vision complète et non pas tronquée de la sphère publique pour arrêter ses choix et veiller à leur respect. Bref, il sagit de revenir à la source de la légitimité parlementaire, tout en ladaptant aux données de la société moderne. Vaste programme ? Raison de plus pour ne pas tarder.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr)
En octobre dernier, jai souhaité constituer un groupe de travail, composé de députés appartenant à tous les groupes politiques, pour aborder ce qui mapparaît comme lun des grands chantiers des prochaines années : lefficacité de la dépense publique. Je les remercie très chaleureusement pour leur participation assidue à nos travaux et pour la qualité de leurs réflexions. Je tiens aussi à remercier vivement les personnalités que nous avons entendues. Elles ont su nous faire partager leurs analyses stimulantes, parfois dérangeantes, et je crois que notre groupe de travail aura su faire son miel de leurs analyses et propositions.
Il faut partir dun constat simple : depuis 30 ans, la dépense publique na cessé daugmenter. Doublement des dépenses de lEtat en francs constants, multiplication par 5 des dépenses locales, multiplication par 8 des dépenses de la sécurité sociale. Or, il nest pas certain cest même linverse ! que largent public soit toujours dépensé au mieux, et cela en dépit des contrôles qui peuvent être exercés par le Parlement, par la Cour des comptes ou par les corps dinspection. Pour ne prendre quun exemple, le directeur de la Caisse nationale dassurance maladie nestimait-il pas récemment quon pourrait économiser 100 milliards de francs sur les dépenses de santé, sans porter atteinte à la qualité des soins ?
Les prélèvements obligatoires ont bien sûr suivi cette ascension des dépenses. Ils atteignent aujourdhui le niveau record de 46 % du PIB, quatre points au-dessus de la moyenne de lUnion européenne. La libre circulation et leuro mettent désormais les Etats en concurrence et les exposent à des risques de délocalisation, des capitaux et des entreprises, et donc à terme un risque de paupérisation.
Face à une dépense publique qui a explosé, les pouvoirs budgétaires du Parlement nont guère évolué, même si, grâce à la révision constitutionnelle de 1996, celui-ci a obtenu un droit de regard sur les finances de la Sécurité sociale, dont les crédits dépassent ceux du budget de lEtat.
Pendant quatre mois, notre groupe de travail a exploré diverses pistes pour essayer de répondre à une question qui apparaît centrale, alors que les ressources publiques sont rares :
Comment dépenser mieux pour prélever moins ? . Cest une question qui préoccupe directement les entreprises, qui procèdent de plus en plus à une évaluation qualité-prix des services que leur offrent les Etats. Cest une question qui intéresse tout autant les citoyens qui ont rarement le sentiment d en avoir pour leur argent , cest-à-dire de bénéficier de services à la mesure des impôts quils paient.
Nous avons, cela va de soi, auditionné aussi des représentants du gouvernement. Celui-ci est bien conscient de lenjeu et il a lui-même, par la bouche de Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter, avancé devant nous des propositions allant dans le sens de nos préoccupations. Nous aurons, évidemment, besoin de lui pour améliorer la situation.
Une première conclusion à laquelle le groupe de travail est arrivé, cest que dépenser mieux suppose que les Assemblées contrôlent réellement dépenses et recettes, ainsi que lefficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais lévaluation et le contrôle au cur de lactivité budgétaire du Parlement. Je ne pense pas que cela viendra de lAdministration elle-même, qui ne peut pas être juge et partie. Le Parlement, lui, dispose de la légitimité pour faire respecter les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de lHomme et du Citoyen : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration .
Dans cet esprit, une première série de mesures que nous proposons dépend exclusivement du Parlement. Elle pourra et devra être mise en uvre, pour ce qui concerne lAssemblée Nationale, dès les prochaines semaines. Ces mesures sinspirent en large partie de lexpérience britannique, où une collaboration étroite entre le National Audit Office et la Chambre des Communes a permis à cette dernière de retrouver un vrai pouvoir de contrôle sur lutilisation des fonds publics. La volonté du Premier Président de la Cour des comptes dappliquer pleinement larticle 47 de la Constitution ne peut que nous inciter à aller dans ce sens.
Une mission dévaluation et de contrôle (MEC) sera donc constituée. Composée de membres de la commission des finances et élargie, en fonction des sujets, aux rapporteurs pour avis des autres commissions, cette mission procédera à des auditions chaque semaine, durant tout le premier semestre. Elle aura pour tâche à la fois de préparer les auditions des responsables politiques et administratifs sur la gestion de leurs crédits et de mener des investigations approfondies sur quatre ou cinq politiques publiques.
Les auditions seront préparées, en liaison étroite avec la Cour des comptes, par des missions de contrôle sur pièces et sur place. Les investigations devront être menées dans un esprit non partisan. Cest ladministration quil sagit de contrôler, beaucoup plus que le gouvernement. Dans ce contexte, la présidence de la mission sera exercée conjointement par le président de la commission des finances et par un membre de lopposition, les travaux de la mission étant animés et coordonnés par le rapporteur général, qui appartient traditionnellement à la majorité. De même, les contrôles sur pièces et sur place seront désormais menés conjointement par un rapporteur spécial appartenant à la majorité et par un rapporteur pour avis appartenant à lopposition, ou inversement. Les auditions de la mission seront publiques et retransmises sur la chaîne de télévision parlementaire.
Nous souhaitons en outre quune séance de questions au gouvernement soit consacrée, chaque mois, à lexamen dune politique publique, durant laquelle le ministre concerné sera, pendant une heure, soumis à des questions ciblées.
La transformation de lintitulé de la Commission des finances en une Commission des finances, de léconomie, de lévaluation et du contrôle traduira, sur le plan réglementaire, lélargissement de ses missions. Ses capacités dexpertise seront renforcées, pour quelle puisse véritablement dialoguer avec le gouvernement. Elle sera, en particulier, dotée dune banque de données budgétaires et financières lui permettant de procéder à ses propres simulations.
Au-delà, ce sont toutes les commissions qui devront être étroitement associées au travail dévaluation et de contrôle, qui doit constituer le préalable à une autorisation budgétaire éclairée.
Une deuxième série de mesures, touchant à lorganisation du débat budgétaire, vise à lui apporter les améliorations indispensables et à redonner leur sens à lautorisation de la dépense publique et au consentement à limpôt.
Nous proposons que le débat budgétaire soit désormais structuré autour de deux temps forts, le premier au printemps, le second à lautomne.
De manière à privilégier la discussion des grandes orientations économiques et financières, le débat dorientations budgétaires devra être préparé en amont par la commission des finances, qui devra pouvoir travailler sur ses propres hypothèses. Le débat portera à la fois sur lexécution du budget précédent, sur les orientations envisagées par le gouvernement pour le prochain budget et sur des projections triennales qui devront être régulièrement actualisées. Il serait en effet anormal que les projections financières désormais soumises chaque année par le Gouvernement à Bruxelles ne soient pas préalablement discutées et, pourquoi pas, approuvées par le Parlement.
Le débat budgétaire devra rechercher une liaison plus forte entre lautorisation des crédits et le bon emploi qui en est fait. Le travail de contrôle et dévaluation réalisé par le Parlement au cours du premier semestre prendra véritablement sa signification si la loi de règlement, qui solde le budget de lannée précédente, est votée avant la loi de finances et si celle-ci tire tous les enseignements des observations faites par le Parlement. De même, nous demandons que lexamen de la loi de finances soit réaménagé pour mieux dégager les grands choix budgétaires et mieux prendre en compte le travail des commissions. Lexamen de chaque budget devrait se dérouler au sein des commissions saisies pour avis, en présence des ministres et de la presse, les travaux étant publiés au Journal Officiel. Quant au débat en séance publique, avec votes, il sera resserré pour permettre aux députés de se prononcer plus clairement sur les grandes orientations de chaque politique publique, sans reproduire les débats qui auront déjà eu lieu en commission.
Notre groupe de travail est arrivé à une seconde conclusion : un renforcement des missions dévaluation et de contrôle exercées par le Parlement peut et doit donner limpulsion nécessaire à des transformations plus profondes dans le fonctionnement de lEtat qui achoppent depuis trop longtemps.
Priorité doit aller, selon nous, à lamélioration de la transparence et de la signification des comptes publics, par une transposition à lEtat de règles qui, le plus souvent, sappliquent déjà à dautres collectivités. Ainsi, par souci daccroître lefficacité de la dépense publique et de réduire les déficits, beaucoup dentre nous souhaitent que soient désormais distinguées dune part les dépenses de fonctionnement et dautre part les dépenses dinvestissement. Même si cette distinction est controversée, le budget de lEtat devrait à terme respecter un strict équilibre des recettes et des dépenses de fonctionnement, comme cest la règle en Allemagne pour le budget fédéral et en France pour les budgets locaux.
Linformation du Parlement devra être notablement améliorée par la présentation dune comptabilité patrimoniale et de comptes consolidés, ainsi que par des projections à moyen terme des principaux postes budgétaires de lEtat. Il appartiendra à la Cour des comptes dexaminer la sincérité des projets de loi de finances et des comptes annexés. Nous demandons que tout projet de réforme fiscale soit désormais assorti dune simulation et, comme Président de lAssemblée, jy veillerai particulièrement.
La préoccupation de lefficacité de la dépense publique devra être davantage présente à tous les stades de la discussion parlementaire. Chaque projet de loi devra être assorti dune étude dimpact, précisant ladéquation entre les objectifs et les moyens à mettre en uvre. Les crédits budgétaires devront, à terme, être présentés et votés par programme et assortis dindicateurs de résultats, précis et chiffrés. Les parlementaires doivent, dans la même logique, pouvoir procéder à des redéploiements de crédits. A quoi sert-il en effet de sapesantir sur 5 % de mesures nouvelles si cest pour adopter, en un seul vote et sans vraie discussion, 95 % de services votés ?
Lautorisation parlementaire devra être non seulement mieux éclairée, mais mieux respectée. Il ne nous paraît pas acceptable que les gouvernements successifs puissent parfois dénaturer le budget que le Parlement vient dadopter, à peine sèche lencre qui a servi à limprimer au Journal Officiel. Les commissions des finances devront donc obtenir une information préalable sur les opérations de régulation budgétaire et nous pensons quau-delà dun certain seuil, le dépôt dune loi de finances rectificative devrait simposer.
Lefficacité de la dépense publique suppose enfin que, au nom même de la responsabilité qui est la leur, davantage de souplesse soit accordée aux gestionnaires publics dans lemploi des crédits, dès lors que le contrôle a posteriori sera mieux assuré. Lidée est apparue convaincante, à cet effet, que soit nommé dans chaque ministère un secrétaire général de ladministration, chargé notamment détablir et de suivre le plan stratégique des services.
Nous sommes conscients que ces réformes, dont je viens de reprendre ici seulement une partie, constituent un changement considérable, une sorte de révolution maîtrisée. Elles nous paraissent nécessaires. Celles des réformes à mettre en uvre immédiatement, et qui dépendent de lAssemblée Nationale, seront appliquées dès la prochaine loi de finances. Les réformes qui sont souhaitées pour le moyen terme et dont certaines nécessitent une modification de lordonnance organique du 2 janvier 1959 - seront préparées par une mission de la Commission des Finances. Il serait bon quelles puissent être mises en uvre, après concertation avec le gouvernement et en liaison avec le Sénat. Elles pourraient alors entrer en application au fur et à mesure de leur adoption - avant le terme normal de la présente législature.
De quoi sagit-il en définitive ? Il sagit de substituer à une logique de dépenses une logique de résultats. Il sagit que lAdministration rompe avec la tradition du toujours plus et quelle soit rendue sans cesse plus attentive à lefficacité de son action. Il sagit que le Parlement joue pleinement son rôle en contrôlant réellement les dépenses publiques (budgétaires et sociales), en discutant du fond des sujets et non de données chiffrées incompréhensibles et souvent faites pour lêtre -, en disposant dune vision complète et non pas tronquée de la sphère publique pour arrêter ses choix et veiller à leur respect. Bref, il sagit de revenir à la source de la légitimité parlementaire, tout en ladaptant aux données de la société moderne. Vaste programme ? Raison de plus pour ne pas tarder.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr)