Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP, sur sa position dans le gouvernement face à l'affaire Clearstream et sur le projet politique de l'UMP dans la perspective de l'élection présidentielle de 2007, Paris le 13 mai 2006.

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Circonstance : Réunion des cadres UMP sur le thème "Réformer pour construire", à Paris le 13 mai 2006

Texte intégral

Mes chers amis,
Dans un an, le 13 mai 2007, nous saurons si la France a choisi de nous faire confiance ou si elle s'est laissée séduire par nos adversaires. C'est un rendez-vous capital car après deux septennats de François Mitterrand et 5 années de Lionel Jospin, j'ai la conviction que si par malheur la gauche gagnait la France prendrait un retard définitif au regard du monde qui n'est pas décidé à nous attendre. Faire du sur place quand les autres courent à grandes enjambées, voilà qui n'arrangerait pas les affaires de notre pays.
Les échéances arrivent à grands pas. Notre devoir est de les préparer afin de créer les conditions de la victoire. Et c'est plutôt rassurant que nous le fassions. Je n'aime pas cette langue de bois qui consiste à y penser toujours et à n'en parler jamais. Le rendez-vous présidentiel n'est pas un sujet tabou. Au contraire il est le sujet ! Si nous ne nous y préparons pas personne ne le fera à notre place.
Pour s'assurer des conditions de la victoire, notre premier choix doit consister à incarner le camp de l'audace, du changement, du mouvement, pour briser le syndrome du zapping électoral. Depuis vingt cinq ans, les sortants sont à chaque fois sortis. C'est cette règle meurtrière qu'il va falloir contrecarrer. Et pour cela, nous devrons bousculer le passé pour incarner un nouvel espoir. Nous devrons rompre avec notre façon de faire de la politique sans rompre avec ce que nous sommes. Il nous faut incarner l'avenir alors que nous sommes en charge du quotidien. Il nous faut être solidaires du gouvernement sans nous limiter au seul champ de la politique qu'il met en oeuvre. En un mot il nous faut voir plus loin que lui, aller plus vite que lui, proposer plus fort que lui. Il n'y a aucune opposition. Il n'y a aucune concurrence. Lui va jusqu'en 2007, nous nous travaillons pour après 2007.
Tous ici, nous savons que la victoire se jouera davantage sur la qualité de notre projet que sur la seule force de notre bilan.
Notre deuxième choix doit consister à porter haut les valeurs qui sont les nôtres car notre société a besoin de repères politiques. Pendant des décennies, la droite s'est excusée de ne pas être la gauche. J'ai décidé de sortir de cette impasse en la décomplexant. Souvenez-vous de Lionel Jospin qui a commencé sa campagne de 2002 en affirmant que son projet n'était pas socialiste. Eh bien les électeurs socialistes l'ont reçu 5 sur 5... Ils n'ont pas voté pour lui ! Il nous est arrivé la même chose. Et il nous arrivera la même chose si nous faisons les mêmes erreurs. En politique il n'y a pas alternative.. Il faut mettre en oeuvre la politique pour laquelle on a été élu !
Cette erreur du passé doit nous servir de leçon pour l'avenir.
Voilà pourquoi j'ai voulu décomplexer la droite républicaine française. Je l'ai fait car rien dans l'histoire de nos idées ne doit nous faire honte. Nous n'avons pas été les complices des dictateurs, du totalitarisme, du goulag, des nazis, des envahisseurs. Nous avons toujours et partout défendu la démocratie, la liberté, l'égalité entre les hommes. Nous n'avons pas à rougir. Nous n'avons pas à nous excuser. Nous n'avons pas à nous excuser d'être ce que nous sommes ! C'est-à-dire les héritiers de de Gaulle, de Tocqueville, de Jean Monnet de Robert Schuman, de Raymond Aron et de quelques autres qui font honneur à l'humanité.
Je l'ai fait dans notre intérêt afin que vous n'ayez plus à subir la loi du politiquement correct. Je l'ai fait aussi dans l'intérêt de notre démocratie qui a été trop longtemps dominée par les tabous qui protégeaient la gauche et les conformismes qui nourrissaient les extrêmes.
Voyez l'immigration. Par timidité, par manque de courage, par absence de détermination, nous avons trop longtemps cédé à la pensée dominante. Et puisque nous n'en parlions pas Jean-Marie Le Pen s'en est saisi et en a parlé avec des idées qui n'étaient pas les nôtres. Une fois la polémique médiatique surmontée. J'ai été heureux de voir dans un sondage récent que 2/3 des électeurs de gauche étaient d'accord avec mon projet de loi sur l'immigration choisie ! Eh bien je les accueille bien volontiers ces électeurs que la gauche a abandonnés. Et je recommande au Parti socialiste de s'intéresser davantage à ce que vivent ses propres électeurs !
Le troisième choix doit consister à refuser d'être caricaturé. C'est un fait coutumier : la gauche mise moins sur ses idées que sur la stigmatisation de ses adversaires. Hier j'ai décomplexé notre camp, aujourd'hui je ne le laisserai pas se faire caricaturer ou se caricaturer lui-même, car la droite n'est pas condamnée à tomber éternellement dans les mêmes pièges.
Cet objectif m'a conduit à revendiquer, à organiser, à accompagner la sortie de crise du CPE. A tort ou à raison, ce projet était devenu la cible d'une double caricature qui portait en germe de très grands dangers : celle de notre prétendue incapacité à comprendre la jeunesse - or je ne voulais à aucun prix d'un bras de fer inutile entre les jeunes et notre famille politique - et celle de notre supposée inaptitude au dialogue social - or il eût été désastreux de laisser le monopole de l'écoute et de l'ouverture à une gauche qui a fait tout le contraire au moment des 35 heures. Aux côtés du Président de la République, nous avons pris nos responsabilités, et le constat est là : aux yeux des Français, c'est l'UMP qui a dénoué la crise ! Notre mouvement est ainsi sorti de cette épreuve sans que son image ne soit dénaturée.
Souvenez-vous ce qui s'était passé à l'hiver 95-96. C'est tout le RPR qui avait été emporté par les problèmes du gouvernement Juppé sans que ce dernier puisse changer le cours des choses malgré le soutien du parti. J'ai voulu protéger notre famille politique.
Je ne suis pas décidé à laisser à la gauche le monopole de la justice. Je veux faire de l'UMP la grande force politique au service de la lutte contre les inégalités. Mais je veux que nous réfléchissions au sens du mot égalité.
L'égalité républicaine cela ne veut pas dire donner la même chose à chacun. Cela ne signifie pas le même salaire pour tous, la même vie pour chacun, le même destin pour chaque individu. L'égalité républicaine cela signifie que dans notre société le travail doit être récompensé, que l'effort doit être valorisé, que la prise de risque doit être encouragée. Le travail doit "payer" à nouveau. Voici le grand problème de la société française. A quoi bon se donner du mal puisque l'effort de chacun finit par être ignoré de tous ! Je veux tourner le dos à cette logique destructrice. La société française doit devenir celle du mérite républicain, de la promotion sociale, de la réussite accessible à tous.
Cette crise du CPE a été une épreuve pour la majorité. Mais elle a eu un mérite : celui de nous interpeller sur la façon dont nous entendons aborder le grand rendez-vous de 2007. Nous devons débattre et réfléchir sur le sens, sur le rythme et sur la méthode de la réforme.
Je veux vous dire comment je sens la France et comment nous pouvons la convaincre et l'entraîner.
D'abord, je pars d'une conviction maintes fois réaffirmée : celle que les Français ne sont pas las de la politique mais, qu'au contraire, ils en ont soif. Cette soif est exigeante. Elle nous impose de rompre avec nos méthodes habituelles. La politique doit s'incarner dans l'action. L'action pour construire. Je suis convaincu qu'avant d'en chercher les raisons dans la mondialisation, dans les marchés financiers, dans l'Europe, notre paralysie collective, notre impuissance publique sont en nous-mêmes. Trop souvent les majorités successives font, au lendemain des élections, le contraire de ce qu'elles avaient promis la veille, parce qu'elles se sont évertuées à ne pas répondre à la question de savoir ce qu'elles voulaient faire.
Pourquoi, pensent certains, perdre des voix en annonçant des choix clairs, alors qu'on peut donner le sentiment de contenter tout le monde en refusant de trancher entre les points de vue opposés ?
Pourquoi ? Eh bien simplement parce que je sais qu'une campagne fondée sur les ambiguïtés permet parfois d'être élu, mais jamais de gouverner. Or, j'affirme que la grandeur de la politique c'est de gouverner, pas simplement de durer.
Si depuis 25 ans aucune majorité n'a été reconduite, ce n'est pas parce que les Français ne savent pas ce qu'ils veulent, mais parce qu'on leur a imposé des politiques qui avaient peu à voir avec celles sur lesquelles on leur avait demandé de voter.
Si depuis 25 ans les extrêmes progressent ce n'est pas parce que les Français sont plus extrémistes, mais parce qu'ils sont plus nombreux à avoir le sentiment qu'on leur ment.
Si depuis 25 ans la France du refus grandit, ce n'est pas parce que les Français ne veulent pas de la réforme, mais parce que les réformes n'ont cessé de signifier, pour un nombre toujours plus grand, davantage de sacrifices sans aucune contrepartie.
Il faut rompre avec ces attitudes. Il nous faut avoir le courage de l'authenticité, de la sincérité, de l'honnêteté.
La politique d'aujourd'hui ne peut se concevoir sans le débat, sans l'échange, sans la confrontation des idées. Le temps du parti unique, de la pensée unique, de la réflexion unique est révolu. Il doit faire place au niveau national comme à celui de vos départements à une culture de la diversité au service de notre unité. Les Français sont multiples, ils sauront tirer profit et se reconnaître dans notre diversité.
Les problèmes sont complexes. Nos désaccords éventuels loin d'être un handicap seront une force pour trouver le bon chemin. La stratégie à suivre n'a rien d'évidente. L'existence de pensées différentes nous obligera à aller jusqu'au bout de nos logiques pour trouver la bonne.
Les personnalités et les tempéraments dans notre famille sont en nombre. Au lieu de chercher à les éliminer je n'ai qu'une ambition : qu'ils soient le plus nombreux possible pour que vous ayez le choix, et qu'un jour la relève soit prête. J'aurais failli à ma tâche de président de l'UMP si je n'arrivais à promouvoir, à encourager, à faire émerger de nouveaux talents et de nouveaux visages.
Cette force que nous amènera le débat, j'aimerais vous en convaincre. Cette liberté que nous amènera le débat, j'aimerais vous l'offrir. Et c'est parce que nous saurons débattre de tout et avec tous que nous serons unis.
Voici la raison pour laquelle je refuse de polémiquer avec tout membre de notre famille politique qui ne serait pas d'accord avec moi. C'est son droit. C'est son choix. Je le respecte parce qu'il nous enrichit en nous offrant sa différence. C'est la raison pour laquelle je ne pratique pas les rappels à l'ordre : l'UMP est une formation libre. Et parce qu'elle est libre, chacun se sent plus responsable et donc plus respectueux de l'autre. Plus responsable parce que chacun de nous est comptable de l'image de notre formation politique.
Etre responsables, c'est distinguer les intérêts de la France de nos intérêts personnels. C'est réagir avec la force qu'il faut, au moment où il le faut, comme il le faut. N'être ni complaisant, ni provocant. C'est être intransigeant avec ce qui est inacceptable et accommodant avec ce qui est accessoire. Intransigeant c'est avec tout ce qui touche à la moralité publique. Accommodant c'est avec tout ce qui préservera l'unité de la majorité. Voici ma ligne de conduite.
Je connais parfaitement la rudesse du monde politique, mais lorsque cette rudesse ignore la moralité publique, alors c'est l'Etat que l'on abaisse. Je ne commenterai pas. Je n'ai d'ailleurs jamais commenté les différentes étapes de cette lamentable affaire Clearstream. En revanche, je vous dois, comme je dois aux Français, la transparence sur ce que je veux faire. Ma ligne d'action est constante, cohérente, raisonnable. Je veux d'abord la vérité. Comment me suis-je retrouvé titulaire de 2 comptes dans une banque luxembourgeoise dont j'ignorais tout ? Qui a voulu me salir ? Comment ai-je pu avoir à mon nom deux commissions rogatoires internationales signées par le juge Van Ruymbecke ? Je ne fais de procès d'intention à personne. Je ne règle aucun compte politique.
Chacun sait que les accusations qui étaient portées contre moi n'avaient et n'ont aucun sens. Mais au-delà de mon honneur personnel, c'est la dignité de la République qui est désormais en cause, c'est à dire sa capacité à régler cette affaire dans la transparence, la rapidité et la sérénité.
Au nom de cet objectif, je ne dois pas confondre la défense de mon honneur personnel et mes obligations vis à vis de mon pays. Je sais ce que mon coeur me dit de faire mais je sais aussi ce que ma raison m'impose...
Je veux juste la vérité pour que, pour une fois, la République aille jusqu'au bout et soit débarrassée des officines, des comploteurs, des malhonnêtes et autres falsificateurs. Cela servira d'avertissement à ceux qui seraient tentés... et cela montrera que l'UMP fait de la moralité publique une valeur cardinale de son projet et de son comportement. Transiger serait accepter. On n'accepte pas l'inacceptable ! Nous avons trop souffert dans le passé de nos ambiguïtés sur le sujet. Je ne laisserai pas l'UMP s'abîmer dans les mêmes travers !
Je suis par ailleurs bien conscient de mes responsabilités politiques. Je n'ai nullement l'intention de créer les conditions d'une crise politique qui ne profiterait qu'à la gauche. Je continue donc mon travail au gouvernement au service de la sécurité des Français.
J'ai l'intention de conduire jusqu'au bout la discussion du projet sur l'immigration et l'intégration. Je compte bien présenter dès le mois de juin un texte sur la prévention de la délinquance auquel j'attache la plus grande importance.
Je veux que nous en finissions avec l'impunité des mineurs. Un mineur récidiviste de 16 ans doit être puni comme s'il était un majeur. La faiblesse de notre société est une insulte pour les victimes et une faute pour les coupables. La complaisance n'est rien d'autre à mes yeux que de la complicité.
Je veux que l'on en finisse avec l'absentéisme scolaire. Un jeune doit aller à l'école, c'est un devoir. S'il n'y va pas, il faut responsabiliser les familles comme l'école. Dans les cas d'absentéisme habituel, la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales doit être organisée.
Je veux que la souffrance des enfants soit détectée et suivie le plus tôt possible pour ne pas laisser de simples troubles du comportement devenir des terrains propices à l'échec ou à des faits de délinquance dramatiques quelques années plus tard.
Je veux que les délinquants sexuels ne puissent sortir de prison que dans la mesure où ils suivront un traitement médical ou psychiatrique. Je veux qu'ils soient tenus de pointer à vie au commissariat ou à la gendarmerie de leur domicile pour que l'Etat sache où ils résident.
J'ai promis d'améliorer au quotidien la sécurité des Français. Ma tâche n'est pas finie. Je dois la poursuivre. Rien ne me détournera de ma volonté d'obtenir des résultats ! Je les dois aux Français qui souffrent de l'insécurité. Je les dois à la majorité qui m'a donné les moyens de cette politique et qui m'a toujours soutenu.
En définitive, je me dois d'être tout à la fois déterminé et maîtrisé. J'ai choisi de faire totalement confiance à la justice.
Je veux la justice, la vraie justice, et non la revanche politique !
Je ne dis pas qu'aucune réponse politique ne doit être donnée à cette affaire car chaque jour qui passe apporte son lot de nouveaux éléments... Mais je dis que dans un Etat de droit, je dis que lorsque l'on croit dans les vertus de République, la victime ne doit pas se faire justice elle-même au risque de saper le verdict final.
Dans l'attente, je fais sereinement ce que j'ai à faire. Je ne changerai pas de calendrier, de stratégie, d'attitude. On ne sert pas son pays en ajoutant une crise à la crise. On ne sur-réagit pas lorsqu'on a la responsabilité de présider le premier parti politique de France. On ne se laisse pas impressionner lorsque l'on doit incarner l'avenir pour sa famille politique.
Ne vous méprenez pas mes chers amis. Je suis totalement déterminé. Je ne veux être instrumentalisé par personne. Je ne veux être associé à personne. Je veux simplement être un jour celui qui, en votre nom, incarnera la rupture pour construire une nouvelle espérance pour la France.
Voici ce que, à mes yeux, signifie être responsable.
Mais être responsable quand on préside l'UMP, c'est encore bien d'autres choses.
C'est notamment avoir à l'esprit l'obsession du rassemblement le plus large des Français. On ne construit rien en opposant les uns aux autres. On ne bâtit rien sur la détestation, le ressentiment, la haine. On n'incarne rien si on n'est pas déterminé à parler à tous les Français sans exception.
La gauche a des adversaires. Elle oppose les catégories entre elles. Elle cherche à réécrire l'histoire pour culpabiliser notre nation. Elle ne donne de sens à son combat que dans la lutte contre ceux qu'elle exècre. Nous devons être tout autre chose en affirmant notre volonté de faire de l'UMP le parti de la France.
Si la nation n'évoque plus rien, si le drapeau tricolore est vilipendé, si l'idée que la France n'est plus un patrimoine sacré que nous avons le devoir de transmettre à nos enfants, alors la volonté d'agir ensemble n'a plus de sens.
Et c'est le destin de notre pays qui est remis en cause.
L'UMP doit incarner un patriotisme éclairé, généreux, ouvert, confiant.
La France a toujours avancé en se rassemblant. Au fond, elle a toujours avancé en inventant une synthèse : entre l'Ancien Régime et la Révolution, entre la chrétienté et les lumières, entre l'ordre et le mouvement, entre l'égalité et la liberté.
Faire avancer la France, c'est proposer la construction d'une nouvelle synthèse. Synthèse entre le capital et le travail, entre l'Etat et le marché, entre la justice et l'efficacité, entre la protection et la flexibilité, entre la fidélité à soi-même et l'ouverture au monde. Synthèse, finalement, entre l'amour de la France et le respect des autres cultures.
Je crois profondément en la politique. Je crois en la France.
Je ne veux pas faire la politique du plus petit dénominateur commun, mais la politique de la plus grande ambition partagée. Le mot ambition ne m'a jamais fait peur.
Je ne veux pas faire la politique du consensus qui tire vers le bas, mais la politique de la plus grande exigence qui tire vers le haut.
Au fond, la France a besoin de dépassement. Je crois à la promotion pour chacun. J'y crois aussi pour notre pays.
Je ne veux pas construire une France qui cherche à être grande en se drapant dans ses souvenirs du passé, mais en une France qui veut être exemplaire par sa prospérité, son dynamisme, sa créativité, sa cohésion, son souci de la justice, son honnêteté.
Je veux construire une France où la liberté ne se confondra pas avec la loi de la jungle mais où chacun se sentira libre d'aller au bout de lui-même, libre de développer ses talents, libre de réussir. Le mot réussite ne m'a jamais fait peur.
Je veux construire une France où chacun retrouvera l'envie d'entreprendre, de créer, d'inventer. Où la réussite des uns ne sera pas suspecte pour les autres.
Je veux construire une France où chacun se sentira libre de travailler plus pour gagner plus, libre de disposer du fruit de ses efforts, libre de le transmettre à ses enfants, en franchise de droits de succession.
Je veux construire une France où chacun se sentira libre d'aller et de venir, libre de prendre le bus, le métro ou le train en sécurité. Une France où la peur n'aura plus le droit de cité.
Je veux construire une France où chacun se sentira libre de penser, d'écrire, de parler, de prier, car le mot religion n'est pas contraire à l'idée que je me fais de la laïcité. ; une France où chacun se sentira maître de sa vie, de son destin, libre de se faire un avenir meilleur.
Je veux construire une France où la dignité du plus humble sera respectée, où tous les Français seront égaux devant la loi, devant le service public, où l'on ne sera pas un citoyen de deuxième zone parce qu'on habite un village ou un quartier périphérique.
Je veux construire une France où chacun pourra faire valoir ses mérites, où personne ne sera pénalisé à cause de sa couleur de peau, de ses croyances ou du statut de ses parents.
Je veux construire une France où l'égalité ne se confondra pas avec l'égalitarisme, l'égalité des droits et des devoirs et l'égalité des chances ne seront plus des mensonges, des perspectives scandées de façon rituelle, toujours promises, jamais tenues.
Je veux construire une France fraternelle où les parents n'auront pas peur de leurs enfants, où les professeurs ne craindront pas leurs élèves, où les jeunes ne redouteront pas le monde des adultes, une France où plus personne ne fuira la différence, où les ouvriers ne vivront plus dans la hantise que les pauvres du Tiers Monde leur prennent leur travail, où les plus âgés ne seront pas mis à l'écart parce que notre société n'a pas encore inventé les moyens d'accueillir et d'accepter la grande vieillesse
Je veux construire une République assez confiante en elle-même pour accepter la diversité, la décentralisation, l'indépendance de la Justice, l'ouverture au monde, l'Europe, la concurrence, et, par-dessus tout l'avenir.
Je veux construire une démocratie où la compétition sera loyale, honnête, transparente, passionnante. Et où les Français auront de nouveau envie de voter parce qu'ils croiront dans ce que leur disent les responsables politiques.
Au service de cette grande ambition, l'UMP doit être le parti de tous les Français. Que chaque Français, d'où qu'il vienne et quel qu'il soit, le sache : nous avons quelque chose à lui dire. Nous voulons l'écouter, le comprendre, lui parler. La France qui s'entasse dans le métro à 18 heures, la France qui se lève tôt pour rejoindre l'usine ou le bureau, la France des fonctionnaires qui aiment leur métier, la France des parents qui se serrent la ceinture pour leurs enfants, la France des campagnes qui ne veut pas renoncer à son avenir, la France des cités qui rêve de réussite sociale, la France qui a du mal à finir les fins de mois, bref la France qui est à la peine et qui mérite sa réussite, c'est la France que nous voulons représenter, incarner, entraîner.
L'électeur du Front National que nous avons perdu en chemin parce que sa souffrance n'a pas été entendue, comme l'électeur du parti communiste qui ne sait plus à quel idéal se vouer, n'appartient à personne ! Rien ni personne ne pourra m'interdire d'aller lui parler et le convaincre de nous rejoindre !
Oui, je le revendique. Je cherche à susciter un élan populaire au service de nos idées.
Etre populaire, c'est parler aux Français à qui on ne parlait plus parce que ce qu'ils disaient ne correspondaient pas aux critères de certaines élites ! La quête d'autorité, la sécurité, l'immigration, la crainte d'une Europe sans frontières, la perte de pouvoir d'achat, tous ces sujets, j'estime de notre devoir de les aborder de front et non de biais.
Etre populaire, c'est parler aux classes moyennes et c'est agir pour elles. La vérité, c'est qu'elles ont été sacrifiées sur l'autel d'un modèle social que l'on n'a pas eu le courage de réformer. La France n'ayant plus les moyens de sa politique, on a demandé toujours plus à ceux qui ne sont ni assez riches pour gagner à la bourse, ni assez pauvres pour toucher des prestations.
Etre populaire, c'est parler aux ouvriers et aux employés en arrêtant de leur raconter des histoires. C'est aussi, pour ce qui nous concerne, comprendre que la notion de flexibilité économique ne peut être acceptée en l'absence de certaines contreparties sociales. Le progrès que nous voulons, nous le construirons en valorisant le travail et non en le bradant aux enchères d'un capitalisme qui serait sans règles et sans éthique.
Etre populaire, c'est parler aux immigrés et à leurs enfants qui sont Français. Français par la volonté de s'intégrer et non par la naissance. Ils ont été trop longtemps vilipendés par les extrémistes et instrumentalisés par les socialistes.
Notre projet doit s'adresser à tous. C'est en cela qu'il est populaire.
Mes amis, reste à poser la question :
Peut-on rassembler les Français autour d'un principe aussi audacieux que celui de la réforme ? Les analystes ont tendance à répondre "non". La France - disent-ils - est irrémédiablement conservatrice.
Je suis aux antipodes de ce constat qui ne correspond en rien à ce que je connais de la France.
La vérité, c'est qu'à force de ne pas dire ce qu'on veut parce qu'en réalité on ne veut pas grand chose, parce qu'on n'est pas capable d'imaginer l'avenir, parce qu'on ne comprend plus le monde dans lequel on vit et parce qu'on n'a plus rien à proposer, parce qu'on n'a plus d'idée neuve et parce qu'au fond on a renoncé à changer les choses, à force, on a confondu la fin et les moyens, la réforme et le but de la réforme.
On a voulu imposer trop souvent la réforme pour la réforme, la réforme comme sacrifice. Il ne faut pas s'étonner qu'une politique sacrificielle suscite des résistances de plus en plus fortes quand les sacrifices paraissent toujours consentis en pure perte et qu'ils ne semblent pas équitablement répartis.
La réforme, pour être acceptée, doit porter en elle la promesse d'un avenir meilleur. Si la politique est la promesse de lendemains qui chantent sans aucun effort, il ne faut pas s'étonner qu'elle engendre fatalement la déception et la colère. Mais si la seule promesse de la politique est que demain sera plus dur qu'hier et que les enfants vivront moins bien que leurs parents, il ne faut pas s'étonner non plus que la politique ne suscite pas l'adhésion.
Si les Français comprennent la nécessité et la finalité de la réforme celle-ci devient possible. Je pense bien sûr à la réforme des retraites ou au changement du statut d'EDF.
Quand les Français ne comprennent ni la nécessité ni la finalité de la réforme celle-ci devient impossible. Je pense au CPE ou à la Constitution européenne.
Ce n'est pas seulement un problème de communication.
Il n'y a pas de politique réussie qui ne tienne compte des réalités. Des réalités de l'économie mondiale bien sûr, mais aussi des réalités nationales. La France a une histoire, une culture, des valeurs, des traditions avec lesquelles toute politique de réforme doit forcément composer. La France n'est pas une page blanche.
Il s'agit pour nous de prendre l'histoire de France là où elle en est et de la continuer, non de la récuser. Il s'agit pour nous de construire une France nouvelle sur des fondations multiséculaires non de faire comme si notre vieux pays était une table rase. On ne peut ignorer ni le long combat de la république pour instaurer la laïcité et une conception universaliste de l'homme, ni l'effort millénaire de l'Etat pour construire l'unité française, ni la longue et douloureuse histoire des luttes menées pour conquérir des acquis sociaux.
On ne peut pas promouvoir aujourd'hui la laïcité de la même façon que du temps de l'anticléricalisme militant et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. On ne peut pas défendre l'idée de la République de la même manière qu'au XIXe siècle. On ne pas concevoir le droit du travail comme au temps de la révolution industrielle. Pas plus qu'on ne peut au début du 21e siècle continuer de fonder le critère de la représentativité syndicale sur l'attitude patriotique durant la 2e guerre mondiale.
Et puis il y a la grande question de la justice. La réforme n'a de sens que si elle est juste et perçue comme telle. La difficulté, c'est que ici aussi la pensée unique a fait des ravages. N'est pas forcément juste ce qu'on présente comme tel. N'est pas forcément injuste ce qui est désigné comme tel.
Est ce juste de gagner le SMIC à la sueur de son front et à l'arrivée avoir le même pouvoir d'achat que celui qui vit des allocations !
Juste ? que le fonctionnaire qui se démène plus que ses collègues soit traité à la même enseigne que ceux-ci !
Juste ? que le bénéficiaire d'un minimum social n'exerce pas, en contrepartie, une activité utile à la collectivité !
Juste ? que le responsable d'une PME doive constamment se justifier de faire quelques profits, alors qu'il se bat, sans filet de sécurité, pour son entreprise et ses équipes !
Juste ? qu'un grand patron soit récompensé avec tous les égards de ses actionnaires quand il a échoué et conduit aux licenciements et à la délocalisation !
Juste ? d'arriver au terme de sa vie en ne pouvant léguer son héritage à ses enfants sans être soumis à des droits de donation et de succession confiscatoires !
Juste ? que l'élève d'une ZEP qui excelle dans ses études ne puisse pas s'inscrire au lycée Henry IV de Paris, parce que la carte scolaire le lui interdit !
Juste ? que celui qui prend le métro pour rejoindre son bureau soit pris en otage par ceux qui on décidé de faire grève !
Juste ? que l'adolescent qui travaille tout un été pour s'acheter son scooter gagne en un mois ce que le dealer gagne en une journée !
Juste ? que l'étranger en situation régulière soit traité sur le même plan que le clandestin auquel on délivrait automatiquement des papiers au bout de dix ans !
Juste ? de considérer la France comme responsable de tous les crimes de l'histoire, et de faire porter le poids des erreurs du passé sur les générations à venir !
Voilà ce que je crois injuste.
Je crois aussi qu'il ne faudra pas se contenter de grandes réformes aussi nécessaires soient-elles, mais proposer aux Français des mesures concrètes qui changeront leur quotidien.
Ainsi, je veux que l'on pense aux femmes qui ont tant de mal à concilier vie familiale et vie professionnelle et qui s'inquiètent de savoir leurs enfants seuls à partir de 16 heures à la sortie du collège ou du lycée.
Je propose que l'on donne la possibilité à toutes les familles de reprendre leurs enfants, sur la base du volontariat, à 18 heures avec les devoirs faits, sur place, dans l'établissement scolaire. Que l'on ne dise pas que cela coûte cher. Car cela coûtera infiniment moins que les ravages de la loi de la rue pour les orphelins de 16 heures.
Je veux que la présence d'un enfant handicapé dans une école soit considérée comme une chance pour tous et non comme une charge. Dans les pays scandinaves, 95 % des enfants handicapés sont accueillis dans le milieu scolaire. En France, 50 % des enfants ne sont pas scolarisés dans le système ordinaire, contrairement à ce que prévoit la loi. Pire encore, entre 15 et 20 000 enfants handicapés ne vont tout simplement pas à l'école. Cette situation est proprement inacceptable.
Je veux qu'un service public garanti soit véritablement assuré en cas de grève. Ce n'est pas aux usagers de s'adapter aux manifestions du service public, c'est au service public de s'adapter aux usagers ! Je souhaite, par ailleurs, lorsqu'il y a une grève dans une entreprise publique ou privée, ou dans une université, qu'au bout de 8 jours les responsables soient tenus d'organiser un vote à bulletin secret pour savoir si la majorité veut ou non continuer le mouvement. La dictature des minorités agissantes n'est plus acceptable.
Mes amis,
Notre élan réformiste supposera un rythme et une méthode.
Ce rythme devra être soutenu. Il faudra enclencher rapidement le mouvement des réformes afin que les Français sachent que notre mandat ne sera pas segmenté et dilué. Ce mouvement doit être global car tout se tient. La revalorisation du travail, la réorganisation du marché de l'emploi, l'activation des dépenses de solidarité, le pouvoir d'achat, la formation, aucun de ces dossiers n'est séparable de l'autre. Pour installer un climat de confiance et d'audace, il faut que les Français perçoivent la cohérence de notre ambition.
Quant à la méthode, elle devra être équilibrée par deux objectifs.
Le premier concerne la façon de gouverner notre pays. L'instauration du quinquennat modifie la pratique de nos institutions. Pour être éclairés et entraînés, les Français ont besoin de savoir que celui qu'ils ont élu est au coeur de l'action quotidienne et au coeur des responsabilités. Je suis pour une présidence engagée parce que le pays a besoin de savoir qui décide, pourquoi et comment !
Mais je suis aussi pour un Parlement qui puisse enfin jouer son rôle et qui soit en mesure de prendre des initiatives, qui ait les moyens de contrôler l'action du Gouvernement. Qui ne soit plus un passage obligé mais qui soit le lieu du débat qui manque tant à l'équilibre de notre République.
Le second objectif doit être de faire évoluer le dialogue social. Je ne considère pas les syndicats comme des adversaires. Ils ont un rôle singulier à jouer, un rôle d'interprète de la base et de partenaire de la décision. Avec eux, j'entends que nous fassions un pari sur l'avenir : celui d'un syndicalisme moins conflictuel, plus concret, plus influent.
Je propose qu'une loi organique astreigne le gouvernement à demander aux partenaires sociaux s'ils souhaitent négocier avant toute intervention d'un texte en matière de droit du travail. Il est temps de mieux définir ce qui relève de la loi et ce qui relève du contrat, comme il est également temps d'élargir le cadre des arrangements qui peuvent être discutés au niveau de l'entreprise.
Je propose aussi d'instaurer davantage de démocratie dans les élections professionnelles. Je n'ai jamais compris le maintien de la règle dépassée qui donne le monopole de la présentation des candidats au premier tour des élections aux cinq grandes centrales syndicales issues de la guerre. Rendons à chacun le droit de se présenter librement. Si l'on veut que la démocratie sociale fonctionne, il faut qu'elle soit vraiment une démocratie !
Enfin, parce que les relations entre l'UMP et les acteurs sociaux doivent être transparentes et constructives, je prendrai une initiative originale destinée à préparer l'avenir : les priorités de notre projet feront l'objet, avant les échéances électorales, d'une présentation et d'une discussion avec les partenaires sociaux. Avec eux, je veux que nous jouions cartes sur table !
Mes chers amis,
Voilà ce que nous voulons
Voilà ce que nous ferons
Voilà ce que nous construirons.
En politique, disait Clémenceau, il faut d'abord savoir ce que l'on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut enfin l'énergie de le faire.
Rien n'a changé en fait !
Mes amis,
La France que j'aime n'est pas seulement dans les livres d'histoire.
La France que j'aime écrit son histoire maintenant ! Source http://www.u-m-p.org, le 15 mai 2006