Texte intégral
Q- Nous allons revenir sur ce que la presse appelle ce matin le coup d'éclat de S. Royal. S. Royal dont on disait qu'on attendait ses idées, ses propositions et elle en fait quelques unes qui font beaucoup de bruit. J'ai envie de vous demander tout suite pourquoi vous placez-vous sur le terrain de N. Sarkozy ?
R- Je ne me place pas sur le terrain de N. Sarkozy, je me place sur le terrain des gens qui souffrent. Etre socialiste, c'est d'abord répondre aux problèmes des gens qui souffrent. Où sont les deux principales souffrances aujourd'hui ? C'est le chômage et la précarité, et c'est la question de l'insécurité et des violences. Et d'ailleurs, souvent, les deux sont liés, car lorsque des parents sont en situation de précarité, n'ont pas un salaire régulier, n'ont pas un travail régulier, ils ont du mal à assumer leurs responsabilités de parents, et les enfants n'ont pas envie de travailler à l'école puisqu'ils voient que l'effort scolaire, même quand les grands frères ou les grandes soeurs ont passé le baccalauréat et sont au chômage, ils ont un doute sur le sens de l'effort scolaire. Donc, tout se tient : c'est la sécurité au travail qui apporte aussi la sécurité dans famille et qui apporte la sécurité dans le comportement à l'école.
Q- Mais les mesures que vous avez préconisées, est-ce que ce n'est pas une façon, quand même de copier, si ce n'est N. Sarkozy, du moins la droite ? Et est-ce qu'il n'y a pas un moment où l'on se dit qu'après tout, la droite fera toujours mieux que la gauche en matière de sécurité ?
R- Au contraire. Je pense que c'est par rapport à un constat de faillite de la politique de N. Sarkozy que la gauche fait des propositions nouvelles. Qu'est-ce qu'il y a dans le projet socialiste ? Il y a l'égalité devant la sécurité et il y a l'accès à l'emploi. Et donc, il faut trouver des mesures nouvelles en restant fidèles à nos valeurs. Pourquoi y a-t-il une faillite aujourd'hui de N. Sarkozy, du ministre de l'Intérieur ? D'abord, parce que es chiffres sont là : cette année, il y a eu 45.000 voitures brûlées, c'est-à-dire le double de l'année précédente. En quatre ans, il y a 20 % d'augmentation des agressions contre les personnes. Deuxième faillite : c'est la situation dans les cités, où l'on sait que la situation est extrêmement tendue. Hier, en rencontrant les maires de ces villes, je peux vous dire que leur inquiétude est extrêmement forte. Et enfin, parce que l'on n'a pas la république du respect que j'appelle de mes voeux. Il y a une politique de mépris qui cherche à enfoncer les jeunes, certains, même, pensent - parmi les élus ou les habitants des quartiers - que cette situation serait entretenue parce qu'elle pourrait être utile au cours d'une campagne électorale, si, en effet, les émeutes reprenaient dans les banlieues. Donc, rien n'est traité. La politique des socialistes, c'est faire en sorte que chaque institution fonctionne là où elle est, au bon moment. Si la famille fonctionne bien, si l'école fonctionne bien, si l'emploi fonctionne bien, alors, nous réussirons à tarir ce qui, aujourd'hui, alimente la délinquance de masse.
Q- Vous parlez de "république du respect", que vous appelez de vos voeux, je prends quelques unes des mesures que vous préconisez : la mise sous tutelle des allocations, les stages-école des parents, mettre des tuteurs de collégiens aux côtés des enseignants, et même avoir recours à l'armée. Quand on donne ce panel de mesures, on se dit, est-ce que c'est cela ? Est-ce que cela correspond avec cet idéal de république du respect ?
R- Ce qui est important, c'est la cohérence. La cohérence, elle est là, sur des choses que je connais bien, parce que je m'en occupe depuis des années.
Q- Il faut reconnaître que les internats relais que vous avez mis en avant, vous les aviez déjà mis en place en 1997...
R- Donc j'ai pu observer leur efficacité.
Q- A l'enseignement scolaire, il est vrai que sur ce chapitre, on doit vous reconnaître une incontestable constance !
R- Voilà, c'est-à-dire que les choses doivent être conduites avec fermeté mais avec justice. Faire en sorte que les choses fonctionnent, et si cela ne fonctionne pas, prendre des mesures. Faire en sorte que la famille fonctionne, je l'ai dit, et si cela ne fonctionne pas, on met sous tutelle les allocations familiales, ce qui est le contraire de ce que fait la droite aujourd'hui.
Q- En quoi est-ce différent ?
R- La droite, aujourd'hui, a suspendu les allocations familiales, c'est-à-dire les supprime pour les familles. La mise sous tutelle, qui existe d'ailleurs depuis des années - je pense que chacun de ceux qui prennent aujourd'hui la parole doit d'abord s'informer avant de déformer les choses. La mise sous tutelle consiste à faire en sorte que les dépenses continuent à se faire pour la famille mais avec une personne qui suit ses dépenses et qui décide. Et lorsque la famille a repris ses marques, qu'il s'agisse d'ailleurs souvent de femmes seules, et la question de l'insécurité, c'est souvent une question de femmes, car quand on est seule face à un, deux, ou même plusieurs adolescents, on est en grande difficulté. D'où l'idée des stages, des réseaux de parents, c'est-à-dire des parents qui se regroupent et qui sont épaulés par un travailleur social pour faire en sorte d'assumer leurs responsabilités. Donc, ça, c'est une mesure respectueuse des familles, mais qui cherche à les réinstaller dans leur position d'autorité parentale.
Q- L'internat-relais, la mise sous tutelle des allocations, les stages pour l'école des parents, tout ça on prévoit...
R- L'internat relais, qu'est-ce qui est préférable ? Moi je les ai vus les enseignants dans les collèges qui sont en grande difficulté. Lorsque quelques enfants arrivent à perturber une classe, qu'est-ce qui est mieux pour ces enfants ? Vous savez, j'ai vu des enseignants me dire en classe de 4ème, me donner les noms des enfants qui finiraient en prison à partir de la classe de 4ème si rien n'était fait. Est-ce que les socialistes peuvent accepter que des destins d'enfants se nouent dès la classe de 4ème et qu'on sache pertinemment que ces enfants vont finir délinquants ? Non ! Je pense qu'être socialiste c'est refuser cette fatalité.
Q- Les internats relais, c'est quoi ? On les met dans un appartement ?
R- On les sort du collège parce qu'ils perturbent le collège et on les recadre dans des structures éducatives, dans un appartement de proximité parce qu'il ne faut pas disqualifier les parents. Donc les parents peuvent continuer à être associés aux encadrants qui vont reprendre ces enfants ; les lever à l'heure le matin, leur redonner des règles de vie en commun, leur faire faire leurs devoirs, faire en sorte qu'ils fassent du sport, des activités culturelles. Que font les parents qui ont des moyens et qui ont des enfants en difficulté ? Il les mettent où ? Dans des internats privés très coûteux. Pourquoi les enfants issus des familles populaires n'auraient pas le droit d'avoir, au bon moment, un système qui les raccroche à la réussite scolaire ? Etre socialiste ce n'est pas accepter la fatalité de l'échec scolaire pour les familles les plus destructurées.
Q- Mais le recours à l'armée - ça va un peu fort, mais tout de même - l'idée d'avoir un encadrement militaire pour les plus de 16 ans qui s'engagent dans la délinquance, avouez qu'il y a de quoi être un peu désarçonné.
R- Je reconnais que le mot "militaire" a pu surprendre. Mais de quoi s'agit-il ? Lorsqu'il y a une catastrophe humanitaire dans le monde, qui va sur les champs des catastrophes humanitaires ? Les militaires, les pompiers, les gendarmes, les associations humanitaires, c'est-à-dire des professions effectivement sous uniforme, parce qu'elles ont des compétences et que c'est une armée citoyenne. L'idée, qu'elle est-elle ? Est-ce qu'il est préférable pour un jeune qui vient de commettre son premier acte de délinquance d'être en prison, dans cette école du crime d'où l'on ressort plus délinquant que lorsque l'on est rentré ?
Q- Des expériences existent déjà Outre-Mer...
R- Mais même en France, il y a déjà une expérience. Il y a quelques milliers de jeunes qui aujourd'hui bénéficient déjà de ce système. Il ne s'agit pas des délinquants et mais des récidivistes...
Q- Ils sont volontaires...
R- Ils sont volontaires, c'est-à-dire ils ont le choix entre la prison ou refaire un chantier humanitaire, réapprendre un métier. Etre ré-encadré en association, pourquoi pas, avec d'autres types d'encadrants, de professionnels. Mais l'encadrement militaire ce n'est pas un encadrement d'un service militaire où l'on apprend à tirer ou à conduire un char, encore que ça peut intéresser des jeunes d'accéder... Cela peut amuser les garçons. Mais il s'agit de redonner un certain nombre de repères dans le respect des jeunes, dans l'affection des jeunes, dans la volonté de les remettre dans le droit chemin au bon moment, avant qu'ils ne basculent dans la délinquance la plus dure. C'est la même cohérence, c'est-à-dire tarir le flux de production de la délinquance de masse que nous avons aujourd'hui. Et c'est ça le résultat de la politique Sarkozy, c'est qu'on est dans ce système. Faut-il fermer les yeux ou faut-il trouver des solutions respectueuses, préventives, fermes, quand c'est nécessaire, mais qui s'appuient sur la conviction qu'aucun enfant n'est fichu d'avance, qu'aucun enfant n'est perdu...
Q- Pourquoi avez-vous cette conviction-là ? C'est vrai que vous avez toujours eu une sensibilité très particulière à ces questions, j'allais dire d'éducation, de famille, d'encadrement des enfants... Pourquoi ? Parce que vous êtes une mère de famille, à cause de votre parcours à la Famille ou à l'Education nationale ?
R- Mais parce que j'écoute les gens, je regarde où sont les souffrances, je regarde où sont les dysfonctionnements de la société, je regarde là où les socialistes ne peuvent pas se satisfaire de la situation actuelle. Parce que je suis socialiste et que je considère qu'il y a une autre façon de faire que celle que fait la droite, qui consiste à dresser les gens les uns contre les autres. La droite se dit, à un moment "quand il va y avoir de la violence, ça va nous profiter", puisque par définition elle pense qu'elle traite mieux ces problèmes. Je dis que la droite fait faillite, qu'elle ne traite pas bien ces problèmes, que la situation est extrêmement dangereuse, qu'elle va déraper et donc qu'il y a d'autres façons de faire : c'est la République du respect...
Q- Et de la fermeté quand même...
R- Et de la fermeté. D'ailleurs ce mot est le plus répandu dans les chansons de rap. Je voudrais dire aussi aux jeunes des quartiers qu'il est intolérable qu'un ministre de l'intérieur fasse toujours l'amalgame entre la délinquance et les quartiers. Dans la région que je préside, j'ai 14 quartiers en zone urbaine sensible. Donc je les vois, les élus voient ces jeunes dynamiques, volontaires, pleins d'énergie, plein d'initiatives. Aujourd'hui, nous les encourageons dans la région à créer leur propre activité, leur propre entreprise et je puis vous dire qu'ils ont des talents exceptionnels. Tous les enfants sont nos enfants et moi je veux faire pour les enfants de ce pays ce que ferais pour mes propres enfants....
Q- Vous êtes leur mère de famille...
R- Je n'irais pas jusque là mais je pense qu'une femme peut peut-être, justement, mieux régler ces problèmes, parce qu'elle n'a pas peur de la fermeté, et qu'elle est capable de dire : "je suis ferme avec toi, j'ai de l'autorité avec toi parce que je t'aime et que je considère que tu as la possibilité en toi de réussir". Et si tous les enfants entendent ça, alors ils sentiront qu'ils font partie de ce pays et qu'on va leur trouver des solutions pour reconstruire l'estime d'eux-mêmes et donc respecter les autres.
Q- Vous savez que vous vous placez en porte-à-faux vis-à-vis du Parti socialiste, du projet socialiste en prenant des positions comme ça très personnelles, avant même que le projet existe. Cela vous est égal ?
R- Pas du tout. Dans le projet socialiste, il y a l'égalité devant la sécurité, et l'égalité devant la sécurité c'est d'abord de s'occuper de ceux qui en souffrent le plus et d'être efficace et respectueux.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2006
R- Je ne me place pas sur le terrain de N. Sarkozy, je me place sur le terrain des gens qui souffrent. Etre socialiste, c'est d'abord répondre aux problèmes des gens qui souffrent. Où sont les deux principales souffrances aujourd'hui ? C'est le chômage et la précarité, et c'est la question de l'insécurité et des violences. Et d'ailleurs, souvent, les deux sont liés, car lorsque des parents sont en situation de précarité, n'ont pas un salaire régulier, n'ont pas un travail régulier, ils ont du mal à assumer leurs responsabilités de parents, et les enfants n'ont pas envie de travailler à l'école puisqu'ils voient que l'effort scolaire, même quand les grands frères ou les grandes soeurs ont passé le baccalauréat et sont au chômage, ils ont un doute sur le sens de l'effort scolaire. Donc, tout se tient : c'est la sécurité au travail qui apporte aussi la sécurité dans famille et qui apporte la sécurité dans le comportement à l'école.
Q- Mais les mesures que vous avez préconisées, est-ce que ce n'est pas une façon, quand même de copier, si ce n'est N. Sarkozy, du moins la droite ? Et est-ce qu'il n'y a pas un moment où l'on se dit qu'après tout, la droite fera toujours mieux que la gauche en matière de sécurité ?
R- Au contraire. Je pense que c'est par rapport à un constat de faillite de la politique de N. Sarkozy que la gauche fait des propositions nouvelles. Qu'est-ce qu'il y a dans le projet socialiste ? Il y a l'égalité devant la sécurité et il y a l'accès à l'emploi. Et donc, il faut trouver des mesures nouvelles en restant fidèles à nos valeurs. Pourquoi y a-t-il une faillite aujourd'hui de N. Sarkozy, du ministre de l'Intérieur ? D'abord, parce que es chiffres sont là : cette année, il y a eu 45.000 voitures brûlées, c'est-à-dire le double de l'année précédente. En quatre ans, il y a 20 % d'augmentation des agressions contre les personnes. Deuxième faillite : c'est la situation dans les cités, où l'on sait que la situation est extrêmement tendue. Hier, en rencontrant les maires de ces villes, je peux vous dire que leur inquiétude est extrêmement forte. Et enfin, parce que l'on n'a pas la république du respect que j'appelle de mes voeux. Il y a une politique de mépris qui cherche à enfoncer les jeunes, certains, même, pensent - parmi les élus ou les habitants des quartiers - que cette situation serait entretenue parce qu'elle pourrait être utile au cours d'une campagne électorale, si, en effet, les émeutes reprenaient dans les banlieues. Donc, rien n'est traité. La politique des socialistes, c'est faire en sorte que chaque institution fonctionne là où elle est, au bon moment. Si la famille fonctionne bien, si l'école fonctionne bien, si l'emploi fonctionne bien, alors, nous réussirons à tarir ce qui, aujourd'hui, alimente la délinquance de masse.
Q- Vous parlez de "république du respect", que vous appelez de vos voeux, je prends quelques unes des mesures que vous préconisez : la mise sous tutelle des allocations, les stages-école des parents, mettre des tuteurs de collégiens aux côtés des enseignants, et même avoir recours à l'armée. Quand on donne ce panel de mesures, on se dit, est-ce que c'est cela ? Est-ce que cela correspond avec cet idéal de république du respect ?
R- Ce qui est important, c'est la cohérence. La cohérence, elle est là, sur des choses que je connais bien, parce que je m'en occupe depuis des années.
Q- Il faut reconnaître que les internats relais que vous avez mis en avant, vous les aviez déjà mis en place en 1997...
R- Donc j'ai pu observer leur efficacité.
Q- A l'enseignement scolaire, il est vrai que sur ce chapitre, on doit vous reconnaître une incontestable constance !
R- Voilà, c'est-à-dire que les choses doivent être conduites avec fermeté mais avec justice. Faire en sorte que les choses fonctionnent, et si cela ne fonctionne pas, prendre des mesures. Faire en sorte que la famille fonctionne, je l'ai dit, et si cela ne fonctionne pas, on met sous tutelle les allocations familiales, ce qui est le contraire de ce que fait la droite aujourd'hui.
Q- En quoi est-ce différent ?
R- La droite, aujourd'hui, a suspendu les allocations familiales, c'est-à-dire les supprime pour les familles. La mise sous tutelle, qui existe d'ailleurs depuis des années - je pense que chacun de ceux qui prennent aujourd'hui la parole doit d'abord s'informer avant de déformer les choses. La mise sous tutelle consiste à faire en sorte que les dépenses continuent à se faire pour la famille mais avec une personne qui suit ses dépenses et qui décide. Et lorsque la famille a repris ses marques, qu'il s'agisse d'ailleurs souvent de femmes seules, et la question de l'insécurité, c'est souvent une question de femmes, car quand on est seule face à un, deux, ou même plusieurs adolescents, on est en grande difficulté. D'où l'idée des stages, des réseaux de parents, c'est-à-dire des parents qui se regroupent et qui sont épaulés par un travailleur social pour faire en sorte d'assumer leurs responsabilités. Donc, ça, c'est une mesure respectueuse des familles, mais qui cherche à les réinstaller dans leur position d'autorité parentale.
Q- L'internat-relais, la mise sous tutelle des allocations, les stages pour l'école des parents, tout ça on prévoit...
R- L'internat relais, qu'est-ce qui est préférable ? Moi je les ai vus les enseignants dans les collèges qui sont en grande difficulté. Lorsque quelques enfants arrivent à perturber une classe, qu'est-ce qui est mieux pour ces enfants ? Vous savez, j'ai vu des enseignants me dire en classe de 4ème, me donner les noms des enfants qui finiraient en prison à partir de la classe de 4ème si rien n'était fait. Est-ce que les socialistes peuvent accepter que des destins d'enfants se nouent dès la classe de 4ème et qu'on sache pertinemment que ces enfants vont finir délinquants ? Non ! Je pense qu'être socialiste c'est refuser cette fatalité.
Q- Les internats relais, c'est quoi ? On les met dans un appartement ?
R- On les sort du collège parce qu'ils perturbent le collège et on les recadre dans des structures éducatives, dans un appartement de proximité parce qu'il ne faut pas disqualifier les parents. Donc les parents peuvent continuer à être associés aux encadrants qui vont reprendre ces enfants ; les lever à l'heure le matin, leur redonner des règles de vie en commun, leur faire faire leurs devoirs, faire en sorte qu'ils fassent du sport, des activités culturelles. Que font les parents qui ont des moyens et qui ont des enfants en difficulté ? Il les mettent où ? Dans des internats privés très coûteux. Pourquoi les enfants issus des familles populaires n'auraient pas le droit d'avoir, au bon moment, un système qui les raccroche à la réussite scolaire ? Etre socialiste ce n'est pas accepter la fatalité de l'échec scolaire pour les familles les plus destructurées.
Q- Mais le recours à l'armée - ça va un peu fort, mais tout de même - l'idée d'avoir un encadrement militaire pour les plus de 16 ans qui s'engagent dans la délinquance, avouez qu'il y a de quoi être un peu désarçonné.
R- Je reconnais que le mot "militaire" a pu surprendre. Mais de quoi s'agit-il ? Lorsqu'il y a une catastrophe humanitaire dans le monde, qui va sur les champs des catastrophes humanitaires ? Les militaires, les pompiers, les gendarmes, les associations humanitaires, c'est-à-dire des professions effectivement sous uniforme, parce qu'elles ont des compétences et que c'est une armée citoyenne. L'idée, qu'elle est-elle ? Est-ce qu'il est préférable pour un jeune qui vient de commettre son premier acte de délinquance d'être en prison, dans cette école du crime d'où l'on ressort plus délinquant que lorsque l'on est rentré ?
Q- Des expériences existent déjà Outre-Mer...
R- Mais même en France, il y a déjà une expérience. Il y a quelques milliers de jeunes qui aujourd'hui bénéficient déjà de ce système. Il ne s'agit pas des délinquants et mais des récidivistes...
Q- Ils sont volontaires...
R- Ils sont volontaires, c'est-à-dire ils ont le choix entre la prison ou refaire un chantier humanitaire, réapprendre un métier. Etre ré-encadré en association, pourquoi pas, avec d'autres types d'encadrants, de professionnels. Mais l'encadrement militaire ce n'est pas un encadrement d'un service militaire où l'on apprend à tirer ou à conduire un char, encore que ça peut intéresser des jeunes d'accéder... Cela peut amuser les garçons. Mais il s'agit de redonner un certain nombre de repères dans le respect des jeunes, dans l'affection des jeunes, dans la volonté de les remettre dans le droit chemin au bon moment, avant qu'ils ne basculent dans la délinquance la plus dure. C'est la même cohérence, c'est-à-dire tarir le flux de production de la délinquance de masse que nous avons aujourd'hui. Et c'est ça le résultat de la politique Sarkozy, c'est qu'on est dans ce système. Faut-il fermer les yeux ou faut-il trouver des solutions respectueuses, préventives, fermes, quand c'est nécessaire, mais qui s'appuient sur la conviction qu'aucun enfant n'est fichu d'avance, qu'aucun enfant n'est perdu...
Q- Pourquoi avez-vous cette conviction-là ? C'est vrai que vous avez toujours eu une sensibilité très particulière à ces questions, j'allais dire d'éducation, de famille, d'encadrement des enfants... Pourquoi ? Parce que vous êtes une mère de famille, à cause de votre parcours à la Famille ou à l'Education nationale ?
R- Mais parce que j'écoute les gens, je regarde où sont les souffrances, je regarde où sont les dysfonctionnements de la société, je regarde là où les socialistes ne peuvent pas se satisfaire de la situation actuelle. Parce que je suis socialiste et que je considère qu'il y a une autre façon de faire que celle que fait la droite, qui consiste à dresser les gens les uns contre les autres. La droite se dit, à un moment "quand il va y avoir de la violence, ça va nous profiter", puisque par définition elle pense qu'elle traite mieux ces problèmes. Je dis que la droite fait faillite, qu'elle ne traite pas bien ces problèmes, que la situation est extrêmement dangereuse, qu'elle va déraper et donc qu'il y a d'autres façons de faire : c'est la République du respect...
Q- Et de la fermeté quand même...
R- Et de la fermeté. D'ailleurs ce mot est le plus répandu dans les chansons de rap. Je voudrais dire aussi aux jeunes des quartiers qu'il est intolérable qu'un ministre de l'intérieur fasse toujours l'amalgame entre la délinquance et les quartiers. Dans la région que je préside, j'ai 14 quartiers en zone urbaine sensible. Donc je les vois, les élus voient ces jeunes dynamiques, volontaires, pleins d'énergie, plein d'initiatives. Aujourd'hui, nous les encourageons dans la région à créer leur propre activité, leur propre entreprise et je puis vous dire qu'ils ont des talents exceptionnels. Tous les enfants sont nos enfants et moi je veux faire pour les enfants de ce pays ce que ferais pour mes propres enfants....
Q- Vous êtes leur mère de famille...
R- Je n'irais pas jusque là mais je pense qu'une femme peut peut-être, justement, mieux régler ces problèmes, parce qu'elle n'a pas peur de la fermeté, et qu'elle est capable de dire : "je suis ferme avec toi, j'ai de l'autorité avec toi parce que je t'aime et que je considère que tu as la possibilité en toi de réussir". Et si tous les enfants entendent ça, alors ils sentiront qu'ils font partie de ce pays et qu'on va leur trouver des solutions pour reconstruire l'estime d'eux-mêmes et donc respecter les autres.
Q- Vous savez que vous vous placez en porte-à-faux vis-à-vis du Parti socialiste, du projet socialiste en prenant des positions comme ça très personnelles, avant même que le projet existe. Cela vous est égal ?
R- Pas du tout. Dans le projet socialiste, il y a l'égalité devant la sécurité, et l'égalité devant la sécurité c'est d'abord de s'occuper de ceux qui en souffrent le plus et d'être efficace et respectueux.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2006